Tribunal de commerce d’Abidjan
Jugement du 23 juillet 2015, N°1929/2015
Sieur DABE ZOHORA Bertin
c/
SOCIETE ORANGE COTE D’IVOIRE et SOCIETE NTDD
Le Tribunal,
Suivant exploit d’huissier
en date du 12 Mai 2015 Monsieur DABE ZOHORA Bertin a assigné la Société ORANGE
Côte d’Ivoire et la Société NOUVELLE TYPIC DESIGN DIFFUSION dite NTDD à
comparaître le 21 Mai 2015 par devant le Tribunal de Commerce d’Abidjan à
l’effet de s’entendre condamner :
- solidairement à lui payer
la somme de 4.195.632.000 francs CFA à titre de dommages et intérêts ;
- prononcer l’interdiction
de la reproduction ou de l’imitation ainsi que l’exploitation illicite par les
défenderesses du panneau d’exposition publicitaire lui appartenant ;
- ordonner l’enlèvement et
la destruction des panneaux contrefaits aux frais des défenderesses sous
astreinte comminatoire de 5.000.000 de francs CFA par jour de retard ;
- prononcer la confiscation
de l’ensemble du matériel de fabrication des panneaux contrefaits ;
- ordonner la publication de
la décision dans les journaux sous astreinte de 5.000.000 par défaut de
publication ;
- ordonner l’exécution
provisoire de la décision ;
- condamner les
défenderesses aux dépens.
Au soutien de son action
Monsieur DABE ZOHORA Bertin expose que par courrier en date du 07 février 2012,
il a fait une proposition commerciale à la société ORANGE Côte d’Ivoire pour
mettre à sa disposition l’exploitation de panneaux d’affichage sur pieds et
amovibles 65 x 120 cm qu’il a créés et dont le dessin ou modèle est déposé à
l’OAPI depuis le 28 Octobre 2011 suivant PV N°4201100178 et enregistré le 31
Mai 2012 sous le Numéro 03449 ; Il indique que sa correspondance est restée
sans suite mais qu’il a constaté que la société ORANGE Côte d’Ivoire, à travers
la régie publicitaire NTDD, a contrefait son panneau, l’a reproduit en
plusieurs exemplaires et l’a distribué aux vendeurs de journaux dans tout le
District d’Abidjan ; Il fait noter qu’il a fait constater ces faits par exploit
d’huissier des 22 et 23 avril 2015 ; Il soutient que son action est recevable
parce qu’il justifie d’un intérêt juridiquement protégé, direct et personnel
conformément à l’article 3 du code de procédure civile, commerciale et
administrative ; Il fait valoir en outre que son action est conforme aux
dispositions de l’article 29 l’Annexe IV de l’accord portant révision de
l’accord de BANGUI du 02 Mars 1977 instituant l’OAPI ; Il estime que la
responsabilité des sociétés ORANGE Côte d’Ivoire de NTDD doit être retenue au
motif qu’il est titulaire du certificat d’enregistrement N°03449 délivré par
l’OAPI le 31 Mai 2012 faisant de lui l’auteur et le propriétaire du dessin
querellé ;
Que les défenderesses ont
imité son dessin car elles l’ont reçu dans la proposition commerciale avec tous
les détails techniques relatifs au dessin ; Que celles-ci ont utilisé sa
stratégie commerciale et se sont accaparées le fruit de son savoir-faire ;
Que ces faits constituent
une contrefaçon et une concurrence déloyale qui, pris isolément, sont des
fautes portant atteinte à ses droits de propriété intellectuelle ; Il fait
valoir que toutes ces fautes lui ont créé un préjudice qu’il convient de
réparer ; Il explique que la société ORANGE Côte d’Ivoire est leader dans son
domaine d’activité ; Et qu’il a dénombré 1311 points de vente à la date du 07
décembre 2012 qui utilisaient ses panneaux contrefaits ; Il fait observer qu’il
n’est pas opposé à la nomination d’un expert pour évaluer son préjudice économique
; Mais qu’en l’état, il sollicite la somme de 4.195.632.000 de francs CFA à
titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
Il sollicite également du
Tribunal qu’il ordonne la cessation de l’activité contrefaisante, la
confiscation du matériel de fabrication de panneaux et la publication de la
décision sous astreinte de 5.000.000 de francs CFA par jour de retard ;
En réplique, la société
ORANGE Côte d’Ivoire plaide le rejet de la demande de Monsieur DABE ZOHORA
Bertin ; Elle explique que le dessin et le modèle du demandeur se rapporte à un
dispositif d’affichage de message publicitaire sur mobilier urbain et sert de
présentoir de titres de la presse écrite ; Elle ajoute que non seulement un tel
procédé existe de longue date mais il est d'usage courant aussi bien à Abidjan
en Côte d'Ivoire que dans toutes les grandes villes du monde ; A ce point de
vue, l'examen des dessins du dispositif d'affichage que le demandeur a joint à
sa demande d'enregistrement est, de toute évidence, d'une banalité aussi plate
qu'affligeante, insiste-t-elle ; Elle en déduit que dans ces conditions, le
fait d'accomplir les formalités de dépôt d'un dessin ou modèle n'est
susceptible de conférer aucun droit privatif au déposant ; celui-ci est par
suite malvenu à prétendre tirer argument d'une telle formalité pour articuler
un quelconque grief de contrefaçon contre la société ORANGE-CI ;
Elle souligne que le
Tribunal doit le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Pour sa part, la société
NTDD relève que la prétendue contrefaçon est inexistante tant le demandeur ne
rapporte pas la preuve de la contrefaçon de ce panneau d'affichage dépourvu de
nouveauté ; Elle rappelle que l'article 2 de l'Annexe IV de l'accord portant
révision de l'accord de Bangui du 02 Mars 1977 instituant une Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle dispose que :« 1°) un dessin ou modèle
peut faire l'objet d'un enregistrement s'il est nouveau. 2°) un dessin ou
modèle industriel est nouveau s'il n'a pas été divulgué en tout lieu du monde (
... ) » ; Elle souligne que des termes de cet article, il résulte que la
protection d'un dessin ou modèle au titre de la propriété intellectuelle,
suppose qu'il soit nouveau ; Ainsi, commente-t-elle, ce qui est déjà connu ou
divulgué ne peut bénéficier d'une protection au titre des dessins ou modèles
industriels ;
Qu’en l'espèce, le demandeur
a déposé à l'OAPI un panneau d'exposition de journaux avec support publicitaire
alors que ledit panneau d'affichage de jour n'est pas nouveau puisqu’il
existait déjà sous la même forme et était utilisé par des vendeurs de journaux,
fait-elle observer ; Elle retient que le demandeur verse seulement au dossier
les images du panneau qui serait la reproduction ou l'imitation du sien sans
toutefois produire le sien, de sorte que la preuve de la contrefaçon n’est pas
rapportée ; De même, les faits de concurrence déloyale par parasitisme invoqués
ne sont pas prouvés, ajoute-t-elle ; Elle conclut au rejet de l’action du demandeur
; En réaction aux moyens des défenderesses, Monsieur DABE ZOHORA Bertin fait
valoir que l’article 4 de l’Annexe IV de l’accord de BANGUI indique que « la
propriété d’un dessin ou modèle appartient à celui qui l’a créé ou à ses ayants
de cause » ;
Qu’en l’espèce, il a produit
son certificat d’enregistrement n°03449 du 31 mai 2012 relatif au dessin ou
modèle de panneaux d’exposition publicitaire ;
Que ce certificat
d'enregistrement délivré par l'OAPI à monsieur DABE ZOHORA consacre sa qualité
de créateur du dessin ou modèle des panneaux d'exposition publicitaire, qu'il
concerne ;
Que la notion de nouveauté
ne revient pas à dire que le modèle nouveau est celui qui est différent de ceux
qui lui préexistent ; Il souligne que son modèle est nouveau en comparaison des
présentoirs des titres de la presse écrite dont les défendeurs produisent les
photographies qui n’ont d’ailleurs pas de date certaine.
SUR CE
[…]
AU FOND
SUR L’ACTION EN CONTREFAÇON
Monsieur DABE ZOHORA Bertin
soutient que les sociétés ORANGE Côte d’Ivoire et NTDD ont contrefait son
modèle de panneaux innovateurs qu’il avait remis à la première dans le cadre de
l’offre d’une proposition commerciale.
Les défenderesses s’en
défendent et font valoir que le modèle n’est pas nouveau car exploité depuis
longtemps par des vendeurs de journaux et qu’en tout état de cause, Monsieur
DABE ZOHORA Bertin ne rapporte pas la preuve de la contrefaçon puisqu’il ne
produit pas le modèle qui aurait été illicitement reproduit.
Il est constant comme
résultant des pièces du dossier notamment de l’arrêté N°12/0030/OAPI
/DG/DPI/SSD du 31 Mai 2012, que le demandeur est propriétaire d’un modèle
industriel de panneaux d’exposition avec support d’affichage sur pieds et
amovible de dimensions 65 X 120 cm qu’il a dénommé « panneaux innovateurs ». Il
est également constant que selon la protection instituée par l’Annexe IV de
l’accord de BANGUI révisé, un modèle industriel peut être protégé s’il est
nouveau. Ce qui signifie que pour qu’un modèle soit protégé, il faut qu’il
suscite une impression visuelle d’ensemble différente de celle produite par
tout modèle divulgué antérieurement ;
En l’espèce, Monsieur DABE
ZOHORA Bertin soutient que les sociétés ORANGE Côte d’Ivoire et NTDD ont imité
et reproduit son modèle de panneaux innovateurs dont il produit les
caractéristiques et les images.
A l’examen des pièces
produites, le Tribunal constate que les images et photographies sont floues et
ne permettent pas de les comparer à ceux distribués par les défenderesses et
qui en seraient de pâles imitations selon lui ; En outre le descriptif du
panneau innovateur fait par le demandeur est très sommaire et ne permet pas de
procéder à un examen d’ensemble des éléments propres et distincts de son
panneau en comparaison avec ceux de la défenderesse pour établir la contrefaçon
par reproduction qui lui est reprochée.
Par ailleurs le demandeur
qui fonde son action sur l’accord révisé de BANGUI, ne démontre pas en quoi son
modèle est nouveau pour se prévaloir des autres dispositions légales de
protection applicables en matière de propriété littéraire et artistique.
En l’état, il y a donc lieu
de dire que le demandeur n’a pas rapporté la preuve de l’activité
contrefaisante des sociétés ORANGE Côte d’Ivoire et NTDD ; Sur la demande en
paiement Monsieur DABE ZOHORA Bertin sollicite la condamnation solidaire des
sociétés à lui payer la somme totale de 4.195.632.000 de francs CFA à titre de
dommages et intérêts ;
Il a cependant été jugé que
la preuve de la contrefaçon par reproduction du modèle dénommé « panneau
innovateur » n’a pas été rapportée par le demandeur ; Or la demande en paiement
de dommages et intérêts est fondée sur cette activité contrefaisante ;
Aussi en l’absence de
contrefaçon prouvée, il ne saurait y avoir lieu à paiement de dommages et
intérêts ; la preuve de la faute n’ayant pas été rapportée ; En conséquence de
ce qui précède, il convient de rejeter cette demande comme étant mal fondée ;
Sur les dépens
Le demandeur succombe ; il
convient de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
contradictoirement et en premier ressort ;
Reçoit Monsieur DABE ZOHORA
Bertin en son action ;
L’y dit cependant mal fondé
;
L’en déboute ;
Condamne Monsieur DABE
ZOHORA Bertin aux dépens.