La voiture volante : un rêve en passe de devenir réalité
Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
Vous est-il jamais arrivé, coincé dans un embouteillage, d’imaginer pouvoir vous envoler? À bord d’une voiture volante par exemple? Vous avez alors pensé que c’était pure chimère et que seul “M” pourrait concevoir un tel engin pour les prochaines aventures de James Bond. Détrompez-vous! Depuis 20 ans, Stefan Klein, un Slovaque passionné d’aviation capable d’habilement conjuguer conception et innovation et doté d’un solide sens des affaires, s’efforce de transformer ce rêve en réalité. Dans un futur pas si lointain, la voiture volante pourrait bien partir à la conquête des cieux.
Comme dans le cas d’autres inventeurs de génie, le projet de Stefan Klein a vu le jour dans un garage, chez lui à Nitra, en Slovaquie. Au départ, aidé de membres de sa famille, il met au point deux prototypes : AeroMobil 1.0 et AeroMobil 2.0. Mais en 2010, le projet prend réellement son envol au moment où Stefan Klein s’associe avec l’entrepreneur Juraj Vaculík, un investisseur providentiel, pour créer AeroMobil. Juraj Vaculík est aujourd’hui PDG de la société et, comme l’a indiqué le chef d’exploitation d’AeroMobil, Ladislav Batik, dans un entretien pour le Magazine de l’OMPI, il est “fermement convaincu que ce véhicule peut révolutionner le secteur du transport de personnes”.
Depuis sa création, l’entreprise a fabriqué deux autres prototypes : AeroMobil 2.5 et AeroMobil 3.0. Il aura fallu à peine 10 mois pour mettre au point le dernier prototype, AeroMobil 3.0. “Pouvoir se procurer rapidement des matériaux composites de qualité, exploiter des technologies de pointe et faire appel au savoir-faire des ingénieurs d’AeroMobil nous a permis de réaliser cet exploit”, explique M. Batik.
Mais au fait, en quoi consiste une voiture volante? “Nous travaillons à la conception d’un véhicule capable de servir aussi bien de voiture que d’avion, sans aucun compromis entre ces deux moyens de transport”, indique M. Batik. “Notre objectif n’est pas de concevoir un simple modèle d’avion capable de rouler sur route mais un véhicule parfaitement fiable qui puisse aussi bien servir de voiture que d’avion.”
Les défis à relever
La gageure est de taille au vu des contraintes techniques antagonistes que présentent ces deux moyens de transport. “Le plus gros défi fut de combiner ces deux moyens de transport qui, par nature, sont antinomiques. Pour ne citer qu’un exemple, un avion se doit d’être aussi léger et étroit que possible et, pour assurer sa portance, il doit respecter un profil aérodynamique; a contrario, une voiture se doit d’avoir un appui aérodynamique et d’être d’une largeur et d’un poids conséquents pour garantir sa stabilité sur route. Or le prototype 3.0 apporte la preuve qu’il est possible de concilier toutes ces contraintes”, affirme M. Batik.
Outre ces défis d’ordre purement technique, les ingénieurs ont également dû trouver des solutions pour élaborer un modèle conforme aussi bien à la législation automobile qu’à la législation aéronautique. “Maintenant que notre concept est éprouvé et que nous entamons la mise au point d’un véhicule expérimental, nous devons démonter toutes les pièces du véhicule une à une, afin de nous assurer qu’elles répondent à toutes les conditions fixées par la loi en termes de conception, de sécurité, etc. Pour être efficace, par exemple, l’hélice de l’avion doit être aussi tranchante que possible; or, en mode voiture, la loi interdit toute arête tranchante, et ce pour des raisons de sécurité. Nous devons donc trouver comment faire avec l’hélice lorsque le véhicule est à l’arrêt ou circule sur route. De manière analogue, toute voiture doit être équipée de rétroviseurs pour permettre au conducteur de faire marche arrière; or, sur un avion, ils créent une résistance supplémentaire”, explique M. Batik.
Pour relever ces défis, les ingénieurs d’AeroMobil doivent faire preuve de créativité et trouver des solutions innovantes. “Notre avion doit répondre aux critères les plus exigeants parce que c’est aussi une voiture, et notre voiture doit répondre aux critères les plus exigeants parce que c’est aussi un avion”, indique-t-il, reprenant les propos du directeur technique de la société, Doug McAndrew. “Ce projet nous amène à utiliser des pièces d’avion que nous n’aurions jamais jugé utiles sur une voiture, et inversement.”
Le rôle de la propriété intellectuelle
Compte tenu des énormes efforts consentis pour surmonter les difficultés à la fois techniques et réglementaires du projet, AeroMobil est pleinement consciente de la nécessité de protéger ses innovations. “D’emblée, nous avons mis en place une stratégie de protection de nos actifs. Tout au long du processus d’innovation, une foule d’idées jaillissent que nous devons absolument protéger car elles représentent une source potentielle de revenus dans le futur et, naturellement, nous tenons à éviter que d’autres s’en emparent”, fait observer M. Batik.
Si vous pensez détenir un concept novateur viable sur le plan commercial, empressez-vous de le faire protéger et de vous renseigner sur la façon de procéder.
Ladislav Batik
“Nous avons déposé notre première demande de brevet (PCT SK/2012/000010) en 2012 en Slovaquie, puis dans 101 autres pays selon le Traité de coopération en matière de brevets de l’OMPI (PCT). Dans certains de ces pays, nous avons déjà obtenu un brevet; dans d’autres, la phase nationale de la procédure d’examen se poursuit”, déclare-t-il, précisant que lorsqu’une demande internationale de brevet déposée selon le PCT fait l’objet d’un examen par les autorités nationales compétentes, le résultat peut varier d’un pays à l’autre en raison de différences dans les législations nationales sur les brevets. “Dans certains pays, nous devons défendre plus farouchement nos idées que dans d’autres, ce qui entraîne des coûts parfois conséquents. C’est ce qui nous a poussés à faire appel à un cabinet de conseils en brevets réputé; il se charge de défendre nos demandes dans ces pays et de toutes les tâches administratives. Nous n’y arriverions pas sans leur aide”, indique-t-il.
AeroMobil a également fait enregistrer ses marques à l’international selon le système de Madrid de l’OMPI. Son portefeuille d’actifs de propriété intellectuelle comprend actuellement trois brevets (dont le PCT SK/2015/00003 et le PCT SK/2015/00004) et huit marques, auxquels viennent s’ajouter des droits rattachés à une poignée de modèles d’utilité et à des dessins et modèles.
Constituer le portefeuille d’actifs de propriété intellectuelle de l’entreprise présente également une importance stratégique dès lors qu’il s’agit d’attirer des investisseurs privés. “Pour l’heure, notre portefeuille est essentiellement composé d’actifs découlant de la mise au point du prototype AeroMobil 3.0. Nous cherchons désormais à le perfectionner pour passer au prototype AeroMobil 4.0, ce qui nous amène à exploiter de nouvelles idées, et nous avons déjà entamé la procédure de dépôt de demandes de brevet les concernant. Cette démarche est importante car elle montre aux investisseurs que nous sommes capables de surmonter les obstacles réglementaires et de proposer des solutions brevetables, ce qui leur garantit un retour sur investissement.”
Force est cependant de constater que le projet de voiture volante n’est pas le seul apanage d’AeroMobil : on compte près de 20 autres entreprises travaillant sur un concept similaire dans le monde, bien qu’elles ne soient pas toutes comparables à AeroMobil. “C’est une bonne chose en soi car si nous étions les seuls sur ce créneau, nous aurions bien plus de mal à donner corps à ce secteur et à en démontrer le bien-fondé”, explique M. Batik. “Ne pas être les seuls à chercher à mettre au point cette technologie nous conforte dans l’idée qu’il est indispensable de protéger nos actifs de propriété intellectuelle.”
Le véhicule
On ignore encore quelles seront les caractéristiques finales du véhicule. “Nous ne disposons aujourd’hui que d’un véhicule concept, et ses paramètres techniques ne seront pas nécessairement identiques à ceux du produit final”, indique M. Batik. Ce qu’il confirme en revanche, c’est que l’objectif est de fabriquer un véhicule biplace d’une autonomie pouvant atteindre 1000 kilomètres en trois heures ou trois heures et demie, et que ce véhicule pourra rouler “à la vitesse maximale autorisée”. L’engin sera par ailleurs équipé de tous les dispositifs de sécurité que l’on est droit d’attendre sur une voiture ou un avion. Le tout dernier prototype est d’ores et déjà équipé d’un système de pilotage automatique à deux axes et d’un système de parachute de secours “qui permet au pilote et à son véhicule au complet d’atterrir en toute sécurité en cas d’urgence”, déclare M. Batik.
Toute personne caressant l’espoir de devenir propriétaire d’un AeroMobil devra être titulaire d’un brevet de pilote et d’un permis de conduire. Néanmoins, comme il s’agit d’un véhicule à atterrissage et décollage courts, accéder à une piste adaptée ne devrait pas poser problème. “Nous essayons actuellement différents moteurs dans le but de ramener la distance de décollage à quelques centaines de mètres. Nous sommes de fervents partisans de l’utilisation des ailes comme source de portance; nous privilégions cette technologie mais restons ouverts à toute autre innovation technologique”, indique M. Batik.
Possibilités d’utilisation
La société envisage trois grands types d’utilisation pour son véhicule.
Premièrement, pour des déplacements de courte ou moyenne distance compris entre 50 et 600 kilomètres.
Deuxièmement, pour se rendre dans des endroits aux infrastructures limitées. “L’AeroMobil permet de lever toutes sortes d’obstacles”, explique M. Batik, indiquant par exemple qu’au volant d’un AeroMobil, il ne sera plus nécessaire de contourner un fjord de Norvège ou la baie de San Francisco, l’engin permettant de survoler directement ces zones. Il pense que le véhicule pourrait également être utilisé dans des zones reculées ou aux infrastructures routières restreintes, comme en Afrique, en Australie ou dans certaines régions des États-Unis d’Amérique, où le véhicule permettra de voler au-dessus de vastes étendues puis de rouler sur la fin du trajet.
Troisièmement enfin, l’AeroMobil pourrait être utile aux travailleurs qui font quotidiennement la navette entre leur domicile et leur lieu de travail et qui passent jusqu’à deux heures et demie en transports interurbains du fait d’énormes embouteillages. “Naturellement, la fin du trajet devra probablement se faire en mode voiture mais il sera possible d’utiliser le mode avion pour aller d’une ville à l’autre, ce qui permettra de réduire considérablement les temps de parcours”, explique M. Batik.
“Le plus intéressant sur notre véhicule, c’est sa polyvalence. Il permet d’atterrir en cas de dégradation des conditions météo, de passer en mode voiture et de poursuivre sa route, alors qu’aux commandes d’un petit appareil, vous seriez contraint d’atterrir et d’attendre que le temps s’améliore avant de pouvoir reprendre votre vol.”
La commercialisation du véhicule
Se conformer aux législations automobile et aéronautique en vigueur est une priorité pour AeroMobil, sachant que cela raccourcira le délai nécessaire à la commercialisation du produit. “Nous avons décidé que le premier véhicule mis sur le marché serait conforme aux réglementations en vigueur, car attendre l’adoption d’une nouvelle législation prendrait des années.”
La société pense pouvoir enregistrer ses premières commandes en 2017, pour une livraison prévue un an plus tard. Elle s’adresse en priorité à des collectionneurs de petits appareils, de voitures de sport et de yachts. “Comme nous créons de toutes pièces un tout nouveau secteur et un nouvel environnement, nous ne fabriquerons dans un premier temps qu’un nombre limité de véhicules. Notre objectif premier est de réussir à commercialiser le produit, de trouver des ambassadeurs pour en faire la promotion et de prouver qu’il peut coexister avec les moyens de transport actuels et qu’il représente une option viable en termes de transport. Dès qu’il aura été présenté au grand public et que la demande augmentera, nous pourrons envisager une production à grande échelle et proposer une utilisation dans le cadre d’une solution de mobilité tout-en-un.”
Alors la prochaine fois que vous serez coincé dans un embouteillage, gardez espoir : de nouveaux moyens de transport individuels devraient bientôt faire totalement disparaître ce genre de situation.
Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.