Le Requérant est Crédit Industriel et Commercial SA, Paris, France, représenté par le Cabinet Meyer & Partenaires, France.
Le Défendeur est Stéphane Reynaud, Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine <cic-entreprises.fr> enregistré le 16 décembre 2008.
Le prestataire Internet est la société Gandi Sarl.
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 2 juillet 2009 par courrier électronique et le 6 juillet 2009 par courrier postal.
Le 2 juillet 2009, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 2 juillet 2009, l'Afnic a levé l'anonymat de l'identité du titulaire du nom de domaine et a confirmé qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'était pendante. Le Requérant a déposé une demande amendée le 8 juillet 2009 par courrier électronique et le 10 juillet 2009 par courrier postal.
Le Centre a vérifié que la demande amendée répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).
Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 13 juillet 2009. Conformément à l'article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 2 août 2009. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 30 juillet 2009. Le Centre a accusé réception de la réponse le 31 juillet 2009.
Le 13 août 2009, le Centre nommait Stéphane Lemarchand comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.
Le Requérant est le Crédit Industriel et Commercial, ci-après dénommé “CIC”, filiale du Groupe Crédit Mutuel, quatrième groupe bancaire français, créé en 1859.
Le CIC, disposant d'un réseau de 2,122 agences commerciales en France, gérant les actifs de plus de 4,1 millions de clients, bénéficie d'une grande notoriété.
Le CIC est également présent à l'international grâce à son réseau de succursales couvrant 50 pays dans le monde, en Europe, en Afrique, en Amérique et en Asie.
Le Requérant est également présent sur Internet, exploitant un portail Internet à l'adresse “ww.cic.fr”depuis 2000.
Le Requérant bénéficie, sur la dénomination “CIC”, sigle inscrit sur son certificat d'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, de droits de propriété industrielle.
La dénomination “CIC” est ainsi protégée à titre de marques, française et communautaire, régulièrement renouvelées par le Requérant, telles que:
- la marque verbale française C.I.C., enregistrée sous le n° 1358524 le 10 juin 1986 et régulièrement renouvelée (marque constituant le renouvellement d'un dépôt effectué le 25 juin 1976, enregistré sous le n° 959999);
- la marque verbale communautaire CIC, enregistrée sous le n° 5891411 le 10 mai 2007.
Le Requérant est également titulaire de noms de domaine incluant le terme “CIC” tels que :
- <cic-fr>: enregistré le 28 mai 1999
- <cic.eu>: enregistré le 6 mars 2006
Le Défendeur a procédé à l'enregistrement du nom de domaine <cic-entreprises.fr> le 16 décembre 2008, de façon anonyme.
Le Requérant a décidé d'avoir recours à la présente procédure administrative pour obtenir la divulgation des coordonnées du titulaire du nom de domaine.
L'Afnic a transmis les informations relatives à l'identification du titulaire du nom de domaine contesté au Centre le 8 juillet 2009.
A la demande du Centre, le Requérant a ainsi déposé une demande amendée comprenant le nom et les coordonnées du titulaire du nom de domaine contesté, le 8 juillet 2009.
C'est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.
Le Requérant soutient qu'il est détenteur de droits antérieurs sur le signe “CIC” à titre de dénomination sociale, de noms de domaine et de marques française et communautaire.
Le Requérant fait également valoir que la dénomination “CIC” bénéficie, en France, d'une réputation certaine dans le domaine bancaire et financier eu égard à son exploitation intensive et soutenue depuis plusieurs années.
Le Requérant ajoute que la notoriété et la réputation du CIC et des marques y relatives ont été reconnues à plusieurs reprises par des experts désignés dans le cadre de procédures PARL ou UDRP.
Le Requérant soutient, tout d'abord, que le nom de domaine <cic-entreprises.fr> est fortement similaire aux marques antérieures CIC.
La seule différence entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant consiste dans l'ajout du terme générique “entreprises”, cette seule différence n'écartant pas le risque de confusion dans l'esprit du public entre les marques CIC et le nom de domaine litigieux.
Le Requérant fait valoir, en outre, que l'ajout du terme générique “entreprises” est une circonstance aggravante, dans la mesure où le CIC propose des services spécifiques pour les entreprises.
Le Requérant fait également valoir que la simple adjonction de l'extension nationale “.fr” n'est liée qu'à des considérations techniques et n'a pas à être prise en considération pour l'appréciation de l'identité ou de la similitude du nom de domaine contesté avec la marque antérieure renommée CIC.
Le Requérant ajoute qu'il appartenait au Défendeur de vérifier que le nom de domaine choisi ne portait pas atteinte aux droits de tiers, en particulier aux droits de propriété intellectuelle.
Selon le Requérant, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux dans le but exclusif de détourner le trafic des internautes qui pourraient légitimement penser accéder au site du CIC dédié aux entreprises.
En outre, le Requérant fait valoir que le Défendeur ne fait aucun usage du nom de domaine, ce dernier renvoyant vers une page inactive.
Or, selon le Requérant le défaut d'utilisation d'un nom de domaine lié à sa rétention est un élément constitutif de mauvaise foi du Défendeur.
En conséquence, le Requérant en conclut que l'enregistrement et l'utilisation du nom de domaine litigieux <cic-entreprises.fr> constituent donc une atteinte aux droits de propriété intellectuelle dont il est titulaire.
Le Requérant sollicite ainsi le transfert du nom de domaine <cic-entreprises.fr> à son profit.
Le Défendeur ne conteste pas l'antériorité des marques déposées par le CIC.
En revanche, le Défendeur soutient qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les marques déposées par le CIC et le nom de domaine <cic-entreprises.fr>.
Le Défendeur soutient qu'il a un intérêt légitime à déposer le nom de domaine <cic-entreprises.fr>.
En effet, le Défendeur invoque le lancement d'une activité de consulting auprès des entreprises dont la dénomination sociale aurait été “Centre International de Consulting”.
Le Défendeur fait valoir qu'il aurait enregistré le nom de domaine litigieux afin d'éviter toute confusion avec les marques du Requérant.
Le Défendeur fait également valoir que le nom de domaine litigieux n'a pas été acquis aux fins de le revendre, le louer ou le céder à un tiers ou au Requérant, ni en vue d'empêcher le Requérant d'enregistrer sa marque sous forme de nom de domaine.
Le Défendeur soutient également ne pas être coutumier d'une telle pratique.
L'Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et/ou une utilisation d'un nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission de ce nom de domaine à son profit.
Conformément au paragraphe 20(c) du Règlement, l'Expert “fait droit à la demande lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l'article 1 du présent règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.
L'Expert rappelle que, conformément à l'article 1 du Règlement, l'atteinte aux droits des tiers s'entend comme “une atteinte aux droits des tiers en particulier lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle française ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d'une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi.”
Conformément à l'article 1 du Règlement, l'atteinte aux règles de la concurrence s'entend comme une “atteinte aux règles de la concurrence, une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire.”
En conséquence, l'Expert s'est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l'enregistrement et/ou l'utilisation du nom de domaine <cic-entreprises.fr> portait atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission de ce nom de domaine à son profit, si celui-ci justifie de droits sur ce nom de domaine.
L'Expert constate que le Requérant justifie être titulaire de droits privatifs antérieurs sur la dénomination “CIC” visant le territoire français depuis au moins 1976, et ce notamment par le biais de plusieurs marques françaises et communautaires, ces dernières ayant été renouvelées.
L'Expert constate également que le Requérant est titulaire de plusieurs noms de domaine comportant la marque CIC, enregistrés antérieurement au nom de domaine litigieux et menant vers des sites Internet présentant son activité.
De plus, l'Expert constate que la dénomination “CIC” jouit d'une certaine renommée s'agissant, plus particulièrement, des services bancaires.
A cet égard, L'Expert relève que le Défendeur ne conteste pas les droits antérieurs détenus par le Requérant ni leur notoriété.
S'agissant du nom de domaine litigieux, l'Expert constate que celui-ci reproduit le sigle “CIC”, présent dans les marques et les noms de domaine précités dont est titulaire le Requérant.
L'Expert retient que la simple adjonction d'un terme générique tel que le terme “entreprises” n'écarte, en aucune manière, le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et les marques et autres droits privatifs du Requérant.
L'Expert constate, au contraire, que l'ajout du terme générique “entreprises” accroît le risque de confusion avec les marques antérieures du Requérant, laissant croire au public que le nom de domaine litigieux renvoie vers un site Internet présentant les services du CIC dédiés aux entreprises.
De plus, il est admis que la présence de l'extension “.fr” au sein du nom de domaine litigieux – inhérente au fonctionnement des noms de domaine – ne permet pas d'écarter tout risque de confusion (SARL Abcyne v. Jeremie Guyot, Litige OMPI No. DFR2007-0001).
En effet, l'adjonction d'une extension pour le moins commune dans le domaine des services rendus sur Internet ne confère à l'ensemble aucun caractère distinctif de nature à écarter tout risque de confusion.
La reproduction et/ou l'imitation de marques ou autres droits privatifs appartenant à un tiers ou exploités par un tiers sans autorisation constituent une atteinte qui doit être sanctionnée.
A cet égard, le Défendeur est domicilié en France comme le Requérant.
Dès lors, compte tenu de la notoriété des marques CIC, mais également de la forte présence du Requérant sous cette dénomination, sur le territoire français, depuis plus de trente ans, le Défendeur ne pouvait ignorer, au jour de l'enregistrement du nom de domaine litigieux, l'existence du Requérant, de son activité et de l'exploitation du site Internet “w.cic.fr.”.
Il appartenait au Défendeur, avant de procéder à l'enregistrement des noms de domaine litigieux, conformément à l'article 14 de la Charte de vérifier que ces enregistrements ne portaient pas atteinte aux droits des tiers.
Manifestement, le Défendeur n'y a pas procédé.
Pour justifier d'un intérêt légitime à l'enregistrement du nom de domaine litigieux, le Défendeur prétend que cet enregistrement est justifié à raison de son activité.
En effet, “CIC” serait l'abréviation de la dénomination sociale de sa future société Centre International du Consulting.
Toutefois plusieurs éléments mènent l'Expert à douter fortement de la légitimité de l'intérêt invoqué.
En premier lieu, le Défendeur ne produit à la procédure aucun élément de nature à soutenir son argumentation.
En second lieu, l'Expert a du se prononcer dans un litige quasi-identique impliquant les mêmes parties et concernant l'enregistrement des noms de domaine <cic-entreprises.com>, <cicentreprises.com>, <cic-entreprises.net>, <cic-entreprises.pro>, <cicentreprises.pro>, <cicetoileentreprises.com>, <cic-etoile-entreprises.pro>, <credit-industriel-et-commercial.pro> et <creditindustrieletcommercial.pro> (Crédit Industriel et Commercial SA v. Stéphane Reynaud, Litige OMPI No. D2009-0892).
Dans le cadre de ce litige, le Défendeur faisait valoir la même argumentation en défense mais n'expliquait toutefois pas la raison pour laquelle il avait également enregistré des noms de domaine reproduisant la dénomination “Crédit Industriel et Commercial SA” qui est précisément la dénomination du Requérant.
En réalité, tout laisse à croire que l'enregistrement du nom de domaine litigieux concerné par la présente procédure et plus largement l'enregistrement des noms de domaine enregistrés par le Défendeur, portant sur des droits antérieurs détenus par le Requérant, n'est pas dicté par la volonté de se démarquer de la dénomination du Requérant mais au contraire de profiter indûment des avantages liés notamment en terme de trafic, à enregistrer et dans l'avenir à utiliser un nom de domaine ou plusieurs noms de domaine reproduisant ou imitant une dénomination appartenant à un tiers au surplus largement connue du public.
L'Expert constate en conséquence que le Défendeur ne justifie d'aucun intérêt légitime à l'enregistrement du nom de domaine litigieux.
Au vu de ces éléments, l'Expert considère que l'enregistrement du nom de domaine litigieux a été effectué en parfaite connaissance des droits antérieurs du Requérant et par conséquent en violation de ceux-ci.
Le nom de domaine <cic-entreprises.fr> n'est pas exploité.
En l'espèce, la notoriété du Requérant et de son activité, que ce soit par la présence de ses nombreuses agences sur le territoire français ou par le biais de ses différents sites Internet, est incontestable et peut difficilement être ignorée du Défendeur.
Compte tenu notamment de cette notoriété, il est fort probable que le simple fait d'avoir enregistré un nom de domaine intégrant une dénomination connue des internautes a induit ces derniers en erreur sur l'activité du Requérant.
L'utilisation du nom de domaine litigieux est préjudiciable au Requérant car il risque d'induire en erreur les internautes, qui peuvent légitimement penser accéder au site Internet officiel du CIC dédié aux entreprises.
Cette utilisation frauduleuse, dès lors qu'elle renvoie vers une page inexploitée, risque d'entraîner une atteinte à l'image et à la réputation de la marque “CIC”.
En conséquence, l'Expert considère que l'enregistrement et l'utilisation du nom de domaine <cic-entreprises.fr> par le Défendeur constituent une appropriation en violation des droits du Requérant de même que des règles normales de concurrence.
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <cic-entreprises.fr>.
Stéphane Lemarchand
Expert
Le 2 septembre 2009