Une nouvelle directive européenne dynamise les efforts de la communauté internationale en faveur de l’accessibilité
Catherine Saez, rédactrice indépendante
Le Consortium pour des livres accessibles (ABC) est un partenariat public-privé dirigé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Il regroupe des organismes représentant les personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés tels que l’Union mondiale des aveugles (UMA), des bibliothèques pour les aveugles, des organismes de normalisation, des organismes représentant les auteurs, des éditeurs et des organisations de gestion collective.
L’objectif de l’ABC est d’accroître le nombre de livres dans des formats accessibles – comme le braille, le format audio, le texte électronique, les gros caractères – à l’échelle mondiale et de les mettre à la disposition des personnes aveugles, malvoyantes ou ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.
Plus précisément, le consortium s’attache à promouvoir la production de publications en format accessible “natif”, l’objectif général étant de faire en sorte que tous les ouvrages puissent pleinement être consultés par tous les lecteurs.
Les objectifs de l’ABC correspondent tout à fait à ceux de la directive adoptée en 2019 par l’Union européenne (UE) connue sous le nom d’“acte législatif européen sur l’accessibilité”. Inmaculada Placencia Porrero, experte principale en matière de handicap et d’inclusion au sein de la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission européenne, se penche sur les principaux objectifs de la directive sous l’angle de l’édition inclusive en faveur des personnes handicapées, notamment des déficients visuels et des aveugles.
Cette directive permettra aux personnes handicapées (ainsi qu’à un grand nombre de personnes âgées) de bénéficier de davantage de produits et services accessibles et ainsi de participer plus activement à la vie sociale et économique.
Quel est le principal objectif de l’acte législatif européen sur l’accessibilité?
Le principal objectif de cet acte est de faire en sorte que certains produits et services fabriqués et fournis au sein du marché européen soient accessibles aux personnes handicapées. Les principaux produits concernés sont les ordinateurs et systèmes d’exploitation, les terminaux en libre-service tels que les terminaux de paiement, les distributeurs automatiques de billets, certains distributeurs automatiques de titres de transport et certaines bornes d’enregistrement automatiques, ainsi que les terminaux en libre-service interactifs fournissant des informations. Les smartphones, équipements de télévision, décodeurs et liseuses sont également concernés. Les services comprennent la plupart des services de télécommunication, le numéro d’urgence européen “112”, l’accès à des services de médias audiovisuels, certains éléments des services de transport, les services bancaires aux consommateurs, le commerce électronique, les livres électroniques et les logiciels spécialisés.
Vidéo : L’acte législatif européen sur l’accessibilité : au service des personnes handicapées
Cette directive permettra aux personnes handicapées (ainsi qu’à un grand nombre de personnes âgées) de bénéficier de davantage de produits et services accessibles et ainsi de participer plus activement à la vie sociale et économique. Elle contribue également à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, une campagne menée à l’échelle de l’Union européenne dont l’objectif est de conférer aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces, en particulier en ce qui concerne l’inclusion des personnes handicapées (principe 17). En outre, les fabricants et les prestataires de services pourront vendre leurs produits et fournir leurs services dans l’ensemble de l’Union européenne, sans devoir les mettre en conformité avec des dispositions nationales divergentes. Les exigences énoncées dans la directive s’appliqueront aussi aux produits et services importés.
Quel est le calendrier prévu pour la mise en œuvre de cette directive?
Les États membres de l’UE disposent de trois ans à compter de la date de publication de la directive (28 juin 2019) pour en transposer les dispositions dans leur législation nationale (soit jusqu’au 28 juin 2022), et de trois années supplémentaires avant de commencer à les appliquer (soit à partir du 28 juin 2025).
Un certain nombre de mesures transitoires ont été prévues. À titre d’exemple, les produits qui sont déjà utilisés et les contrats de services convenus avant le 28 juin 2025 peuvent bénéficier d’une période transitoire supplémentaire de cinq ans (soit jusqu’au 28 juin 2030) avant de devoir être mis en conformité. Pour les terminaux en libre-service, une période transitoire de 20 ans à compter de leur mise en service s’applique. Toutefois, la plupart des produits et services devront avoir été mis en conformité avec la directive en juin 2025.
Quels seront les changements pour les fabricants et les éditeurs?
À compter du 28 juin 2025, les entreprises, y compris les fabricants et les éditeurs, ne pourront mettre sur le marché européen que les produits et ne fournir que les services qui seront conformes aux exigences en matière d’accessibilité prévues par la directive. Ce faisant, ils auront accès à l’ensemble du marché intérieur. Les entreprises seront également tenues de respecter certaines obligations en matière d’établissement de rapports. Elles devront par exemple informer les consommateurs des caractéristiques d’accessibilité de leurs produits et services.
Comment l’acte législatif européen sur l’accessibilité s’imbrique-t-il avec le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, administré par l’OMPI?
Cet acte complète le Traité de Marrakech. Son objectif est de garantir que les livres électroniques soient accessibles dès leur création. Il ne s’agit pas de moderniser les livres non accessibles, mais de veiller à ce que, lors de leur création, ces livres soient assortis de fichiers comportant des caractéristiques d’accessibilité, notamment des descriptions textuelles et des descriptions d’images structurées. En outre, en vertu de cet acte, des informations sur les caractéristiques d’accessibilité de ces livres électroniques doivent être fournies afin que les personnes handicapées puissent effectuer leurs achats en toute connaissance de cause.
Outre les fabricants et éditeurs européens, d’autres acteurs économiques (distributeurs et importateurs par exemple) sont-ils concernés par cette directive?
Cette directive concerne tous les opérateurs économiques intervenant dans la chaîne d’approvisionnement de l’édition : fabricants, prestataires de services, importateurs, distributeurs, représentants autorisés et consommateurs. En outre, pour ce qui est des livres électroniques, elle prévoit que la notion de prestataire de services pourrait comprendre les éditeurs et les autres entreprises associées à la distribution.
Quels formats ou caractéristiques sont prévus pour les livres électroniques?
La directive ne définit aucun format particulier, elle décrit plutôt des exigences fonctionnelles en matière d’accessibilité qui pourraient être satisfaites grâce à plusieurs formats. Elle prévoit toutefois un processus par lequel la Commission pourrait mettre en évidence des normes et adopter des spécifications techniques qui confèreraient une présomption de conformité avec les exigences énoncées en matière d’accessibilité.
Une fois la directive mise en œuvre, combien de livres seront disponibles en format accessible dans l’Union européenne?
Je peux difficilement vous donner une réponse, car cela dépendra du nombre de livres qui seront publiés à compter du 28 juin 2025, date à laquelle la directive commencera à s’appliquer. En principe, cet acte s’applique à tous les nouveaux livres. Nous espérons également qu’il favorisera l’adoption de bonnes pratiques pour rendre les livres électroniques accessibles au-delà de ce qui est exigé par la loi.
Pouvez-vous nous parler des exemptions ou exceptions que prévoit la directive?
La directive prévoit effectivement un certain nombre d’exceptions. Les microentreprises notamment ne sont pas obligées de se conformer à ses dispositions. Les petites et moyennes entreprises demeurent soumises à l’obligation de publier des livres accessibles, mais peuvent bénéficier d’allègements en ce qui concerne les obligations relatives à l’établissement de rapports. En outre, un certain nombre de clauses de sauvegarde dont les entreprises peuvent bénéficier ont été intégrées dans la directive. Par exemple, la mise en œuvre des exigences en matière d’accessibilité n’est obligatoire que dans la mesure où elle n’impose pas de charge disproportionnée à l’opérateur économique concerné ou dans la mesure où elle n’entraîne pas une modification fondamentale des produits et services. En outre, la directive exige des éditeurs de livres électroniques qu’ils fournissent des livres électroniques accessibles, mais elle n’oblige pas les éditeurs à produire des versions papier de livres en braille.
Comment la directive sera-t-elle mise en œuvre?
La mise en œuvre de la directive se fera en plusieurs étapes : premièrement, les entreprises devront déclarer que leurs produits et services sont conformes, puis les autorités de surveillance du marché et les autorités chargées de la conformité des services vérifieront que tout est en ordre. Enfin, les consommateurs pourront saisir les tribunaux en vertu du droit national.
Chaque État membre devra établir sa propre autorité de surveillance du marché ainsi que des autorités chargées de la conformité des services. Il est encore trop tôt pour dire quelles seront ces entités et comment elles seront organisées, mais les États membres auront l’obligation de fournir des informations au public sur ces autorités, leurs attributions et les décisions qu’elles prendront lorsqu’elles seront en place.
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