L’obtention de droits de propriété intellectuelle : une nécessité, comme le montre le verdict dans l’affaire Beastie Boys
Linda J. Zirkelbach, Avocate chez Venable LLP, Washington D.C. (États-Unis d’Amérique)
Diffuser une publicité, un film ou une publication sans avoir préalablement obtenu auprès de leur propriétaire les droits de propriété intellectuelle y afférents peut avoir de graves conséquences sur le plan financier. Un jury du tribunal de première instance des États-Unis d’Amérique du district sud de New York vient ainsi d’accorder 1,7 million de dollars É.-U. de dommages-intérêts aux Beastie Boys et à des demandeurs apparentés au terme de poursuites intentées à l’encontre de Monster Energy pour avoir utilisé des morceaux des Beastie Boys et avoir fait référence au groupe de musique sans autorisation.
Contexte
Une vidéo promotionnelle a été diffusée sur le site Web de la marque de boisson énergisante Monster Energy. Sa bande sonore comprenait des extraits de cinq chansons des Beastie Boys et le court-métrage incluait d’autres références au groupe. Le remix des titres des Beastie Boys utilisé dans la vidéo provenait d’un DJ connu sous le nom de “Z-Trip” qui avait conclu un accord en 2011 avec le groupe de musique pour créer le remix et l’utiliser comme produit publicitaire gratuit. Z-Trip n’avait pas le droit de vendre ou de concéder sous licence son remix. Il ne pouvait pas non plus autoriser un tiers à l’utiliser.
En 2012, Monster Energy avait utilisé le remix de Z-Trip dans sa vidéo de promotion et un employé de la société avait envoyé la vidéo au DJ pour lui demander son avis. Ce dernier avait répondu “génial”; Monster Energy prétendit par la suite qu’elle avait déduit de cette réponse que Z-Trip lui avait accordé les droits nécessaires pour utiliser le remix dans sa vidéo. Or la société n’avait jamais obtenu l’autorisation des titulaires des droits rattachés aux compositions musicales et aux enregistrements concernés.
Le jury estima que Monster Energy s’était rendue coupable d’atteinte délibérée au droit d’auteur et de fausses allégations au titre du Lanham Act (la loi américaine sur les marques) et la condamna à verser des dommages-intérêts d’un montant de 1,7 million de dollars É.-U. Le tribunal fédéral de New York a récemment refusé à Monster Energy toute requête en annulation de verdict, tout nouveau procès et toute demande de réduction du montant des dommages-intérêts.
L’atteinte au droit d’auteur
Dans son avis argumenté et son ordonnance de refus concernant tout dépôt de requêtes à l’issue du procès, le tribunal a fait un certain nombre de constatations relatives à l’atteinte au droit d’auteur dont s’était rendue coupable Monster Energy. Il a ainsi estimé que le jury disposait de suffisamment de preuves indirectes permettant d’établir que la société avait sciemment ignoré la possibilité que la vidéo ait porté atteinte aux droits d’auteur des Beastie Boys pour conclure qu’il s’agissait d’une atteinte “délibérée” et, par conséquent, la condamner à verser des dommages-intérêts plus importants au titre de la loi sur le droit d’auteur.
En rendant cette décision, le tribunal a jugé que l’employé de Monster Energy chargé du dossier avait de l’expérience en matière de gestion de droits puisqu’il avait par le passé obtenu auprès d’autres artistes l’autorisation d’exploiter leur musique dans le cadre de vidéos similaires, si bien que tout jury de bonne foi pouvait en déduire qu’il avait connaissance de son obligation légale d’obtenir l’accord des Beastie Boys et qu’il en avait délibérément fait fi. Le tribunal a précisé que si l’employé en question avait demandé au DJ Z-Trip l’autorisation d’utiliser le remix pour réaliser la vidéo, c’est qu’il était probablement au courant de la nécessité d’obtenir une forme ou une autre de consentement.
Le tribunal a estimé que le comportement du second employé de Monster Energy, le directeur du marketing interactif, lequel n’avait pas vérifié si les droits nécessaires avaient bien été obtenus avant de diffuser la vidéo, témoignait lui aussi d’un mépris total de la législation de la part de la société. Le tribunal a souligné que le directeur en question connaissait bien les procédures d’octroi de licences d’exploitation relatives à des œuvres musicales et qu’il était tenu dans le cadre de ses fonctions d’être attentif aux droits de propriété intellectuelle de tiers au titre des contrats de type publicitaire dont il traitait. Le tribunal a ajouté que le directeur avait lui-même établi et mis à jour le guide sur les médias sociaux de la société et que, dans ce cadre, il avait pris soin de solidement protéger les propres droits de propriété intellectuelle de Monster Energy.
Monster Energy a tenté de limiter sa responsabilité au comportement laxiste, mais non intentionnel, de ses deux employés, mais le tribunal a fait remarquer que la société n’avait proposé aucune formation à son personnel sur l’utilisation de contenus protégés au titre du droit d’auteur ou du droit des marques. Il a jugé qu’elle n’avait prévu aucune politique en matière d’octroi de licences relatives à des œuvres musicales, qu’elle chargeait de ces questions des employés dépourvus des compétences et de l’expérience requises et qu’elle s’employait à protéger ses propres droits de propriété intellectuelle avec bien plus de rigueur qu’elle ne le faisait vis-à-vis des droits de tiers.
Les fausses allégations
Le tribunal a rendu plusieurs décisions concernant de fausses allégations au titre du Lanham Act. Premièrement, il a estimé que le jury avait toutes les raisons de conclure que la vidéo donnait l’impression fausse ou trompeuse que les Beastie Boys faisaient volontairement de la publicité pour Monster Energy, ce qui n’était pas le cas. Deuxièmement, le tribunal a considéré qu’un jury pouvait légitimement arriver à la conclusion que Monster Energy avait eu un comportement “délibérément trompeur”, que l’employé de la société cherchait à ce que les personnes regardant la vidéo aient le sentiment que les Beastie Boys et Monster Energy constituaient à parts égales les deux principaux sujets de la vidéo, et que Monster Energy utilisait la musique et les caractéristiques du groupe dans l’intention de tirer profit de sa réputation et de son image.
Le fin mot de l’affaire
Monster Energy n’en a pas fini avec les batailles juridiques. Au moment de la rédaction du présent article, la société venait de déposer un avis d’appel contre la décision du tribunal. De leur côté, les Beastie Boys ont déposé une requête en vue d’obtenir 2,4 millions de dollars É.-U. supplémentaires pour frais de justice et honoraires d’avocat. Le tribunal instruit leur demande. Enfin, Capitol Records, LLC, cotitulaire des droits d’auteur sur les enregistrements sonores, et Universal-Polygram International Publishing, Inc., cotitulaire des droits d’auteur sur les différentes compositions musicales des membres des Beastie Boys, poursuivent eux aussi Monster Energy en justice dans une affaire similaire qui sera instruite dès que la décision finale dans le cadre de l’appel aura été rendue.
Tous ces litiges illustrent à quel point il est important d’obtenir les droits de propriété intellectuelle nécessaires avant de diffuser une nouvelle production, publicité ou publication. Pour réaliser votre œuvre, vous serez parfois amené à demander les autorisations requises pour l’utilisation de nombreux contenus susceptibles d’appartenir à des tiers, notamment des morceaux de musique, des photos, des images vidéo, des éléments de ressemblance avec une autre personne ou des témoignages ainsi que pour l’utilisation de marques de tiers. Dans certains cas, vous vous heurterez à des problèmes plus épineux que prévu en matière d’affranchissement de droits.
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