Le thé de Cornouailles, un breuvage de marque
Par Dan Anthony, journaliste indépendant
Tregothnan, fief de la famille du vicomte de Falmouth, au sud-ouest de l’Angleterre, surplombe l’embouchure du Fal et se cache dans les profondeurs des bois de Cornouailles quelque part entre Truro et Falmouth. Nous sommes au cœur d’un paysage immuable. Le lien qui unit cette terre au vicomte actuel remonte au milieu du XIVe siècle. Ici, le temps semble s’être arrêté.
Le domaine de Tregothnan présente néanmoins une caractéristique hors du commun : ses jardins. Aux XVIIIe et XIXe siècles, des plantes de tout l’empire, alors en pleine expansion, furent ramenées en Grande-Bretagne et des techniques de culture durent être mises au point derrière les clôtures des jardins et à l’intérieur des serres des maisons de campagne de l’ensemble du pays. Les jardins de Tregothnan, exposés au sud et bénéficiant de températures plus clémentes sous le soleil de la Cornouailles, allaient prospérer et devenir célèbres tout en se transformant en un haut lieu d’innovation horticole.
Une invention née de la nécessité
Dans les années 90, confronté à la nécessité d’entretenir l’arboretum et les jardins extraordinaires de Tregothnan, le jardinier en chef, Jonathon Jones, aujourd’hui directeur général des affaires commerciales de Tregothnan, eut une idée qui allait non seulement bouleverser le destin d’Evelyn Arthur Boscawen, héritière du domaine, mais aussi modifier notre façon de voir la boisson la plus emblématique du Royaume-Uni : le thé.
“Nous savions que nous devions trouver une idée originale pour réussir à entretenir et à faire prospérer les quelque 40 hectares de jardins botaniques de Tregothnan”, explique M. Jones. “La solution la plus classique aurait consisté à ouvrir les jardins au public et accueillir le plus grand nombre de visiteurs possible, mais cela leur aurait fait perdre tout leur cachet. Nous avons donc opté pour une solution du cru.”
Une poignée de théiers (Camellia sinensis) étaient déjà cultivés à l’intérieur du domaine et M. Jones poussa plus loin son idée : était-il possible de créer dans la vallée du Fal, avec son microclimat sec, chaud et à l’abri des gelées, la seule plantation commerciale de thé du Royaume-Uni? Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir et, tout bon jardinier qui se respecte aimant faire des expériences, le risque fut pris. Il fut récompensé.
“Les premiers théiers furent plantés en 1998”, raconte M. Jones. “En 2005, date d’enregistrement de la première marque communautaire de Tregothnan, les arbustes étaient arrivés à maturité et nous commençâmes à récolter, commercialiser et vendre du thé de Tregothnan. Aujourd’hui, nous plantons pas moins de 6000 théiers par an.”
L’image de marque de Tregothnan
“Le développement de notre image de marque a répondu à la nécessité impérieuse de préserver le caractère unique de nos jardins”, explique M. Jones. “L’année dernière, nous avons produit 10 tonnes de thé pour une valeur supérieure à 2 millions de livres sterling. Le domaine compte plus de 70 employés et nous avons désormais entrepris d’élargir nos horizons.”
On associe généralement les exportations de la Grande-Bretagne vers la Chine, un pays en plein essor économique, aux produits technologiques, aux matières premières ou aux services financiers ou informatiques. Or Jonathon Jones et son équipe ont réussi l’exploit d’ajouter le thé à cette liste. Le thé de Cornouailles est également très prisé en Inde. En août 2014, le haut-commissaire de l’Inde a assisté à une cérémonie organisée à Tregothnan au cours de laquelle il a planté un théier. Le domaine de Tregothnan fournit en thé anglais des supermarchés et des services de restauration de tout le Royaume-Uni, avec pour unique argument de vente qu’il est cultivé localement, au fond d’un jardin secret. L’intérêt envers ce thé de qualité est étayé par une marque et une histoire auxquelles les amateurs de thé ne peuvent que succomber. Et le retour en force de Tregothnan ne s’arrête pas au seul thé : le domaine propose également des fleurs, du miel et d’autres produits destinés au marché britannique mais aussi à l’international.
Un filon à creuser
Selon les estimations de M. Jones, les ventes de thé de Tregothnan pourraient être multipliées par 10. Ce succès s’accompagne néanmoins d’un nouveau défi, plus grand encore, à relever. Face à la “caféisation” croissante de la société, M. Jones est convaincu que l’avenir dépendra d’un repositionnement en termes d’image de marque et d’une refonte intégrale du concept de la consommation de thé, dans le but d’enflammer l’imagination du grand public. C’est dans cette optique qu’il met en avant le thé anglais, façon Tregothnan, un concept novateur, inédit et au potentiel pratiquement illimité.
Les ventes de thé
Le Royaume-Uni consomme pas moins de 165 millions de tasses de thé par jour. Pour les producteurs de thé de Tregothnan, le défi est évident : le thé est un produit qui doit évoluer avec son temps. Les jeunes consommateurs sont de plus en plus nombreux à trouver que “boire du thé, c’est cool”, et M. Jones est bien résolu à accentuer le phénomène. Son esprit pionnier conjugué à sa longue expérience dans le domaine de l’horticulture et à ses ambitions concernant l’évolution de la consommation de thé sont les principaux vecteurs de la réussite de ce nouveau breuvage originaire de Tregothnan.
“Je crois que nous n’avons jamais été aussi optimistes. Notre potentiel d’exportation est extrêmement élevé”, affirme M. Jones. “Le thé de Cornouailles est un trésor liquide à découvrir. Nous sommes fiers d’être les seuls producteurs à réellement cultiver du thé au Royaume-Uni. L’une des grandes institutions nationales a enfin trouvé sa place sur le sol britannique.”
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