Les Requérants sont Vente-privee.com de La Plaine Saint Denis, France, et Vente-privee.com IP S.à.r.l. de Luxembourg, (ci-après dénommés conjointement “le Requérant”), représenté par Cabinet Degret, France.
Le Défendeur est Whois Agent / Gustavo Winchester de Colorado Springs, Colorado, États Unis d'Amérique / Belo Horizonte, Minas Gerais, Brésil.
Le litige concerne les noms de domaine <vente-privè.com> (<xn‐‐vente‐priv‐86a.com>) et <vente-privve.com>.
Les unités d'enregistrement auprès desquelles les noms de domaine litigieux sont enregistrés sont respectivement PSI-USA, Inc. dba Domain Robot et DropWalk.com, Inc.
Une Plainte concernant le nom de domaine <vente-privve.com> a été déposée auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 14 mai 2014. En date du 14 mai 2014, le Centre a adressé une requête à DropWalk.com, Inc., l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux <vente-privve.com>, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 27 mai 2014, DropWalk.com, Inc. a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux, <vente-privve.com>, et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la Plainte. Le 28 mai 2014, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux <vente-privve.com>, telles que communiquées par DropWalk.com, Inc. et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la Plainte ou une Plainte amendée. Le même jour, le Centre a également informé les parties que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine <vente-privve.com>.est l’anglais. Le Centre a donc invité le Réquerant à (1) fournir la preuve suffisante d'un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en français; ou (2) déposer une Plainte traduite en anglais ; ou (3) déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le 30 mai 2014, le Requérant a déposé un amendement à la Plainte. Le Requérant a confirmé dans la même communication son choix de la langue française comme langue de procédure. Le Défendeur n’a pas répondu.
Dans son amendement, le Requérant a également joint une requête en vue d’inclure le nom de domaine litigieux <vente-privè.com> à la procédure, en raison du fait que l’identification du Défendeur a révélé qu’il était également le titulaire de ce nom de domaine.
Le Centre a vérifié que la Plainte et la plainte amendée réponde bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 6 juin 2014, une notification de la Plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une Réponse était le 26 juin 2014. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune Réponse. En date du 27 juin 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 7 juillet 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est actif dans l'achat et la vente de tous produits et services via les outils du commerce électronique, ainsi que dans la fourniture de conseils dans le domaine du commerce électronique. Le Requérant est notamment titulaire des marques figuratives suivantes :
: marque française déposée le 14 octobre 2004, enregistrée sous le n° 04/3.318.310; : marque communautaire déposée le 24 octobre 2006, enregistrée sous le n° 5.413.018; : marque américaine déposée le 2 septembre 2011,enregistrée sous le numéro 4.263.242; : marque internationale déposée le 23 février 2012, enregistrée sous le n° 1.116.436 et couvrant notamment l’Australie, la Suisse, l’Algérie, l’Egypte, le Japon, la Corée du sud et la Turquie; : marque néo‐zélandaise déposée le 24 février 2012, enregistrée sous le n° 954.484; : marque communautaire déposée le 17 juillet 2013, enregistrée sous le numéro 11.991.965.Les noms de domaine litigieux <vente-privè.com> et <vente-privve.com> ont respectivement été enregistrés par le Défendeur le 31 janvier 2014 et le 4 mars 2014. Les noms de domaine litigieux dirigent les internautes vers un site Web contenant des liens hypertextes publicitaires et dirigeant vers des sites marchands concurrençant le Requérant.
Le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux sont semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi, puisqu’il a été réservé par le Défendeur dans le but d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur son site Web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant en ce qui concerne l’origine des produits mis en vente sur ce site Web.
Le Défendeur n’a pas répondu à la Plainte.
Le paragraphe 15 des Règles d’application prévoit que la Commission administrative statue sur la Plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d’application et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables de commissions administratives UDRP, que le Requérant doit prouver chacun des trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs afin d’établir que le nom de domaine litigieux peut être transféré.
Dès lors, le Requérant doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
Cependant, il convient en premier lieu de résoudre la question de la langue de la procédure dans la mesure où le Requérant souhaite voir la procédure se dérouler en français, en dépit du fait que le contrat d’enregistrement est rédigé en anglais.
Aux termes du paragraphe 11(a) des Principes directeurs, “sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.
En l’espèce, le Requérant a démontré à suffisance de droit que le Défendeur comprend le français, étant donné que les termes constitutifs des noms de domaine litigieux sont des vocables de la langue française (nonobstant l’orthographe des mots “privve” et “privè” qui s’apparente à une faute de frappe dans le mot “privé”). De plus, les noms de domaine litigieux dirigent vers des sites Internet essentiellement constitués de liens hypertextes publicitaires et nombre d’entre eux sont rédigés en français et/ou permettent l’accès à des sites Internet francophones concurrençant les activités du Requérant.
Enfin, la Commission administrative relève que le Défendeur, qui a pourtant eu l’opportunité de répliquer à la Plainte sur le fond mais également sur la question de la langue de la procédure, n’a pas contesté les arguments avancés par le Requérant. La Commission administrative considère que le Défendeur était donc suffisamment informé de l’objet de la procédure administrative, tant par l’acceptation des conditions du contrat d’enregistrement que par les communications du Centre. Le fait que le Défendeur n’ait pas répondu aux communications du Centre pousse la Commission administrative à croire que le Défendeur a délibérément choisi de ne pas participer à la procédure administrative et de ne pas faire usage de son droit de défense. En l’absence de contestation, la Commission administrative estime qu’il n’est pas inéquitable que la langue de la présente procédure administrative soit le français (Voir Crédit du Nord c. Laurent Deltort, Litige OMPI No. D2012-2532; INTS IT IS NOT THE SAME, GmbH dba DESIGUAL c. Two B Seller, Estelle Belouzard, Litige OMPI No. D2011-1978).
La Commission administrative considère que dans ces circonstances, le Défendeur ne s’oppose donc pas à l’utilisation du français comme langue de la procédure et qu’il est préférable que la langue de la présente procédure administrative soit le français.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu’il a des droits de marques dont il est titulaire. Comme le Requérant est le titulaire de marques nationales, communautaires et internationales figuratives comportant les expressions “vente-privee” et “vente-privee.com”, le Requérant a établi qu’il existe des droits de marques dont il est titulaire. Ces marques du Requérant sont antérieures à l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Le Requérant fait valoir qu’il détient également une demande de marque brésilienne, laquelle bénéficie d’une date de priorité remontant au 25 août 2011 et est donc antérieure aux deux noms de domaine litigieux. Dès lors, la Commission administrative constate, même si cela n’est pas décisif sous le premier élément du paragraph 4 de l’UDRP, que les droits de marque du Requérant datent d’avant l’enregistrement des noms de domaine litigieux.
La Commission administrative considère que les noms de domaine litigieux <vente-privè.com> et <vente-privve.com> sont semblables aux marques antérieures du Requérant en ce que les noms de domaine litigieux reproduisent l’élément verbal des marques invoquées, à savoir les expressions “vente-privee” et “vente-privee.com”, avec des variations mineures s’apparentant à des fautes de frappe ou d’orthographe. Bon nombre de décisions UDRP ont précédemment décidé que des noms de domaine ne se différenciant d’une marque que par de légères variations dans l’orthographe sont similaires à cette marque au point de prêter à confusion (Voir notamment Yurtici Kargo Servisi A.S. v. Yurticicargo Yurticikargo, Litige OMPI No. D2003-0707, Ross-Simons, Inc. v. Domain.Contact, Litige OMPI No. D2003-0994, et Vente-Privee.Com contre Charbonnier Hugues, Litige OMPI No. D2007-1756).
Puisque les noms de domaine litigieux sont semblables aux marques dont le Requérant est le titulaire, la similitude entre les noms de domaine litigieux et les marques antérieures du Requérant peut prêter à confusion. Les noms de domaine litigieux sont d’ailleurs phonétiquement et visuellement similaires aux marques du Requérant.
Dès lors, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est démontré.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux.
Il est de jurisprudence UDRP constante qu’il suffit pour le Requérant de démontrer qu’à première vue (“prima facie”) le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux pour qu’il incombe ensuite au Défendeur de démontrer le contraire (Voir Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. D2004-0110).
Le Requérant apporte la preuve de l’enregistrement de diverses marques comprenant les expressions “vente-privee” et “vente-privee.com”, lesquelles ne sont pas contestées par le Défendeur et sont antérieures à l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Le Défendeur n’a pas reçu de licence, mandat ou contrat de mission du Requérant pour enregistrer les noms de domaine litigieux. Il n’existe d’ailleurs aucun lien entre le Requérant et le Défendeur.
De même, la Commission administrative estime malgré le fait que les expressions “vente-privee” et “vente-privee.com” soient des expressions courantes en langue française, il ne peut en être déduit une volonté du Défendeur de faire des noms de domaine litigieux une exploitation non commerciale légitime ou un usage loyal. En effet, la Commission administrative considère que le Requérant rend suffisamment vraisemblable l’usage commercial illégitime et déloyal des noms de domaine litigieux par une pratique de typosquatting.
Le Défendeur n’a pas répondu à ces arguments. Dès lors, la Commission administrative considère que le Requérant démontre à suffisance de droits que le Défendeur ne possède pas de droit ou d’intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux, ce qui n’est pas réfuté par le Défendeur. La Commission administrative estime que le critère repris au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc démontré.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi (Voir Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallow, Litige OMPI No. D2000-0003; Control Techniques Limited v. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b)(iii) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve que des noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant des noms de domaine, le défendeur a essayé intentionnellement d'attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d'Internet sur son site Web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du requérant quant à la source, au parrainage, à l'affiliation ou à l'approbation de son site Web ou destination en ligne ou d'un produit ou service offert sur celui-ci.
La Commission administrative note que le Défendeur ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir été parfaitement conscient de l’existence des marques utilisées par le Requérant avant d’enregistrer les noms de domaine litigieux.
En effet, la Commission administrative considère qu’il ressort des éléments de la procédure que l’enregistrement des noms de domaine litigieux par le Défendeur relève manifestement d’une pratique de typosquatting. Cela ressort entre autres du fait que les noms de domaine litigieux n’ont aucune valeur intrinsèque et ne peuvent servir qu’en cas de faute de frappe opérée par un internaute. Il est de jurisprudence constante de considérer que la pratique de typosquatting constitue un indice d’enregistrement de mauvaise foi (Voir Longs Drug Stores Cal., Inc. v. Shep Dog, Litige OMPI No. D2004-1069; Lexar Media, Inc. v. Huang, Litige OMPI No. D2004-1039; Wal-Mart Stores, Inc. v. Longo, Litige OMPI No. D2004-0816). De plus, le fait que le Défendeur n’ait pas répondu à la Plainte ne fait qu’augmenter la probabilité que le Défendeur avait connaissance des marques du Requérant.
La Commission administrative remarque que le paragraphe 2 des Principes directeurs impose implicitement au futur titulaire d’un nom de domaine litigieux d’éviter d’enregistrer et d’utiliser des noms de domaine qui porteraient atteinte aux droits d’un tiers (Voir Aspen Holdings Inc. c. Rick Natsch, Potrero Media Corporation, Litige OMPI No. D2009-0776).
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur devait être au courant de l’existence de droits de marques du Requérant au moment de l’enregistrement des noms de domaine litigieux (Voir Spontin SA c. sig services, Com web services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI No. D2009-1281).
La conservation passive d’un nom de domaine peut être de mauvaise foi. Ceci doit être analysé en combinaison avec d’autres facteurs, comme par exemple le fait qu’un défendeur empêche un titulaire de droits de marque ou de service de refléter sa marque dans un nom de domaine correspondant, l’absence de réponse du défendeur à la plainte, etc. (Voir p.ex. Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Myer Stores Limited c. Mr. David John Singh, Litige OMPI No. D2001-0763).
Dans le cas présent, le Défendeur n’utilise les noms de domaine litigieux que comme pages parking contenant des liens sponsorisés. Certains liens renvoient à des sites marchands concurrençant le Requérant. La Commission administrative estime dès lors que l’utilisation des noms de domaine litigieux par le Défendeur est de nature à perturber l’exploitation du site Internet du Requérant et à porter atteinte à l’image de marque du Requérant.
De plus, le Défendeur fait un usage commercial des noms de domaine litigieux en les exploitant à des fins publicitaires et en cherchant à les vendre.
Le Défendeur n’a pas répondu à la Plainte et paraît avoir pour habitude d’enregistrer des noms de domaine litigieux incorporant ou imitant des marques notoires, exploités en relation avec des pages parking et offerts à la vente.
La Commission administrative déduit des faits et circonstances susmentionnés que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission administrative considère que le Requérant a satisfait au critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission ordonne que les noms de domaine litigieux <vente-privè.com> (<xn‐‐vente‐priv‐86a.com>) et <vente-privve.com> soient transférés au Requérant.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 18 juillet 2014