Des biberons innovants qui facilitent la vie
Mme Mandy Haberman, fondatrice d’Haberman Baby
L’inventrice et cheffe d’entreprise britannique Mandy Haberman incarne l’innovation au XXIe siècle. Des produits tels que le biberon Haberman®, le gobelet antifuite Anywayup® pour les tout-petits et le biberon Suckle Feeder ont révolutionné l’univers de la puériculture et soulagé des millions de familles dans le monde. Elle nous raconte son histoire et explique en quoi la propriété intellectuelle est l’épine dorsale de son entreprise.
Comment tout a commencé
Enfant, je ne rêvais pas de devenir inventrice. Dotée d’un esprit créatif, j’ai étudié au Hornsey College of Art au Royaume-Uni et j’ai obtenu un diplôme en arts graphiques à la Saint Martin’s School of Art de Londres. Une chose est sûre, j’ai toujours été motivée par l’idée de créer des produits qui solutionnent des problèmes. Le passage de graphiste à inventrice a eu lieu après la naissance de notre troisième enfant en 1980. Emily est née avec le syndrome de Stickler et avait notamment de grosses difficultés à se nourrir. Après avoir utilisé un tube naso-gastrique pendant quatre mois, il fallait absolument passer à une alimentation par voie orale pour pouvoir quitter l’hôpital. Aucun biberon existant ne faisant l’affaire, j’ai dû improviser. Dans mon cas, on peut vraiment dire que la nécessité a été mère de l’invention. Lorsque Emily a eu deux ans, j’ai commencé à perfectionner mon prototype improvisé pour en faire un produit commercialisable, baptisé biberon Haberman. Vendu dans un premier temps par correspondance depuis ma cuisine, il est désormais utilisé depuis plus de 35 ans dans les hôpitaux du monde entier pour aider les bébés ayant des difficultés à se nourrir et améliorer la qualité de vie de leurs familles.
Toutes mes inventions ultérieures ont reposé sur la prise de conscience d’un problème à résoudre. Par exemple, avec trois enfants en bas âge, je me rendais bien compte de l’inadéquation des gobelets à bec pour bébés. Ceux-ci laissaient échapper le liquide qui se répandait et faisait des taches partout. J’ai passé la moitié de ma vie une éponge à la main! C’est en voyant un bambin courir sur un tapis couleur crème chez des amis en laissant dans son sillage des traces de jus de cassis que m’est venue l’idée d’une autre invention, le gobelet Anywayup® – qui se ferme automatiquement dès que l’enfant le retire de sa bouche.
Ma dernière invention, le Haberman Suckle Feeder, apporte également une solution à un problème : la recherche médicale a démontré que les bébés nourris au biberon avec du lait maternel ou des préparations lactées sont exposés à un risque fortement accru d’obésité plus tard dans leur vie.
L’autorégulation de l’appétit se forge dès le plus jeune âge. L’allaitement au biberon conduit généralement à donner trop à manger, ce qui compromet l’autorégulation et institue durablement l’habitude de manger trop. À 26 semaines, 99% des bébés au Royaume-Uni utiliseront un biberon au moins une partie du temps. De la nécessité de résoudre ce problème est née l’idée du Haberman Suckle Feeder. Ce biberon permet de reproduire l’allaitement au sein, de s’alimenter à un rythme naturel et de réduire les risques à long terme d’obésité, de maladies cardiaques et de diabète qui sont associés aux autres biberons.
L’invention comme style de vie
Trouver une solution simple et élégante qui transformera la vie des gens est une formidable motivation. Je peux passer des mois, voire des années, sur un projet avant d’avoir une soudaine “illumination” qui me prouve que j’ai vu juste.
L’esprit d’invention et d’entreprise imprègne ma façon de travailler. Je me réveille ainsi souvent à l’aube pour consigner des notes dans l’obscurité. Il m’arrive même parfois de griffonner quelques idées en attendant que le feu passe au vert. Être inventrice est plus un style de vie qu’un choix de carrière. Je suis perpétuellement en mode invention.
Le rôle de la propriété intellectuelle dans notre stratégie commerciale
Toutes mes inventions ont été brevetées. Pour ma première invention, j’ai dû apprendre beaucoup de choses en peu de temps. Concernant le biberon Haberman, j’ai obtenu des droits de brevet et de marque uniquement au Royaume-Uni, mais j’ai pu négocier avec une société suisse un accord de licence mondiale sur cinq ans, fondé sur le savoir-faire. Le produit avait une solide réputation dans le monde médical, notamment aux États-Unis d’Amérique. La date d’expiration de la licence initiale approchant, j’ai déposé une demande d’enregistrement de marque aux États-Unis d’Amérique pour le nom “Haberman”, puis négocié la concession d’une licence de marque avec leur filiale américaine.
J’étais plus consciente de l’importance de la propriété intellectuelle lorsqu’il s’est agi de protéger ma deuxième invention, le gobelet à bec pour enfants Anywayup®, qui est muni d’un couvercle à clapet qui règle l’écoulement du liquide et empêche les fuites. J’ai acquis une foule de droits de propriété intellectuelle, notamment des marques, des marques tridimensionnelles et des brevets. Avec le recul, je regrette de ne pas avoir aussi enregistré des droits de dessin ou modèle car plusieurs de mes gobelets sont devenus des objets emblématiques. Pour cette invention, je savais que je ne devais pas me limiter au Royaume–Uni et obtenir des droits de brevet dans de nombreux pays. J’ai donc choisi de déposer des demandes de brevet dans mes marchés cibles en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT). Ce fut un succès et, en plus de vendre mes produits sous ma propre marque, j’ai aussi tiré parti de la propriété intellectuelle par le biais de la concession de licences. Chaque année, quelque 50 millions de gobelets sont ainsi vendus sous licence.
Mon produit le plus récent, l’Haberman Suckle Feeder, est également breveté dans tous les principaux marchés. Nous prévoyons de suivre une stratégie similaire en matière de propriété intellectuelle, combinant concession de licences et vente directe. Nous avons déjà des licences dans les pays d’Europe de l’Est et visons maintenant l’Asie et les États-Unis d’Amérique.
Le meilleur conseil que je puisse donner aux jeunes femmes qui aspirent à inventer, à créer et à monter une entreprise est de croire en elles.
Mme Mandy Haberman, fondatrice d’Haberman Baby
La propriété intellectuelle constitue l’épine dorsale de mon entreprise depuis plus de 35 ans. Nous créons de la propriété intellectuelle, commercialisons les produits qui en résultent et exploitons ensuite ces droits par la concession de licences. Cela nous permet de générer une importante valeur sur les ventes réalisées par des sociétés qui seraient normalement des concurrentes. Ceci est l’un des grands avantages de la propriété intellectuelle.
Les difficultés rencontrées
Bâtir une entreprise fondée sur la création et l’exploitation de la propriété intellectuelle relève du défi, en particulier pour une société qui démarre avec des ressources limitées. Malgré les brevets en vigueur, des concurrents établis et disposant de ressources conséquentes ont copié mes idées et se sont adjugé des parts de marché, sabotant le potentiel de vente de mes activités.
Le gobelet Anywayup® a connu un succès commercial immédiat. Il s’agissait d’une invention modeste mais qui répondait à un réel besoin de longue date. Environ 18 mois après son lancement, Jackel International (sous la marque Tommee Tippee), qui dominait alors le marché britannique des gobelets pour enfants, a porté atteinte à mon brevet. Saisir le tribunal de grande instance pour faire valoir mes droits était une décision excessivement difficile à prendre. À l’époque des faits, je n’étais pas à la tête d’une société à responsabilité limitée, de sorte que si je perdais l’affaire, je risquais de perdre aussi ma maison. Par chance, nous avons gagné en première instance et un règlement acceptable a été conclu peu de temps avant l’audience d’appel fixée. Établir la validité de mon brevet britannique devant les tribunaux m’a donné la confiance nécessaire pour faire face aux atteintes portées ailleurs et faire respecter mes droits aux États-Unis d’Amérique a débouché sur quelques contrats de licences très rémunérateurs.
Ma réputation étant désormais établie dans le milieu, les concurrents réfléchissent à deux fois avant de se risquer à porter atteinte à mes droits de brevet.
L’importance du design
Une certaine précipitation a présidé au lancement du gobelet Anywayup®. J’ai présenté mes prototypes fonctionnels lors de deux salons de la puériculture, dans le seul but de sonder le marché. À ma grande surprise, nous avons reçu des commandes préalables à hauteur de 10 000 GBP, ce qui nous a obligés à lancer la production très rapidement. Nous n’avions ni le temps ni l’argent pour nous préoccuper de l’aspect esthétique. Cela n’a pas empêché le produit d’être un succès et nous avons vendu 500 000 gobelets la première année tout en dégageant des bénéfices.
Bien que doté d’une technologie de pointe très prisée par les parents, le gobelet Anywayup® ne se distinguait pas des autres gobelets à bec proposés à l’époque. J’étais certaine que si mon produit se démarquait visuellement des autres, les ventes augmenteraient beaucoup plus rapidement.
Ce raisonnement m’a amenée à collaborer avec Sebastian Conran pour redessiner la gamme Anywayup® et la rendre plus attractive, et nos ventes ont vraiment décollé pour atteindre 40% du marché britannique. Nous avons gagné des parts de marché au nez et à la barbe de nos concurrents.
Un produit peut avoir la meilleure technologie du monde : si son design ne retient pas l’attention du consommateur, il est condamné à rester sur les rayons.
Les clés du succès
Six éléments ont contribué à mon succès :
- repérer le bon problème à résoudre;
- acquérir une connaissance suffisante de la propriété intellectuelle pour assurer la protection adéquate de mes idées sur les principaux marchés;
- m’engager pleinement pour réaliser le produit, du concept à la commercialisation;
- réunir l’équipe adéquate;
- avoir le courage de faire respecter mes droits; et
- croire en mon produit et en moi-même.
En quoi est-il important d’encourager les filles et les femmes à investir le domaine de l’innovation et de la créativité?
Les femmes représentent plus de la moitié de la population et si elles intègrent de plus en plus des équipes qui réalisent des inventions – la contribution inventive des femmes a augmenté de 16% au Royaume-Uni au cours des 10 dernières années – elles obtiennent rarement des brevets toutes seules. Selon une récente étude menée par l’Institute for Women’s Policy Research, les femmes étaient titulaires de moins d’un brevet sur cinq en 2010 et 8% de femmes seulement étaient citées en tant qu’inventrices principales.
Cette inégalité entre les hommes et les femmes dans le domaine des brevets m’étonne car les femmes sont par nature innovantes. Nous trouvons des solutions concrètes aux problèmes que nous rencontrons au quotidien dans notre vie de famille. Le problème est que trop peu de femmes poursuivent des études ou font carrière dans des domaines fortement axés sur les brevets. De toute évidence, il faut mettre plus de moyens en œuvre pour motiver et attirer la gent féminine dans des secteurs comme l’ingénierie, la science, l’informatique, la technologie et l’innovation, afin qu’elles puissent mettre à profit leurs compétences pour solutionner d’importants enjeux sociaux et scientifiques.
Certes, nous disposons au Royaume-Uni d’excellentes ressources, telles que le IP and Business Centre de la British Library, qui appuient l’innovation et l’esprit d’entreprise. Les femmes ne manquent pas d’idées créatives et innovantes. Alors, qu’est-ce qui les retient de s’investir?
L’invention, l’innovation et l’esprit d’entreprise ont le plus souvent un caractère spéculatif. Des années de recherche-développement et de préparation peuvent s’écouler avant de percevoir une rémunération. Dans le domaine des brevets, les coûts s’envolent rapidement, souvent avant même d’espérer dégager un revenu. Cet aspect peut être géré plus facilement dans des organisations établies où les femmes sont généralement intégrées au sein d’une équipe. En revanche, les mères de jeunes enfants travaillent la plupart du temps à domicile, dans une microentreprise. Elles réalisent leurs idées avec un budget serré et sont souvent autofinancées. Tous ces coûts, auxquels viennent s’ajouter les frais de garderie, indispensables pour libérer du temps pour se consacrer à son activité professionnelle, sont souvent prohibitifs. Il existe une foule de services d’appui aux entreprises mais les femmes y ont difficilement accès pour des raisons pratiques et budgétaires.
J’aimerais que plus de mes consœurs bénéficient de l’appui et du temps nécessaires pour développer leurs actifs de propriété intellectuelle et commercialiser leurs idées. Les responsables politiques pourraient peut-être envisager d’accorder des subventions aux inventrices et aux cheffes de jeunes entreprises pour les services de garderie, en complément des aides offertes par l’État.
La situation évoluera progressivement à mesure que des générations de filles terminent leurs études avec le ferme espoir d’une égalité entre les sexes. Si les modèles féminins sont mis en valeur et que les filles reçoivent suffisamment d’encouragements, nul doute que plus de femmes feront carrière dans le domaine des sciences, de l’informatique, de la technologie et de l’entrepreneuriat. Cependant, si l’on veut encourager plus de jeunes (garçons et filles) à inventer, à breveter et, de manière générale, à réaliser pleinement leur potentiel de création, il convient de considérer la formation à la propriété intellectuelle comme un élément essentiel des programmes d’études dans tous les domaines où la propriété intellectuelle intervient dans ses diverses formes – ingénierie, art, design, informatique, littérature, médecine, sciences de la santé, musique, etc. – dans toutes les universités, écoles de commerce et établissements d’enseignement supérieur. Cela me chagrine que, année après année, nos excellentes écoles de design présentent au public des œuvres recelant une valeur potentielle significative sans préserver les droits de propriété intellectuelle des étudiants.
Conseils à celles qui aspirent à devenir inventrices
Le meilleur conseil que je puisse donner aux jeunes femmes qui aspirent à inventer, créer et monter une entreprise est de croire en elles. Il y aura des difficultés, des écueils et des moments de gloire mais, dans le monde de l’invention et de l’entrepreneuriat, il n’y a pas de “plafond de verre”. Les seules limites à votre ambition sont celles que vous vous imposez à vous-mêmes. Les problèmes ou les difficultés que vous serez amenées à rencontrer en cours de route n’ont pas de connotation sexiste – c’est dur pour tout le monde! Si vous avez une idée géniale en laquelle vous croyez, n’hésitez pas à la mettre en œuvre, vous ne le regretterez pas.
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