L’impression 3D, une technologie d’avenir!
Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
Pour la première fois au monde, en septembre 2014, un groupe équipé d’instruments de musique issus de la technologie d’impression en 3D s’est produit en concert à l’Université de Lund, en Suède. Les instruments – une batterie, un clavier et deux guitares – sont le fruit de la créativité d’Olaf Diegel, professeur en développement produits à la faculté des sciences appliquées de l’université. À la fois mélomane et passionné d’impression en 3D, M. Diegel pense que cette technologie offre un gigantesque potentiel et qu’elle pourrait lever les obstacles à l’innovation et améliorer la façon de concevoir les produits.
“Au début, je me suis mis à imprimer des instruments en 3D juste pour m’amuser et vérifier si c’était faisable”, explique-t-il. “Après avoir terminé mon premier instrument, j’ai été stupéfait par le résultat et j’ai commencé à en parler sur mon site Internet. Les réactions furent très enthousiastes et on commença à me demander s’il était possible d’acheter des instruments de ce type. C’est alors que m’est venue l’idée de créer ma propre petite entreprise amateur”. Baptisée ODD Guitars (www.odd.org.nz), cette entreprise offre “une gamme de guitares modulables et personnalisables qui sonde les limites des technologies d’impression 3D et de leurs applications”.
Une qualité de son exceptionnelle
À ce jour, Olaf Diegel a imprimé une douzaine de guitares électriques, y compris en versions basse et semi-acoustique. Il est enchanté du résultat. “Elles produisent un son d’une qualité tout à fait comparable à celle des guitares en bois de fabrication traditionnelle. Ce sont essentiellement les micros et l’électronique, voire l’âge des cordes, qui influent sur le son. Bien que le matériau utilisé pour la caisse ait une légère incidence sur la façon dont les cordes vibrent, il ne modifie pas le son, ni en bien ni en mal. J’ai été très étonné par ma toute première guitare semi-acoustique car du fait de sa caisse de résonance creuse, le son est amplifié, d’où un rendu exceptionnel. Même les guitares acoustiques entièrement issues de l’impression 3D produisent un son fabuleux! Bien sûr, elles n’ont pas la même sonorité qu’une guitare en bois ou une guitare Ovation au dos en plastique, mais le résultat se situe quelque part entre les deux”.
Il a également imprimé une batterie et une caisse pour un piano numérique.
Les musiciens font généralement preuve d’un très grand conservatisme dès lors qu’il s’agit de leurs instruments, pourtant, ils ont bien réagi explique Olaf Diegel. “Au départ, ils sont toujours un peu méfiants à l’idée d’une guitare à la caisse imprimée en 3D, mais dès qu’ils l’essaient, ils sont stupéfaits par la qualité du son et du toucher, si bien qu’ils se laissent facilement convaincre”.
Différentes techniques d’impression 3D pour différents types de production
Il existe plusieurs techniques pour imprimer un objet en 3D (voir L’impression 3D et le futur des objets). Olaf Diegel utilise le frittage sélectif au laser. “Cette technique me permet à la fois de créer les éléments les plus solides, ceux qui ne se détérioreront pas au fil du temps, et les détails les plus fins de la guitare. Il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises de faire tomber des guitares, ce qui n’a eu aucune conséquence en dehors de quelques égratignures sur la peinture”, explique-t-il. Concevoir une guitare peut lui prendre de quelques jours à plusieurs semaines, en fonction du degré de complexité de l’instrument. Il faut compter 11 heures pour l’impression puis “entre un jour et plusieurs semaines pour parachever l’instrument, en fonction de la difficulté de l’opération de peinture”.
“Il y a une très grande différence entre une imprimante 3D personnelle (les plus petites d’entre elles coûtant en moyenne moins de 5000 dollars É.-U.) et une imprimante 3D industrielle d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars É.-U.”, déclare-t-il. “Chacune est extraordinaire en soi mais elles n’ont absolument pas la même finalité. Les machines de bureau sont parfaites pour stimuler la créativité et tester de nouvelles idées mais elles offrent généralement une qualité insuffisante pour fabriquer des produits commercialisables”. Pour ce faire, il faut recourir à des machines industrielles bien plus coûteuses, à l’image de celles mises à disposition par un nombre croissant de services d’impression 3D en ligne comme cubify.com ou shapeways.com.
L’impression 3D, une technologie d’avenir!
Olaf Diegel est convaincu que cette nouvelle technologie représente un changement à long terme. “L’impression 3D est une technologie d’avenir, c’est évident!” Pour autant, il ajoute que selon lui, elle ne vise pas à remplacer le mode de fabrication traditionnel mais à le compléter. “Utilisée à bon escient, elle peut apporter une énorme valeur ajoutée à de nombreux produits”, explique-t-il. “Il est essentiel qu’en tant qu’ingénieurs et concepteurs, nous comprenions l’intérêt de l’impression 3D, dans quel contexte utiliser cette technologie et comment modifier notre mode de conception pour en optimiser les avantages”. Pour y parvenir, précise-t-il, nous devons revoir notre approche en matière de conception. “Les ingénieurs et les concepteurs doivent apprendre à travailler différemment pour concevoir un objet destiné à l’impression 3D. S’ils conservent la même perspective que celle appliquée aux procédés de fabrication traditionnels, cette technologie ne présente pas grand intérêt (sauf à des fins de prototypage)”.
Façonner gratuitement des objets complexes
L’impression 3D repose sur une superposition de couches successives, ce qui présente plusieurs avantages pour les concepteurs par rapport aux procédés de fabrication classiques. “L’impression 3D présente deux grands avantages : premièrement, elle permet de façonner gratuitement des objets complexes (ce qui signifie que je peux créer des formes d’une incroyable complexité à l’intérieur de la caisse, ce qui me serait impossible si l’instrument était fabriqué de manière traditionnelle); deuxièmement, elle me permet de personnaliser chaque guitare pour l’adapter à chaque musicien et lui donner l’aspect et le toucher précis qu’il recherche”, explique Olaf Diegel.
À l’heure où un nombre croissant d’entreprises intègrent les techniques d’impression 3D dans leurs procédés de fabrication et de commercialisation, on constate qu’elles sont principalement utilisées pour réaliser rapidement des prototypes. Olaf Diegel explique par exemple qu’elles lui ont été très utiles pour mettre au point des versions imprimables en 3D d’instruments complexes comme le saxophone. “Ma première tentative ne fut guère concluante mais le prototype ainsi conçu m’a permis d’obtenir suffisamment d’informations pour réaliser une deuxième version qui, je l’espère, sera parfaite”. Il n’hésite pas non plus à faire des expériences d’impression 3D avec des instruments en bois de fabrication traditionnelle. “L’impression 3D pourrait offrir de réels avantages. Elle pourrait par exemple permettre de faire passer l’air à travers des cavités à la forme particulière, ce qui produirait un son différent, ou de lui faire emprunter plusieurs cavités pour obtenir, par exemple, une flûte jouant l’intégralité des accords”.
Les conséquences en termes de propriété intellectuelle
L’impression 3D peut-elle avoir une incidence sur les dispositifs mis en place par les sociétés pour protéger leurs droits de propriété intellectuelle? “C’est assurément une question à laquelle doivent réfléchir toutes les entreprises qui intègrent ce milieu. Nombreux sont ceux qui se penchent déjà sur différentes solutions intégrées, techniques ou logicielles. Tout comme nous avons réussi à surmonter une partie des problèmes dans le domaine de la musique, avec des systèmes comme iTunes, nous devrons prochainement mettre au point des mécanismes de protection des données liées à l’impression 3D”.
Olaf Diegel a commencé à imprimer des instruments en 3D en 2012. Sa petite entreprise, ODD Guitars, lui permet de combiner sa passion pour l’innovation à son amour de la musique. Il a un faible pour le Rockabilly – “un style tellement agréable à jouer”, – pour Brian Setzer et les Stray Cats. Restez attentifs aux nouveaux sons qui pourraient provenir de groupes d’étudiants de l’université de Lund dans les prochaines années.
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