Gedeona Maduro, Martina Everts-Anthony,et Ramses Petronia, Bureau de la propriété intellectuelle de Curaçao
La petite île de Curaçao est située à quelque 65 kilomètres au nord de la côte du Venezuela. Elle compte environ 160 000 habitants, jouit d’un climat chaud et ensoleillé tout au long de l’année et possède quelques-unes des plus belles plages de la planète.
Vous avez aussi peut-être entendu parler de sa liqueur célèbre dans le monde entier, le Curaçao, faite à partir d’écorces séchées d’oranges amères (Laraha) qui poussent sur l’île.
Mais au-delà de son climat accueillant et de sa liqueur enivrante, Curaçao a aussi une longue tradition en matière de protection des marques. Elle célèbre cette année le 125e anniversaire de la première demande d’enregistrement de marque et le fait qu’elle a été l’un des premiers pays de la région à avoir mis en place un système d’enregistrement des marques pleinement opérationnel.
La première demande d’enregistrement d’une marque date du 20 janvier 1893. Elle a été déposée par M. Abraham Mendez Chumaceiro au nom de Mignot & De Block, un fabricant néerlandais de produits du tabac établi à Eindhoven (Pays-Bas), qui avait déposé l’enregistrement de la marque de cigares “Maria Cristina”. Étant donné que Curaçao faisait partie du Royaume des Pays-Bas à l’époque, la demande avait été traitée conformément à la loi néerlandaise sur les marques qui était entrée en vigueur pour la première fois le 1er janvier 1881 et avait été modifiée le 30 septembre 1893. Cette première demande avait été déposée en vertu du premier instrument juridique relatif aux marques, une ordonnance du 12 février 1881.
À peine quelques mois après le dépôt de la première demande, un nouveau décret royal daté du 9 novembre 1883 a fixé l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les marques à Curaçao.
Bien que le premier enregistrement de la marque ait expiré, le registre des marques de Curaçao contient toujours la marque “Vinolia”. Elle a été initialement enregistrée par la Vinolia Company Limited de Londres le 30 décembre 1901 et est toujours valide, mettant en évidence la valeur commerciale persistante des droits attachés à la marque. Les produits visés par l’enregistrement de la marque étaient notamment du savon et des bougies. Le savon Vinolia était utilisé par les passagers en première classe à bord du Titanic et du Queen Mary. La marque a été administrée pour le compte de son propriétaire par la même entreprise de Curaçao, G.A. Winkel Sr. Inc., depuis son enregistrement initial en 1901. La marque appartient actuellement à Unilever.
Comment la protection des marques a-t-elle pu prendre racine dans une île si petite et si éloignée, aussi belle soit-elle?
La réponse est à rechercher dans les méandres de l’histoire coloniale de Curaçao. Le commerce joue un rôle important sur l’île depuis sa conquête par la Compagnie des Indes occidentales en 1634. Pendant plus d’un siècle, l’île a servi de plaque tournante pour les marins de toutes les régions du globe et, après l’abolition de l’esclavage en 1863, le commerce, l’agriculture et la pêche sont devenus les piliers de son économie. De plus, étant donné que l’île entretenait des liens politiques étroits avec le Royaume des Pays-Bas, les évolutions politiques, juridiques et technologiques en Europe se sont propagées à l’économie locale, y compris dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Le droit des marques de Curaçao est apparu au plus fort de la révolution industrielle. Les progrès technologiques ont permis d’améliorer considérablement les communications mondiales et de stimuler le commerce international à un rythme sans précédent dans l’histoire. Afin d’appuyer la croissance économique à l’échelle mondiale, des responsables politiques internationaux ont conclu deux accords internationaux de premier plan, toujours en vigueur aujourd’hui.
Les Pays-Bas ont été l’un des premiers pays à adhérer à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle en 1883 et à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques quelques années plus tard, en 1891. Les Pays-Bas ont adhéré à la Convention de Paris le 20 mars 1893 et à l’Arrangement de Madrid le 1er mars 1893. Étant donné que Curaçao faisait partie intégrante du Royaume des Pays-Bas, les entreprises établies sur l’île ont bénéficié de ces avancées historiques au niveau international.
Ces accords internationaux visaient à promouvoir l’innovation, le marché, la croissance économique et le développement des affaires.
La Convention de Paris, par exemple, a introduit l’idée de réciprocité au niveau international. En vertu des dispositions sur le “traitement national”, la convention prévoit que chaque État contractant accorde la même protection aux ressortissants des autres États contractants qu’à ses propres ressortissants. Par ailleurs, elle établit un droit de priorité pour les brevets, les modèles d’utilité (le cas échéant), les marques et les dessins et modèles industriels. Ce droit signifie que, sur la base d’une première demande déposée dans l’un des États contractants, le déposant dispose d’un certain délai pour effectuer les démarches nécessaires afin d’obtenir la protection dans n’importe lequel des autres États contractants; dès lors, ces demandes ultérieures seront considérées comme ayant été déposées à la date du dépôt de la première demande. En pratique, cela donne aux déposants davantage de temps pour décider dans quels pays ils désirent protéger leur propriété intellectuelle. La Convention de Paris énonce aussi un certain nombre de règles communes, encore une fois afin de créer des conditions de concurrence permettant aux entreprises légitimes de prospérer.
De même, l’Arrangement de Madrid a donné naissance au système de Madrid (désormais régi par le Protocole de 1989 relatif à cet arrangement) qui comprend à présent 101 membres, couvrant 117 pays. Ce système offre aux entreprises un moyen rentable et convivial d’enregistrer et de gérer leurs portefeuilles de marques au niveau international.
L’enregistrement de la marque Maria Cristina marque l’avènement de la protection des marques à Curaçao, un système qui contribue à soutenir l’économie de l’île depuis quelque 125 ans. La protection des marques s’est avérée être la pierre angulaire de l’économie de cette île des Caraïbes certes petite mais stratégiquement située. L’accès aisé aux services d’enregistrement des marques permet aux entreprises sur l’île et à l’étranger de rester compétitives et de défendre leurs intérêts sur les marchés mondiaux.
Curaçao héberge des services financiers prospères et une main d’œuvre ayant un bon niveau d’instruction, hautement qualifiée et multilingue – l’anglais, l’espagnol, le néerlandais et le papiamento sont couramment parlés sur l’île. Ses liens étroits avec les Caraïbes, l’Europe et les Amériques, la qualité de son infrastructure de télécommunications et le fait qu’elle se trouve à l’extérieur de la zone des ouragans sont des facteurs d’attractivité pour les entreprises.
En outre, le droit actuel des marques de Curaçao est entièrement aligné sur les pratiques internationales en matière d’enregistrement des marques. Les déposants peuvent présenter leurs demandes d’enregistrement de marques en anglais, espagnol, néerlandais ou papiamento.
Et dans les Caraïbes, Curaçao est l’un des rares pays – avec Antigua-et-Barbuda, Cuba et la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin – à mettre en œuvre le Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques (Protocole de Madrid) à la suite de l’adhésion à ce traité en 2003 des Antilles néerlandaises, dont Curaçao faisait auparavant partie.
Les statistiques annuelles établies par l’OMPI concernant l’utilisation du système des marques dans le monde, qu’il s’agisse de demandes déposées à l’échelon national ou de dépôts internationaux dans le cadre du système de Madrid, montrent que, par habitant, Curaçao est bien placée par rapport à d’autres pays des Caraïbes.
Bien que ces données soient encourageantes, il reste encore un long chemin à parcourir pour faire mieux connaître le rôle et l’importance des droits de propriété intellectuelle tels que les marques dans l’île.
Des exemples locaux illustrent l’importance stratégique des droits attachés aux marques dans la réalisation des objectifs économiques de l’île. Par exemple, la protection des marques est au cœur de la stratégie de sociétés prospères comme Curaçao Laboratories Ltd., fondée le 16 septembre 1948, qui exporte sur les marchés internationaux.
La société possède un portefeuille important d’enregistrements de marques nationales et internationales, dont “Alcolado Glacial”, qui est une marque très connue à Curaçao et sur de nombreux autres marchés. Alcolado Glacial est une lotion mentholée rafraîchissante. Elle est vendue, ainsi que toute une gamme d’autres produits connexes, dans plus de 25 pays, y compris au Canada, en Europe et aux États-Unis d’Amérique.
Compte tenu de notre longue tradition en matière de protection des marques, le Bureau de la propriété intellectuelle de Curaçao a pour objectif d’aider les entreprises nationales et étrangères à préserver et gérer leurs portefeuilles de marques aux niveaux national et international. Cela leur permettra de tirer pleinement parti de la valeur commerciale de leurs droits découlant des marques, de développer leurs activités et de favoriser le développement de l’économie de Curaçao. Aujourd’hui, nous portons un toast – de Curaçao, il s’entend – à cet anniversaire et nous nous réjouissons à l’idée de continuer à promouvoir l’adoption et l’utilisation de nos services pour soutenir la croissance des entreprises dans les décennies à venir.
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