Marcus Höpperger, directeur principal du Secteur des marques et des dessins et modèles, OMPI, Marie-Paule Rizo, cheffe de la section des politiques et des services consultatifs en matière de législation, OMPI, et Marina Foschi, juriste principale, OMPI
En novembre, les États membres de l’OMPI, les organisations intergouvernementales et les observateurs se réuniront à Riyad (Arabie saoudite) pour finaliser et adopter un nouveau traité sur le droit des dessins et modèles destiné à faciliter la protection des dessins et modèles dans le monde entier.
En 2022, l’Assemblée générale de l’OMPI a décidé de convoquer une conférence diplomatique pour conclure les négociations relatives au traité sur le droit des dessins et modèles, en cours depuis de nombreuses années. Mais que sont les dessins et modèles? Et en quoi le traité changera-t-il la donne pour les créateurs?
Les dessins et modèles s’appliquent à de nombreux secteurs, qu’il s’agisse de mobilier, de mode ou d’emballages, ou encore de conception de produits, de logiciels ou d’automobiles. Au sens le plus élémentaire, les dessins et modèles renvoient à l’aspect visuel d’un objet. Ils sont partout, depuis les vêtements que nous portons jusqu’à la chaise sur laquelle nous nous asseyons, en passant par l’application que nous utilisons pour vérifier le temps qu’il fait. Les dessins et modèles jouent également un rôle clé dans le succès commercial des produits : nous achetons des produits non seulement parce que nous en avons besoin, mais aussi parce que leur apparence nous plaît.
L’objectif du traité est de permettre aux créateurs de protéger plus facilement leurs œuvres dans le monde entier et, ainsi, de gagner leur vie plus sereinement.
Les entreprises investissent du temps et de l’argent dans la recherche-développement relative aux dessins et modèles, car elles savent que ce sont des éléments qui peuvent influencer les consommateurs, et sont conscientes de l’avantage concurrentiel que ces titres leur donnent sur le marché. S’ils ne sont pas protégés par des droits de propriété intellectuelle, ces investissements peuvent toutefois perdre tout intérêt. Sans protection, un dessin ou modèle peut être copié par des profiteurs dès son apparition sur le marché. Cette situation nuit à l’avantage concurrentiel du créateur et à l’attrait particulier qu’exerce le dessin ou modèle sur les consommateurs. La protection de la propriété intellectuelle est donc une étape clé de tout processus créatif, car elle offre des droits exclusifs et des voies de recours pour empêcher les tiers de copier et d’exploiter à des fins commerciales les dessins et modèles sans autorisation.
Les entreprises l’ont bien compris. Les statistiques publiées par l’OMPI à partir de données mondiales révèlent que les demandes d’enregistrement de dessins et modèles industriels dans le monde s’élevaient à 1,1 million en 2022 et que le nombre de dessins ou modèles contenus dans ces demandes a augmenté de façon quasi constante entre 2008 et 2022.
Les procédures relatives à la protection des dessins et modèles peuvent sembler complexes et les obstacles sont aujourd’hui de deux ordres.
Tout d’abord, les moyens de protection des dessins et modèles varient d’un pays à l’autre. Dans certains pays, les demandes doivent être déposées pour des “dessins ou modèles enregistrés”. Les systèmes d’enregistrement peuvent prévoir un examen des demandes d’enregistrement de dessins ou modèles par l’office de la propriété intellectuelle, et les modalités de cet examen varient d’un pays à l’autre. Dans d’autres ressorts juridiques, les dessins et modèles sont protégés par le droit des brevets sous la forme de “brevets de dessins ou modèles”, qui ne sont généralement délivrés qu’après un examen approfondi de la demande par l’office de la propriété intellectuelle.
Deuxièmement, et indépendamment de la question de savoir si la protection est obtenue au moyen d’un enregistrement ou de la délivrance d’un brevet de dessin ou modèle, les créateurs doivent généralement suivre les procédures de dépôt établies par l’office de la propriété intellectuelle du pays dans lequel ils sollicitent une protection. Du fait que les droits relatifs aux dessins et modèles sont territoriaux et sont donc limités au pays ou à la région où la protection a été obtenue, les créateurs doivent suivre la même procédure dans chaque pays ou région où ils souhaitent protéger leurs dessins et modèles.
Il est donc difficile et laborieux pour les créateurs de protéger leurs dessins ou modèles dans plusieurs ressorts juridiques.
Le traité sur le droit des dessins et modèles, s’il est adopté, permettra de simplifier et de rationaliser les procédures de protection, et d’éliminer les lourdeurs administratives. Il contribuera à rendre le système de protection des dessins et modèles plus prévisible, à simplifier les procédures à proprement parler et à les rendre plus accessibles. Il sera plus facile pour les concepteurs de déposer des demandes dans plusieurs ressorts différents.
L’objectif de la conférence diplomatique est de mettre un terme à un parcours qui a commencé en 2005, lorsque, à sa quinzième session, le Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques (SCT) est convenu de commencer à travailler sur les procédures d’enregistrement des dessins et modèles.
Au fil des années, le comité a examiné de près ces procédures, qui sont au cœur du traité, ainsi que d’autres questions connexes. Il a également veillé à ce que les dispositions du projet de traité soient conformes aux recommandations du Plan d’action de l’OMPI pour le développement, adopté par l’Assemblée générale de l’OMPI en 2007 afin de placer les considérations relatives au développement au centre des activités de l’Organisation.
Le chemin jusqu’à la conférence diplomatique a été inclusif, tenant compte des niveaux de développement, des intérêts et des priorités variés des États membres de l’OMPI, ainsi que des points de vue d’autres parties prenantes. Dans ses activités relatives au projet de traité, le comité a également tenu compte du besoin de flexibilité dans les arrangements internationaux dans le domaine de la propriété intellectuelle, en particulier ceux qui présentent un intérêt pour les pays en développement et les pays de la catégorie des moins avancés.
Le comité a eu des années pour peaufiner le projet d’articles du traité et le projet de règlement d’exécution, qui ont été établis par le Secrétariat en plus d’autres documents, notamment un questionnaire sur les formalités et les procédures en matière de dessins et modèles et une étude sur les effets potentiels des activités du comité. Les discussions sur deux questions en suspens empêchaient néanmoins la convocation d’une conférence diplomatique, jusqu’à ce qu’une décision décisive soit prise en 2022.
La première question concerne l’assistance technique et le renforcement des capacités. Plusieurs propositions en ce sens ont été faites dès 2012 et 2013 par le groupe des pays africains, la délégation de l’Union européenne, au nom de l’Union européenne et de ses États membres, et la délégation de la République de Corée. Toutes les délégations conviennent de l’importance de cette assistance pour la mise en œuvre du traité. Toutefois, la question de savoir si cette question doit être inscrite dans un article du traité ou faire l’objet d’une résolution ne sera tranchée que lors de la conférence diplomatique.
La deuxième question concerne une proposition faite en novembre 2015 par le groupe des pays africains. Afin de prévenir l’appropriation illicite des dessins et modèles traditionnels, le groupe des pays africains a proposé d’inclure à l’article 3.1)a), du projet de traité – qui établit une liste maximale d’indications ou d’éléments à inclure dans une demande d’enregistrement de dessin ou modèle – une exigence non contraignante de divulgation de l’origine ou de la source des expressions culturelles traditionnelles, des savoirs traditionnels ou des ressources biologiques/génétiques utilisés dans le dessin ou modèle industriel ou incorporés dans ce dernier. Certaines délégations n’ont néanmoins pas appuyé cette proposition. En 2019, l’Ambassadrice Socorro Flores Liera du Mexique, agissant en tant que facilitatrice des négociations, a proposé une disposition de compromis, qui sera également examinée à la conférence diplomatique.
Il incombe désormais aux participants de la conférence diplomatique de trouver un compromis sur les questions restées en suspens et d’adopter ce nouveau traité, qui faciliterait la protection des dessins et modèles au niveau mondial et constituerait une avancée attendue depuis de nombreuses années.
La Conférence diplomatique pour la conclusion et l’adoption d’un traité sur le droit des dessins et modèles se tiendra du 11 au 22 novembre 2024. De plus amples renseignements et tous les documents de travail sont disponibles sur le site Web de l’OMPI.
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