13 janvier 2016
Glam rock, costumes androgynes, opéras rock mettant en scène des extra-terrestres tombés du ciel… et titrisation.
Animé d’une énergie sans pareil, David Bowie a su constamment se réinventer et innover dans le domaine musical jusqu’à acquérir une notoriété mondiale et devenir l’un des artistes les plus admirés de sa génération. Ce que l’on connaît moins, en revanche, c’est son rôle de précurseur dans la façon d’utiliser la propriété intellectuelle.
En 1997, Bowie vend pour 55 millions de dollars É.-U. de ce que son représentant avait dénommé des “obligations Bowie”, à savoir des obligations à 10 ans avec un rendement de 7,9% gagées sur les 25 albums qu’il a enregistrés avant 1990. L’objet de cette opération, selon ce qui figure sur le prospectus original de l’“obligation Bowie”, est d’obtenir “une meilleure avance que dans le cadre d’un nouveau contrat de distribution avec sa maison de disque” et “de racheter les droits de publication sur certaines chansons détenus par un ancien manager et investir dans des sociétés Internet”.
“C’était une façon créative et novatrice d’utiliser le système du droit d’auteur, mais qui n’est pas accessible à tous les créateurs, car beaucoup d’entre eux ne possèdent pas tous les droits sur leurs œuvres, c’est pourquoi la titrisation des revenus futurs est difficile, ou alors les créateurs n’ont pas forcément accès à ce marché pour d’autres raisons”, précise Mme Michele Woods, directrice de la Division du droit d’auteur de l’OMPI. “C’est pourquoi l’OMPI s’efforce d’aider les créateurs du monde entier à trouver différents moyens de stimuler leurs revenus”.
Les obligations Bowie ont été les premiers instruments financiers adossés aux recettes d’un créateur. Bientôt, d’autres artistes, tels que James Brown ou Marvin Gaye, suivront également cette voie. Ces obligations ont permis aux artistes de monnayer leur œuvre immédiatement et de disposer ainsi de liquidités pour diversifier leurs portefeuilles ou faire de grandes acquisitions. Cette forme de titrisation existe toujours dans le secteur de la création. Récemment encore, en 2014, Variety annonçait la titrisation à hauteur de 250 millions de dollars É.-U. de son catalogue de quelque 700 films pour soutenir son secteur de la télévision et du film.
Les traités administrés par l’OMPI actuellement en vigueur, notamment la Convention de Berne, fournissent un cadre qui permet aux créateurs de monnayer leurs créations. Parallèlement, les États membres de l’OMPI cherchent de nouveaux moyens d’aider davantage les créateurs. Le 24 juin 2012, les États membres de l’OMPI ont adopté le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles qui confère aux artistes interprètes ou exécutants quatre types de droits patrimoniaux sur leurs interprétations ou exécutions, telles que les œuvres cinématographiques : les droits de reproduction, de distribution, de location et de mise à disposition de leurs interprétations ou exécutions. Ce traité confère également aux artistes interprètes ou exécutants certains droits moraux, en plus d’autres avantages destinés à aider les créateurs. Il couvrira les interprétations musicales contenues dans les œuvres audiovisuelles telles que les films et les émissions de télévision.
Le Traité de Beijing entrera en vigueur lorsque 30 parties remplissant les conditions requises auront ratifié le traité ou adhéré à celui-ci (il en faut encore 20 au début de 2016).
Bowie lui-même avait pressenti que l’Internet modifierait la distribution des œuvres, y compris en favorisant le téléchargement illégal. C’est finalement au début des années 2000, au moment où les téléchargements torrent se généralisent et frappent de plein fouet les revenus des créateurs, que les “obligations Bowie” se voient déclasser par les agences de notation.
Aujourd’hui, avec le développement des services de diffusion en flux continu, tels que Netflix, Amazon Prime, Spotify ou encore Apple Music, les créateurs disposent de nouveaux moyens de distribution.
L’OMPI contribue à soutenir les artistes à traverser cette période de transition technologique. En ce sens, la Journée mondiale de la propriété intellectuelle qui aura lieu en avril sera consacrée aux opportunités et aux enjeux qui découlent de l’émergence d’un marché mondial des contenus numériques et sera précédée, quelques jours avant, d’une conférence de haut niveau qui se tiendra à l’OMPI, à Genève.