Cinq conseils pratiques pour bien gérer un portefeuille de brevets
Jason M. Schwent, Thompson Coburn LLP, Washington, États-Unis d’Amérique
La protection par brevet est l’une des solutions les plus efficaces pour protéger les actifs d’une entreprise. Les brevets permettent en effet de prendre une précieuse longueur d’avance sur le marché. Grâce à eux, l’entreprise peut surmonter les difficultés initiales liées au lancement d’une nouvelle technologie, la parfaire et améliorer sa diffusion avant même que la concurrence cherche à son tour à s’imposer. Plus important encore, les brevets vous permettent d’empêcher des retardataires de prendre pied sur un secteur. La protection par brevet interdit à la concurrence de fabriquer, d’utiliser, d’offrir à la vente ou d’importer une technologie dans le ou les pays où des droits de brevets sont détenus, ce qui représente un type d’exclusivité d’une valeur inestimable, notamment lorsqu’une technologie clé est en jeu.
Obtenir un brevet a néanmoins un coût non négligeable, et la plupart des sociétés n’ont pas les moyens de faire breveter (ou de tenter de faire breveter) toutes leurs avancées technologiques. Quelles solutions s’offrent-elles alors aux entreprises pour gérer au mieux leur stratégie en matière de technologies et de brevets et bénéficier en temps utile de la protection dont elles ont besoin?
Voici cinq conseils pratiques pour bien gérer un portefeuille de brevets.
1. Faire de la protection par brevet une priorité
Ça peut paraître évident, mais pour optimiser la valeur de son portefeuille de brevets, votre entreprise doit impérativement faire une priorité de la protection par brevet de ses nouvelles technologies. Cependant, il ne suffit pas de se contenter de faire breveter les seules découvertes technologiques que votre société jugent prometteuses car dans ce cas, un trop grand nombre d’actifs non protégés pourrait vous échapper et vous vous exposeriez à un risque important de divulgation non autorisée, ce qui pourrait empêcher la délivrance de brevets potentiels.
Optimiser la valeur de son portefeuille de brevets et protéger ses actifs de propriété intellectuelle doivent être une préoccupation partagée à tous les niveaux de l’entreprise. Il convient donc de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs aux types de découvertes susceptibles de faire l’objet d’un brevet. Malheureusement, il n’est pas rare que des ingénieurs, des concepteurs et des chargés de recherche-développement sous-estiment le résultat de leurs travaux; or, recenser précisément toutes les inventions possibles permet d’élargir l’éventail des découvertes technologiques à l’actif de la société.
Pour optimiser la valeur de son portefeuille de brevets, il convient également de sensibiliser la direction de l’entreprise aux coûts liés à la protection par brevet d’une technologie donnée. Obtenir un brevet est un processus onéreux, bien que plusieurs systèmes, à l’image du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), offrent une solution économique pour obtenir une protection à l’international (voir encadré). Ce poste de dépenses doit être perçu comme un investissement en faveur de l’entreprise et non comme une possibilité de réaliser des économies. Enfin, et c’est probablement l’élément le plus important, faire de la protection par brevet une priorité doit impérativement s’accompagner de dispositions visant à faire respecter les droits de brevets que vous aurez effectivement obtenus. Intenter une action en justice pour atteinte à un brevet revient extrêmement cher. Mais si aucune mesure n’est prise pour faire valoir vos droits (ou menacer sérieusement de les faire valoir), vos brevets n’auront aucune valeur.
2. Déceler très tôt le potentiel d’une technologie clé
L’une des recommandations les plus importantes pour gérer efficacement vos actifs de propriété intellectuelle et votre portefeuille potentiel de brevets consiste à prévoir un mécanisme pour déceler à un stade très précoce du processus de développement quelles découvertes pourraient présenter un potentiel.
Connaître la technologie à l’étude et l’évaluer avec justesse dans la perspective de sa commercialisation permettra à l’entreprise de réunir les moyens nécessaires pour protéger des découvertes fondamentales. Pour autant, ce processus d’évaluation ne doit pas être confié aux seuls collaborateurs en charge des activités de recherche-développement. Pour bien faire, et pour obtenir un rendement optimal, tous les cadres et principaux responsables des ventes et du marketing devraient y participer, en collaboration avec les chargés de recherche-développement et avec le soutien d’un conseil en brevets agréé. Bien qu’elle joue un rôle fondamental, cette évaluation doit également être rapidement menée. Les activités de recherche-développement progressant généralement à un rythme effréné, il convient de ne pas ralentir ce processus en veillant à ce que l’évaluation fasse partie intégrante des opérations.
Autre élément capital, déceler très tôt le potentiel d’une technologie clé peut contribuer à empêcher des divulgations non autorisées. Dès lors qu’une technologie a été révélée au public (qu’elle ait fait l’objet d’une utilisation ou d’une publication ou qu’elle ait été vendue ou proposée à la vente), il devient impossible de la faire breveter. Or, il n’y a rien de plus frustrant que d’investir une fortune dans la mise au point d’une technologie révolutionnaire pour découvrir, au final, qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une protection par brevet parce qu’une brochure a été envoyée à des clients importants au cours de sa phase de développement ou parce que cette technologie a été présentée à l’occasion d’un salon. De fait, cela réduirait à néant le caractère nouveau de cette technologie, un critère essentiel pour prétendre à un brevet. Déceler très tôt le potentiel d’une technologie clé peut donc aider une entreprise à s’assurer qu’elle ne fera pas l’objet d’une divulgation anticipée non autorisée et, ce faisant, à conserver la possibilité d’en demander la protection par brevet à un stade ultérieur.
Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT)
Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) offre aux utilisateurs du système des brevets un moyen simple et économique de protéger leurs inventions à l’international.
Le PCT évite d’avoir à déposer des demandes de brevet distinctes, au niveau national ou régional, dans chaque pays où une protection par brevet est sollicitée. La délivrance de droits de brevets reste néanmoins du ressort des offices des brevets nationaux ou régionaux compétents.
En déposant une seule demande de brevet “internationale” dans les 12 mois suivant la date de dépôt de la première demande de brevet auprès de l’office des brevets de son pays, un déposant peut enclencher le processus qui lui permettra d’obtenir simultanément une protection par brevet dans 148 pays.
Le PCT aide aussi les offices des brevets nationaux dans leurs décisions d’octroi de brevets et, par le biais de la base de données PATENTSCOPE, facilite l’accès du public à une mine d’informations techniques relatives à des inventions.
3. Exploiter tout le potentiel d’une technologie
Les activités de recherche-développement ne débouchent pas toujours sur des avancées technologiques de grande valeur. Partant de ce constat, en cas de découverte majeure, l’entreprise se doit d’en tirer un maximum de profit. Pour ce faire, il est essentiel de recenser et d’exploiter toutes les formes sous lesquelles la technologie en question pourrait se décliner. Pour réaliser cette opération, il conviendra de préférence de faire appel aux mêmes compétences pluridisciplinaires que celles mentionnées plus haut et de se faire épauler par un conseil en brevets agréé, de façon à s’assurer que toutes les modifications possibles sont bien définies et prises en compte dans le cadre de nouvelles demandes de brevet. De multiples brevets et de multiples demandes de brevet devront être déposés pour englober toutes les manières de mettre en œuvre la technologie, veiller à empêcher la concurrence de la modifier facilement et vous en garantir l’usage exclusif le plus longtemps possible.
4. Encourager l’esprit d’innovation
En toute logique, enchaîner les percées technologiques importantes est l’une des clés de toute stratégie réussie en matière de brevets. Outre la présence au sein de l’entreprise d’une excellente équipe de recherche-développement et de collaborateurs chargés de déceler les découvertes susceptibles d’être exploitées, il convient également de mettre en place un programme destiné à encourager et à récompenser toutes les personnes contribuant au processus. Si l’entreprise doit prendre les dispositions nécessaires pour s’assurer de la propriété exclusive de toutes les découvertes faites par ses employés, elle ne doit pas pour autant négliger de récompenser à leur juste valeur les efforts déployés par les esprits brillants et novateurs. Pour ce faire, elle devra prévoir un programme visant à encourager tous les employés (et pas seulement ceux chargés de la mise au point de technologies novatrices) à faire preuve d’esprit d’innovation au nom de l’entreprise et, dès qu’elle en tirera profit, elle s’emploiera à en faire également bénéficier les personnes concernées.
PATENTSCOPE
Proposé par l’OMPI, PATENTSCOPE est un système de recherche sur les brevets à l’échelle mondiale. Gratuit et en libre accès, il permet d’obtenir des informations sur de nouvelles technologies qui sont souvent divulguées pour la première fois dans les demandes de brevet.
La base de données Patentscope comprend actuellement plus de 50 millions de demandes de brevet, dont des demandes internationales déposées selon le Traité de coopération en matière de brevets, ainsi que 41 collections de brevets nationales et régionales.
Accessible en plusieurs langues, Patentscope offre aux utilisateurs toute une panoplie d’outils de recherche conviviaux permettant d’accéder facilement aux précieuses informations techniques de la base de données.
5. Surveiller la concurrence
Enfin, pour qu’une stratégie de gestion des actifs de propriété intellectuelle porte ses fruits, il convient de rester attentif à ce que fait la concurrence. Cette vigilance présente un double intérêt : le premier sur le plan défensif, le second sur le plan offensif. Premièrement, en surveillant ce que font ses concurrents, l’entreprise s’assure de rester à l’avant-garde de la technologie. Parallèlement, elle se donne les moyens de réagir rapidement en cas de percée technologique réalisée par ses rivaux. Pour suivre efficacement l’évolution de la concurrence, il est par exemple possible d’encourager les responsables commerciaux à rendre compte des technologies novatrices qu’ils découvrent sur le terrain. De même, les responsables du marketing peuvent être incités à suivre les réactions de la concurrence face aux nouvelles technologies et aux activités de développement de l’entreprise. Les cadres de l’entreprise peuvent aussi être invités à participer à des conférences nationales pour mieux cerner les dernières évolutions technologiques et découvrir les dernières nouveautés. Toutes ces initiatives contribuent à ce que l’entreprise reste en prise avec l’évolution du secteur. Les entreprises peuvent également recourir à des bases de données sur les brevets en libre accès, à l’image de PATENTSCOPE, pour suivre l’activité de la concurrence en matière d’innovation (voir encadré) ou consulter les rapports panoramiques sur les brevets qui offrent un aperçu de la situation en matière de brevets dans un domaine technique donné au sein d’un ou de plusieurs pays.
Deuxièmement, cette vigilance permet de rapidement mettre au jour toute violation de brevet et d’y remédier. Comme indiqué précédemment, les droits de brevets n’ont aucune valeur si aucune mesure n’est prise pour en assurer le respect. Toute atteinte à un brevet doit immédiatement être portée à l’attention de la direction de l’entreprise de façon à ce que toutes les mesures utiles soient prises pour y mettre un terme. Dans ce cas également, les responsables des ventes et du marketing pourront être encouragés à signaler toute activité potentiellement constitutive d’une atteinte; de même, les clients pourront être invités et incités à signaler ce type d’activité. Examiner attentivement toute violation présumée et prendre des mesures pour la contrecarrer permet à l’entreprise d’optimiser la valeur de ses droits de brevet et de rentabiliser au maximum ses investissements en recherche-développement.
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