Le Requérant est Crédit Industriel et Commercial SA de Paris, France, représenté par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est Francois Kerloch de Saint Dizier, France.
Le litige concerne le nom de domaine <e-cic.fr> enregistré le 4 septembre 2009.
Le prestataire Internet est la société Gandi.
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 11 janvier 2010, par courrier électronique et le 12 janvier 2010, par courrier postal.
Le 11 janvier 2010, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 11 janvier 2010, l'Afnic a confirmé l'ensemble des données du litige, ainsi qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'est pendante.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).
Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 19 janvier 2010. Conformément à l'article 15 du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 février 2010. Le Défendeur n'a pas fait parvenir de réponse. En date du 9 février 2010, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
Le 24 février, le Centre nommait Michel Vivant comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.
Le 4 septembre 2009, le nom de domaine <e-cic.fr> a été enregistré sous couvert d'anonymat par François Kerloch dont l'identité a été ultérieurement révélée à la suite d'une requête en divulgation de coordonnées personnelles adressée à l'Afnic le 27 octobre 2009.
S'appuyant sur la dénomination et la marque CIC ainsi que sur différents noms de domaine antérieurs (voir ci-après), le Crédit Industriel et Commercial, après avoir adressé au Défendeur une lettre de mise en demeure restée sans réponse, a décidé de recourir à la Procédure Alternative de Résolution des Litiges. Il sollicite le transfert du nom de domaine litigieux.
Le Requérant sollicitant le transfert du nom de domaine litigieux fait valoir, conformément à l'article 12(a)(vi) in fine du Règlement, qu'il dispose de droits sur l'appellation CIC à plusieurs titres :
- dénomination sociale CIC en raison de l'usage fait du sigle inscrit sur son certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
- et en conséquence “droits à titre d'enseigne et de nom commercial” ;
- marques, à savoir :
- une marque française n° 1 358 524 déposée primitivement en 1976 et dont l'enregistrement a été renouvelé depuis lors,
- une marque communautaire n° 5891411 déposée le 10 mai 2007 ;
- noms de domaine <cic.fr> et <cic.eu> enregistrés respectivement en 1999 et 2006.
Le Requérant fait valoir que ces divers identifiants, tous exploités, jouissent, et spécialement les marques, d'une particulière renommée.
Il caractérise l'atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle comme une imitation frauduleuse de “la marque CIC”, l'extension “.fr” ne devant pas, suivant une jurisprudence constante, être prise en considération et l'adjonction d'un “e-” ne pouvant écarter le risque de confusion mais pouvant au contraire faire croire à l'existence d'un site dédié aux opérations bancaires en ligne du groupe.
Il ajoute que le Défendeur, qui ne pouvait “vraisemblablement” ignorer “le Requérant et ses activités et droits”, a donc procédé à un enregistrement
- sans vérifier, comme il lui appartenait de le faire, qu'il ne portait pas atteinte aux droits de tiers
- et, plus radicalement, de manière frauduleuse dans un but de détournement du trafic.
Le non-usage du nom de domaine par le Requérant est enfin mis en avant comme un élément supplémentaire établissant la mauvaise foi de celui-ci.
Le Requérant met enfin en avant les préjudices qu'il dit subir du fait de l'enregistrement litigieux comme atteinte à son image et risques de phishing contre lequel il dit spécialement lutter.
Comme il a été rappelé plus haut, le Défendeur a fait défaut.
Les droits invoqués par le Crédit Industriel et Commercial sont parfaitement établis :
- droits sur la dénomination sociale et le sigle abréviatif de celle-ci (suivant le certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de l'entreprise) ;
- droits sur les marques (suivant les actes d'enregistrement produits) ;
- droits sur les noms de domaine (suivant encore les actes d'enregistrement produits).
De l'usage de l'appellation dans la vie des affaires pour désigner le Requérant, peut encore s'inférer l'existence d'une enseigne et d'un droit sur cette enseigne – comme d'un nom commercial et d'un droit sur ce nom – même si le Crédit Industriel et Commercial ne fait directement état que d'une atteinte à ses marques (et plus exactement à “la marque CIC”).
Le nom de domaine <e-cic.fr> est la quasi-reproduction du nom <cic.fr> appartenant déjà au Crédit Industriel et Commercial.
Mais celui-ci faisant essentiellement valoir l'atteinte aux droits qu'il détient sur ses marques, une même proximité peut être relevée.
Suivant une jurisprudence constante, aussi bien dans le contexte des Principes directeurs concernant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (principes UDRP) que suivant le présent Règlement, l'extension en toutes hypothèses n'est pas un élément à prendre en compte.
Les observations doivent donc se concentrer sur le seul sigle “cic”. Or si la marque française déposée semble être C.I.C. (ce qui pourrait éventuellement prêter à discussion – au moins formelle – du fait que les noms sont construits sur les lettres “cic” sans séparation), la marque communautaire est très exactement CIC. La seule différence entre la marque et le nom de domaine réside donc dans l'adjonction d'un “e” relié à “cic” par un trait d'union. C'est dire que la proximité des signes est grande mais, plus encore, que le “e” étant compris, par des usagers de l'Internet, comme renvoyant à des activités en ligne (e-commerce, e-business, e-administration, …), cette adjonction est de nature à faire croire, comme le Requérant le souligne, que serait ainsi offert un service en ligne directement lié au Requérant..
La notoriété du Requérant (déjà reconnue lors de précédentes procédures, comme par exemple dans la décision Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige OMPI No. DFR2004-0005) n'étant guère discutable, il n'est pas crédible que le Défendeur n'ait pas délibérément adopté cette attitude parasitaire.
La motivation adoptée dans l'affaire Crédit Industriel et commercial c. Stéphane Reynaud, Litige OMPI No. DFR2009-0021 où était en cause le nom de domaine <cic-entreprises.fr>, peut être ici tout à fait reprise : l'enregistrement fait par le Requérant “n'est pas dicté par la volonté de se démarquer de la dénomination du Requérant mais au contraire de profiter indûment des avantages liés (…) à enregistrer et dans l'avenir à utiliser un nom de domaine ou plusieurs noms de domaine reproduisant ou imitant une dénomination appartenant à un tiers au surplus largement connue du public”.
Cela étant, en toutes hypothèses, il est clair que le Défendeur n'a pas procédé à la vérification qui lui incombe, aux termes de la Charte de l'Afnic, qu'il n'y a pas atteinte aux droits des tiers.
Ce faisant, l'atteinte aux droits des tiers (en l'occurrence aux droits du Crédit Industriel et Commercial), en présence d'un nom de domaine susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de marque, est suffisamment caractérisée.
À cela ne saurait être opposé un hypothétique droit du Défendeur, qui a significativement choisi d'être défaillant, ni davantage sa bonne foi, ce défaut comme la non utilisation du nom litigieux étant bien davantage des indices supplémentaires de sa mauvaise foi. Comme cela a été jugé dans l'affaire Confédération Nationale du Crédit Mutuel c. Fernand Guilon, Litige OMPI No. DFR2009-0002, la détention passive du nom de domaine “peut (…) s'analyser en une rétention non seulement injustifiée, mais encore fautive”.
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <e-cic.fr>.
Michel Vivant
Expert
Le 4 mars 2010