Lutte contre la pauvreté : les Kényens se tournent vers une variété de maïs xérophile
Evelyn Situma, chargée de communication, Fondation africaine pour les technologies agricoles (AATF)
La culture du maïs était devenue une importante source de frustration pour Jotham Apamo (61 ans). Malgré ses efforts acharnés, sa petite exploitation de quelque 10 ares ne produisait que 10 kilos de maïs par récolte, et ce uniquement si la chance était avec lui et si les plantations n’étaient pas la cible de parasites ou victimes de sécheresse.
“Je n’en tirais quasiment aucun bénéfice. J’étais endetté. Je ne pouvais pas nourrir ma famille ou payer les études de mes enfants”, se rappelle le cultivateur.
Les tentatives de M. Apamo pour passer à des variétés de maïs à plus fort rendement ont peu amélioré la situation. Après sept années infructueuses, le paysan était sur le point d’abandonner lorsqu’il a entendu parler d’une nouvelle semence hybride appelée DroughtTEGO®.
“J’ai découvert le maïs DroughtTEGO® grâce à une organisation à but non lucratif, le Programme rural de sensibilisation (ROP). Elle m’a proposé de faire une démonstration dans mon champ en 2014”, explique M. Apamo. Curieux, il a accepté de plein gré de réserver une partie de sa parcelle pour l’essai. Ces semences pouvaient-elles faire tourner sa chance?
Au moment de la récolte, tous ses espoirs se sont concrétisés. “J’étais vraiment surpris. Le petit terrain de démonstration d’un are a fourni 110 kilos de maïs”, déclare l’exploitant avec un large sourire. Ces chiffres l’ont décidé à planter du maïs TEGO sur près de 20,2 ares l’année suivante. Les résultats ont été tout aussi encourageants.
“J’ai réalisé que DroughtTEGO® est une semence de qualité. Elle peut résister à la sécheresse et au vent fort”, ajoute M. Apamo. Même quand les termites menaçaient sa deuxième récolte (lors de la petite saison des pluies) en 2015, il a encore récolté sur la parcelle de 20,2 ares neuf sacs de maïs pesant chacun 90 kilos pour un total de 810 kilos, soit juste deux sacs de moins qu’en 2014. “Je peux désormais nourrir ma famille et lui offrir une éducation”, souligne l’agriculteur.
À propos de DroughtTEGO®
DroughtTEGO® est une variété de maïs blanc xérophile élaboré et utilisé par le projet de maïs économe en eau pour l’Afrique (WEMA), coordonné par la Fondation africaine pour les technologies agricoles (AATF). Cette variété adaptée au climat peut générer un rendement en grains considérable, même en cas de sécheresse modérée.
Sylvester Oikeh, à la tête du projet WEMA, a indiqué qu’en cas de conditions de sécheresse modérée le maïs xérophile WEMA peut accroître les rendements de 20% à 35% comparé aux variétés créées en 2008 au début du projet.
Le projet WEMA a mis au point plus de 80 variétés de maïs xérophiles adaptées aux conditions météorologiques locales et aux maladies de différentes régions. En 2016, le maïs WE2019 a été lancé en République-Unie de Tanzanie et les deux variétés hybrides WE3127 et WE3128 en Afrique du Sud.
DroughtTEGO® offre de hauts rendements de 4,5 tonnes par hectare en moyenne, même en conditions difficiles, comparé aux variétés locales qui ne donnent qu’environ 1,8 tonne par hectare. Rien de surprenant donc à ce que les petits exploitants de l’ouest kényen privilégient largement le maïs DroughtTEGO®.
M. Apamo a déjà convaincu 20 autres cultivateurs locaux de planter du maïs TEGO. Ayant constaté par eux-mêmes les avantages de la semence (de forts rendements et de meilleures conditions de vie), ils ont été facilement persuadés.
Une des voisines de M. Apamo, Grace Omulanda, qui a débuté la plantation de maïs TEGO en 2015, a également convaincu 40 agricultrices du Joywo Group de suivre son exemple.
Comme l’indique son nom (“TEGO” signifie “protéger” en latin), le maïs TEGO participe à la lutte contre la pauvreté et à la protection des moyens d’existence des petits agriculteurs au Kenya et au-delà.
À propos du projet WEMA
Le projet WEMA est un partenariat entre les secteurs public et privé initié par l’AATF en 2008 avec le soutien financier de la Fondation Bill et Melinda Gates, l’Agence des États-Unis d’Amérique pour le développement international (USAID) et la Fondation Howard G. Buffett. Il tend à développer et à déployer des technologies (adaptées au climat) xérophiles protégées des parasites/insectes pour les paysans de l’Afrique subsaharienne.
Le projet WEMA s’appuie sur les compétences et le soutien de la société américaine de biotechnologie agricole et agrochimique Monsanto, du Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) au Mexique et des systèmes nationaux de recherche agricole du Kenya, du Mozambique, de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda et de la République-Unie de Tanzanie. Les groupes de cultivateurs et les organisations locales à but non lucratif contribuent à la distribution des produits WEMA aux agriculteurs et encouragent leur utilisation. Le maïs est une denrée de base au Kenya et de nombreux petits exploitants se sont montrés très ouverts à l’adoption de nouvelles variétés résistantes à haut rendement.
À la rencontre des exploitants locaux
L’AATF s’associe à des organisations locales afin de faire la promotion des maïs hybrides WEMA parmi les cultivateurs.
“Les organisations agricoles ont fait du bon travail en offrant leur soutien aux agriculteurs. Nous les remercions pour leurs énormes efforts et reconnaissons la grande difficulté pour les gouvernements de parvenir à de pareilles réussites par eux-mêmes”, a déclaré Titus Muganda, ancien chef adjoint de Butsotso-Ouest, lors d’une réunion d’exploitants dans la ville voisine de Kakamega, dans l’ouest du Kenya.
“C’est grâce à des technologies agricoles telles que le maïs TEGO que nous pourrons vaincre la pauvreté et la faim”, a indiqué aux agriculteurs Wycliffe Kombo, chef de Butsotso-Nord, à l’occasion d’une journée sur le terrain. “Les emplois manuels disparaissent et il ne nous reste que l’agriculture.”
En décembre 2015, le Programme rural de sensibilisation (ROP) du Kenya occidental a organisé une série de journées sur le terrain afin de présenter les variétés de maïs DroughtTEGO® aux fermiers de la région. Ces événements ont rencontré un large succès et ont attiré plus de 1000 personnes, notamment de nombreux représentants du gouvernement.
“Je suis ravie que le maïs TEGO ait transformé la vie des agriculteurs. Le ROP ne recule devant rien pour répandre la bonne nouvelle”, a déclaré Doris Anjawa, coordinatrice du ROP dans le Kenya occidental.
Après seulement deux saisons de plantation du maïs TEGO dans l’ouest kényen, Mme Anjawa a vu se transformer la situation des exploitants locaux. Son père a pu construire une nouvelle maison grâce aux bénéfices de sa récolte de maïs TEGO. D’autres ont été en mesure d’agrandir leur habitation de la même manière.
Grâce à ses partenaires locaux, le projet WEMA poursuit l’organisation de journées sur le terrain avec les cultivateurs dans les cinq pays s’inscrivant dans le projet (Kenya, Mozambique, Afrique du Sud, Ouganda et République-Unie de Tanzanie) pour faire mieux connaître et diffuser cette technologie révolutionnaire.
“Je connaissais le maïs comme toute autre céréale, mais je prends conscience maintenant qu’il existe de nouvelles variétés à haut rendement que je peux cultiver”, indique Grace Omulanda.
Ce genre d’initiatives de sensibilisation ont permis de faire grimper en flèche la demande de maïs TEGO depuis 2015, lorsque les agriculteurs ont commencé à commander le maïs aux fournisseurs agricoles.
Par conséquent, de plus en plus d’entreprises semencières demandent au projet WEMA de leur accorder la licence pour fournir les marchés locaux en graines. Le projet a délivré des licences pour 21 lignées pures et, jusqu’à présent, sept entreprises semencières au Kenya (dont Elgon Kenya Ltd, Olerai Seeds Ltd et Ultravetis East Africa Ltd) vendent du maïs DroughtTEGO® aux cultivateurs.
“Le projet WEMA est parvenu à établir le plus important cycle de sélection du maïs en Afrique. En 2015, 17 269 variétés hybrides et plus de 19 000 lignées parentales à différents stades de développement et d’essai étaient présentes dans cinq pays du projet WEMA”, note Sylvester Oikeh.
L’importance économique de l’agriculture au Kenya
Le secteur agricole kényen représente 24% du PIB du pays; or, trop souvent, de mauvaises pratiques agronomiques, l’utilisation de variétés à rendement peu élevé, la sécheresse, les parasites et les maladies entraînent de faibles rendements et le pays n’atteint pas pleinement son potentiel agricole.
L’étude économique de 2016 réalisée par le Bureau national des statistiques du Kenya (KNBS) révèle une progression annuelle de 9% de la production nationale de maïs, qui est passée de 39 millions de sacs en 2014 à 42,5 millions en 2015, alors que la consommation totale s’est chiffrée à 48 millions de sacs. Ce déficit résulte des échanges internationaux informels entre le Kenya et l’Ouganda, selon les données de l’étude économique de 2015.
Seuls l’adoption de bonnes pratiques agricoles, l’accès simplifié à de nouvelles variétés à haut rendement résistantes aux maladies et à la sécheresse ainsi que la facilitation de leur adoption permettront la hausse de la productivité et des revenus tout comme le maintien des moyens de subsistance des exploitants au Kenya et ailleurs. Les variétés de maïs xérophiles à fort rendement telles que TEGO s’inscrivent dans cette solution. C’est pour cette raison que l’équipe chargée du développement du projet WEMA s’emploie à coopérer avec les entreprises semencières pour garantir que de plus en plus d’agriculteurs puissent profiter de la technologie des variétés xérophiles WEMA afin d’améliorer leurs moyens de subsistance.
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