L’Arabie saoudite se lance dans l’innovation axée sur l’intelligence artificielle
Par Catherine Jewell, Division des communications, OMPI
M. Ahmed Al Theneyan, vice-ministre saoudien de la technologie, de l’industrie et du numérique, parle des ambitions de son pays s’agissant de stimuler l’innovation et la croissance économique en utilisant les technologies numériques avancées pour réaliser son audacieux programme de réforme, Vision 2030.
Quel rôle l’intelligence artificielle joue-t-elle dans la Vision 2030 de l’Arabie saoudite?
L’Arabie saoudite entreprend le programme de réforme et de transformation économique le plus vaste et le plus ambitieux de son histoire. Un large éventail d’initiatives sont en cours de mise en œuvre pour réaliser les objectifs de Vision 2030. La numérisation et l’intelligence artificielle sont des catalyseurs essentiels de ces vastes réformes. Nos initiatives de numérisation contribuent à la réalisation des objectifs de Vision 2030 de diverses façons, notamment en permettant la mise en place d’une infrastructure des technologies de l’information et des communications (TIC) adaptée au XXIe siècle. Toutes les technologies en dépendent, et c’est donc une priorité absolue.
Nous nous efforçons aussi d’améliorer les capacités numériques des travailleurs pour les mettre au fait de l’intelligence artificielle et des technologies telles que l’Internet des objets et la chaîne de blocs, afin de construire, entretenir et exploiter les solutions et services qui émergeront de la transformation entraînée par Vision 2030. Il s’agit d’une entreprise gigantesque qui suppose d’opérer une réforme majeure de l’éducation pour s’assurer que les étudiants acquièrent les compétences numériques nécessaires pour les emplois de demain. Voilà pourquoi nous sommes en train d’introduire des compétences numériques dans le programme scolaire, de la maternelle à la 12e année. Pour satisfaire les exigences changeantes du monde du travail, nous collaborons avec le Ministère de l’éducation afin que les programmes scolaires et universitaires répondent aux besoins futurs et renforcent les compétences dans des domaines comme l’intelligence artificielle, la science et la sécurité des données, etc. C’est absolument essentiel. Nous devons préparer la prochaine génération aux emplois de demain.
Nous bâtissons également un secteur des technologies local solide pour soutenir les programmes Vision 2030. Notre objectif n’est pas seulement de répondre à la demande locale, mais aussi d’exporter notre technologie et de concurrencer les grands fournisseurs internationaux. Les programmes Vision 2030 favorisent en outre l’innovation, l’utilisation généralisée de données ouvertes – qui, selon nous, sont le carburant du XXIe siècle – et une administration efficace.
Je crois que l’intelligence artificielle et la robotique recèlent un énorme potentiel s’agissant d’améliorer nos conditions de vie et d’accroître notre productivité. Il nous suffit de les utiliser, et de le faire de la bonne manière.
M. Ahmed Al Theneyan, vice-ministre saoudien de la technologie, de l’industrie et du numérique
En résumé, Vision 2030 vise à bâtir des villes et des collectivités durables, à améliorer la santé et le bien-être de nos citoyens, à améliorer la qualité de l’éducation, à assurer un travail décent et à favoriser une croissance économique axée sur l’innovation. Il s’agit d’une entreprise colossale, et c’est pourquoi nous mettons en œuvre les programmes progressivement; nous commençons par mettre en place l’infrastructure technique et les moyens de l’utiliser. Ce n’est qu’alors que la transformation et l’innovation se produiront. L’intelligence artificielle est au cœur de cette approche. Elle imprègne tous les aspects de Vision 2030.
Qu’est-ce qui a motivé vos initiatives de numérisation?
Tous les pays dépendent désormais de la technologie – et des technologies émergentes en particulier – pour leur développement durable. Nos programmes Vision 2030 sont conçus pour réaliser des gains d’efficacité au sein de l’administration grâce à l’automatisation, ce qui passe par la numérisation. Pour améliorer les conditions de vie de la population, il faut disposer de villes intelligentes, qui ont besoin de systèmes et de services construits autour de l’intelligence artificielle et de l’Internet des objets. La numérisation est un catalyseur pour tout programme de développement quel qu’il soit, et nous l’utilisons pour progresser vers la réalisation des objectifs de Vision 2030.
Quel impact la numérisation aura-t-elle sur l’innovation en Arabie saoudite?
L’innovation est une notion très large qui englobe également la façon on aborde les choses. C’est un état d’esprit et une culture. En ce qui concerne les TIC, nos efforts d’innovation et ceux de nos homologues dans l’administration et le secteur privé sont axés sur la promotion d’une culture de l’esprit d’entreprise et de l’innovation. Par exemple, nous mettons actuellement sur pied un réseau de laboratoires d’innovation où les étudiants et les entrepreneurs peuvent explorer leurs idées, découvrir et tester des modèles d’activité innovants et trouver des solutions qui peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de Vision 2030. Nous encourageons activement les aspirants entrepreneurs à développer leurs idées au moyen de ces laboratoires d’innovation, qui nous permettent également de mieux faire connaître l’innovation, l’entrepreneuriat et la propriété intellectuelle. Ces initiatives ont été couronnées de succès. Nous avons récemment lancé une plateforme d’innovation appelée FekraTech (qui signifie votre idée en arabe); en un seul cycle, nous avons reçu quelque 4000 propositions. L’une des inventions présentées, qui sort vraiment du lot, est un agent conversationnel (ou chatbot) fondé sur l’intelligence artificielle. Appelé Nahla, cet agent aide les personnes atteintes de maladies chroniques, comme le diabète, à s’informer sur leur maladie et à mieux la gérer.
Notre objectif est d’encourager les jeunes à devenir des entrepreneurs plutôt que des demandeurs d’emploi et de leur fournir les connaissances pratiques dont ils ont besoin pour développer et commercialiser leurs idées.
Quel est le rôle de la propriété intellectuelle dans la réalisation des objectifs de Vision 2030?
En mars 2017, le gouvernement a annoncé la création de la nouvelle Autorité saoudienne de la propriété intellectuelle (SIPA), qui a pour mission de réglementer, promouvoir et protéger les droits de propriété intellectuelle dans le Royaume, responsabilités qui étaient auparavant réparties entre différents organismes publics. Le fait d’avoir confié la responsabilité de la propriété intellectuelle à un seul organisme public nous aidera à faire de l’Arabie saoudite une économie avancée de la connaissance, fondée sur l’innovation et l’esprit d’entreprise.
À l’occasion de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle cette année, Son Excellence Maji Bin Abdullah Al Qassabi, ministre du commerce et de l’investissement et président du conseil d’administration de la SIPA, a présenté la nouvelle stratégie de l’Autorité. L’objectif de cette stratégie est de mettre en place un écosystème national de la propriété intellectuelle qui favorise la création d’un environnement propice à l’innovation et au développement des entreprises, qui favorise la croissance des petites et moyennes entreprises, qui attire l’investissement étranger et qui contribue à la réalisation des objectifs de développement économique du Royaume. La stratégie de la SIPA en matière de propriété intellectuelle s’inspire des meilleures pratiques internationales en la matière et vise à promouvoir l’innovation. Avec un système de propriété intellectuelle solide, les entreprises pourront tirer parti de la valeur économique de leurs idées et mieux se défendre contre leur vol. Notre objectif est de faire de l’Arabie saoudite une destination attrayante pour les innovateurs et les entrepreneurs.
Quelles autres possibilités l’intelligence artificielle offre-t-elle s’agissant de promouvoir le développement de l’Arabie saoudite?
Nous nous lançons dans l’intelligence artificielle et réfléchissons aux moyens de l’utiliser d’une manière innovante, responsable et éthique qui nous aidera à progresser dans la réalisation des objectifs de Vision 2030. Jusqu’à présent, le gouvernement a investi quelque trois milliards de dollars É.-U. dans la construction de l’infrastructure afin que le pays soit prêt pour l’intelligence artificielle et puisse devenir leader dans son utilisation.
Nous travaillons à améliorer la vie de nos citoyens en utilisant l’intelligence artificielle pour améliorer l’éducation, la santé et les services, et, bien sûr, en développant des villes intelligentes. Récemment, nous avons annoncé un investissement de 500 milliards de dollars É.-U. visant à créer une mégapole hyperintelligente appelée Neom, un nom qui signifie nouvel avenir. Les travaux de construction de cette ville de 26 000 km2 débuteront en 2020. Neom sera bien plus qu’une ville intelligente telle que nous les connaissons aujourd’hui, et permettra un nouveau mode de vie construit autour des meilleures technologies du futur. Tout dans Neom tourne autour de l’intelligence artificielle, des mégadonnées et de l’Internet des objets. Notre programme de réforme municipale prévoit également le développement de cinq grandes villes intelligentes de rang mondial, là encore pour améliorer la vie des citadins. Mais le gouvernement ne peut atteindre seul ces objectifs ambitieux, ce qui explique pourquoi nous travaillons avec des partenaires du secteur privé.
Quel sera l’impact de l’intelligence artificielle?
Je crois que l’intelligence artificielle et la robotique recèlent un énorme potentiel s’agissant d’améliorer nos conditions de vie et d’accroître notre productivité. Il nous suffit de les utiliser, et de le faire de la bonne manière. Nous obtiendrons alors d’excellents résultats en termes de productivité et de bien-être.
L’automatisation et la numérisation ne sont pas des choses nouvelles. Dans les années 1980, lorsque la numérisation a vraiment pris son essor, les gens disaient que les ordinateurs allaient tuer l’emploi. En fait, c’est le contraire qui s’est produit; ils ont créé plus d’emplois et amélioré considérablement la productivité et notre qualité de vie. De nombreuses études donnent à penser que l’impact net de la numérisation sera positif. Bien sûr, certains emplois routiniers disparaîtront, mais de nouveaux emplois à plus forte valeur ajoutée verront le jour. Nous sommes très optimistes quant à la transformation inhérente à Vision 2030. Elle crée de nombreuses possibilités de donner de nouvelles qualifications à la main-d’œuvre pour que celle-ci puisse occuper les emplois de l’avenir.
Nous avons également mis en place des programmes spéciaux pour autonomiser les femmes et leur donner les moyens de travailler dans le secteur des TIC. Notre objectif est de doubler la participation des femmes dans ce secteur, et nous faisons des progrès. Actuellement, environ 45% des diplômés en informatique sont des femmes, et je pense donc que nous atteindrons cet objectif plus tôt que prévu.
Quels sont les grands défis auxquels vous êtes confrontés dans le déploiement du plan de numérisation?
L’introduction de toute nouvelle technologie est porteuse de risques et d’opportunités. L’intelligence artificielle a un énorme potentiel, mais nous devons nous assurer que nous construisons le bon écosystème et que nous disposons de politiques efficaces et appropriées. L’un des principaux défis à relever est le développement des compétences numériques. Nous avons déjà mis en place des programmes visant à former environ 20 000 étudiants et à créer 20 000 emplois dans le domaine des TIC. Jusqu’à présent, nous avons formé environ 7000 personnes, principalement dans les domaines de la science des données, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité. Nous travaillons aussi avec la communauté internationale, d’autres organismes publics et le secteur privé pour mettre en œuvre des cadres stratégiques et réglementaires appropriés et efficaces afin que ces technologies soient bien utilisées. Et nous veillons avec nos partenaires à la mise en place de structures efficaces de gouvernance afin d’assurer la qualité des données, qui essentielle pour les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle.
Que pensez-vous des préjugés intégrés dans les algorithmes d’intelligence artificielle?
C’est un problème mondial. Une réglementation efficace des données, leur protection et le respect de la vie privée sont essentiels pour instaurer la confiance dans l’intelligence artificielle. Mais l’histoire nous apprend qu’une bonne gouvernance permet d’apporter des réponses à ces questions. Toute nouvelle technologie engendre des défis en termes de confiance, d’assimilation, de qualifications, de compétences, etc. Mais avec le bon écosystème, les bonnes politiques et les bonnes structures de gouvernance, nous trouverons les solutions.
La population en Arabie saoudite est-elle généralement ouverte aux innovations liées à l’intelligence artificielle?
Notre population est essentiellement composée de jeunes gens qui connaissent bien le numérique. Nos concitoyens sont très doués et orientés vers la technologie, et ils l’adoptent très rapidement. C’est une grande opportunité pour nous. Nous n’avons qu’à la saisir en mettant en place un écosystème approprié, ainsi qu’une gouvernance et une réglementation efficaces.
De quoi l’avenir est-il fait pour l’Arabie saoudite?
Vision 2030 entraînera des changements majeurs dans l’ensemble de l’économie et de la société et améliorera considérablement la qualité de vie de nos concitoyens. Nous sommes tous très enthousiasmés par les ambitions du pays et la direction dans laquelle nous nous dirigeons. Les choses se passent plus vite qu’on ne peut l’imaginer; ce qui demandait des années auparavant prend maintenant quelques jours. Les gens sont très enthousiastes à l’égard de Vision 2030, qui commence déjà à donner des résultats tangibles.
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