1ière espèce
Cour Suprême du TOGO
Arrêt N°47/11 du 21 juillet 2011
SOCIETE NOSOCO-TOGO
c/
SOCIETE PASTACORP S.A.S.
La Cour,
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 23 mars 2009
par Maître W. M. BATAKA, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de
la société NOSOCO-TOGO, contre l'arrêt N°027 /2009 rendu le 26 février 2009 par
la Cour d'Appel de Lomé qui a infirmé le jugement n°622 en date du 13
avril 2007 par lequel le Tribunal de Première Instance de Lomé a confirmé la
société NOSOCO- TOGO dans son droit d'exploitation de la marque « Couscous SIPA
» et a ordonné la radiation des registres de l'OAPI de l'enregistrement opéré
le 17 janvier 2005 par la société PASTACORP.
Statuant à nouveau, la Cour d'appel a :
- Dit que l'enregistrement fait par la société NOSOCO-TOGO est
frauduleux ;
- Déclaré la société PASTACORP propriétaire par voie de cession de
la marque « Couscous SIPA » ;
- Dit que ladite marque est opposable aux tiers dont la société
NOSOCO-TOGO ;
- Annulé la radiation des registres de l'OAPI de l'enregistrement
opéré le 17 janvier 2005 par la société PASTACORP ordonnée par le jugement
entrepris ;
- Condamné la société NOSOCO-TOGO à payer à la société PASTACORP
la somme de cent millions (100.000.000) de francs CFA à titre de
dommages-intérêts ;
EN LA FORME
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que le pourvoi a été
fait dans les forme et délai de la loi ; qu'il y a lieu de le déclarer
formellement recevable.
AU FOND
Sur la seconde branche du second moyen ;
Vu les articles 24-2 et 27 de l'Annexe III de l'Accord de Bangui.
Attendu que « les actes comportant transmission de propriété, soit
cession de droit d'exploitation ou cession de droit ... ne sont opposables aux
tiers que s'ils ont été inscrits au Registre Spécial des Marques tenu à
l’Organisation » ;
Attendu que « l'annulation (de l'enregistrement d'une marque) ne
peut être prononcée que sur demande du titulaire du droit antérieur ... » ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que suivant exploit
d'huissier en date du 12 juillet 2006, la société PASTACORP SA a assigné la
société NOSOCO-TOGO en annulation de l'enregistrement de la marque « Couscous
SIPA » fait en son nom le 03 juillet 2003 par la société NOSOCO-TOGO et en
condamnation de cette dernière à lui payer des dommages-intérêts d'un montant
de 200.000.000 de FCFA, au motif qu'elle est propriétaire de la marque «
Couscous SIPA » pour l'avoir acquise de la société Rivoire et Carret Lastacru
(R.C.L), propriétaire originaire de ladite marque pour l'avoir enregistrée le
09 février 1981 à l'OAPI sous le numéro 21.047 ; que la société NOSOCO-TOGO
résiste à cette action et conclut qu'il est vrai que le propriétaire originaire
de la marque SIPA était la société R.C.L. mais qu'elle en a été pendant
longtemps la distributrice agréée au Togo ;
Que c'est à la disparition de la société R.C.L. que, pour protéger
sa distribution, elle fît enregistrer la marque en son nom le 03 juillet 2003 à
l'OAPI sous le numéro 47.511 ; que cet enregistrement fut publié au Bulletin
Officiel de la Propriété Intellectuelle (BOPI) et dans les 16 Etats membres de
l'OAPI dont le Togo; qu'étant désormais titulaire de la marque « Couscous SIPA
», elle commercialisait paisiblement cette marque jusqu'à fin 2004 quand elle
remarqua que les Etablissements la MASCOTIE, installés au Togo, importaient une
marque de couscous imitée à l'identique de la sienne;
Que poursuivis devant le Tribunal Correctionnel de Lomé pour
contrefaçon, les Etablissements la MASCOTIE déclarèrent tenir le couscous
contrefait d'une société dénommée MARDI représentant une société dénommée
PASTACORP, toutes domiciliées en France ; que les Etablissements la MASCOTIE
furent condamnés pour contrefaçon du « Couscous SIPA » ;
Que c'est alors qu'elle était en train d'exécuter cette décision
qu'elle a été assignée en annulation de son enregistrement ;
Que le Tribunal de Lomé a donné raison à la société NOSOCO- TOGO
en la confirmant dans son droit d'exploitation de la marque « Couscous SIPA »
et a en conséquence ordonné la radiation des registres de l'OAPI de l'enregistrement
opéré le 17 janvier 2005 par la société PASTACORP, au motif « qu'il est
constant que l'enregistrement de la marque Couscous SIPA à l'OAPI par la
société NOSOCO-TOGO remonte au 03 juillet 2003 et est antérieur à celui de la
société PASTACORP du 17 janvier 2005 » ;
Que la Cour d'Appel de Lomé a infirmé ce jugement en toutes ses
dispositions sous prétexte que « la cession de la marque Couscous SIPA à la
société PASTACORP étant opposable à la société NOSOCO-TOGO, la société
PASTACORP est donc titulaire d'un droit antérieur et peut demander l'annulation
de l'enregistrement N°47.511 fait le 03 juillet 2003 par la société NOSOCO-TOGO
» ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société NOSOCO-TOGO
dispose d'un droit de propriété antérieur par rapport à l'enregistrement de la
cession de la marque Couscous SIPA au profit de la société PASTACORP, la Cour
d'Appel a violé les textes de loi visés au moyen ;
Attendu qu'en effet, le contrat de cession entre les sociétés RCL
et PASTACORP n'a été enregistré et porté à la connaissance des tiers, notamment
la société NOSOCO-TOGO que le 17 janvier 2005 par l'enregistrement de la
cession au Registre Spécial des Marques tenu à l'Organisation, donc
postérieurement à l'enregistrement de la marque Couscous SIPA au profit de la
société NOSOCO- TOGO, répertorié à l'OAPI sous le numéro 47.511 en date du 16
juillet 2002 ;
Attendu que or, aux termes de l'article 27 de l'Annexe III de
l'Accord de Bangui, « les actes comportant transmission de propriété, soit
cession de droit d'exploitation ou cession de droit ... ne sont opposables aux
tiers que s'ils ont été inscrits au Registre Spécial des marques tenu à
l'Organisation» ; que dans ces conditions, la société NOSOCO-TOGO s'étant
acquittée des formalités requises prévues par les textes en vigueur à l'OAPI,
la propriété de la marque « Couscous SIPA » lui est acquise dans la
mesure où aucune opposition n'a été enregistrée à l'OAPI dans le délai de 06
mois prévu à l'article 18 de l'Annexe III de l'Accord de Bangui qui dispose que
« Tout intéressé peut faire opposition à l'enregistrement d'une marque en
s'adressant à l'organisation dans un délai de 06 mois à compter de la
publication visée à l'article 17 » ;
Attendu qu'il en résulte que l'acte de cession dont se prévaut la
société PASTACORP est inopposable à la société NOSOCO-TOGO qui dispose
désormais d'un droit antérieur sur la marque « Couscous SIPA » à
compter du jour où l'opposition n'est plus recevable, soit depuis le 04 janvier
2004 ;
Attendu que par conséquent, la société PASTACORP n'étant pas
encore titulaire de la marque au moment où NOSOCO-TOGO l'avait enregistrée à
son profit, seules les sociétés SEMOULERIE DE NORMANDIE et RIVOIRE ET CARRET
LUSTACRU (RCL) dont l'enregistrement de la marque « Couscous SIPA » était antérieur
à celui de NOSOCO-TOGO pouvaient agir en annulation de l'enregistrement opéré
par NOSOCO-TOGO ;
Attendu qu’or, lesdites sociétés n'ont exercé aucun recours contre
l'enregistrement de NOSOCO- TOGO ; qu'il s'ensuit que la société PASTACORP dont
le droit de propriété est postérieur à celui de NOSOCO-TOGO n'est pas fondée à
agir en annulation de l'enregistrement de cette dernière ; que le moyen est
donc fondé, d'où il suit que l'arrêt critiqué encourt cassation et annulation ;
Attendu que contrairement à la Cour d'Appel qui s'est fourvoyée,
le premier juge a fait une bonne application de la loi ;
Qu’eu égard à cette considération et compte tenu du fait qu'il ne
subsiste plus aucun point de droit à juger, il convient de dire que le renvoi
de la présente cause à la Cour d'Appel pour son réexamen devient sans objet ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en
état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Casse et annule, et ce, sans renvoi, l'arrêt N°027 /09 rendu le 26
février 2009 par la Cour d'Appel de Lomé ;
Dit en conséquence que le jugement N°622 rendu le 13 avril 2007
par le Tribunal de Première Instance de Lomé, sortira ses pleins et entiers
effets ;
Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi à la demanderesse au
pourvoi ;
Condamne la défenderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au
pied de la décision critiquée.