Le programme Start-Up Chile
Par Maximiliano Santa Cruz S., directeur national de l’Institut national de la propriété industrielle, Eduardo Bitrán C., directeur général adjoint, et Inti Núñez U., responsable de la division de l’entreprenariat, CORFO, Chili
Déterminé à faire du Chili une plaque tournante de l’innovation en Amérique du Sud, le Gouvernement chilien a lancé en 2010 le programme Start-Up Chile. Ce projet ambitieux, une première mondiale dans le domaine des politiques d’innovation, a suscité un très grand intérêt au niveau international. L’objectif premier du programme (élargi par la suite) était d’attirer au Chili de jeunes et talentueux entrepreneurs du monde entier pour stimuler le développement local de nouvelles entreprises à forte croissance, avec pour finalité d’améliorer les perspectives de croissance économique du pays à long terme.
Inauguré sous la direction de l’agence de développement économique chilienne, la CORFO (Corporación de Fomento de la Producción de Chile), ce programme novateur destiné à accélérer la création d’entreprises en est aujourd’hui à sa quatrième édition et fait l’objet d’un réaménagement en vue d’accroître son incidence sur l’économie chilienne et de renforcer l’entreprenariat et l’innovation au niveau national.
Le programme pilote prévoyait que les candidats sélectionnés bénéficieraient d’un capital d’amorçage de 40 000 dollars des États-Unis d’Amérique, d’un visa de travail et de locaux mis à leur disposition pour démarrer leur activité. En contrepartie, ils étaient uniquement tenus de travailler au Chili pendant six mois, le temps de créer leur entreprise (sans pour autant avoir l’obligation de lancer leur activité à l’intérieur du pays), et de participer à des campagnes de sensibilisation sur l’innovation et l’entreprenariat auprès d’étudiants et d’entreprises locales. Le projet rencontra un succès fulgurant. Plus de 5000 candidatures furent déposées et des concours furent organisés trois fois par an pour sélectionner les meilleurs candidats, avec 240 projets retenus par édition.
Pour être admissibles, les candidats pouvaient soit présenter un concept à un stade précoce de développement mais sans prototype, soit soumettre un projet d’entreprise de moins de deux ans. Le caractère évolutif du modèle d’entreprise proposé constituait néanmoins l’un des principaux critères de sélection.
Pour favoriser le développement de jeunes pousses chiliennes, le programme initialement prévu à l’intention de candidats étrangers a été ouvert à des entrepreneurs chiliens. Ainsi, lors du dernier appel à candidatures, 35% des candidats étaient chiliens, et 30% d’entre eux ont été retenus pour participer au programme. Parallèlement, la priorité du programme n’est plus de favoriser la création d’entreprises à forte croissance d’une valeur de plusieurs milliards de dollars mais, de manière plus générale, de développer une culture de l’innovation et d’encourager l’esprit d’entreprise dans tout le pays. C’est ainsi qu’en l’espace de quatre ans à peine, Start-Up Chile s’est imposé comme l’un des incubateurs d’entreprises publics les plus respectés d’Amérique latine.
Les premiers résultats
Outre le fait d’avoir attiré au Chili de jeunes entrepreneurs de talent, le programme a entraîné la mise en place d’un dispositif à la fois fiable, transparent et efficace permettant de relier les entreprises récemment créées dans le pays à des pôles d’innovation et d’entreprenariat de renommée mondiale.
Parallèlement, sur la scène internationale, le Chili est désormais reconnu comme un pays prêt à élaborer une politique en matière d’innovation et d’entreprenariat résolument tournée vers l’avenir. Grâce au programme Start-Up Chile, le Chili est considéré comme une terre d’opportunités pour les entrepreneurs et de nombreux autres pays le prennent pour modèle.
Selon une étude de 2013 sur les bénéficiaires du programme Start-Up Chile de 2010 à 2012, 83% des entrepreneurs chiliens ont démarré une activité au Chili, contre à peine 10% à l’étranger. En revanche, il ressort de l’étude que la majorité des entreprises dirigées par des étrangers (59% du total) déploient des activités en dehors du Chili (seuls 24% des bénéficiaires étrangers du programme ont entamé des activités dans le pays), ce qui laisse entendre que de nombreux jeunes entrepreneurs étrangers ont vu dans le programme l’occasion d’obtenir un capital de démarrage sans avoir à céder de parts à des tiers. Ces chiffres semblent aussi indiquer que ces jeunes pousses ont réussi à intégrer les réseaux et les marchés appropriés et à tirer parti d’autres opportunités pour se procurer de nouveaux fonds propres plus facilement accessibles en dehors du Chili.
Région d’origine des entrepreneurs | Entrepreneurs ayant entamé une activité au Chili | Entrepreneurs ayant entamé une activité en dehors du Chili | Entrepreneurs n’ayant pas donné de réponse | Total | Pourcentage des entreprises ayant entamé une activité au Chili |
---|---|---|---|---|---|
Chili | 71 | 9 | 6 | 86 | 83% |
Autres pays | 78 | 190 | 53 | 321 | 24% |
Amérique du Sud | 20 | 38 | 8 | 66 | 30% |
Amérique du Nord | 28 | 66 | 26 | 120 | 23% |
Europe | 18 | 48 | 12 | 78 | 23% |
Autres (Océanie, Asie, Afrique) | 10 | 34 | 4 | 48 | 21% |
No indication of origin | 2 | 4 | 3 | 9 | 22% |
Total | 149 | 199 | 59 | 407 | 37% |
Dotation en capital, emploi et chiffre d’affaires
Au fil du projet, les faiblesses du secteur chilien du capital-risque sont apparues au grand jour. Les entreprises créées au Chili levèrent à peine 26 millions de dollars des États-Unis d’Amérique de fonds propres, contre 72 millions pour celles ayant démarré des activités à l’étranger, soit près de deux fois plus. Cependant, si l’on se penche sur le montant moyen des capitaux mobilisés par entreprise, l’étude montre que, comparé aux entreprises actives à l’extérieur du pays, un plus grand nombre de jeunes pousses implantées au Chili ont réussi à lever des fonds.
Ainsi, sur les 149 entreprises basées au Chili, 96 ont levé en moyenne 270 000 dollars, tandis que sur les 199 entreprises basées à l’étranger, à peine 86 ont réussi à obtenir de nouveaux financements (de 840 000 dollars en moyenne). Plusieurs des jeunes pousses en quête de fonds à l’étranger ont pu bénéficier de capital-investissement, tandis que leurs homologues basées au Chili dépendaient de financements publics ou autres. Seules une poignée de ces dernières ont eu accès à du capital-risque.
En termes de création d’emplois, un très grand nombre de jeunes entreprises implantées au Chili comptait en moyenne six salariés. Toutefois, plusieurs des jeunes pousses actives à l’étranger conservaient également des employés dans le pays (2,9 personnes en moyenne) dans le cadre d’activités de programmation et de soutien, tirant ainsi parti d’écarts de coûts salariaux.
Sur les 149 jeunes entreprises basées au Chili, 96 (soit 65% d’entre elles) affichaient un chiffre d’affaires annuel moyen de 119 000 dollars, même si 49% d’entre elles avaient des clients à l’étranger. L’évolution du chiffre d’affaires des entreprises en fonction du lieu où elles sont implantées constituera dans le futur un sujet d’étude intéressant.
L’omniprésence des technologies de l’information et des communications
Bien que le programme Start-Up Chile n’ait privilégié aucun secteur d’activité en particulier, plus de 80% des projets ayant bénéficié d’un financement avaient trait aux technologies de l’information et des communications (TIC). Cette situation peut peut-être s’expliquer par la procédure de candidature en ligne, par les ressources mises à disposition au titre du programme ou par la façon dont il a été présenté.
La viabilité du programme remise en cause
Malgré d’excellents résultats, certains ont remis en cause la viabilité du programme à long terme. Mesuré à l’aune d’autres projets semblables précédemment mis en œuvre, il semblerait que Start-Up Chile n’ait pas produit tous les effets escomptés sur l’économie chilienne. À titre d’exemple, seuls 37% des participants au programme sur la période 2010-2012 ont créé leur entreprise au Chili, contre 94% des projets financés au titre du Programme de capital d’amorçage mis en place par la CORFO (selon une étude portant sur la période 2008-2012), lequel offre jusqu’à 120 000 dollars de capital de démarrage à de jeunes entreprises rigoureusement sélectionnées.
Ces données, bien qu’incomplètes, laissent également entendre que le taux de survie des entreprises est deux fois plus élevé dans le cadre du Programme de capital d’amorçage de la CORFO que dans celui du projet Start-Up Chile. Cependant, une fois prises en compte toutes les différences entre les deux programmes (ainsi que le montant plus élevé des subventions et des frais administratifs liés au programme de la CORFO), il n’est pas du tout certain que le Programme de capital d’amorçage ait une incidence (en termes de création d’emplois, d’investissements et de création de société) nettement supérieure à celle du projet Start-Up Chile.
Chose intéressante, on constate qu’au titre du Programme de capital d’amorçage, seuls 16% des bénéficiaires de subventions relevaient du secteur des TIC, contre près de 54% dans le cadre du programme Start-Up Chile. À l’heure de l’économie numérique, les indicateurs traditionnels ne parviennent pas à rendre pleinement compte de l’effet positif du projet Start-Up Chile, notamment de sa capacité à favoriser la création de liens à l’échelle mondiale dans les domaines de l’innovation et de l’entreprenariat. Ils négligent ainsi le fait que les participants au programme Start-Up Chile adhèrent à un réseau mondial d’entrepreneurs tournés vers l’avenir et bénéficient d’un accès simple et rapide à de très précieuses ressources, par exemple des mentors ou des investisseurs, ce qui est source de formidables opportunités de croissance pour ces esprits novateurs.
Catalyser l’innovation au Chili
L’arrivée d’entrepreneurs étrangers de talent connectés à de solides réseaux permet également de catalyser l’innovation et l’esprit d’entreprise à l’intérieur du Chili. Lorsque ces créateurs d’entreprise étrangers dialoguent avec leurs homologues chiliens, même sur de courtes durées, ils contribuent au renforcement des pratiques d’entreprise, des compétences en gestion des affaires ou des connaissances en création et commercialisation de produits.
Effet du programme Start-Up Chile sur les compétences entrepreneuriales des participants chiliens
Un récent changement de gouvernement a néanmoins incité à revoir la place occupée par le programme dans le plan de croissance économique du pays. Maintenant qu’il est bien établi et qu’il jouit d’une renommée internationale, la question se pose de savoir comment l’améliorer pour appuyer les objectifs de développement du Chili.
Start-Up Chile II
Le réaménagement du programme vise à ce que les investissements consentis, la notoriété acquise et le talent des entrepreneurs réunis au sein de Start-Up Chile aient un effet tangible sur la croissance économique nationale. Pour ce faire, il s’agira de promouvoir et d’accélérer la création et l’expansion des entreprises de façon à accroître les chiffres d’affaires, les revenus et la création d’emplois au Chili. Une attention particulière sera accordée à l’amélioration de l’accès au financement et au renforcement de la sensibilisation à la propriété intellectuelle de sorte que les jeunes entreprises aient plus de facilités pour étendre leurs activités au Chili.
Auparavant, à l’issue des six mois obligatoires au Chili, de nombreuses jeunes pousses dirigées par des étrangers retournaient dans leur pays d’origine. Aux termes des nouvelles dispositions, le financement octroyé sera structuré de manière plus rigoureuse et visera à encourager les nouvelles entreprises à poursuivre leurs activités au Chili. Outre le capital d’amorçage de 40 000 dollars, qui sera désormais versé en deux temps pour maintenir la motivation des participants, les entreprises affichant un fort potentiel de croissance pourront également solliciter une subvention non remboursable de 120 000 dollars. Par la suite, les entreprises qui lèveront des fonds au Chili pourront obtenir jusqu’à 50% de leurs fonds propres au titre d’un Fonds d’investissement initial qui devrait voir le jour fin 2014.
Le réaménagement du programme Start-Up Chile, 2014
Intégrer les participants à des réseaux industriels plus élaborés et plus complexes pour qu’ils apprennent concrètement à relever les défis de l’industrie sera également une priorité du programme remanié.
La propriété intellectuelle au cœur du nouveau programme
La CORFO et l’Institut national de la propriété industrielle (INAPI) travaillent main dans la main pour que les candidats au programme Start-Up Chile et ceux qui en bénéficient sachent comment tirer parti d’actifs de propriété intellectuelle pour donner de la valeur à leur entreprise. Ils entendent ainsi leur proposer des programmes de formation sur la propriété intellectuelle portant sur tous les aspects du système de la propriété intellectuelle, des marques aux brevets ou aux modèles d’utilité en passant par les secrets d’affaires et le droit d’auteur.
Des ateliers pratiques consacrés, par exemple, aux avantages liés à l’utilisation de bases de données publiques (comme le portail PATENTSCOPE de l’OMPI) pour améliorer le développement et la qualité d’un produit, à la rédaction de demandes de brevet et à l’octroi de licences de propriété intellectuelle, ou encore aux différents outils d’évaluation en matière de propriété intellectuelle (comme ceux mis à disposition sur la plate-forme INAPI-Proyecta) seront également offerts à l’appui d’une gestion efficace des actifs de propriété intellectuelle.
Le but est de faire en sorte que tous les participants sachent comment procéder pour protéger leurs précieux actifs de propriété intellectuelle grâce au système de propriété intellectuelle et soient en mesure d’élaborer une solide stratégie d’entreprise qui leur permettra de créer, protéger et transférer leurs actifs de propriété intellectuelle aussi bien au Chili qu’à l’étranger.
Inciter les jeunes créateurs d’entreprise chiliens à s’associer à d’autres pour créer des coentreprises en Amérique latine et au-delà, cerner les défis à relever au niveau mondial pour attirer des entrepreneurs vers différentes régions du pays et créer des passerelles entre les jeunes pousses et l’industrie et, enfin, encourager les jeunes talents chiliens formés à l’étranger à revenir au pays feront partie des autres domaines d’action prioritaires du programme.
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.