Le Requérant est le Groupe La Centrale, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est WhoisGuard Protected, WhoisGuard, Inc., Panama / Zen Femi, France.
Le nom de domaine litigieux <lacentrale-vh.com> est enregistré auprès de NameCheap, Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée en français par le Groupe La Centrale auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 11 décembre 2020. En date du 11 décembre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 11 décembre 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte et confirmé l’anglais en tant que langue du contrat d’enregistrement. Le 14 décembre 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte/une plainte amendée. Le Requérant a déposé un amendement à la plainte le 14 décembre 2020.
En outre, le Centre a envoyé une communication par email en français et en anglais concernant la langue de la procédure le 14 décembre 2020. La Requérante a répondu le 14 décembre 2020 en demandant que le français soit la langue de la procédure et le Défendeur n’a pas fait de commentaires.
Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte en français soient conformes aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 22 décembre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en français et en anglais. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 11 janvier 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 12 janvier 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 20 janvier 2021, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est le Groupe La Centrale, société par actions simplifiées, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris depuis le 24 avril 2012 sous le numéro SIREN 318 771 623. Le Requérant est une société française, ayant développé son activité dans le domaine de l’édition de journaux et d’annonces spécialisées dans le secteur de l’automobile et de la moto. Son siège social est situé à Paris, en France,.
Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes :
- Marque semi-figurative française LA CENTRALE No. 99832003, enregistrée le 29 décembre 1999, pour des produits et services en classe 16, 35, 36, 38, 41, 42, 45;
- Marque verbale française LA CENTRALE No. 3036751, enregistrée le 23 juin 2000 et dûment renouvelée, pour des produits et services en classe 16, 35, 36, 38, 41, 42, 45;
- Marque verbale française LA CENTRALE AUTO No. 3041705, enregistrée le 19 juillet 2000, pour des produits et services en classe 16, 35, 36, 38, 41, 42, 45;
- Marque semi figurative française CENTRALE.FR No. 3847279, enregistrée le 20 juillet 2011, pour des produits et services en classe 16, 35, 38, 41, 42;
- Marque verbale française LA CENTRALE No. 4068666, enregistrée le 14 février 2014, pour des produits et services en classe 12, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42;
- Marque semi-figurative française LA CENTRALE No. 4143062, enregistrée le 18 décembre 2014, pour des produits et services en classe 12, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42.
Le Requérant exploite ces marques en lien avec l’édition d’informations et de contenus relatifs au domaine de l’automobile, sur son site web «www.lacentrale.fr».
Le 21 septembre 2020, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <lacentrale-vh.com>, qui pointe vers un site diffusant des annonces de vente de véhicules neufs et d’occasion et proposant des services de transports de véhicules et de motos.
i. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux reproduit la marque “LA CENTRALE”, dont il est titulaire.
Il souligne que le nom de domaine litigieux reproduit la marque LA CENTRALEà l’identique, avec les seuls ajouts d’un tiret “-” ainsi que des lettres “vh”, qu’il considère comme renvoyant à la notion de “véhicule”. Dès lors, l’internaute pourra confondre le nom de domaine litigieux avec ceux du Requérant.
ii. Droits ou intérêts légitimes
Le Requérant affirme que le Défendeur ne lui est pas affilié et qu’il ne lui a pas octroyé de licence, ni n’a consenti à ce que sa marque soit utilisée par le Défendeur. Il affirme qu’aucune marque “LA CENTRALE VH” n’existe, ce qui ne permet donc pas d’identifier d’éventuels droits du Défendeur.
Le Requérant estime également que le Défendeur a utilisé le nom de domaine frauduleusement en ce qu’il redirige vers un site d’annonces automobiles, soit pour une activité similaire à l’activité exercée par le Requérant.
En outre, le Défendeur a enregistré le nom de domaine presque identique aux marques du Requérant, ce qui suggère une potentielle relation entre les parties, alors que tel n’est pas le cas. Les internautes risquent alors d’être trompés et détournés du Requérant.
C’est donc en toute conscience que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, pour créer un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs, alors qu’il ne dispose d’aucun intérêt légitime à le faire.
Le Requérant a tenté de régler ce litige à l’amiable, en vain.
iii. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Premièrement, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, compte tenu du caractère notoire de sa marque et du fait que le nom de domaine litigieux est presque identique à celle-ci.
Le Requérant considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux doit être vu comme étant le fruit d’une mauvaise foi opportuniste en ce qu’il a été enregistré 24 ans après les marques du Requérant et compte tenu du fait qu’une simple recherche Google fait directement référence au Requérant.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré dans le but d’attirer les utilisateurs d’Internet et de prêter à confusion avec la marque LA CENTRALE dans l’esprit du public.
Deuxièmement, au vu du pointage du nom de domaine litigieux, le Défendeur ne saurait être considéré comme faisant un usage de bonne foi de celui-ci, mais cherche nécessairement à détourner la clientèle du Requérant.
Il affirme que l’éditeur du site qui semble être la société exerçant cette porte la dénomination « Elite Auto 11 », ce qui témoigne de la mauvaise foi du Défendeur, qui aurait pu réserver un nom de domaine reprenant cette dénomination.
Le Requérant considère que le Défendeur ne pouvait ignorer que l’utilisation de son nom de domaine litigieux porterait atteinte à l’image et aux droits du Requérant.
Sur ces fondements, le Requérant considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Aux termes du paragraphe 11(a) des Règles d’application, “sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.
Les commissions administratives ont ainsi la possibilité d’opter pour une langue de procédure autre que celle définie par le paragraphe 11 des Règles d’application si cela leur paraît approprié, et pour autant qu’elles s’assurent que les deux parties soient traitées sur un même pied d’égalité et qu’il soit donné à chacune une possibilité équitable de présenter sa cause (voir Crédit Agricole SA, Caisse Régionale De Crédit Agricole Mutuel Sud-Méditerranée contre Data Privacy Protected / Alex Riera, Litige OMPI No. D2019-1704).
En l’espèce, la Commission administrative relève que la procédure devrait en principe être conduite en anglais, langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux. Toutefois, le Requérant sollicite que le français soit la langue de la procédure au motif que l’éditeur du site du Défendeur est français, que le Défendeur est lui-même domicilié en France et que le site vers lequel pointe le nom de domaine litigieux est accessible uniquement en langue française.
Dans ce contexte, la Commission administrative relève que :
- les deux parties sont domiciliées en France;
- à aucun moment le Défendeur n’a fourni de réponse à la plainte, ni de commentaire ou objections sur la langue de la procédure;
- le site vers lequel pointe le nom de domaine est en français.
Au vu de ces éléments, il est donc plus que probable que le Défendeur maîtrise la langue française, de sorte qu’il serait inéquitable et contreproductif d’obliger le Requérant à traduire la plainte en anglais.
En conséquence, la Commission administrative accepte la requête du Requérant visant à ce que le français soit la langue de la procédure.
Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir gain de cause dans cette procédure et obtenir le transfert du nom de domaine litigieux, le Requérant doit prouver chacun des trois éléments suivants :
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;
(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
La Commission administrative rappelle que le litige doit être jugé en dépit de la défaillance du Défendeur (paragraphe 14 des Règles d’application) et qu’elle est amenée à statuer au vu de la plainte et des pièces qui lui ont été fournies (paragraphe 15 des Règles d’application).
Le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le nom de domaine litigieux soit identique ou semblable au point de prêter confusion avec une marque sur laquelle le Requérant détient des droits.
Le nom de domaine litigieux reproduit la marque LA CENTRALE dont est titulaire le Requérant. La preuve du statut enregistré de ses marques n’a été rapportée que pour certaines d’entre elles, mais la Commission administrative considère que le Requérant est effectivement titulaire de droits de marques sur ce signe.
Il est de jurisprudence constante au vu des précédentes décisions UDRP que le fait qu’un nom de domaine reproduise la marque enregistrée par un requérant est suffisante à caractériser un risque de confusion, et que la simple adjonction d’un terme est insuffisante pour éviter un tel risque (voir Hoffmann-La Roche Inc., Roche Products Limited v. Vladimir Ulyanov, Litige OMPI No. D2011-1474; Magnum Piering, Inc. v. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI No. D2000-1525; Bayerische Motoren Werke AG v. bmwcar.com, Litige OMPI No. D2002-0615; Swarovski Aktiengesellschaft v. mei xudong, Litige OMPI No. D2013-0150; RapidShare AG, Christian Schmid v. InvisibleRegistration.com, Domain Admin, Litige OMPI No. D2010-1059 ainsi que la section 1.8 de la Synthèse de l’OMPI des avis des Commissions administratives sur certaines questions UDRP, version 3.0 ("Synthèse de l’OMPI, version 3.0").
En l’espèce, la simple adjonction du signe “-” et des lettres “vh” est insuffisante à écarter tout risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.
Par ailleurs il est régulièrement considéré que l’adjonction de termes, dans le cas d’une reproduction de marque ne peut permettre d’écarter le risque de confusion (voir, par exemple, Oki Data Americas, Inc. c. ASD, Inc., Litige OMPI No. D2001-0903; ou Rexel Développement SAS, Rexel France contre Laurent Sammin, Litige OMPI No. D2016-0747; ou encore Sanofi, Litige OMPI No. D2018-1389)
Par conséquent, la Commission administrative estime que la reproduction à l’identique dans le nom de domaine litigieux de la marque LA CENTRALE associée aux lettres “vh” permet d’établir que le nom de domaine litigieux est similaire, prêtant à confusion aux marques du Requérant.
La Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Le Défendeur, n’ayant pas répondu à la plainte du Requérant, il n’ a pas présenté de droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.. Si celui-ci disposait d’un droit ou intérêt légitime à faire usage de ce nom de domaine, en principe il en aurait averti le Requérant en donnant réponse à la plainte déposée (voir par exemple Denios Sarl c. Telemediatique France, Litige OMPI No. D2007-0698).
En l’espèce, le Requérant établit que le Défendeur ne lui est pas affilié et qu’elle ne l’a pas autorisé à utiliser sa marque LA CENTRALE ou à enregistrer le nom de domaine litigieux.
A défaut de preuve contraire, le Requérant a par conséquent établit prima facie que la Défendeur n’avait pas de droit ou intérêt légitime.
Par conséquent, la Commission administrative conclut que la deuxième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
La Commission administrative relève que :
- les droits de marque du Requérant sont antérieurs au nom de domaine litigieux;
- le nom de domaine litigieux reproduit la marque LA CENTRALE dont le Requérant est titulaire;
- Le nom de domaine litigieux redirige vers un site Internet visant une activité similaire à celle du Requérant;
- le Défendeur n’a contesté aucun des arguments avancés par le Requérant.
Ce faisceau d’indices conduit la Commission administrative à conclure que l’enregistrement du nom de domaine litigieux ne peut raisonnablement être le fruit du hasard et que le Défendeur avait connaissance de la marque du Requérant au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
Comme l’a démontré le Requérant, une simple recherche sur Internet lui aurait permis de prendre connaissance de l’ensemble des articles de presse démontrant la notoriété du Requérant et son existence.
En outre, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux bien après l’enregistrement des marques du Requérant, ce qui suggère la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux (voir par exemple Sanofi-Aventis v. Abigail Wallace, Litige OMPI No. D2009-0735).
Par conséquent, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.
Le nom de domaine litigieux dirige vers une page proposant des services similaires à ceux du Requérant. Le site internet du Défendeur n’étant disponible qu’en français, vise explicitement les internautes français.
En outre, l’utilisation du nom de domaine litigieux pour un site proposant des services identiques ou à tout le moins similaires à ceux proposés par le Requérant traduit un usage de mauvaise foi au sens des Principes Directeurs (voir par exemple Allianz SE v. Whoisguard Protected, Whoisguard, Inc. / Mike Diarra, Nallias SA, Litige OMPI No. D2017-2253).
La Commission administrative considère qu’au vu du pointage du nom de domaine et de la reproduction de la marque LA CENTRALE du Requérant, le nom de domaine litigieux est utilisé de mauvaise foi. Il ne saurait en être considéré autrement au vu de la renommée du Requérant et de sa présence sur Internet. En conséquence, en exploitant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment cherché à attirer les internautes sur un site web en créant une confusion avec le Requérant au vu du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.
En conclusion, la Commission administrative conclut que la condition du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est satisfaite.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <lacentrale-vh.com> soit transféré au Requérant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 3 février 2021