L’information en matière de brevets facilite la collecte des eaux de pluie en Zambie
Par Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
Le système de brevets encourage l’innovation en récompensant les inventeurs pour le temps, l’énergie et l’argent qu’ils investissent pour mettre au point des techniques nouvelles et améliorées. Mais il garantit aussi – et c’est tout aussi important – l’échange effectif de renseignements sur les techniques.
Lorsqu’une personne dépose une demande de brevet afin de protéger une technique nouvelle, elle doit notamment expliquer au monde entier comment la technique en question fonctionne et ce qu’elle peut faire. À un certain moment de la procédure de délivrance des brevets, cette information est rendue publique. Par conséquent, à chaque fois qu’un brevet est octroyé, la base de données technologiques accessible au public s’élargit. Ces informations peuvent constituer une source d’inspiration pour créer des techniques nouvelles. Elles sont également être très utiles pour repérer les techniques susceptibles d’être adaptées aux pays dotés de ressources limitées.
Les connaissances et les techniques présentées dans les informations en matière de brevets peuvent être utilisées pour lutter contre la pauvreté, soutenir la croissance économique et créer des possibilités d’emploi sans avoir à tout réinventer. En renforçant les capacités des pays les moins avancés (PMA) en matière d’accès aux informations en matière de brevets qui sont dans le domaine public, il est possible de faire efficacement en sorte que les communautés dotées de ressources limitées aient accès aux techniques dont elles ont besoin et d’améliorer ainsi considérablement leurs moyens d’existence.
Aider les PMA à tirer parti de l’information en matière de brevets
Pour montrer les avantages qu’il y a à renforcer l’utilisation des savoirs relatifs à la propriété intellectuelle et d’autres savoirs techniques dans les PMA, l’OMPI a récemment élaboré et lancé un projet pilote dans le cadre de son Plan d’action pour le développement. Déployé dans trois pays (Bangladesh, Népal et Zambie), ce projet vise à montrer comment les gouvernements des PMA peuvent utiliser l’information en matière de brevets pour identifier les techniques appropriées, soutenir leur transfert et repérer les avantages sociaux et économiques qui peuvent en découler. Deux domaines prioritaires de développement ont été mis en avant dans chaque pays.
“L’information en matière de brevets est une ressource d’une valeur inestimable, pourtant elle reste largement sous-exploitée pour lutter contre certains des grands problèmes de développement que rencontrent les PMA. Cette initiative cherche à montrer la valeur pratique de ces informations aux PMA”, explique Kiflé Shenkoru, directeur de la Division pour les pays les moins avancés de l’OMPI.
Ces informations peuvent être utilisées pour améliorer la productivité agricole par exemple. L’insécurité alimentaire menace en permanence les moyens d’existence de millions de personnes vivant dans les pays dotés de ressources limitées. Cependant, avec les compétences et les moyens nécessaires pour obtenir, gérer et utiliser des informations en matière de brevets et d’autres informations techniques dans le domaine de la production alimentaire, ces pays peuvent accroître leurs rendements en adoptant de meilleures pratiques de gestion des sols, d’irrigation et de culture.
Tirer parti de la propriété intellectuelle pour collecter les eaux de pluie
Le projet pilote de collecte des eaux mené en Zambie dans le cadre du Plan d’action pour le développement illustre tout ce qu’il est possible de faire pour améliorer la vie des communautés rurales. En collaboration avec différents partenaires nationaux, la collecte et la purification des eaux ont été identifiées comme des domaines prioritaires du projet. Le volet relatif à la purification doit encore être mis en œuvre mais il devrait réduire les maladies débilitantes et mortelles d’origine hydrique.
Le secteur agricole du pays, constitué essentiellement de petits producteurs, est le pilier de l’économie nationale. Toutefois, les niveaux de productivité sont sérieusement limités par le manque de systèmes efficaces d’irrigation et de stockage de l’eau. À l’heure actuelle, l’activité agricole n’a généralement lieu que pendant la saison des pluies et juste après celle-ci, soit d’octobre à avril. Elle est presque totalement suspendue pendant la saison sèche, surtout dans les régions plus hautes en raison des pénuries d’eau. Malgré un niveau de précipitations annuelles raisonnable (entre 800 et 1000 millimètres) et de nombreuses ressources en eau souterraine et de surface, de nombreuses communautés font toujours face à de graves pénuries d’eau en raison de l’insuffisance des équipements de stockage, ce qui donne souvent lieu à une famine généralisée.
Mais que se passerait-il si les petits exploitants pouvaient collecter les litres d’eau de pluie qui tombent chaque année? “Si ces eaux étaient correctement collectées, elles permettraient d’augmenter considérablement la productivité dans le secteur agricole, ce qui améliorerait les moyens d’existence de millions de petits agriculteurs”, explique Allan Phiri, l’un des experts nationaux travaillant sur le projet. Cependant, il n’est pas courant de collecter les eaux de pluie en Zambie, et lorsque c’est le cas, cette pratique est souvent inadéquate et inefficace.
La mise en œuvre du projet est confiée à un groupe multipartite d’experts nationaux, composé de hauts fonctionnaires ainsi que de représentants du secteur privé (notamment M. Phiri), des milieux universitaires et des agences de développement. Ce groupe multipartite a pour mission de choisir une ou plusieurs techniques adaptées pour améliorer la collecte des eaux de pluie en Zambie, d’établir un plan d’affaires relatif à l’application et à l’utilisation de cette technique, et d’identifier des sources de financement et de connaissances techniques en matière de production.
Avec l’appui des commissions de district et du chef local, le projet a été pour la première fois déployé dans la région du village de Simamba, frappée par la sécheresse (région de Siavonga dans la province Sud du pays). Un comité local, composé de fonctionnaires locaux, d’organisations non gouvernementales locales, de représentants des communautés et d’agriculteurs, a été créé. Ses membres ont collaboré étroitement avec les experts nationaux du projet, et continuent de jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre concrète du projet.
Une évaluation des conditions locales et des pratiques existantes en matière de stockage de l’eau a révélé que les phénomènes d’évaporation et d’infiltration de l’eau entraînaient des pertes d’eau importantes dans les systèmes de stockage traditionnels.
Dès l’instant où le groupe d’experts nationaux avait établi et évalué les besoins spécifiques de la communauté, l’OMPI a entrepris une recherche internationale sur les techniques de stockage de l’eau les plus récentes, afin de repérer les techniques qui “permettraient aux agriculteurs vivant sur des hautes terres de procéder à des travaux d’irrigation même pendant la saison sèche et de s’assurer un revenu tout au long de l’année”, note M. Phiri.
Les travaux de recherche de l’OMPI ont engendré 28 techniques brevetées, chacune ayant le potentiel d’assurer un approvisionnement continu en eau. Chacune de ces techniques a été évaluée afin de déterminer si elle pouvait être adoptée au niveau local. Les experts nationaux ont clairement indiqué que “la technique choisie devrait être facile à adopter, être de conception simple et être peu coûteuse à produire”, note M. Phiri. Il était également important d’utiliser des matériaux locaux car cela permettrait de garantir l’accessibilité du prix de la technique et d’en assurer l’adoption générale. Gardant ces facteurs à l’esprit, le groupe d’experts nationaux a choisi une technique adaptée aux besoins de la communauté, en remplaçant essentiellement les éléments les plus chers de la technique par des matériaux locaux.
“Une fois appliquée, la technique permettra à 10 familles d’agriculteurs (environ 60 personnes) de cultiver des légumes et autres sur des parcelles d’environ 50 m par 50 m chacune”, explique M. Phiri, l’idée étant que chaque famille possède un réservoir de 10 000 litres pour collecter et stocker les eaux pendant la saison des pluies. Selon M. Phiri, “la technique proposée n’a jamais été utilisée en Zambie. Une fois le prototype mis en place, la technique devrait être rapidement et largement diffusée”.
Une solution locale
Toujours selon M. Phiri, la gestion quotidienne des réservoirs incombe à la communauté, sous la supervision des chefs de tribu ou de village. Il est essentiel que la communauté locale s’approprie le projet afin d’en assurer la viabilité et le succès à long terme. “Selon nos calculs, le projet permettra d’atteindre un taux de rendement de plus de 30%. Cela aura un effet considérable sur la vie des ménages”, indique M. Shenkoru. Cet avis est partagé par M. Phiri qui constate qu’en plus d’améliorer les revenus ruraux, le projet créera des emplois, réduira la pauvreté et améliorera la sécurité alimentaire.
“Lorsque des représentants de l’OMPI se sont pour la première fois rendus dans notre communauté, nous étions assez sceptiques car nous avions été dupés dans le passé, mais ce projet de collecte des eaux influence de manière vraiment positive la vie des membres de notre communauté. Nos paysans peuvent désormais produire des cultures et nourrir leur famille et leurs animaux pendant la saison sèche. Nous envisageons même d’utiliser nos ressources en eau pour élever des poissons”, explique le chef Simamba XI.
Pour que la technique soit adoptée plus largement, il faut obtenir les fonds permettant de reproduire le projet dans d’autres communautés. Cela prendra du temps. Mais l’intérêt de ce projet dépasse de loin les avantages directement perçus par les habitants de la région du village de Simamba.
“Ce projet est très important sur le plan éducatif”, explique Lloyd Thole, ancien directeur adjoint de l’enregistrement de l’Agence zambienne pour l’enregistrement des brevets et des entreprises (PACRA). “Il montre clairement l’importance des brevets et des techniques et de leur utilisation dans la mise en œuvre de différents types de projets dans le monde en développement. Il n’est pas nécessaire de tout réinventer si des techniques sont déjà disponibles. Il faut juste les transférer et les adapter à la situation locale.”
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