Le Requérant est Gunnebo France de Velizy-Villacoublay, France, représenté par Paquet Avocats, France.
Le Défendeur est Fichet Alain de Paris, France.
Le nom de domaine litigieux <serrurerie-fichet-paris.com> est enregistré auprès d'OVH (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
Une plainte a été déposée par Gunnebo France auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 9 mai 2016. En date du 9 mai 2016, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 10 mai 2016, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 25 mai 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 juin 2016. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 15 juin 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 21 juin 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Alexandre Nappey. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le requérant est la Société Gunnebo France, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Versailles sous le numéro 549 850 253 et dont le siège social est à Velizy-Villacoublay France.
Le Requérant est propriétaire des marques suivantes:
- La marque internationale FICHET enregistrée sous le numéro 254458 le 9 avril 1962, dûment renouvelée depuis cette date et désignant, notamment, les "serrures" en classes 6 et 20;
- La marque nominale française FICHET enregistrée sous le numéro 1418899 le 9 avril 1987, dûment renouvelée depuis cette date et désignant, notamment, les serrures de sûreté mécanique, les serrures à combinaisons et à compteurs, les serrures de sûreté électriques, électromagnétiques, magnétiques, électroniques; les services de constructions et réparations en classes classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45;
- La marque française semi-figurative FICHET F enregistrée sous le numéro 97667522 le 7 mars 1997, dûment renouvelée depuis cette date et désign ant, notamment, "les serrures mécaniques de sûreté; serrures à combinaisons et à compteurs, les serrures de sûreté électriques, électromagnétiques, magnétiques, électroniques et les services de constructions et réparations" en classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45;
- La marque française semi-figurative F FICHET enregistrée sous le numéro 97676288 le 2 mai 1997, dûment renouvelée depuis cette date et désignant, notamment, "les serrures mécaniques de sûreté; serrures à combinaisons et à compteurs, les serrures de sûreté électriques, électromagnétiques, magnétiques, électroniques, et les services de réparation" en classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45;
- La marque internationale semi-figurative FICHeT F enregistrée sous le numéro 683639 le 25 juillet 1997, dûment renouvelée depuis cette date, désignant, notamment, les "serrures mécaniques de sûreté, serrures à combinaisons et à compteurs" en classe 6, les "serrures de sûreté électriques, électromagnétiques, magnétiques, électroniques" en classe 9 et les et les services de constructions et réparations en classe 37.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <serrurerie-fichet-paris.com> le 16 février 2016. Le site au nom de domaine litigieux offre des services qui sont en compétition avec ceux du Requérant, en utilisant les marques du Requérant, y compris ses marques semi-figuratives.
Relevant l'enregistrement par le Défendeur du nom de domaine litigieux <serrurerie-fichet-paris.com>, le Requérant a engagé auprès du Centre une procédure administrative en vue de la radiation du nom de domaine litigieux.
- En premier lieu, le Requérant avance que le nom de domaine litigieux serait identique ou semblable au point de prêter à confusion avec ses marques antérieures puisqu'il inclut la dénomination FICHET à laquelle sont ajoutés: le terme "serrurerie" qui désigne les produits et services couverts par ses marques et pour lesquels sa réputation est largement reconnue; et l'identifiant géographique "Paris" qui n'est pas un élément dominant ni distinctif.
- En deuxième lieu, le Requérant soutient que le Défendeur n'aurait aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y rattache puisqu'il ne dispose d'aucune autorisation de quelque nature que ce soit émanant du Requérant, et ne dispose donc d'aucun droit sur ce nom de domaine litigieux.
Le Requérant ajoute ici que sa société bénéficierait d'une renommée internationale dans le matériel de sécurité et plus particulièrement dans le domaine de la serrurerie sous la marque FICHET qui est une marque utilisée depuis le 19ème siècle, et dont la plus ancienne a été enregistrée pour la première fois en 1962 et a dûment été renouvelée depuis.
Le Requérant poursuit en indiquant que ses produits et services commercialisés sous la marque FICHET connaissent un succès commercial avéré et sont proposés tant sur le territoire français que dans de nombreux pays européens.
Le Requérant soutient ainsi que la notoriété de la marque FICHET ne peut manifestement pas être contestée, au regard de l'ancienneté de son usage, de son étendue géographique et de son positionnement sur le marché, et dès lors que la marque ne pouvait pas sérieusement être ignorée du Défendeur au moment du dépôt. Ce dernier tenterait plutôt sciemment de détourner à des fins lucratives, les consommateurs en créant une confusion avec ladite marque.
En troisième lieu, le Requérant avance que le nom de domaine litigieux aurait été enregistré et serait utilisé de mauvaise foi par le Défendeur puisque:
- la marque FICHET bénéficie d'une forte notoriété dans son domaine d'activité, notamment en France;
- alors que la plus ancienne de ses marques FICHET date de 1962, le Défendeur n'aurait enregistré le nom de domaine litigieux qu'en 2016;
- le Défendeur a associé la dénomination protégée FICHET au terme "serrurerie" qui désigne les produits et services pour lesquels le Requérant est reconnu ce qui démontre que le Défendeur ne pouvait ignorer l'existence de la marque FICHET lors de la réservation du nom de domaine litigieux;
- le site Internet activé par le nom de domaine litigieux fait apparaître des expressions laissant croire que le Défendeur est le propriétaire de la marque FICHET, ou à tout le moins un revendeur officiel des produits du Requérant ou un affilié de ce dernier;
- l'utilisation de la langue française sur le site Internet activé par le nom de domaine litigieux démontre que le Défendeur s'adresse à une clientèle auprès de laquelle le Requérant est particulièrement reconnu;
- enfin, le Défendeur a dissimulé ses véritables coordonnées.
Le Défendeur n'a pas répondu à l'argumentation du Requérant.
Le paragraphe 15(a) des Règles d'application dispose: "La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable."
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant désireux d'obtenir la radiation du nom de domaine litigieux de prouver cumulativement que:
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, avec une marque de produits ou services sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) Le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et
(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant a établi être titulaire des marques FICHET énumérées ci-dessus (point 4) et jointes en annexes de la plainte.
Le Requérant prétend que la marque FICHET bénéficie d'une forte notoriété, mais n'apporte aucun élément à l'appui de cette argumentation.
Il apparaît cependant que, s'il n'est pas démontré qu'elle est notoire, la marque FICHET bénéficie selon la Commission administrative d'une réputation certaine dans le domaine de la serrurerie en France.
Or, le nom de domaine litigieux reprend dans son intégralité la marque FICHET du Requérant à laquelle sont adjoints les éléments secondaires suivants :
- le terme "serrurerie" qui est seulement descriptif de l'activité du Requérant;
- le terme géographique "Paris";
des tirets pour séparer les différents termes le composant;
- l'extension ".com", dont il est constant que le caractère purement technique l'exclut de la comparaison entre la marque et le nom de domaine litigieux.
La Commission administrative estime que le nom de domaine litigieux <serrurerie-fichet-paris.com> est semblable aux marques FICHET du Requérant au point de prêter à confusion avec elles en raison:
- du caractère distinctif du terme "fichet" et du caractère dominant au sein du nom de domaine litigieux du terme "fichet";
- de la réputation en France de la marque FICHET dans le domaine de la serrurerie;
- du caractère descriptif des termes "serrurerie" et "Paris".
Le terme "serrurerie" placé en position d'attaque vient renforcer le risque de confusion avec les marques du Requérant puisqu'il est parfaitement descriptif et renvoie immédiatement à l'activité de ce dernier. Voir sur ce point: "L'ajout de termes descriptifs ou génériques à une marque distinctive n'empêche pas les noms de domaine litigieux d'être similaires au point de créer une confusion avec la marque du Requérant." La Poste c. Beugre Leger, Litige OMPI No. D2012-2146.
Le terme "Paris" fait référence à la capitale française, où sont localisées les parties, et est susceptible d'accroître le risque de confusion dans la mesure où les internautes pourraient être amenés à penser que le site Internet opéré sous ce nom est celui d'un affilié du Requérant. Voir sur ce point: "Par ailleurs, le requérant est une entreprise française, laquelle offre ses services et est largement implanté sur le plan régional et local français, dont Paris est la capitale. L'adjonction du terme "paris", précédé d'un "-" ne diminue pas le risque de confusion mais au contraire l'augmente puisque les internautes seront amenés à croire qu'il s'agit d'une agence parisienne du requérant." Crédit Agricole S.A. c. Tolo Romain, Litige OMPI No. D2016-0390.
Pour la Commission administrative, la condition du paragraphe 4(a)(i) est par conséquent remplie.
Il appartient au Requérant de démontrer que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime qui se rapporte au nom de domaine litigieux, à tout le moins qu'il établisse la présomption de cette absence, à charge pour le Défendeur de renverser cette présomption.
En l'espèce, il apparaît que le nom de domaine litigieux a été enregistré au nom d'une personne physique dénommée "Alain Fichet".
On pourrait ainsi penser que le Défendeur détient des droits sur la dénomination litigieuse FICHET ou dispose d'un intérêt légitime à enregistrer le nom de domaine litigieux.
Plusieurs éléments laissent cependant penser le contraire.
En premier lieu, le site activé sous le nom de domaine litigieux ne comporte aucune mention légale, l'adresse renseignée dans la rubrique "Contact" indique "avenue des Ternes 75017 Paris" sans préciser le numéro de l'avenue, et alors que le Requérant ne dispose d'aucun affilié ou revendeur à cette adresse.
Le Requérant indique par ailleurs qu'il n'a octroyé aucune licence ou autorisation au Défendeur de faire usage du nom de domaine litigieux.
Enfin, l'absence de réponse de la part du Défendeur, qui, bien que dûment invité à produire son argumentation suite au dépôt de la plainte du Requérant, n'a pas jugé utile de se défendre alors qu'il lui eut suffi pour cela de démontrer qu'il portait le même patronyme que la marque du Requérant.
La Commission administrative estime dès lors que le Requérant a établi une présomption d'absence de droit ou d'intérêt légitime qui n'a pas été renversée par le Défendeur.
Dans ces conditions, la Commission administrative estime que le Défendeur n'a pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Concernant l'enregistrement du nom de domaine litigieux <serrurerie-fichet-paris.com>, la Commission administrative considère que le nom choisi par le Défendeur n'a rien d'usuel ou de générique puisque la dénomination FICHET est protégée à titre de marque en France et au niveau international par le Requérant, et ce depuis une date antérieure au dépôt du nom de domaine litigieux.
Au surplus, l'ancienneté des marques et de l'activité du Requérant conduit la Commission administrative à considérer que les marques FICHET du Requérant bénéficient d'une certaine réputation, notamment en France, pays dans lequel le Défendeur est apparemment domicilié également.
Dans ce contexte, compte tenu de l'ajout du terme "serrurerie" placé en position d'attaque dans le nom de domaine litigieux et renvoyant directement à l'activité du Requérant, la Commission administrative considère que le Défendeur ne pouvait pas ignorer l'existence des droits du Requérant au moment où il a enregistré ce nom de domaine litigieux <serrurerie-fichet-paris.com>. Au contraire, c'est en référence au Requérant que le Défendeur a délibérément choisi cette combinaison de termes.
La Commission administrative considère dès lors que l'enregistrement du nom de domaine litigieux a été réalisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Bien que cela ne soit pas souligné par le Requérant, il ressort de la comparaison des pièces produites par ce dernier que le site activé par le nom de domaine litigieux reproduit tant la marque nominale du Requérant FICHET que les marques semi-figuratives de ce dernier et notamment la marque semi-figurative française FICHET F enregistrée sous le numéro 97667522 en date du 7 mars 1997 (Annexe 8).
Cette reproduction des marques nominale et semi-figuratives du Requérant démontre que le Défendeur connaissait bien l'existence de ce dernier.
Au surplus, cet usage de la dénomination FICHET associée au terme "serrurerie" descriptif de l'activité du Requérant au sein du nom de domaine litigieux, et la reprise, sans l'autorisation de ce dernier, de ses marques nominale et semi-figuratives sur le site Internet activé par le nom de domaine litigieux, montrent que le Défendeur tente de créer la confusion entre son activité et celle du Requérant afin de détourner, à des fins lucratives, la clientèle du Requérant. Voir sur ce point: "[…] les services d'assistance proposés par le Défendeur sont en fait des services proposés par la Requérante elle-même ou à tout le moins que le Défendeur a un lien économique avec la Requérante ou que les services du Défendeur sont autorisés par elle. Alors qu'il est établi par la Requérante que ce n'est absolument pas le cas." Saunier Duval Eau Chaude Chauffage contre Dupont Thierry, Litige OMPI No. D2014-1234.
Dans ces circonstances, la Commission administrative considère que le Défendeur fait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux. Les conditions du paragraphe 4(a)(iii) sont par conséquent remplies.
Pour les raisons exposées ci-dessus, conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <serrurerie‑fichet-paris.com> soit radié.
Alexandre Nappey
Expert Unique
Le 4 juillet 2016