Le Requérant est MICROMANIA GROUP, France, représenté par AARPI Scan Avocats, France.
Le Défendeur est Serge Blanco, Micromania, France.
Le nom de domaine litigieux <micromaniaexpress.com> est enregistré auprès de Hosting Concepts B.V. d/b/a Openprovider (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par MICROMANIA GROUP auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 31 mai 2021. En date du 31 mai 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 1 juin 2021, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 1 juin 2021, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une plainte amendée. Le même jour, le Centre a adressé une communication en anglais et en français aux parties concernant la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte amendée ainsi que des arguments sur la langue de la procédure afin que cette dernière soit diligentée en français en date du 1 juin 2021. Le Défendeur n’a pas soumis de commentaires.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée soient conformes aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 7 juin 2021, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 juin 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 28 juin 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 5 juillet 2021, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est titulaire d’un nombre important de marques et de noms de domaine incluant ou composée de la dénomination “Micromania” et notamment une marque verbale française MICROMANIA n° 3453569, déposée et enregistrée le 29 septembre 2006 ainsi que plusieurs marques verbales ou semi-figurative subséquentes MICROMANIA ou MICROMANIA ZING et une marque verbale internationale MICROMANIA n°933880, enregistrée le 16 mars 2007.
Le nom de domaine litigieux <micromaniaexpress.com> a été enregistré le 11 mai 2021.
Il s’est avéré activer un site Internet, aujourd’hui inactif, proposant la commande de consoles de jeux vidéo et accessoires pour de tels jeux et reproduisant les marques du Requérant et l’identité visuelle de son site.
Le Requérant fait valoir que certes le contrat d’enregistrement semble n’être rédigé qu’en anglais, mais premièrement que le site du Requérant “www.micromania.fr” n’est accessible qu’en français, “ce qui laisse présumer que le défendeur est francophile et/ou francophone”, et deuxièmement que le contenu du site vers lequel pointe le nom de domaine litigieux est rédigé en français. Soulignant qu’il est quant à lui une société de droit français, le Requérant demande en conséquence que la langue de procédure soit le français.
Quant au fond, le Requérant, qui dit sa marque “plébiscitée par plus de huit français sur dix”, met en avant les marques dont il dispose. Il observe que le nom de domaine litigieux reprend dans son intégralité la marque MICROMANIA, ce qui, dit-il, en s’appuyant sur les décisions antérieures des commissions administratives, le rend “fortement similaire” à ses marques. Il ajoute que l’ajout du terme "express", terme d’évocation “purement générique et descriptif”, ne suffit pas à écarter le risque de confusion, la marque reprise restant parfaitement identifiable. En conséquence de quoi le Requérant conclut que le nom de domaine litigieux est similaire, au point de prêter à confusion avec ses marques.
Le Requérant soutient qu’à sa connaissance le Défendeur n’est pas et n’a jamais été connu sous le nom de MICROMANIA. Il déclare n’avoir aucun lien d’affaires avec le Défendeur et n’avoir conclu avec lui aucun contrat de licence ni tout autre contrat ou accord. Dès lors, il considère que le Défendeur ne peut être considéré comme ayant acquis des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Il ajoute que la conclusion s’impose d’autant plus que le Défendeur proposait des consoles et jeux vidéo en se faisant passer pour un site officiel appartenant à MICROMANIA. Ainsi, pour le Requérant, le nom de domaine litigieux “participe à une entreprise d’escroquerie et d’usurpation d’identité”. Il faut dès lors considérer que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Enfin, le Requérant met en avant “la forte renommée” qui est la sienne en France, jugeant ainsi que le Défendeur devait connaître l’existence de ses marques, circonstance renforcée par l’exploitation par le Défendeur d’un site proposant à prix réduits le même type de produits que la société MICROMANIA. Pour le Requérant, “le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux principalement afin de l’exploiter en vue de se placer dans le sillage (du) Requérant ou de se faire passer pour (lui) et escroquer par ce biais ses clients ou plus largement des internautes”. Le Requérant ajoute que l’ouverture effective d’un tel site reprenant ses marques comme l’identité visuelle de son site et proposant le même type de produits que lui, c’est-à-dire conçu pour tromper les Internautes, traduit bien un usage de mauvaise foi. Si on ajoute à cela l’utilisation de services d’anonymisation, il faut, pour le Requérant, conclure à un enregistrement et un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
A titre préliminaire, bien que la langue d’enregistrement du nom de domaine litigieux ait été l’anglais, le Requérant a formé expressément une demande tendant à ce que le français soit la langue de la procédure comme il est celle de la plainte. Il appartient donc à la Commission administrative de se prononcer “compte tenu des circonstances” selon les dispositions du paragraphe 11 des Règles d’application.
Or, le Requérant est une entreprise française, la marque MICROMANIA est notamment déposée et protégée en France et le nom de domaine litigieux dirigeait vers un site rédigé en français, imitation du site officiel du Requérant. Tout concourt donc à faire considérer le français comme la langue “naturelle” du litige.
Par ailleurs, le Défendeur qui a choisi de faire défaut n’a en conséquence rien objecté à la demande du Requérant (sur ce point voir Sopra Group contre David Jordan, Litige OMPI No. D2014-0277; ou encore NC Numericable contre Registration private, Domains By Proxy, LLC / Annette Barbier, Litige OMPI No. D2015-0186).
Il sera donc fait droit à celle-ci quant à l’usage du français.
Comme il a été indiqué plus haut, le Requérant est titulaire de plusieurs marques MICROMANIA ou MICROMANIA ZING.
Le nom de domaine litigieux <micromaniaexpress.com> reprend donc dans leur entièreté les marques MICROMANIA du Requérant. Aussi, l’observation pertinente du Requérant selon laquelle l’adjonction du terme “express”, simple terme d’évocation, ne réduit pas le risque de confusion, n’est-elle pas nécessaire pour juger le nom de domaine litigieux semblable aux marques reproduites, dès lors que la reprise d’une marque dans son entièreté est jugée par les commissions administratives comme la manifestation forte d’une pratique de cybersquatting (voir la Synthèse des avis des commissions de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, (“Synthèse de l’OMPI, version 3.0”), sections 1.7 et 1.8).
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est semblable aux marques du Requérant au point de prêter à confusion, au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
MICROMANIA est une marque bien connue qui renvoie au Requérant mais, jusqu’à preuve contraire, à personne d’autre et donc pas au Défendeur non plus.
Par ailleurs, quand le Requérant affirme que le Défendeur n’a reçu aucune autorisation de sa part, à défaut de démonstration contraire par le Défendeur, ses affirmations doivent être retenues comme exactes comme cela a déjà été plusieurs fois jugé (ainsi Croatia Airlines d.d. v. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Boursorama S.A. v. Pharpentier Gildas, Litige OMPI No. D2016-2248; ou encore Bouygues contre Rapp Catherine, Litige OMPI No. D2021-0778).
Qui plus est, le fait que le nom de domaine litigieux ait servi à diriger les Internautes vers un site imitant celui du Requérant, reprenant ses marques et proposant des produits analogues à ceux du Requérant, le tout sans autorisation, fait clairement soupçonner une activité frauduleuse et en conséquence interdit, à l’évidence, de conclure à l’existence d’un intérêt légitime chez le Défendeur.
La Commission administrative observe enfin que, si le Défendeur avait effectivement des droits ou intérêts légitimes à faire valoir, il aurait été bien simple pour lui de ne pas faire défaut et de produire ses arguments.
Aussi la Commission administrative estime-t-elle que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le Requérant fait pertinemment valoir “la forte renommée” qui est la sienne en France ainsi que, au moins en France, la forte connaissance par le public de ses marques de telle sorte que l’enregistrement du nom de domaine litigieux n’a pu être fait qu’en connaissance de cause et, de surcroît, dans le but avéré de tromper les Internautes en mettant en ligne un faux site MICROMANIA. L’ouverture d’un tel site, aujourd’hui inactif, imitant celui du Requérant, reprenant ses marques et proposant des produits analogues à ceux du Requérant, comme il a été dit plus haut, manifeste bel et bien la réalité de cet usage qui relève certainement de la fraude et qu’il faut tenir comme constitutif d’un usage de mauvaise foi au sens des Principes directeurs.
Ainsi, pour la Commission administrative, l’enregistrement comme l’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, sont caractérisés.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <micromaniaexpress.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 16 juillet 2021