WIPO Re:Search soutient la lutte contre le paludisme
Par Katherine Andrews, directrice adjointe, Griffith Institute of Drug Discovery (GRIDD), Université Griffith, Queensland, Australie
Le paludisme est l’une des principales causes de décès dans le monde. En dépit de progrès dans la réduction des taux de mortalité et d’infection, cette maladie transmise par les moustiques demeure un défi sanitaire majeur à l’échelle mondiale. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, pour la seule année 2016, on estime à 216 millions le nombre de cas de paludisme signalés. Bien que ce chiffre soit en net recul par rapport aux estimations de 2015 (avec une baisse d’environ 18%), le paludisme continue de faire plus de 400 000 victimes par an. Pour contribuer à l’éradication de ce fléau, faire preuve de détermination et appliquer une approche innovante est indispensable.
La lutte contre le paludisme est une entreprise complexe qui nécessite les efforts conjugués de chercheurs, d’experts en santé publique, du monde de l’industrie, de responsables politiques, de groupes de la société civile et de bien d’autres. Bien sûr, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur des investissements conséquents, généralement difficiles à obtenir.
Découvrez WIPO Re:Search. Dirigé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et Bio Ventures for Global Health (BVGH), ce consortium réunit plus de 100 partenaires issus de l’administration publique, du milieu universitaire et du secteur de l’industrie. WIPO Re:Search met à profit les ressources, le savoir-faire, les compétences techniques et les infrastructures disponibles pour favoriser la mise au point de vaccins, de médicaments, de thérapies et d’outils de diagnostic plus efficaces afin de prévenir et traiter les maladies tropicales négligées (MTN), le paludisme et la tuberculose. Il contribue de manière substantielle à la lutte contre le paludisme dans le monde en mettant en relation des acteurs du secteur et des groupes de recherche universitaires avec des sources de financement public.
Favoriser la recherche au niveau international
Renforcer la recherche à l’échelle internationale en encourageant la collaboration scientifique entre chercheurs spécialisés dans la lutte contre les MTN, le paludisme et la tuberculose est un volet essentiel de la mission de WIPO Re:Search. En association avec son partenaire, BVGH, le consortium facilite ce type de collaboration au moyen d’un programme d’échanges scientifiques qui favorise le renforcement des capacités et les travaux de recherche-développement conjoints. Pour ce faire, il organise à l’intention de scientifiques de pays en développement intéressés par le projet des congés sabbatiques leur permettant de travailler au sein d’instituts de recherche en Australie, en Europe et aux États-Unis d’Amérique.
Grâce au soutien financier offert par l’Australie dans le cadre d’un accord de fonds fiduciaire, ce programme ne cesse d’apporter la preuve de son efficacité depuis sa création, en 2013. Il a dans un premier temps permis à six chercheurs venus d’Afrique d’intégrer des entreprises pharmaceutiques et des universités de premier plan situées en Europe et aux États-Unis d’Amérique pour des périodes allant jusqu’à un an. Depuis 2016, une nouvelle injection de fonds de la part du Gouvernement australien permet à 10 chercheurs de la région Asie-Pacifique de mener des recherches dans cinq instituts de recherche australiens, dont le Griffith Institute for Drug Discovery (GRIDD) de l’Université Griffith, dans le Queensland.
C’est dans ce contexte que nous avons entamé notre collaboration avec Mohammad Shafiul Alam, chercheur au Centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques de Dhaka, au Bangladesh, un pays où le paludisme demeure un grave problème de santé publique.
Fort de son expertise dans le domaine biomédical et de sa détermination à mettre au point de nouveaux médicaments efficaces dans la prévention du paludisme, le GRIDD était un lieu de formation idéal pour M. Alam, lequel compte parmi ses sujets de recherche la résistance aux antipaludéens, les méthodes de diagnostic sur place en cas de maladie infectieuse, les interactions hôte-parasite et la lutte antivectorielle.
La collaboration, gage de meilleurs résultats en matière de recherche
La collaboration est sans aucun doute l’une des pierres angulaires de l’activité scientifique, et chacun s’accorde à reconnaître qu’elle permet d’améliorer la qualité de la recherche et d’aboutir à des résultats positifs d’une incidence considérable. Dans les pays en développement comme dans les pays développés, des chercheurs mettent leur temps, leur énergie et leur savoir-faire au service de la lutte contre des pathologies parmi les plus réfractaires au monde, et il est logique de s’associer pour relever de tels défis sanitaires. Conjuguer les efforts, par exemple dans le cadre du programme d’échanges scientifiques et des fonds fiduciaires liés à WIPO Re:Search, fait progresser la recherche dans le domaine de la santé et favorise la mise au point et la diffusion de solutions efficaces qui, autrement, pourraient difficilement voir le jour.
Le séjour de six mois du M. Alam au GRIDD s’est révélé extrêmement fructueux. Ses travaux ont donné l’occasion de partager des connaissances et des idées prometteuses et de nouer des liens d’une qualité que les échanges par Skype ou messagerie électronique ne sauraient égaler.
Les avantages du partage d’expériences
À l’instant même où M. Alam a présenté ses travaux de recherche à ses collègues du GRIDD réunis en séminaire et où il a décrit le quotidien d’un chercheur dans une région au paludisme endémique et aux ressources limitées, il est clairement apparu que cette collaboration allait être d’une très grande richesse. Ses récits sur les défis quotidiens auxquels se heurtent les chercheurs au Bangladesh, y compris, par exemple, le maintien de la viabilité des échantillons sans équipement de laboratoire hautement sophistiqué, nous ont rappelé la dure réalité à laquelle sont confrontés de nombreux scientifiques dans des pays à faibles ressources. À l’instar de nombreux groupes de recherche travaillant dans des laboratoires bien équipés au cœur de régions non endémiques, il est rare que nous entendions parler de ce type de situation. Les précieux enseignements tirés par le GRIDD de l’expérience de M. Alam sont d’une importance cruciale pour trouver des solutions réalistes, adaptées et efficaces, et lutter contre le paludisme et d’autres maladies infectieuses, en particulier dans les pays d’endémie.
Faute d’en avoir fait directement l’expérience et conscients que, ce qui n’est pas toujours le cas, nous pouvons nous offrir le luxe d’attendre, il est difficile de se rendre compte des profondes disparités qui existent en termes d’équipement de laboratoire, de méthodes et de pratiques culturelles. Le fait d’affirmer tout naturellement qu’“Ici, dans notre laboratoire, nous ne procédons pas de la même façon” prend un tout autre sens dès lors que l’on vous répond “Vraiment?”, “Mais pourquoi?”, ou encore “Pouvez-vous me montrer comment faire?”. La confiance et les enseignements qui découlent de ces échanges peuvent être source d’avantages considérables en termes de qualité des résultats et de réussite des activités de recherche en collaboration. Ce postulat est corroboré par les travaux de deux spécialistes en bioéthique, Michael Parker et Patricia Kingori, lesquels cherchent à établir selon quels critères les scientifiques estiment qu’une collaboration est fructueuse.
Ce que les scientifiques attendent de travaux en collaboration :
- Une participation active à des recherches scientifiques de pointe, dans un domaine captivant
- Un leadership concret
- De la compétence et un engagement à respecter les bonnes pratiques scientifiques
- Un renforcement des capacités
- Du respect vis-à-vis des besoins et des priorités des différents partenaires
- Des possibilités d’échange et de désaccord
- Une relation de confiance
Selon Michael Parker et Patricia Kingori, spécialistes en bioéthique
Bien après la fin de la formation, avoir accueilli le bénéficiaire d’une bourse au titre d’un accord de fonds fiduciaire et du programme WIPO Re:Search présente un avantage à plus long terme, à savoir la possibilité d’offrir un soutien en matière d’encadrement ou de tutorat. Il pourra par exemple s’agir de donner des conseils pratiques sur des projets de subvention ou de manuscrit, de formuler des commentaires sur des exposés, ou encore de fournir des avis d’ordre plus stratégique sur un plan d’évolution de carrière. La mise en réseau constitue également un autre atout non négligeable qui profite aussi bien au boursier qu’à son hôte, le premier ayant la possibilité de nouer de nouveaux contacts grâce au carnet d’adresses du second et inversement. Autre résultat tangible de la bourse de recherche accordée à M. Alam : au terme de sa période d’accueil au sein du GRIDD, il a été nommé chargé de recherche associé, en reconnaissance de l’utilité de sa collaboration et de la contribution positive apportée au partenariat. Cette nomination officialise également ses liens avec le GRIDD et l’Université Griffith et lui permettra de continuer d’accéder gratuitement aux vastes ressources documentaires de l’université. De plus, M. Alam aura la possibilité d’occuper les fonctions de superviseur adjoint dans le cadre de travaux de doctorants.
Une mine de ressources et équipements
Au cours de son séjour au GRIDD, M. Alam a pu avoir accès à NatureBank, une plateforme unique en son genre consacrée à la mise au point de médicaments à base d’extraits de produits naturels et de fractions obtenues à partir de végétaux, de champignons et d’invertébrés marins d’Australie. Les échantillons de NatureBank sont répartis en deux collections, la première composée de 10 000 extraits de produits naturels et la seconde de 50 000 fractions de produits naturels. NatureBank possède également un fonds de quelque 30 000 échantillons de données biologiques. Ce stock d’échantillons peut être utilisé pour dépister n’importe quelle maladie et peut accélérer la découverte de médicaments. NatureBank joue un rôle actif auprès de WIPO Re:Search : à ce jour, la plateforme a fourni des échantillons pour deux des activités de recherche-développement sur les maladies tropicales négligées menées en collaboration.
“Ce fut un plaisir pour notre équipe de collaborer avec M. Alam et de lui faire découvrir les outils et méthodes de pointe que nous utilisons. À son contact pendant plusieurs mois au sein même du GRIDD, nous avons mis au jour plusieurs points communs que nous pourrons exploiter de manière à l’aider dans ses recherches”, a déclaré Rohan Davis, professeur et responsable de NatureBank.
Consulter NatureBank fut l’occasion idéale pour M. Alam de sélectionner des espèces intéressantes dans le cadre des premiers résultats qu’il avait lui-même obtenus au Bangladesh. L’accès à la base de données lui a également permis d’approfondir ses connaissances sur différentes méthodes relatives à la mise au point et au développement de composés antiplasmodiaux à partir de ces produits naturels.
“Cette bourse a été pour moi une excellente occasion d’acquérir de nouvelles compétences, des connaissances techniques et un savoir-faire qui me seront très utiles dans la poursuite de recherches cruciales sur le développement de médicaments antipaludiques à partir de produits naturels, dans une région où les besoins sont particulièrement importants”, a fait remarquer M. Alam.
Insister sur le rôle de la propriété intellectuelle auprès des chercheurs
Cette bourse fut également l’occasion de mettre en avant le rôle que les droits de propriété intellectuelle peuvent jouer en matière d’appui à des programmes de collaboration efficaces dans le domaine de la recherche, notamment en ce qui concerne le partage des ressources. Utiliser les droits de propriété intellectuelle de manière stratégique pour tirer le meilleur profit des résultats d’activités de recherche peut être un moyen efficace d’obtenir des financements pour de futurs projets de recherche.
Forts de notre expérience aux côtés de M. Alam et conscients des difficultés auxquelles certains projets de coopération internationale peuvent parfois se heurter, nous avons signé un accord de transfert de matériel avec l’institut dans lequel il travaille au Bangladesh. Axé sur l’envoi régulier de matériel à l’institut de recherche de M. Alam, cet accord renforce notre action commune en faveur de la recherche sur le paludisme et de la découverte de nouveaux médicaments.
Les liens étroits que nous avons pu tisser avec M. Alam au cours de son séjour au GRIDD nous ont incités à accueillir un autre boursier WIPO Re:Search au sein de l’institut, dans le cadre du même programme de collaboration. C’est ainsi qu’en janvier 2019, M. Hamisi Masanjia Malebo, directeur de recherche à l’Institut national de recherche médicale de Tanzanie, se joindra à Yun Feng, professeur agrégé au GRIDD, dans le cadre d’une bourse de six mois. M. Malebo travaillera sur les médicaments traditionnels tanzaniens utilisés comme anti-infectieux et se concentrera sur l’isolement et la caractérisation d’agents actifs à partir d’extraits végétaux.
Les projets de collaboration transfrontalière de ce type sont mutuellement enrichissants pour toutes les parties concernées. Jenny Martin, directrice du GRIDD, soutient fermement cette création de liens à l’international. “Au GRIDD, nous nous sommes donné pour mission de ‘créer des connaissances capables de transformer la vie des gens’. Pour ce faire, nous nous employons notamment à mettre notre savoir-faire et de notre expérience au service du renforcement des compétences de chercheurs du monde entier et à leur donner accès à nos ressources et nos équipements”, explique-t-elle. “Participer au programme WIPO Re:Search en accueillant des boursiers au sein du GRIDD et travailler à leurs côtés à la mise au point de nouveaux savoirs et de médicaments prototypes pour lutter contre de graves maladies comme le paludisme est pour nous extrêmement gratifiant.”
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