Des chercheurs de l’Université de Stellenbosch, dans la province sud-africaine du Cap-occidental, ont mis au point une méthode de dépolymérisation des polymères phénoliques pour transformer les déchets de pâte à papier en une nouvelle matière première pour l’industrie chimique. Ces chercheurs sont Helen Pfukwa, Ndumiso Sibanda et Harald Pasch.
Notre technologie permet de convertir la lignine en composés de faible masse molaire à valeur ajoutée. C’est une technologie peu contraignante et ciblée qui produit des composés aromatiques fonctionnalisés pouvant être utilisés dans l’industrie chimique et celle des polymères.
L’industrie chimique et celle des polymères dépendent en grande partie de l’extraction de matières premières issues de ressources fossiles non renouvelables telles que le pétrole et le charbon. Cette situation n’est pas viable car les réserves de ces matières premières diminuent et leur extraction, ainsi que leur conversion en produits chimiques fonctionnalisés, ont des effets négatifs sur l’environnement.
La lignine, un composant de la biomasse lignocellulosique, est une alternative attrayante car ce polymère aromatique fonctionnalisé existe en quantité abondante et, surtout, son exploitation n’entre en concurrence avec aucun autre secteur pour répondre aux besoins de la société.
Grâce à des technologies adaptées et ciblées telles que la dépolymérisation oxydative, la lignine peut être convertie en produits chimiques utiles dotés d’une fonctionnalité aromatique, qui serviront de matières premières pour une large gamme de produits de consommation. Généralement, les polymères synthétisés à partir de monomères dérivés de la lignine ou de leurs dérivés ont des températures de transition vitreuse et des propriétés thermiques élevées, ainsi que de bonnes propriétés mécaniques qui en font des substituts intéressants au styrène issu de l’énergie fossile dans la synthèse de plastiques, de composites avancés et de résines résistant à des températures élevées.
Chaque année, l’industrie sud-africaine de la pâte à papier produit des millions de tonnes de déchets de lignine. Une grande partie de cette lignine est utilisée pour l’approvisionnement en énergie. Si les biocarburants produits à partir de déchets de lignine sont extrêmement efficaces pour réduire la dépendance des usines de pâte à papier à l’égard du réseau électrique national, la transformation de ces déchets au profit de l’industrie chimique présente des avantages considérables. Dans notre société, confrontée à des défis liés à l’épuisement des réserves pétrolières et à l’accumulation des déchets, il est important de déterminer comment les déchets produits par diverses industries peuvent être utilisés en remplacement du pétrole brut.
Notre innovation est importante pour la construction d’un avenir vert, puisqu’elle permet de convertir ce que l’on considérait jusque-là comme des déchets en des composés aromatiques à valeur ajoutée exploitables dans l’industrie chimique ou celle des polymères. En substance, la chaîne de valeur de la lignine, qui constitue un déchet dans un secteur donné, est étendue grâce à son utilisation en tant que matière première dans un autre secteur. Cela encourage le développement durable.
Nous avons déposé une demande de brevet en Afrique du Sud (2019/02602) et nous prévoyons de faire protéger cette technologie au niveau international dans un avenir poche, au moyen d’une demande internationale de brevet selon le Traité de coopération en matière de brevets (PCT).
Pour encourager la recherche et l’innovation, dans l’intérêt économique. La protection par la propriété intellectuelle incite les inventeurs et les créateurs de solutions innovantes à innover en permanence, avec des retombées sur l’ensemble de la société. Les améliorations qui profitent aux innovations ou à leur fonctionnement aident les preneurs de licence et les entreprises à acquérir un avantage concurrentiel sur le marché en excluant ceux qui ne sont pas autorisés à exploiter commercialement l’objet de propriété intellectuelle protégé.
La lignine est une macromolécule très complexe dotée d’une structure unique, qui dépend de sa provenance et du procédé de prétraitement. La liaison β-éther (β-O-4) représente environ 40 à 60% de toutes les liaisons, ce qui signifie que la plupart des techniques d’oxydation légère susceptibles de cibler ces liaisons en particulier et de produire des composés carbonylés ou carboxylés n’entraînent pas de conversion intégrale de la lignine. Nous avons observé qu’il est également important de contrôler efficacement les conditions de dépolymérisation afin de prévenir la suroxydation, qui peut conduire à des structures encore plus complexes que celle de la lignine d’origine.
Un avenir vert est envisageable pour l’industrie chimique si les gouvernements conçoivent et appliquent des politiques qui encouragent cette industrie et celle de la fabrication de matériaux à inclure le développement durable dans leurs plans à long terme. Cela incitera ces industries à se réorienter et à fournir des produits de qualité identique d’une manière écologiquement viable, y compris en utilisant des matières premières renouvelables. De nouvelles possibilités de collaboration dans le domaine de la recherche doivent être prévues entre le secteur privé et les milieux universitaires. En outre, les politiques en matière de science, de technologie et d’innovation doivent comprendre des mesures incitatives à l’intention des consommateurs et des secteurs qui suivent cette approche.
Nous essayons actuellement de commercialiser notre technologie et avons contacté une société locale de fabrication de pâte à papier et de papier (établie en Afrique du Sud) qui souhaite l’appliquer à ses déchets de lignine (lignosulfonate). L’objectif de ce projet est d’évaluer l’efficacité de la méthode sur le lignosulfonate, en termes de types de produits formés et de quantités.
Pour plus d’informations, veuillez vous adresser à forms@sun.ac.za