La Requérante est FIDDIAM S.A., Howald, Luxembourg, représenté par HAAS Société d’Avocats, France.
Le Défendeur est Richard Laurent, Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine <maxvirilshop.com>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est 1&1 Internet AG.
Le 28 février 2012, une plainte a été déposée par FIDDIAM S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre"). En date du 29 février 2012, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, 1&1 Internet AG, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 1 mars 2012, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige. La Requérante a déposé en date du 9 mars 2012, en réponse à une notification envoyée par le Centre le 8 mars 2012, une demande pour que le français soit la langue de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI pour l’application des Principes directeurs précités (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires").
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 14 mars 2012, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 avril 2012. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 5 avril 2012 le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 11 avril 2012, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Pierre Olivier Kobel. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Il ressort que le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur le 5 octobre 2010.
La Requérante expose avoir développé depuis 1993 une activité relative au bien-être des personnes comprenant une part non négligeable dédiée à la remédiation des troubles de l’érection. Elle commercialise notamment un stimulant sexuel sous la désignation MAXVIRIL mis à la disposition du public, notamment par le biais d’un site internet "www.maxviril.com".
La Requérante a fait protéger son signe distinctif en faisant enregistrer une marque communautaire No. 008789877 en classes 5, 32 et 35, le 31 décembre 2009.
La Requérante fait usage du nom de domaine "www.maxviril.com" qu’elle a enregistré le 20 mai 2009.
Au moment où la Commission administrative a été saisie du dossier, le nom de domaine litigieux donnait pour seule réponse "adresse introuvable".
La Requérante estime que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter confusion avec sa marque MAXVIRIL. Elle expose que l’ajout d’un terme générique ou descriptif ne suffit pas à prévenir le risque de confusion inhérent à la reprise de la marque à l’identique dans le nom de domaine litigieux. Il en va de même du préfixe "www" ainsi que du suffixe ".com".
Elle expose que le nom de domaine contesté n’est pas le nom du Défendeur, lequel ne justifie d’aucun droit sur "maxvirilshop". Le Défendeur n’a par ailleurs aucun lien économique ou juridique d’aucune sorte avec la Requérante qui lui permettrait de justifier de l’usage de la marque de la Requérante.
Le fait que le Défendeur n’ait jamais fait la moindre exploitation du nom de domaine litigieux démontrerait l’absence complète d’intérêt légitime sur le dit nom de domaine. Elle expose aussi que le nom de domaine <maxviril.fr> enregistré au nom du Défendeur aurait été supprimé par l’AFNIC (Association française pour le nommage en coopération) suite à une démarche de la Requérante ayant révélé que le Défendeur ne pouvait démontrer son identité, son adresse étant fausse.
La Requérante expose aussi que, postérieurement à l’envoi par courriel d’une mise en demeure le 12 décembre 2011, le Défendeur aurait pour la première fois utilisé le nom de domaine litigieux pour rediriger toute recherche vers le site " www.edenhouse.fr". Les pièces remises avec la plainte montrent qu’en date du 3 février 2012, sous le nom de domaine <maxvirilshop.com> était publiée une documentation concernant la construction de maisons en bois "edenhouse". Pour la Requérante, cette redirection illustre tant l’absence d’intérêt légitime du Défendeur que sa tentative de s’abstraire de l’obligation de transfert du nom de domaine litigieux.
Quant à la mauvaise foi du Défendeur, la Requérante fait tout d’abord valoir le fait que le nom de domaine litigieux a été enregistré sous une fausse identité avec des coordonnées postales erronées. Lors d’une procédure de vérification d’identité en relation avec l’utilisation par le Défendeur d’un autre nom de domaine <maxviril.fr>, l’AFNIC aurait été démontré que les coordonnées du Défendeur étaient fausses, raison pour laquelle 33 noms de domaine enregistrés sous le nom et les coordonnées du Défendeur auraient été radiés. L’usage d’une fausse identité démontrerait la mauvaise foi du Défendeur.
Le choix du nom de domaine avec l’adjonction "shop" montrerait aussi que le Défendeur voulait seulement perturber la Requérante dans l’exercice de ses activités commerciales, voir tirer profit de la notoriété de ses produits. Dans ce sens, la réservation du nom de domaine litigieux ne pouvait qu’avoir pour fin d’empêcher la Requérante de l’enregistrer. Par ailleurs, la Requérante expose que le Défendeur avait utilisé le nom de domaine <maxviril.fr> pour rediriger les internautes vers un site proposant des produits concurrents, soit d’autres produits contre les disfonctionnements érectiles.
Enfin, la redirection vers le site "www.edenhouse.fr" apparemment après la réception d’une mise en demeure de la Requérante, pour ensuite abandonner la manœuvre, serait une autre illustration de la mauvaise foi du Défendeur.
L’ensemble de ces circonstances justifie que l’inactivité apparente du Défendeur soit qualifiée d’enregistrement et usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
La Requérante conclut au transfert, à son profit, du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas déposé de réponse dans le délai imparti.
Conformément au paragraphe 5(e) des Règles d’application, si le Défendeur ne présente pas de réponse et en l’absence de conditions exceptionnelles, la Commission administrative arbitrera le litige en se basant sur la Plainte. Ainsi, lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui a été imparti, notamment pour répondre à la plainte, la Commission administrative décide sur la base de la Plainte uniquement (paragraphe 14(a) des Règles d’application). La Commission administrative est habilitée à tirer les conclusions qu’elle juge appropriée du non-respect par une partie de ses obligations (paragraphe 14(b) des Règles d’application).
Conformément au paragraphe 4.6 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relative aux principes UDRP, deuxième édition ("Synthèse version 2.0") le défaut du Défendeur ne conduit pas automatiquement et simplement à une décision conforme à la Plainte. La Commission administrative doit examiner si les conditions relatives aux mesures de réparation demandées sont remplies.
Conformément au paragraphe 2 des Principes directeurs, la partie qui fait enregistrer un nom de domaine s’engage à ce que les déclarations faites dans l’accord d’enregistrement soient complètes et exactes. Or, les données introduites par le Défendeur relativement à son adresse physique, voire à son identité, telles qu’elles résultent de l’interface WhoIs, telles que confirmées par l’unité d’enregistrement par courriel du 1 mars 2012, sont inexactes.
En l’espèce, les différentes notifications faites par voie postale ont échoué. L’expéditeur DHL a apparemment tenté de remettre au Défendeur la notification documentaire de l’ouverture de la procédure, mais le destinataire n’a pas répondu à l’adresse mentionnée et n’a pas rappelé l’expéditeur en dépit des messages laissés à ces fins sur le répondeur téléphonique du Défendeur. Il ne ressort toutefois pas du dossier que les notifications par voie électronique, notamment à l’adresse Internet du Défendeur for2florida@yahoo.com, aient échoué, contrairement à la notification au postmaster postmaster@maxvirilshop.com. Par ailleurs, la notification au fournisseur par courriel et fax a été effective.
Le Défendeur se trouve donc bien en défaut au sens des Règles d’application. Dans la mesure où aucune circonstance particulière n’est en l’espèce établie, il sera admis que le Défendeur ne conteste pas les faits exposés dans la Plainte.
En ce qui concerne le risque de confusion, les commissions administratives ont généralement admis par le passé que la simple adjonction d’un terme générique ou descriptif à une marque ne suffisait pas pour exclure la similitude avec une marque antérieure enregistrée par la partie requérante. Un cas typique est donné dans la décision portant sur le nom de domaine <yourtamiflushop.com> Hoffmann-La Roche Inc. v. Wei-Chun Hsia, WIPO Case No. D2008-0923 à laquelle il est fait référence dans le document Synthèse version 2.0, ainsi que les nombreuses décisions citées dans cette affaire. Il sera également fait référence à l’affaire relative au nom de domaine <korresshop.com> Johnson & Johnson, Korres SA v. Georgios Sigalas, WIPO Case No. D2010-1602, citée par la Requérante, portant sur la même adjonction "shop".
L’adjonction "shop" est en l’espèce purement descriptive, ne signifiant que la possible mise à disposition de produit par le biais d’un site commercial. Les préfixe "www" et suffixe ".com", sont de jurisprudence constante génériques et n’ont que des fonctions techniques permettant de construire une adresse URL de localisation d’un site (Thomas Beteuiligungs un Vermögens GmbH + Co. Sitz und Liegemöbel KG contre Distributeur France Litologue Lattoflex, WIPO Case No. D2011-1164). L’élément MAXVIRIL identique à la marque de la Requérante reste l’élément prépondérant, de sorte que le risque de confusion existe.
La Requérante a donc bien démontré l’existence d’un risque de confusion au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Il est du point de vue de l’absence d’intérêt légitime du Défendeur, tout à fait significatif que celui-ci n’ait aucun lien économique ou juridique avec la Requérante. Le nom de domaine litigieux et particulièrement son élément significatif MAXVIRIL, ne correspondent ni au nom, ni à des activités du Défendeur.
Quant à la redirection des recherches vers le nom de domaine <edenhouse.fr> il convient de constater que ce site et son contenu n’ont aucune relation avec le nom de domaine litigieux et ne sauraient par conséquent justifier de son utilisation aux fins du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Prima facie, la Requérante a fait la preuve de l’absence d’intérêt légitime de la part du Défendeur en relation avec le nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
La question désormais relativement classique que pose cette procédure est de savoir si le non-usage du nom de domaine litigieux peut être qualifié d’enregistrement et usage de mauvaise foi au sens des paragraphes 4(a)(iii) et (b) des Principes directeurs.
Il convient tout d’abord de garder à l’esprit que les dispositions figurant au paragraphe 4(b) des Principes directeurs ne sont que des illustrations possibles de cas dans lesquels il peut être retenu que le Défendeur a agi de mauvaise foi au sens du paragraph 4(a)(iii) des Principes directeurs. Il s’agit donc d’exemples uniquement de circonstances pouvant conduire à ce constat.
Depuis la décision Telstra (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, WIPO Case No. D2000-0003), il est reconnu qu’en présence de certaines circonstances, l’inactivité du Défendeur puisse être considérée comme une démonstration de sa mauvaise foi.
Dans la décision Telstra, la commission administrative retint que la détention passive du nom de domaine litigieux était de mauvaise foi en raison de la réputation de la marque en cause, de l’absence d’usage bona fide effectif ou potentiel du nom de domaine litigieux, des démarches du défendeur pour cacher son identité et de l’impossibilité en résultant de concevoir tout usage du nom de domaine litigieux autre qu’illégitime, par exemple pour se faire passer pour le requérant, pour tromper les consommateurs ou pour créer une confusion avec la marque du requérant.
En l’espèce, le nom de domaine litigieux ne fait que suivre l’enregistrement et l’utilisation par la Requérante de sa marque MAXVIRIL et de son nom de domaine <maxviril.com>. Il n’y a aucun lien apparent d’aucune sorte entre le Défendeur et les activités de la Requérante, soit notamment la vente de produits contre les dysfonctionnements érectiles sous la marque MAXVIRIL. Bien que la marque en question ne soit ni une marque notoire, ni une marque connue en général, à l’exception peut-être des personnes souffrant desdits dysfonctionnements érectiles, sa particularité relativement à sa signification, voire à ses connotations, la confine à ce genre de produits, voire à l’univers masculin, pour prendre le plus large dénominateur. Or, comme constaté, hormis le fait que le Défendeur semble être un homme de sexe masculin, rien n’indique qu’il exerce aucune activité de près ou de loin liée à l’univers masculin, sous quelle que forme que ce soit.
Enfin, il y a bien entendu aussi les problèmes relatifs aux coordonnées du Défendeur. Manifestement, les indications données lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux sont erronées, contrairement aux obligations stipulées au paragraphe 2(a) des Principes directeurs. Les pièces associées à la Plainte ne révèlent toutefois pas si seule l’adresse du Défendeur est fallacieuse ou si son identité également est une invention. Il ne ressort en effet de la communication de l’AFNIC que la conclusion, soit que la vérification des coordonnées du Défendeur ont conduit à l’annulation de son portefeuille de noms de domaine enregistrés sous le nom de domaine national ".fr". Reste toutefois que le Défendeur a pris des mesures pour celer son identité.
Il y a donc tout lieu de conclure en l’espèce que le Défendeur a acquis le nom de domaine litigieux en connaissance de la marque de la Requérante, qu’il l’a sciemment parqué alors même qu’il n’avait aucun intérêt particulier dans ledit nom de domaine litigieux et la marque sous-jacente et qu’il a cherché à rendre plus difficile son identification.
La Commission administrative conclut que, dans le contexte du défaut du Défendeur, la Requérante a bien montré qu’il avait enregistré et fait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons qui précèdent, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <maxvirilshop.com> soit transféré à la Requérante.
Pierre Olivier Kobel
Expert Unique
Le 13 avril 2012