La modernisation du système international d’enregistrement des indications géographiques
Marcus Höpperger, directeur, Division du droit et des services consultatifs en matière de législation, et Matthijs Geuze, chef du Service d’enregistrement de Lisbonne, OMPI
Les producteurs de produits d’origine de qualité (provenant d’une zone géographique précise), ainsi que les consommateurs friands de produits de ce type, vont pouvoir tirer profit de la dernière révision d’un traité international qui assure la protection des noms désignant l’origine géographique de produits tels que le café, le thé, les fruits, le vin, le fromage, les poteries, le verre ou le tissu.
Évoquons simplement le café de Colombie, le thé de Darjeeling, les oranges de Floride, le Champagne, le Gouda de Hollande, la poterie bleue de Jaipur, le verre de Murano ou le Harris Tweed. D’un pays à l’autre, il existe de multiples façons de protéger ces produits haut de gamme : soit au moyen de systèmes sui generis visant à protéger les appellations d’origine ou les indications géographiques, soit par le biais du système des marques, en recourant aux marques collectives ou aux marques de certification (voir encadré).
L’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques, adopté le 20 mai 2015 à l’issue de négociations organisées à Genève, modernise et actualise l’Arrangement de Lisbonne en vigueur en permettant l’enregistrement international des indications géographiques et des appellations d’origine. L’inscription des indications géographiques au registre international offrira aux producteurs un nouveau moyen de protéger la dénomination particulière de leurs produits à l’international. L’Acte de Genève tient également compte des besoins des pays qui utilisent le système des marques pour protéger leurs indications géographiques.
“La révision d’un traité est toujours un événement marquant dans la vie d’une organisation chargée de l’administration de l’accord concerné”, a déclaré Francis Gurry, Directeur général de l’OMPI, à l’occasion de l’ouverture de la conférence diplomatique qui s’est déroulée du 11 au 21 mai 2015. La révision du système de Lisbonne, a-t-il déclaré, fut l’occasion de le moderniser en tenant compte des changements survenus dans le monde depuis son adoption en 1958. Il a notamment mentionné les effets de la “globalisation, qui a entraîné une ouverture des marchés” et “un renforcement du rôle des marques et des désignations commerciales”, ainsi qu’“une plus grande reconnaissance de la valeur et de l’importance de la spécificité et du caractère distinctif des produits”. Toute la difficulté, a-t-il précisé, consistait à élaborer un système international qui soit intéressant pour tous les États membres et qui permette une évolution et un élargissement du dispositif.
Un contexte juridique en évolution
Adopté en 1958, l’Arrangement de Lisbonne actuellement en vigueur prévoit un niveau de protection assez élevé pour les appellations d’origine et permet de les protéger dans plusieurs pays, indépendamment de la nature des produits auxquels elles se rapportent. Pour sa part, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), administré par l’OMC, offre deux niveaux de protection : une protection globale applicable aux indications géographiques de tous les produits et une autre, plus étendue, applicable aux vins et spiritueux.
L’Acte de Genève récemment adopté permet de réviser et de moderniser l’Arrangement de Lisbonne sur de nombreux points. Les modifications apportées visent à élargir la portée du système, lequel ne se cantonnera plus aux seules appellations d’origine (qui, pour être obtenues, exigent généralement de répondre à des critères de production plus stricts au niveau national) mais englobera l’ensemble des indications géographiques, qu’elles soient protégées au titre de systèmes sui generis ou par le biais du système des marques. Ce faisant, l’Acte de Genève entend encourager un plus grand nombre d’États membres à adhérer au système de Lisbonne car si quelques pays ont prévu une protection des appellations d’origine, de nombreux autres disposent de systèmes d’enregistrement des indications géographiques. Actuellement, le système de Lisbonne compte 28 pays membres, et à peine 896 appellations d’origine inscrites à son registre international.
Les appellations d’origine, les indications géographiques et les marques
D’une manière générale, une indication géographique est un signe utilisé sur des produits qui ont une origine géographique précise et qui possèdent des qualités, une notoriété ou des caractéristiques essentiellement dus à ce lieu d’origine. Une appellation d’origine est un type de désignation semblable, mais souvent avec des critères d’utilisation plus stricts.
Les appellations d’origine tout comme les indications géographiques supposent un lien qualitatif entre le produit auquel elles se rapportent et son lieu d’origine. Elles informent les consommateurs sur l’origine géographique d’un produit et sur la qualité, la caractéristique ou la notoriété (pour ce qui est des indications géographiques) du produit liée à son lieu d’origine. La différence fondamentale entre les deux termes réside dans le fait que le lien avec le lieu d’origine est plus fort dans le cas d’une appellation d’origine.
La qualité ou les caractéristiques et la notoriété d’un produit protégé par une appellation d’origine doivent résulter exclusivement ou essentiellement de son origine géographique, ce qui signifie généralement que la matière première doit provenir du lieu d’origine et que la transformation du produit doit elle aussi se faire à cet endroit.
S’agissant des indications géographiques, il suffit qu’une qualité, une réputation ou une autre caractéristique déterminée puisse être essentiellement attribuée à une origine géographique pour que le produit bénéficie de cette désignation. En outre, il n’est pas nécessaire que la production de la matière première et que la fabrication ou la transformation d’un produit protégé par une indication géographique soient entièrement réalisées dans les limites de l’aire géographique définie.
Le gouda hollandais, l’huile d’argan, les montres suisses ou la tequila font par exemple partie des appellations d’origine ou des indications géographiques.
Certains pays recourent à leur système des marques pour protéger leurs indications géographiques, lesquelles sont alors protégées soit au titre de marques collectives (des signes utilisés par les membres d’une association pour distinguer leurs produits et services de ceux d’autres entités), soit en tant que marques de certification (des signes utilisés pour identifier les produits ou services répondant à un ensemble de normes et ayant été certifiés par une autorité compétente).
Le texte ayant servi de base aux négociations durant la conférence diplomatique a été établi entre mars 2009 et octobre 2014 par un groupe de travail sur le système de Lisbonne dans le but de moderniser le système pour attirer de nouveaux membres tout en préservant ses principes et objectifs.
De nouvelles dispositions
Le nouvel Acte de Genève prévoit plusieurs nouveautés dont :
- une définition des appellations d’origine et des indications géographiques;
- une très grande souplesse quant à la façon d’appliquer la norme de protection prévue au titre de l’Acte de Genève (à savoir par le biais d’un système sui generis de protection des appellations d’origine ou des indications géographiques ou au moyen du système des marques);
- une nouvelle définition de la portée de la protection des appellations d’origine et des indications géographiques;
- l’obligation pour les parties contractantes de donner la possibilité aux parties concernées de demander le refus des effets d’un enregistrement international. Cette nouvelle clause permettra aux parties intéressées de s’opposer à ce qu’un enregistrement international prenne effet dans les pays où de tels dispositifs n’existeraient pas;
- une notification d’octroi de la protection;
- la possibilité pour les parties contractantes de demander le paiement d’une taxe individuelle;
- la possibilité expressément prévue d’invalider les effets de l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique. Cette nouvelle disposition de l’Acte de Genève confirme qu’il est possible d’inscrire l’invalidation d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique dans un pays donné par le biais du système de Lisbonne;
- des garanties à l’égard de droits antérieurs sur des marques, de noms de personnes utilisés en affaires et de droits fondés sur des dénominations de variétés végétales ou de races animales;
- une disposition permettant à certaines organisations intergouvernementales compétentes dans le domaine de la protection des indications géographiques d’adhérer à l’Acte de Genève, par exemple l’Union européenne (UE) ou l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI).
L’acte final de la conférence diplomatique, attestant officiellement de la tenue de la manifestation, a été signé par 54 délégations. Onze d’entre elles ont également signé l’Acte de Genève, à savoir la Bosnie-Herzégovine, le Burkina Faso, le Congo, la France, le Gabon, la Hongrie, le Nicaragua, le Pérou et le Togo, ainsi que deux pays non membres du système de Lisbonne, le Mali et la Roumanie. L’Italie a signé l’Acte de Genève le lendemain, ce qui porte le nombre des signataires à 12.
L’Acte de Genève restera ouvert à la signature pendant 12 mois. Il entrera en vigueur dès que cinq parties contractantes l’auront ratifié ou y auront adhéré.
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