Progression soutenue de l’activité de la Chine dans le domaine des marques
Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
M. Zhang Mao, ministre et commissaire de l’Administration d’État pour l’industrie et le commerce de la République populaire de Chine (AEIC), dirige le plus grand office des marques du monde. Il expose les facteurs qui ont contribué au fulgurant accroissement des activités de la Chine en matière de marques au cours des dernières années, élan qui va probablement se poursuivre.
Quelles sont les caractéristiques de l’activité de la Chine en matière de marques?
Au cours des 10 dernières années, les demandes de marques déposées en Chine sont passées de 766 319 en 2006 à 2 876 048 en 2015. Cette évolution devrait se poursuivre malgré l’atonie de la croissance économique mondiale.
Cinq facteurs expliquent cette augmentation rapide. Premièrement, la volonté du Gouvernement chinois de stimuler “l’esprit d’entreprise et l’innovation de masse”, qui ont contribué à maintenir une croissance économique forte, à promouvoir l’expansion du marché et à abaisser les barrières à l’accès au marché. Les nombreuses sociétés qui ont ainsi vu le jour stimulent l’esprit d’entreprise, l’innovation et l’activité dans le domaine des marques.
Deuxièmement, l’application de la loi de 2014 sur les marques a contribué à instaurer un contexte juridique sain, propice à la multiplication des marques. Les lois et réglementations en matière de propriété intellectuelle sont sans cesse peaufinées.
Troisièmement, les autorités industrielles et commerciales et les régulateurs du marché, à tous les niveaux, s’efforcent de définir des règles du jeu équitables, favorables à la protection et à l’utilisation des droits attachés aux marques.
Quatrièmement, l’AEIC s’emploie à améliorer ses procédures d’enregistrement des marques pour permettre aux déposants de demandes d’accéder à des services efficaces et de grande qualité. À l’heure actuelle, environ 70% des demandes de marques sont déposées en ligne, et ce chiffre augmente d’un mois sur l’autre.
Cinquièmement, de vastes efforts consentis pour faire mieux connaître la propriété intellectuelle ont permis au public et entreprises de prendre conscience des avantages que procure la protection des marques.
Des déposants étrangers de demandes d’enregistrement protègent-ils leurs marques en Chine?
En 2015, 176 893 demandes d’enregistrement de marques émanant de l’étranger ont été déposées, y compris au titre du système de Madrid pour l’enregistrement international des marques, soit 6,15% des demandes reçues par l’Office des marques chinois. En avril 2016, les enregistrements valables de marques étrangères représentaient 10,68% de l’ensemble des enregistrements valables de marques auprès de l’Office des marques chinois.
Les déposants chinois utilisent-ils le système de Madrid de l’OMPI?
La Chine a adhéré au système de Madrid en octobre 1989, et s’est classée au septième rang des utilisateurs en 2015, date à laquelle les Chinois avaient déposé 2321 demandes d’enregistrement international, soit moins de 0,1% du total cumulé des demandes déposées auprès de l’Office des marques chinois. Les entreprises chinoises disposent donc d’une large marge de manœuvre pour utiliser davantage le système.
Le système de Madrid est un moyen commode, pour les entreprises chinoises, d’enregistrer et protéger leurs marques à l’étranger, et, pour les sociétés étrangères, de faire de même en Chine. Il va dans le sens des objectifs commerciaux à long terme des entreprises chinoises et contribue à renforcer la reconnaissance internationale des marques chinoises, ce qui constitue notre objectif à long terme.
Depuis plus de 25 ans, le système de Madrid est la pierre angulaire du commerce extérieur de la Chine et de son bilan impressionnant et fait partie intégrante de la stratégie de “mondialisation” de la Chine.
Comment voudriez-vous voir évoluer le système de Madrid?
Nous aimerions que davantage de membres adhèrent au système et que celui-ci soit l’option privilégiée par les sociétés qui souhaitent protéger leur marque au niveau international. Nous aimerions qu’il soit encore simplifié et automatisé afin qu’il assure un meilleur service aux utilisateurs, y compris aux offices nationaux de propriété intellectuelle, et les incite à l’utiliser davantage. Des mesures visant à renforcer la coopération entre les offices nationaux et l’OMPI seraient également les bienvenues, ainsi qu’une meilleure assistance aux opérations de traitement relatives au système.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par l’Office des marques?
Elles sont de quatre ordres. Tout d’abord, nous devons augmenter le nombre moyen de marques détenues par des entreprises chinoises. En 2011, 1074 marques enregistrées étaient détenues par 10 000 entreprises en Chine, contre respectivement 2167 en République de Corée et 3024 aux États-Unis d’Amérique. Malgré les progrès réalisés – en 2015, le chiffre était passé à 1335 – le fossé reste large.
En second lieu, bien que la Chine soit la deuxième économie mondiale, elle a relativement peu de marques internationales notoires. Selon la liste des 500 marques les plus influentes du monde (World’s 500 Most Influential Brands) établie par le World Brand Lab, la Chine vient au troisième rang, avec 31 marques influentes seulement, alors que les États-Unis d’Amérique, qui occupent la première place, en possèdent 228 et le Royaume-Uni 44.
Troisièmement, nous devons stimuler l’activité de dépôt de demandes d’enregistrement international de marques par les entreprises chinoises. Dans les pays développés, les demandes chinoises représentent de 35 à 75% de l’ensemble des demandes d’enregistrement de marques. En Chine, le chiffre n’est que de 4%. La plupart des demandes sont déposées au niveau national.
Quatrièmement, nous devons utiliser nos marques de façon plus efficace pour stimuler la croissance économique. En 2015, la valeur totale des cent meilleures marques mondiales, d’après la liste dressée par Interbrand, équivalait à 14% du PIB de la Chine. Or, deux marques chinoises seulement – Huawei (classée au 88e rang) et Lenovo (au 100e rang) – figuraient sur cette liste. Nous pouvons manifestement faire mieux.
Vous avez évoqué la loi de 2014 sur les marques. Quel impact a-t-elle eu?
Elle a considérablement amélioré le paysage chinois des marques en faveur du développement des entreprises. Ainsi, les sociétés peuvent désormais enregistrer des marques sonores, enregistrer une marque sous de multiples classes de produits et déposer des demandes d’enregistrement en ligne. Un délai juridiquement contraignant de neuf mois a été imposé à l’examen des demandes et à la communication de décisions, et la procédure d’opposition améliorée.
Afin de garantir le bon ordre du marché et une concurrence loyale, la loi définit de nouvelles catégories d’atteintes aux marques, notamment pour les marques notoires, et des dommages-intérêts punitifs plus lourds afin de réprimer l’utilisation de marques sans contrepartie, le squattage et la monopolisation de marques. D’autre part, la loi allège la charge de la preuve qui incombe aux propriétaires de marques.
En outre, l’AEIC est en train de promulguer des règlements complémentaires visant à améliorer encore la qualité et la prestation des services dans le domaine des marques.
Nous allons poursuivre l’automatisation des procédures d’examen et d’enregistrement des marques et utiliser au mieux les technologies de l’information pour en accroître l’efficacité. Nous nous employons aussi à mettre en place un dispositif de gouvernance fondé sur la collaboration entre départements, afin de réprimer plus efficacement les atteintes aux droits. Une plateforme en ligne intégrée, destinée à faciliter l’application de la législation relative aux marques, est en cours de mise au point afin de rehausser la transparence et la confiance des consommateurs dans ce domaine, et nous allons poursuivre nos campagnes d’information sur la propriété intellectuelle à tous les niveaux et dans tous les secteurs.
Le but est d’assurer des services publics plus commodes et plus efficaces aux entreprises chinoises et étrangères et d’instaurer un marché plus compétitif et mieux ordonné, favorable à l’expansion des entreprises.
Pensez-vous que les Chinois connaissent mieux la propriété intellectuelle?
Oui, beaucoup mieux. Une étude récente publiée par China Intellectual Property News a montré que la connaissance de la propriété intellectuelle par le public s’est améliorée de près de 25% entre 2008 et 2015. Plus de 78% des personnes interrogées sont convenues qu’il importe de “respecter le savoir, de plaider en faveur de l’innovation, de faire preuve de bonne foi et d’obéir à la loi”, tandis que 54,5% ont reconnu les liens étroits existant entre propriété intellectuelle, travail et bien-être social.
D’après la même étude, plus de 83% des entreprises chinoises estiment que la propriété intellectuelle est une ressource stratégique au service de la croissance économique et du développement technologique, et près de 59% d’entre elles reconnaissent dans la propriété intellectuelle un droit de propriété. Face à une atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle, plus de 95% des personnes interrogées préféreraient agir – par négociation, poursuites administratives ou action en justice – plutôt que de renoncer à leurs droits.
De plus, tout laisse à penser qu’une meilleure connaissance de la propriété intellectuelle incite à faire davantage appel aux marques. Au cours des 14 dernières années, c’est la Chine qui a déposé le plus grand nombre de demandes d’enregistrement de marques au monde, et cette tendance devrait se poursuivre.
Quelles sont les priorités de l’AEIC en 2016?
Notre premier objectif est d’améliorer les procédures d’enregistrement des marques et de renforcer nos capacités de prestations de services dans le domaine des marques. À cet effet, nous allons davantage automatiser les opérations afin de normaliser et d’améliorer la qualité et l’efficacité de l’examen des demandes d’enregistrement de marques. Le perfectionnement de notre système de contrôle de la qualité de l’examen et la mise en place de bases de données sur les marques à l’échelon local faciliteront notre démarche en ce sens et garantiront un meilleur service aux déposants.
Nous poursuivrons la réforme du paysage commercial chinois de manière que l’utilisation des marques contribue à la réalisation des objectifs de développement du pays. Cela suppose notamment de réprimer les atteintes aux marques en donnant aux équipes chargées de l’application de la loi des moyens d’agir plus efficacement et en assurant une meilleure coordination entre les instances administratives et judiciaires et les régulateurs du marché.
Nous continuerons aussi de conseiller les entreprises et de les aider à élaborer leurs propres stratégies en matière de marques et d’image de marque. Nous conduirons à cet effet des campagnes de grande envergure pour faire mieux connaître la propriété intellectuelle et organiserons des cours de formation. Des organismes locaux de conseil en matière d’image de marque s’installent pour aider les entreprises, y compris les agriculteurs, à mieux utiliser, protéger et gérer leurs marques, en Chine et à l’étranger, afin de renforcer leur compétitivité.
La Chine possède désormais des tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle. Quelle en sera l’incidence sur les atteintes aux marques?
En 2014, la Chine a mis en place des tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle à Beijing, Shanghai et Guangzhou. Les décisions administratives prises par l’Office des marques concernant les droits attachés aux marques relèvent de la compétence du tribunal de Beijing spécialisé en matière de droits de propriété intellectuelle. Ce tribunal est saisi de de nombreuses affaires et joue un rôle clé dans la répression des atteintes aux marques.
En règle générale, les instances locales chargées de l’industrie et du commerce ont fait de substantiels progrès, dans l’ensemble du pays, en matière de répression des atteintes aux marques. Fortes des conseils de l’AEIC, elles ont instruit environ 65 000 affaires qui portaient sur des atteintes représentant un montant total de 860 millions de yuans (environ 131 millions de dollars É.‑U.), ainsi que des amendes et confiscations à hauteur de 720 millions de yuans (environ 110 millions de dollars). Les autorités judiciaires ont été saisies de plus de 460 affaires.
Par ailleurs, les programmes nationaux de formation à la propriété intellectuelle dispensés par l’Académie administrative de l’AEIC permettent d’améliorer l’efficacité des équipes locales chargées d’appliquer la loi et leur donnent les moyens de résoudre des questions concrètes en matière de marques.
Quel conseil donneriez-vous aux petites et moyennes entreprises chinoises (PME)?
Forgez votre propre image de marque. Pour prospérer sur le marché actuel, caractérisé par une grande variabilité et une concurrence exacerbée, les PME doivent impérativement renforcer leur compétitivité dans leur cœur de métier. Il faut qu’elles fassent de la formation d’une image de marque une priorité stratégique si elles veulent que leur productivité se traduise par un accroissement de leurs profits et de leur part de marché.
Pour se forger une image de marque, il faut procéder en plusieurs étapes, bien cerner le marché et s’employer à mettre au point des produits et services de qualité. C’est sur la qualité qu’est assise toute image de marque : sans qualité, pas de part de marché. Une stratégie exhaustive en matière d’image de marque est le pilier de la compétitivité et de la rentabilité d’une entreprise.
Et que conseilleriez-vous à des sociétés chinoises qui souhaitent protéger leurs marques à l’étranger?
Les sociétés qui nourrissent des ambitions internationales doivent reconnaître l’importance de la protection de leurs marques sur les marchés mondiaux. Une stratégie exhaustive et prospective fondée sur l’image de marque aidera la société à éviter les pièges à mesure qu’elle aborde de nouveaux marchés.
Les sociétés chinoises ont besoin d’inspirer confiance et d’avoir une vision stratégique qui leur permette de former leur propre image de marque et de la gérer. Elles pourront accéder d’autant plus rapidement et efficacement aux marchés mondiaux et y soutenir la concurrence qu’elles sauront gérer correctement leurs actifs en matière de marques. C’est ainsi que les marques chinoises jouiront d’une notoriété internationale et que les entreprises chinoises seront valorisées.
Enfin, lorsqu’elles sont confrontées à des litiges dans le domaine des marques, les sociétés doivent recourir aux systèmes juridiques existants pour faire valoir leurs droits.
Qu’en est-il des sociétés étrangères qui souhaitent accéder au marché chinois?
Le meilleur moyen dont disposent les sociétés étrangères pour pénétrer le marché chinois consiste à protéger leurs marques, notamment celles qui présentent un potentiel commercial important, et de les enregistrer auprès de l’Office des marques chinois. Si elles veulent déjouer les pièges, les sociétés doivent envisager cette démarche avant même de prendre pied sur le marché chinois. C’est en effet le moyen le moins coûteux et le plus efficace d’éviter le “squattage” de marques. En cas d’atteinte à leurs droits sur des marques, il leur est fortement recommandé de collaborer avec les autorités chinoises compétentes pour traduire les contrevenants en justice.
Enfin, prévoyez-vous une évolution du paysage des marques en Chine au cours des 10 prochaines années?
La stratégie de la Chine en matière de développement économique obéit désormais à une nouvelle norme, centrée sur l’innovation. Les marques jettent des ponts entre l’innovation et le marché, et elles jouent un rôle important dans la mesure où elles stimulent l’innovation, améliorent la qualité, l’efficacité et la compétitivité. Les stratégies en matière de marques et d’image de marque vont donc devenir l’un des moteurs les plus puissants du développement économique en Chine.
De par sa taille et son énorme potentiel, le marché chinois va continuer d’attirer les investisseurs étrangers, et un nombre croissant d’entreprises chinoises vont accéder au marché mondial, alimentant ainsi la demande d’enregistrement international de marques.
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