FerMUN 2017 : des jeunes débattent de questions de propriété intellectuelle et d’autres problématiques mondiales sur le modèle des Nations Unies
Benjamin Phillips, Amélie Bernard Beeckman, Edward Barnes, Maria Lalain, Manon Michel, Jan Hulsebosch, Lucie Parrinello et Maïlis Fontani, présidents des comités sur la propriété intellectuelle lors de l’édition 2017 du FerMUN
Début janvier 2017, plus de 600 élèves venus de 21 pays ont participé au FerMUN, une conférence bilingue sur le modèle des Nations Unies qui se tient une fois par an. Organisée par le Lycée international de Ferney-Voltaire, en France, et différentes organisations des Nations Unies basées à Genève, en Suisse, l’édition 2017 s’est déroulée dans les locaux de l’OMPI.
Cette conférence simule des négociations internationales sur le modèle des Nations Unies et donne à la jeunesse l’occasion de se pencher sur des problématiques complexes et de rechercher des solutions pour un avenir meilleur. Le fait d’être accueillis cette année par l’OMPI fut pour nous l’occasion idéale d’apprendre à mieux connaître la propriété intellectuelle et son importance dans des domaines aussi variés que les droits des peuples autochtones, l’innovation et la santé ou la concurrence. Avant cette conférence 2017, nous ne connaissions pas grand-chose de la propriété intellectuelle car on nous en parle rarement pendant notre scolarité. Ce fut donc pour nous une formidable occasion de découvrir en quoi elle consiste vraiment et en quoi elle se rapporte à de nombreux aspects de notre quotidien.
Sur les 10 assemblées que comptait la conférence, quatre portaient sur des questions de propriété intellectuelle. Dans le cadre des vastes débats qui ont lieu, les élèves ont eu la possibilité d’étudier une large palette d’opinions et de faire personnellement l’expérience des difficultés, et parfois des frustrations, liées à toute recherche de consensus sur des questions précises d’intérêt mondial. Les participants au FerMUN 2017 ont tous fait preuve d’une très grande motivation et ont travaillé dur pour formuler des recommandations visant à résoudre différentes questions d’actualité. Nous avons été très impressionnés par notre capacité à collaborer et cette expérience restera longtemps gravée dans nos mémoires. Nous avons tous découvert qu’amener différents groupes à se mettre d’accord sur des questions complexes exigeait énormément de temps, de persévérance et de concentration. Le présent article met en lumière les principaux enseignements que nous avons titrés de cette expérience.
Le téléchargement illégal d’œuvres protégées par le droit d’auteur
La question du téléchargement illégal a fait l’objet de débats particulièrement animés, de nombreux élèves ayant des opinions tranchées sur ce point. Nous avons appris que le système du droit d’auteur était conçu de manière à ce que les créateurs soient reconnus en tant que titulaires de droits d’auteur sur leur œuvre et puissent en vivre mais que, parallèlement, ces personnes et d’autres titulaires de droits de propriété intellectuelle se heurtaient à de nombreuses difficultés compte tenu de la facilité avec laquelle il était possible de contourner ces droits ou d’y porter atteinte sur l’Internet.
Nous avons abordé la question sous différents angles : la nécessité de pouvoir accéder à des contenus en ligne à des fins pédagogiques ou sociales (divertissement, etc.), la nécessité de préserver les intérêts économiques des créateurs, aux revenus compromis, et le rôle des gouvernements en matière de réglementation.
Nous avons envisagé différentes solutions pour dissuader les pirates de créer des plateformes en ligne à l’image de Pirate Bay, par exemple en imposant des sanctions sur le modèle de la loi Hadopi appliquée par la France. Bien qu’elle ait été suspendue depuis, cette loi adoptée en 2009 avait pour but d’inciter les internautes à respecter le droit d’auteur au moyen d’amendes et d’autres sanctions à l’encontre de récidivistes. Nous avons pris conscience lors des échanges sur ce point des tensions que peuvent susciter les questions de propriété intellectuelle et, pour trouver un moyen efficace de les apaiser, des obstacles à surmonter et des concessions à accepter. Parmi les recommandations formulées, les élèves ont notamment proposé un programme visant à faciliter l’échange d’informations relatives à des contenus en ligne (morceaux de musique, vidéos, images) entre organismes chargés de l’application de la loi, fournisseurs d’accès Internet et titulaires de droits, l’objectif étant de mieux contrôler le téléchargement illégal de ces œuvres.
Les droits des peuples autochtones
La question de la propriété intellectuelle et des droits des peuples autochtones et des communautés locales a elle aussi suscité un très grand intérêt parmi les participants à la conférence. Ce thème est au centre des préoccupations politiques et du droit international depuis plusieurs décennies.
Les communautés autochtones et locales détiennent un vaste ensemble de connaissances dans le domaine des sciences de la nature, de la santé, de la technologie et des techniques, des rituels et d’autres formes d’expression culturelle, un savoir qui s’est accumulé au fil des générations. Trop souvent cependant, ces connaissances, ces pratiques et cette créativité sont exploitées sans leur accord et sans qu’ils perçoivent une part équitable des avantages découlant de leur utilisation.
Nous avons traité de l’application du Protocole de Nagoya, un accord international qui vient compléter la Convention sur la diversité biologique. Ce protocole énonce clairement les dispositions à mettre en place pour permettre l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, de sorte que les fournisseurs aussi bien que les utilisateurs de ces ressources sachent à quoi s’en tenir sur le plan juridique. Il cherche principalement à créer des incitations à la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques.
Ces questions ont fait l’objet de débats passionnés. Les élèves ont adopté à l’unanimité trois résolutions visant à mieux régir les relations entre l’industrie et les communautés autochtones de sorte que les peuples autochtones perçoivent une part plus équitable des avantages découlant de l’utilisation de leurs connaissances. Ils ont également préconisé une meilleure représentation des peuples autochtones au sein de leurs pays respectifs et invité les organisations internationales à travailler de concert pour mieux protéger et valoriser le patrimoine culturel autochtone.
Ces échanges nous ont permis d’entrevoir les moyens à mettre en œuvre pour négocier un accord impliquant de nombreux intérêts différents.
Le changement climatique
Le changement climatique et le rôle de la propriété intellectuelle dans la promotion de l’innovation verte et dans l’appui au développement et à l’échange de technologies vertes ont été au cœur de nombreux débats, signe du très grand intérêt de la jeunesse envers cet enjeu mondial.
Les élèves ont pris conscience que les technologies vertes amélioraient non seulement notre qualité de vie mais avaient aussi une incidence sur notre propre existence et celle de la planète. Reconnaissant le caractère essentiel du soutien à l’innovation verte, ils ont présenté plusieurs propositions dont des mécanismes permettant d’accélérer le processus d’examen des demandes de brevet portant sur des technologies vertes. Nous avons également découvert le rôle de premier plan joué par des plateformes du type WIPO GREEN, lesquelles permettent à des régions où elles seront particulièrement utiles d’accéder à ces technologies. Enfin, nous avons recommandé la création et la mise en place d’une marque de certification pour les technologies vertes permettant d’empêcher la pratique du “greenwashing” (le blanchiment écologique) qui consiste pour une entreprise à se déclarer respectueuse de la nature alors qu’elle ne prend que très peu de mesures pour réduire son impact environnemental.
La quatrième révolution industrielle
La quatrième révolution industrielle a elle aussi fait partie des thèmes abordés pendant la conférence. Prenant appui sur la révolution numérique, elle se caractérise selon le Forum économique mondial par “une fusion des technologies qui brouille les lignes entre les mondes physique, numérique et biologique”. Les élèves ont insisté sur la nécessité de veiller à ce que les législations sur la propriété intellectuelle évoluent au même rythme que les courants technologiques, économiques et sociaux, conscients que des technologies de pointe comme la robotique ou l’intelligence artificielle présentent un formidable potentiel en ce qui concerne l’amélioration de notre quotidien. Ils ont également souligné qu’il était essentiel d’élaborer des systèmes mondiaux de protection afin d’encourager et de soutenir l’innovation et la créativité dans le monde numérique ou virtuel. Ils ont en outre recommandé une approche davantage axée sur la collaboration en matière de réglementation de la propriété intellectuelle et mis l’accent sur la nécessité de se protéger plus efficacement contre les cyberattaques.
L’accès aux soins de santé
L’accès aux soins de santé est une question qui soulève les passions et qui fit elle aussi l’objet de débats animés lors de la conférence, chacun d’entre nous se sentant directement concerné.
Les élèves ont été particulièrement sensibles aux difficultés rencontrées par les patients de pays en développement pour se procurer les médicaments dont ils sont besoin. La réflexion a porté sur le dilemme entre nécessité d’offrir un accès le plus vaste possible aux soins de santé et importance du respect des droits de propriété intellectuelle des chercheurs en médecine de façon à garantir des investissements durables dans la mise au point de médicaments nouveaux ou améliorés. Les participants à la conférence ont pris conscience que la mise au point de médicaments de qualité et de traitements efficaces était un processus très coûteux qui s’étalait sur plusieurs années, chaque médicament devant être soumis à une procédure d’homologation rigoureuse visant à établir son innocuité avant même qu’ils ne soient proposés en pharmacie. Parallèlement, ils ont aussi pris conscience de la situation précaire de certains patients dans l’impossibilité d’accéder aux traitements dont ils besoin, notamment dans les pays en développement. De fait, de nombreux pays en développement ne sont pas en mesure de mettre au point et de fabriquer des médicaments de base d’un prix abordable pour les patients. Bien qu’il soit difficile de concilier ces intérêts divergents, les élèves ont insisté sur la nécessité de donner la priorité aux besoins des patients. À l’appui de cette déclaration, ils ont adopté une résolution visant à créer au sein de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) une commission chargée de surveiller le prix des médicaments, notamment dans les pays en développement, et de veiller à ce que les intérêts des entreprises ne l’emportent pas sur les besoins des patients. Ils ont également proposé au titre de cette résolution de mettre en place un fonds national permettant de faciliter l’achat de médicaments à prix élevé à l’image de ceux utilisés dans le traitement du cancer ou de maladies génétiques.
Dans le même ordre d’idées, les élèves ont constaté que la contrefaçon de médicaments était un problème mondial exacerbé par le prix élevé des médicaments et par l’insuffisance de moyens dont souffrent les systèmes de santé de nombreux pays. Ils se sont rendu compte que des patients vulnérables se laissaient souvent convaincre d’acheter des médicaments de contrefaçon, ce qui les exposait à des risques sanitaires accrus, voire à un risque vital. Les participants à la conférence ont reconnu les difficultés liées à la lutte contre la contrefaçon de médicaments et salué les actions menées par Interpol dans le cadre de l’initiative “Pangea”, lesquelles entraînent chaque année la fermeture de milliers de pharmacies en ligne proposant des médicaments illégaux.
Une expérience enrichissante
Les débats qui ont eu lieu dans le cadre de la conférence FerMUN 2017 nous ont permis d’approfondir nos connaissances sur plusieurs sujets d’actualité. Ils ont plus particulièrement permis de sensibiliser des centaines d’élèves et leurs enseignants au rôle joué par la propriété intellectuelle dans notre quotidien. Pour plusieurs d’entre nous, ce fut une découverte. Nous comprenons désormais beaucoup mieux en quoi un système de propriété intellectuelle équilibré peut promouvoir l’innovation, laquelle joue un rôle essentiel dans la résolution de problématiques d’envergure mondiale aussi diverses que l’accès aux soins de santé, le changement climatique ou la protection des savoirs traditionnels. Nous avons également pris conscience de l’importance des travaux des Nations Unies, de la capacité de l’Organisation à rassembler pour débattre de questions d’intérêt commun et de la difficulté de l’exercice consistant à amener des groupes aux intérêts et points de vue différents à se mettre d’accord.
Cette conférence a été une source d’inspiration pour des jeunes du monde entier et nous a fait prendre conscience que nous avions le pouvoir de façonner le monde dans lequel nous vivons. Comme l’a indiqué Jeremy Bingham, secrétaire général de l’édition 2017 du FerMUN 2017, dans son discours d’ouverture : “Cette conférence est bien plus qu’une simulation ou une simple activité scolaire – elle nous donne la possibilité de nous exprimer sur des questions aussi diverses que l’environnement, les inégalités, la corruption, la discrimination ou la guerre et nous permet de comprendre que nous pouvons nous aussi être des acteurs de changement.”
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