L’écosystème de la propriété intellectuelle 2.0 en Inde
Par Chaitanya Prasad, ancien contrôleur général des brevets, des dessins et modèles et des marques, Inde
L’Office indien de la propriété intellectuelle, également connu sous le nom de Bureau du contrôleur général des brevets, des dessins et modèles et des marques, gère et supervise les activités de l’Office des brevets et du Service d’enregistrement des marques dans de nombreuses villes d’Inde (Madras, New Delhi, Calcutta et Bombay) ainsi que d’un Office des marques à Ahmadebad. Madras et Calcutta disposent également respectivement d’un service d’enregistrement des indications géographiques et d’une branche “Dessins et modèles”. L’Office indien de la propriété intellectuelle est également chargé de gérer l’Institut national de gestion de la propriété intellectuelle à Nagpur. Il joue un rôle décisif dans la promotion de l’utilisation et d’une meilleure connaissance du système de propriété intellectuelle dans le pays.
Depuis que la législation indienne s’est pleinement mise en conformité avec l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) en 2005, le taux de demandes de titres de propriété intellectuelle n’a cessé d’augmenter. Pour suivre le rythme de la demande croissante de droits de propriété intellectuelle, l’Office indien de la propriété intellectuelle a réorganisé ses activités en mettant en place une plate-forme de prestation de services électroniques solide, accessible et transparente.
Les utilisateurs peuvent désormais avoir accès à une série complète de services en ligne sécurisés et soumettre ainsi plus facilement leurs demandes de titres de propriété intellectuelle et suivre le statut de leurs demandes en temps réel. Les dossiers électroniques personnels sécurisés permettent d’accéder rapidement à toute la documentation pertinente, tandis qu’une passerelle de paiement facilite le règlement des taxes (par carte de débit ou de crédit, via les services bancaires en ligne ou directement auprès de 70 établissements bancaires). En outre, les personnes ayant recours aux services de l’Office indien de la propriété intellectuelle sur le Web bénéficient d’une remise de 10% sur toutes les demandes déposées en ligne. Depuis que ces mesures ont été mises en place il y a plusieurs mois, le dépôt électronique de demandes de brevet a considérablement augmenté, passant de 30 à environ de 78% de l’ensemble des dépôts (en mars 2014).
Les micro, petites et moyennes entreprises sont très innovantes et jouent un rôle déterminant pour stimuler la croissance économique nationale et la création de richesses. En vue de promouvoir une meilleure utilisation de la propriété intellectuelle par les micro, petites et moyennes entreprises, l’Office indien de la propriété intellectuelle a créé en 2014 une nouvelle catégorie d’utilisateurs intitulée “petite entité”. Les entreprises relevant de cette catégorie (qu’elles soient nationales ou étrangères) bénéficient d’une réduction de 50% du montant des taxes.
Faciliter les demandes de brevet à l’échelon international
Les possibilités qu’offrent la mondialisation et la révolution numérique se traduisent par un nombre croissant d’entreprises indiennes désireuses d’accéder aux marchés mondiaux. Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) de l’OMPI leur offre un moyen efficace et à moindre coût de protéger leurs technologies de pointe dans près de 148 pays.
L’Inde est membre de l’Union du PCT depuis 1998. Cette année-là, seulement 14 demandes internationales avaient été déposées par des inventeurs indiens dans le cadre du PCT; en 2014, ce chiffre s’élevait à 1428. Pour s’assurer que les entreprises indiennes bénéficient pleinement de l’adhésion de l’Inde au PCT, l’Office indien de la propriété intellectuelle s’emploie lui-même à adopter et à promouvoir le recours aux services ayant trait au PCT afin d’élargir l’accès à un plus vaste éventail de services peu onéreux qui simplifient et rationalisent le processus de protection des brevets à l’échelon international.
L’Inde assume ses responsabilités relatives à la recherche internationale en matière de brevets
En octobre 2013, l’Office indien de la propriété intellectuelle est devenu une administration chargée de la recherche internationale et une administration chargée de l’examen préliminaire international dans le cadre du PCT, rejoignant ainsi 20 autres pays qui s’acquittent de cette fonction.
Dès lors qu’une demande internationale est déposée dans le cadre du PCT, une recherche est effectuée par une administration chargée de la recherche internationale en vue d’identifier les documents relatifs à l’état de la technique les plus pertinents liés à l’invention revendiquée. Cette recherche donne lieu à un rapport de recherche internationale et à une opinion écrite sur la brevetabilité de l’invention. Ensuite, le déposant peut demander – cette procédure est facultative – qu’un nouveau commentaire soit formulé par une administration chargée de l’examen préliminaire international, habituellement sur la base d’une version modifiée de la demande.
Du fait que l’Office indien de la propriété intellectuelle est devenu une administration chargée de la recherche internationale et une administration chargée de l’examen préliminaire international, les entreprises indiennes ont désormais plus facilement accès à des services locaux de propriété intellectuelle de haute qualité, outre les services déjà disponibles auprès d’autres administrations chargées de la recherche internationale. Grâce à sa propre base de données sur les brevets et au fait qu’il a accès à d’autres bases de données dans le monde entier, l’Office indien de la propriété intellectuelle produit des rapports de recherche en matière de brevets de haute qualité à des prix extrêmement compétitifs.
Les marques indiennes accèdent au marché international
Depuis l’adhésion de l’Inde, en juillet 2013, au Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, les entreprises indiennes ont également accès à un moyen simple, peu onéreux et convivial de protéger leurs marques sur les marchés mondiaux. Les déposants, qui ont une seule demande à effectuer dans une langue et doivent s’acquitter d’une seule série de taxes, peuvent enregistrer leurs marques (et ensuite les gérer) en ligne dans 96 pays. Le système de Madrid est un point d’accès aux marchés internationaux pour les déposants indiens et il ouvre également la voie aux entreprises étrangères qui cherchent à implanter leurs activités sur le marché indien.
Transparence et facilité d’accès
L’Office indien de la propriété intellectuelle met actuellement en place des systèmes adaptés à l’évolution des besoins des parties prenantes. Grâce à l’utilisation d’outils de prestation de services innovants, il est l’un des offices de propriété intellectuelle les plus transparents au monde. Ces outils incluent :
- un programme “Stocks et flux” accessible sur le site Web de l’Office indien de la propriété intellectuelle, qui offre un aperçu des travaux de l’office ainsi que des informations sur les intrants et les extrants de travail à différentes étapes décisives;
- des programmes dynamiques qui suivent le cheminement d’une demande depuis son dépôt jusqu’à l’établissement de rapports d’examen et de leurs conclusions;
- des listes en temps réel de brevets qui sont échus ou qui ont expiré dans des domaines technologiques spécifiques.
Enjeux
Or, malgré ces nombreuses améliorations apportées à l’écosystème de la propriété intellectuelle en Inde au cours des dernières années, de nombreux enjeux subsistent.
La principale responsabilité d’un office des brevets national est de veiller à ce que les demandes de brevet soient traitées conformément à la législation nationale en matière de brevets. La qualité des droits octroyés est un aspect particulièrement important de ce travail et reste un enjeu pour l’Office indien de la propriété intellectuelle ainsi que pour la plupart des autres offices des brevets nationaux dans le monde.
Garantir un examen de haute qualité des titres de propriété intellectuelle
L’examen des brevets est un travail spécialisé qui exige de solides compétences scientifiques et techniques. Pour garantir un niveau élevé d’examen des brevets (et des marques) en Inde – c’est-à-dire qui soit uniforme, cohérent et transparent – l’Office indien de la propriété intellectuelle a pris un certain nombre de mesures, comme suit :
- Des groupes techniques spécialisés ont été mis sur pied pour garantir l’accès à des connaissances pertinentes en matière d’examen. Des directives ont été établies en consultation avec les parties prenantes pour faire face aux problèmes complexes que posent les examens et qui surviennent dans des domaines technologiques spécifiques, en particulier les savoirs traditionnels et les matériaux biologiques, la biotechnologie, les produits pharmaceutiques et les inventions dans le domaine informatique. Des directives sur les recherches et les examens complets sont également en cours d’élaboration.
- La Pratique de l’Office des brevets et le Manuel de pratique et de procédure de l’Office des brevets, qui contiennent des conseils à l’intention de l’Office indien de la propriété intellectuelle et des participants, ont été publiés pour renforcer la transparence, l’harmonisation des pratiques, l’efficacité opérationnelle et l’obligation de rendre des comptes. Le Manuel de pratique et de procédure de l’Office des marques est également en cours d’élaboration.
- Des équipes de gestion de la qualité ont été mises sur pied au sein de l’Office des brevets pour suivre la qualité des procédures de délivrance des brevets.
- Un système objectif d’évaluation de la performance fondé sur des points de crédit est en place au sein de l’Office des brevets.
- Le service d’enregistrement des indications géographiques à Madras et la branche “Dessins et modèles” à Calcutta se sont vus attribuer la certification ISO 9001.
- Des mesures sont actuellement prises pour accéder à WIPO CASE, une plate-forme d’échange de rapports de recherche et d’examen publiés par l’Office indien de la propriété intellectuelle dans d’autres ressorts juridiques.
- En 2011 et 2012, plus de 150 examinateurs de brevets ont été recrutés et formés par des professionnels éminents et des experts internationaux. La formation inclut un cours en internat de trois mois à l’Institut national de gestion de la propriété intellectuelle, une formation en cours d’emploi de huit mois au sein de l’Office des brevets, ainsi qu’un programme de perfectionnement d’un mois.
- Des programmes de formation sont également proposés aux examinateurs et aux contrôleurs pour améliorer leurs capacités juridiques et techniques et renforcer ainsi la qualité globale des examens.
Accroissement de la demande de droits de propriété intellectuelle
Malgré les progrès majeurs effectués pour améliorer ses prestations, l’Office indien de la propriété intellectuelle a du mal à faire face au volume de demandes qu’il reçoit. Pour remédier aux retards accumulés, plus de 1000 nouveaux postes doivent être créés au sein de l’Office indien de la propriété intellectuelle, et plusieurs autres mesures sont actuellement mises en œuvre pour améliorer encore les opérations numériques au sein de l’écosystème de la propriété intellectuelle en Inde, notamment le transfert électronique des fichiers entre offices des brevets locaux et l’élimination du support papier pour le traitement des demandes de brevet. L’objectif du gouvernement est de faire en sorte que les services indiens de propriété intellectuelle puissent rivaliser avec les meilleurs services existants à l’échelon mondial.
Diffusion des informations relatives à la propriété intellectuelle
Bien entendu, les déposants aspirent à suivre le statut des demandes qu’ils ont déposées. Face à l’incertitude du monde des affaires, la sécurité juridique autour des droits de propriété intellectuelle offre des perspectives de croissance des entreprises. Pour faire face à ce besoin, l’Office indien de la propriété intellectuelle a amélioré son site Web afin de garantir la facilité d’accès aux informations dont les déposants ont besoin pour déposer leur demande d’enregistrement de titres de propriété intellectuelle. Outre le fait qu’ils sont en mesure de suivre en temps réel le statut de leurs demandes de droits de propriété intellectuelle et de consulter 24 heures sur 24 toute documentation associée, les déposants peuvent utiliser des bases de données consultables sur la propriété intellectuelle. Ces dernières sont utiles pour les entreprises qui souhaitent voir clarifiés les droits attachés à une marque ou mieux comprendre la cartographie des brevets pour une technologie donnée. Ces ressources sont également utiles aux chercheurs et aux micro, petites et moyennes entreprises qui souhaitent identifier les technologies du domaine public susceptibles d’être utilisées sans crainte de porter atteinte aux droits.
Mieux faire connaître la propriété intellectuelle
L’Office indien de la propriété intellectuelle s’engage à garantir que les intérêts des titulaires de droits de propriété intellectuelle seront défendus et que les créateurs et les inventeurs sont reconnus et récompensés pour leur créativité. Pour l’Inde, qui est en train de devenir une économie fondée sur le savoir, il est fondamental de mieux comprendre comment la propriété intellectuelle peut ajouter de la valeur et améliorer la compétitivité. Mieux faire connaître la propriété intellectuelle et aider à mieux comprendre comment elle peut stimuler la croissance des entreprises, créer des emplois et stimuler le développement économique sont des domaines prioritaires.
La formation des différentes parties prenantes est un aspect important de cette démarche. L’Institut national de gestion de la propriété intellectuelle à Nagpur joue un rôle déterminant à cet égard et subvient aux besoins de formation d’un large éventail de parties prenantes.
Dans le cadre de ses efforts de sensibilisation, l’Office indien de la propriété intellectuelle cherche à optimiser la participation de l’industrie en s’engageant auprès d’associations professionnelles telles que la Fédération des chambres indiennes de commerce et d’industrie (FICCI), la Confédération des industries indiennes (CII) et l’Association des chambres indiennes de commerce et d’industrie (ASSOCHAM). De même, grâce à son programme de regroupement, l’Office indien de la propriété intellectuelle cible des industries et des secteurs particuliers, par exemple les micro, petites et moyennes entreprises opérant dans le secteur du cuir, de l’automobile et du textile. L’objectif est de mieux faire comprendre la façon dont la propriété intellectuelle peut soutenir les entreprises et la croissance. Par ailleurs, le programme des établissements universitaires s’adresse aux étudiants de deuxième et troisième cycles, aux jeunes universitaires, aux chercheurs et aux fonctionnaires gouvernementaux en charge des droits de propriété intellectuelle.
Pour atteindre le grand public, l’Inde participe chaque année activement aux célébrations de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Dans ce contexte, l’Office indien de la propriété intellectuelle décerne le prix national de la propriété intellectuelle pour mettre en valeur et célébrer les inventeurs et les créateurs indiens et pour promouvoir une culture de la créativité et la sensibilisation à la propriété intellectuelle dans tout le pays. Les écoles sont également encouragées à organiser des débats et des concours autour de la propriété intellectuelle, et les médias nationaux soutiennent activement la diffusion de programmes dans différentes langues régionales, qui portent sur tout un éventail de questions relatives à la propriété intellectuelle.
L’engagement de l’Inde à établir un écosystème de la propriété intellectuelle qui soit solide, simplifié, économique et transparent, et propre à satisfaire les besoins de son économie innovante et en pleine expansion commence à porter ses fruits. Si la demande croissante de droits de propriété intellectuelle continue de poser des problèmes logistiques, les changements radicaux qui se sont produits, associés à la mise en place d’un corps de professionnels dûment formés, signifient que l’Inde est mieux placée pour gérer cette charge de travail. D’ici quelques années, nul doute que l’éventail et le niveau des prestations de services offertes au sein de l’écosystème de la propriété intellectuelle en Inde seront à même de s’aligner sur les meilleurs services existants dans le monde.
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.