Comment la diaspora marocaine peut contribuer à stimuler l’innovation au Maroc*
Nour‑Eddine Boukharouaa, coordinateur de la section concernée à l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), Marwan Berrada, du Ministère en charge des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, Abdelhak Chaibi de l’Association R‑D Maroc; Salma Dinia, de Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST); Abdesselam El Ftouh, de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger; Adil El Maliki, Karima Farah et Ilham Bennani, de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC); Omar Elyoussoufi Attou, du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres; et Yassine Ouardirhi, du Ministère de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique.
* Cet article est un résumé du chapitre 8 de l’édition 2014 de l’Indice mondial de l’innovation, intitulé « La diaspora marocaine et sa contribution au développement de l’innovation au Maroc. »
De par sa situation aux frontières de trois mondes distincts, le monde arabe, l’Afrique du Nord et l’Europe, et à proximité de l’océan Atlantique et de la mer Méditerranée, le peuple marocain a toujours fait montre d’ouverture en matière d’échanges culturels, économiques et scientifiques internationaux.
Les Marocains dans le monde entier
En 2012, environ 4,5 millions de Marocains, soit 15% de la population totale du Maroc, vivaient à l’étranger, dont la majorité était des personnes jeunes en âge de travailler. Parmi eux, environ 400 000 Marocains étaient des personnes diplômées de l’enseignement supérieur et titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme d’études supérieures et plus de 32 000 d’entre eux étaient des cadres supérieurs ou exerçant leur activité professionnelle dans le secteur privé, ou occupant des postes d’universitaires ou de recherche ou travaillant dans la recherche‑développement.
L’ascension socioéconomique transgénérationnelle de la population immigrée va aboutir à une concentration d’une main‑d’œuvre fortement qualifiée à l’étranger. La diaspora marocaine se compose tant de ceux qui ont obtenu leur baccalauréat avant de quitter le Maroc que de leurs enfants qui ont effectué leurs études dans leur nouveau pays d’accueil. En fait, le nombre de diplômés d’universités parmi les Marocains résidant à l’étranger est égal à deux fois celui de la population locale diplômée.
La diaspora marocaine se situe essentiellement en France (32%), en Espagne (20%), en Italie (12%) et dans d’autres pays européens, dans les pays arabes (6%), aux États‑Unis d’Amérique et au Canada (3% pour ces deux pays) et dans certains pays d’Afrique et d’Asie.
Les fruits des innovations de la diaspora marocaine
Compte tenu du manque de données en la matière, il est très difficile de recenser le nombre d’expatriés qui contribuent le plus activement aux activités novatrices. Néanmoins, l’analyse des demandes de brevet déposées en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), qui indiquent le lieu de résidence et la nationalité des déposants, met en évidence un accroissement des dépôts effectués par les MRE. De 1995 à 2011, environ 876 demandes de brevet ont été déposées en vertu PCT par des MRE.
Cette analyse met également en évidence une corrélation entre le nombre d’étudiants marocains concentrés en France, en Espagne et aux États‑Unis d’Amérique et le nombre de demandes de brevet déposées par ceux‑ci. Une répartition par domaine technique des demandes déposées selon le PCT par les MRE montre que 20% de ces demandes concernent les sciences médicales, 10% la chimie organique et 8% la biochimie.
Il ressort de recherches effectuées récemment par l’OMPI sur la migration de retour que seul un petit nombre d’inventeurs marocains ayant quitté leur pays, en l’occurrence 2,39%, retournent dans leur pays d’origine pour déposer une demande de brevet pour leur invention. Ces chiffres montrent que les talents marocains à l’étranger contribuent fortement à l’innovation mondiale, en conséquence il serait bon de tirer profit du potentiel scientifique, créatif et novateur des MRE pour promouvoir les objectifs du Maroc en matière d’innovation.
Mobiliser la diaspora marocaine
Depuis les années 90, le Gouvernement du Maroc a tout mis en œuvre pour inciter les MRE à s’impliquer directement dans la stratégie de développement du Maroc. Diverses initiatives de mobilisation de ces expatriés ont été mises en place dans ce but. Il s’agit notamment du “Programme de mobilisation des compétences” qui fait appel aux professionnels marocains prêts à partager leur expertise, leur expérience et leur savoir‑faire au bénéfice du développement de leur pays. Il convient de mentionner également le programme “MDM Invest” qui cherche à attirer les investissements au profit des entreprises marocaines et le programme “Transfert de connaissances par l’intermédiaire de nationaux expatriés (TOKTEN)” mis en place par les Nations Unies dans le but d’encourager les marocains résidant à l’étranger à s’impliquer dans le développement du Maroc.
Lancé en juin 2009, le programme national “Stratégie Maroc innovation” a permis de galvaniser les efforts visant à renforcer l’écosystème de l’innovation au Maroc. Cette stratégie comprend quatre axes à savoir, un premier volet relatif à la mobilisation des talents, et trois autres concernant la gouvernance et le cadre réglementaire, l’infrastructure et les pôles de compétitivité et enfin un dernier axe intitulé financement et soutien dans le pays et à l’étranger, en vue d’appuyer les objectifs de développement du Maroc.
Un grand nombre d’initiatives ont été lancées pour renforcer le paysage de l’innovation au Maroc (voir l’édition 2014 de l’Indice mondial de l’innovation). En 2011, par exemple, l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale, en partenariat avec le Ministère de l’industrie a créé le Club marocain de l’innovation, plate‑forme virtuelle dédiée à l’innovation, en vue de créer un réseau d’acteurs marocains sur la scène de l’innovation tant au Maroc même qu’à l’étranger. De la même manière, la plate-forme virtuelle Maghribcom met à la disposition des professionnels marocains des informations relatives aux entreprises, aux opportunités d’investissements et d’emplois et leur sert de tremplin pour établir des partenariats gagnant-gagnant entre les acteurs économiques, les universités et les instituts de recherche au Maroc et la diaspora marocaine également.
Le gouvernement a reconnu le potentiel scientifique, novateur et créatif inexploité de Marocains résidant à l’étranger et a décidé de favoriser le rapprochement avec cette communauté d’expatriés regroupant des personnes hautement qualifiées qu’il encourage activement à créer des projets au Maroc. En 2012, une étude menée par la Fondation européenne pour la formation des cadres montre que 81% des migrants qui sont rentrés au Maroc au cours de la dernière décennie étaient âgés de moins de 54 ans. Deux tiers d’entre eux possédaient leur propre entreprise, dont un grand nombre faisaient montre de forte innovation et reposaient sur l’expérience qu’ils avaient acquise à l’étranger.
Pour assurer la compétitivité sur le marché mondial de professionnels hautement qualifiés, les décideurs doivent s’assurer que ceux qui contribuent à cette compétitivité à l’étranger, le feront bien pour leur pays natal. En d’autres termes, cela signifie d’étudier la possibilité de mettre en place des campagnes spécifiques de retour au pays d’origine, articulées autour de grands projets technologiques, de mobiliser des ressources humaines ciblées pour les projets retenus et de créer des conditions favorables visant à attirer les professionnels qui à l’étranger œuvrent au développement de l’innovation au Maroc.
Si les efforts déployés par le Maroc pour favoriser le retour au pays de ces Marocains, il reste encore beaucoup à faire pour exploiter le potentiel que représentent ces professionnels hautement qualifiés en matière d’innovation. L’expérience du Maroc montre combien il est important d’attirer ces Marocains ayant émigré pour retourner dans leur pays d’origine. Il s’agit là d’une étape essentielle. Si les politiques élaborées dans ce domaine sont certes prometteuses, il n’en demeure pas moins qu’un plus grand nombre de données sont nécessaires dans ce but.
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