La protection des propriétés olympiques
Marianne Wüthrich, conseillère juridique principale en marques, Comité international olympique
Durant 17 jours au mois d’août, tous les yeux seront rivés sur le Brésil alors que des athlètes du monde entier se rassemblent pour participer aux Jeux olympiques de Rio 2016. À l’occasion de cet événement sportif international le plus important et le plus complexe qui soit, les symboles du mouvement olympique – des cinq anneaux entrelacés à la mascotte olympique, Vinicius – seront l’objet de toute l’attention des médias mondiaux. Le présent article examine comment le Comité international olympique (CIO) protège ces symboles qui nous sont si familiers, autrement dit les propriétés olympiques.
L’olympisme est une philosophie de vie qui met le sport au service de l’humanité. Le Mouvement olympique est l’action concertée, organisée, universelle et permanente, exercée par de nombreux individus et entités inspirés par les valeurs de l’olympisme sous l’égide du CIO. Il rassemble les athlètes de tous les continents pour l’une des plus célèbres manifestations sportives, culturelles et de divertissement du monde : les Jeux olympiques.
Les propriétés olympiques représentent l’identité visuelle de l’olympisme. Le symbole olympique, en particulier, est l’une des marques les plus connues du monde. Les cinq anneaux entrelacés représentent l’union des cinq continents et symbolisent les valeurs olympiques : l’excellence, le respect et l’amitié. Les propriétés olympiques sont devenues emblématiques; elles sont davantage que de simples “logos”. Dans le monde entier, elles sont associées aux valeurs fondamentales du sport et du Mouvement olympique.
En raison de la place d’honneur qu’elles occupent sur la scène mondiale, il est essentiel que le CIO protège ses propriétés olympiques à l’échelle internationale. À cet effet, le CIO dispose de moyens juridiques spéciaux mais il s’appuie aussi sur des moyens classiques de protection des marques.
Définition des propriétés olympiques
La Charte olympique est la codification des principes fondamentaux de l’olympisme, des règles et des textes d’application adoptés par le CIO. Conformément à la règle 7 de la Charte, les propriétés olympiques comprennent le symbole olympique ainsi que le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (y compris “Jeux olympiques” et “Jeux de l’Olympiade”), les désignations, les emblèmes, la flamme et les torches olympiques.
L’ensemble des droits sur toutes ou chacune des propriétés olympiques, ainsi que les droits d’usage y relatifs, sont la propriété exclusive du CIO, y compris en ce qui concerne leur utilisation à des fins lucratives, commerciales ou publicitaires.
Financement des Jeux olympiques
Le CIO et les organisations qui composent le Mouvement olympique sont entièrement financés par le secteur privé.
Le soutien du milieu des affaires est déterminant pour la tenue des Jeux olympiques, une des plateformes internationales de commercialisation les plus efficaces au monde, touchant des milliards de personnes dans plus de 200 pays et territoires. Le CIO distribue plus de 90% de ses recettes à des organisations au sein du Mouvement olympique en vue de financer les Jeux olympiques et de promouvoir le développement du sport dans le monde.
La radiodiffusion des Jeux olympiques est le moyen le plus efficace de transmettre les idéaux olympiques dans le monde. Le principal objectif de la radiodiffusion vise à s’assurer que le plus large public possible puisse faire l’expérience des Jeux olympiques. En tant que titulaire des droits des Jeux olympiques – y compris les diffusions à la télévision, à la radio, sur des plateformes mobiles et sur l’Internet –, le CIO accorde à ses partenaires des droits de radiodiffusion exclusifs dans leurs territoires respectifs.
Le programme de parrainage mondial du CIO, le Programme des partenaires olympiques, a été créé afin d’établir des partenariats à long terme dans l’intérêt du Mouvement olympique. Le Programme des partenaires olympiques confère à chaque partenaire dans le monde entier des droits et des possibilités de commercialisation exclusifs à l’échelle mondiale pour une catégorie désignée de produits ou de services.
Par conséquent, le CIO doit pouvoir protéger l’exclusivité accordée à ses partenaires de radiodiffusion et de commercialisation et disposer des moyens nécessaires pour empêcher des tiers de créer une association non autorisée avec les Jeux olympiques.
Protection des propriétés olympiques
De nombreux pays ont adopté une législation permanente qui protège les propriétés olympiques. Bien que les efforts du Mouvement olympique aient contribué à l’application de cette législation, les parlements qui ont adopté ces mesures comprennent également l’importance du sport et du Mouvement olympique ainsi que la nécessité de protéger les propriétés y relatives.
L’adoption d’une législation spécifique s’est également révélée nécessaire dans des pays qui accueillent une édition des Jeux olympiques. Cette législation ne concerne pas uniquement la protection des propriétés olympiques; elle fournit aussi les moyens pour lutter contre le marketing sauvage et pour réglementer la publicité, en particulier à l’intérieur et autour des sites olympiques. La première législation spécifique relative à une édition des Jeux olympiques a été mise en place au Canada avant les Jeux olympiques de 1976 à Montréal. Depuis les Jeux olympiques de Sydney en 2000, tous les pays hôtes ont adopté cette législation; cela sera également le cas pour les futures éditions des Jeux olympiques, telles que Pyeongchang en 2018 et Tokyo en 2020.
Les Jeux olympiques de Rio 2016
Dans le cadre des Jeux olympiques de Rio 2016, les autorités brésiliennes usent d’un certain nombre de lois pour protéger les symboles olympiques officiels, notamment :
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- Loi brésilienne sur la propriété industrielle (loi n° 9279/96). Cette loi interdit l’enregistrement en tant que marques des noms, prix ou symboles de compétitions sportives officielles ainsi que les imitations susceptibles de prêter à confusion, sauf lorsqu’elles sont autorisées par l’autorité compétente ou l’entité chargée d’assurer la promotion de l’événement;
- Loi Pelé (loi n° 9615/98), qui confère au Comité olympique brésilien les droits exclusifs sur l’utilisation des drapeaux, devises, hymnes et symboles olympiques ainsi que des appellations “jeux olympiques”, “olympiades”, “jeux paralympiques” et “paralympiades”. Elle prévoit aussi des droits de stade en vertu desquels les droits médiatiques sur les manifestations sportives appartiennent à l’entité sportive qui organise un tel événement ou y prend part, mais autorise la diffusion de jusqu’à 3% de la durée de l’événement par des détenteurs de titres de propriété qui ne relèvent pas de la radiodiffusion à des fins journalistiques, sportives ou d’enseignement.
- Loi brésilienne sur le droit d’auteur (loi n° 9610/98), qui protège les symboles, dessins et modèles et mascottes ainsi que toute autre œuvre en rapport avec les Jeux olympiques et paralympiques.
- Loi olympique brésilienne (loi n° 12 035/09), qui offre une protection juridique à toutes les propriétés associées aux Jeux olympiques et paralympiques de Rio 2016. Les autorités fédérales sont chargées du contrôle, de l’investigation et de la suppression de tous les actes illégaux qui portent atteinte aux droits relatifs à des symboles olympiques. La loi interdit par ailleurs à toute entité de s’associer, ou d’associer ses produits ou services, avec les Jeux olympiques, que ce soit à des fins commerciales ou pas, sans l’autorisation expresse du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Rio 2016 ou du CIO. La loi donne aussi aux autorités locales et au Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Rio 2016 les moyens de lutter efficacement contre les pratiques de marketing sauvage (lorsque les produits sont suffisamment similaires pour invoquer une association indue avec les Jeux), et d’empêcher les activités de marketing non autorisées, telle la vente de billets pour les Jeux olympiques sur un site olympique ou aux alentours de ce dernier. Ces mesures ont encore été renforcées avec le récent amendement de la loi qui a pris effet en mai 2016.
- Loi générale brésilienne relative aux Jeux olympiques (loi n° 13 284/16), qui définit et érige en infraction le marketing sauvage par intrusion et association, entre autres dispositions relatives aux Jeux. Cette loi complète la loi olympique brésilienne.
- Lois olympiques locales adoptées par les municipalités et les États qui accueillent les Jeux :
- Rio de Janeiro – État de Rio de Janeiro
- São Paulo – État de São Paulo
- Salvador – État de Bahia et législation olympique de l’État (loi n° 13 565/16)
- Belo Horizonte – État de Minas Gerais et législation olympique municipale (loi n° 10 941/16)
- État d’Amazonas
- District fédéral
- Traité de Nairobi : le CIO dispose également d’un instrument juridique international exceptionnel qui protège le symbole olympique. Adopté en 1981 et administré par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), le Traité de Nairobi concernant la protection du symbole olympique oblige chaque État l’ayant ratifié à refuser ou invalider l’enregistrement comme marque et à interdire l’utilisation à des fins commerciales de tout signe constitué par le symbole olympique ou contenant ce symbole, sauf avec l’autorisation du CIO.
- Protection des marques : à l’échelle mondiale, le CIO est le propriétaire de nombreuses marques protégeant ses propriétés olympiques. Si cela semble logique, le CIO n’en a pas moins attendu une centaine d’années avant de pouvoir enregistrer des marques à son nom. Avant 1993, de nombreuses législations nationales sur les marques (y compris en Suisse, où le CIO a son siège) réservaient le droit d’enregistrer des marques aux sociétés commerciales. En tant qu’association à but non lucratif, le CIO a dû attendre l’harmonisation des législations européennes et la modification de la législation suisse pour pouvoir enregistrer une marque à son nom.
Le CIO enregistre des marques, en particulier au titre du système de Madrid concernant l’enregistrement international des marques administré par l’OMPI, relatives à ses propriétés permanentes (qui sont communes à chaque édition des Jeux olympiques), telles que le symbole olympique et les termes “olympique”, “Olympiade” et “Jeux olympiques”. Il cherche aussi à faire protéger les identifications relatives à une édition particulière des Jeux olympiques, telles que l’emblème officiel de cette édition et la marque verbale constituée du nom de la ville et de l’année, par exemple “Rio 2016”, “Pyeongchang 2018” et “Tokyo 2020”.
Application des droits du CIO
Dans le cadre de la gestion courante de ses droits de propriété intellectuelle, le CIO rencontre quelques obstacles, dont certains sont décrits ci-dessous.
- Les plateformes de médias sociaux sont un formidable moyen de toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes. Le CIO saisit cette occasion en étant présent sur plusieurs grands réseaux sociaux. Le CIO travaille en étroite collaboration avec les réseaux sociaux pour empêcher l’utilisation non autorisée des propriétés olympiques.
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Marketing sauvage. Certaines sociétés qui ne sont pas des partenaires officiels essaient de s’associer sans frais au caractère unique et universel des Jeux olympiques. Il s’agit d’une pratique déloyale envers les sociétés qui contribuent financièrement aux Jeux olympiques et envers les athlètes participants. La créativité de ces agents de marketing sauvage rend nécessaire l’adoption d’une législation nationale adaptée pour empêcher le marketing sauvage. Toutefois, étant donné que ces législations sont uniquement en vigueur dans le pays hôte, le CIO doit recourir à des moyens légaux ordinaires, tels que l’enregistrement des marques ou la loi sur la concurrence déloyale, pour lutter contre le marketing sauvage dans d’autres pays. Il arrive que les lois ordinaires n’aillent pas aussi loin que le souhaiterait le CIO.
Protection de la marque verbale constituée d’un nom de ville et d’une année
En 1993, avant la désignation de Sydney pour accueillir les Jeux olympiques de 2000, un tiers a tenté d’enregistrer, dans de nombreux pays, tous les noms des villes candidates aux Jeux olympiques de 2000, puis a menacé les partenaires du CIO de les poursuivre en justice s’ils utilisaient la référence “Sydney 2000”.
Afin d’empêcher ce genre d’abus à l’avenir, le CIO a ensuite pris des mesures afin de protéger les identifications constituées du nom de la ville et de l’année bien avant qu’une ville ne soit désignée pour accueillir une édition des Jeux olympiques.
Certaines décisions des tribunaux ont remis en question le caractère distinctif d’une marque composée d’un nom de ville et d’une année.
L’acquisition d’un caractère distinctif pour remédier à une absence initiale de caractère distinctif requiert généralement une utilisation très prolongée sur le marché. Toutefois, de nombreux offices de marques dans le monde entier (notamment l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)) ont convenu que, dans le cas précis des Jeux olympiques, le caractère distinctif peut être acquis plus rapidement, voire instantanément. Compte tenu de l’intérêt exceptionnel suscité dans le monde entier par l’élection d’une ville par le CIO et de la couverture médiatique de cet événement, le caractère distinctif est acquis dès que le résultat est annoncé.
Gestion des propriétés olympiques pour les générations futures
Les Jeux olympiques sont l’un des événements sportifs les plus renommés au monde. Par conséquent, il est très important de protéger les propriétés olympiques. Le CIO bénéficie d’une situation privilégiée grâce au Traité de Nairobi et aux législations nationales destinées à protéger les propriétés olympiques et à lutter contre le marketing sauvage dans certains territoires. Il n’en reste pas moins qu’une protection juridique ordinaire, telle que la protection des marques, demeure essentielle. Comme bon nombre d’autres propriétaires de marque, notamment les instances dirigeantes sportives, le CIO doit faire face à un certain nombre de défis relatifs à la gestion de ses actifs de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne les plateformes de médias sociaux. Bien que le CIO considère l’avènement des réseaux sociaux comme une occasion pour les organismes sportifs de toucher de nouvelles générations de fans et de participants, il doit veiller à assurer la protection continue des propriétés olympiques. Nul doute qu’une collaboration étroite avec les fournisseurs de ces services contribuera à atténuer ce risque.
Une gestion judicieuse des propriétés olympiques contribuera à faire en sorte que les personnes de tous âges et de tous les continents puissent continuer à participer au spectacle olympique et à célébrer les valeurs qui sous-tendent les Jeux olympiques pour les générations futures.
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