La Requérante est MAROCADS.COM de Rabat, Maroc, représenté par Cabinets JURISnet, Maroc.
Le Défendeur est Abderrahim Elyaakobi, d’Agadir, Maroc.
Le litige concerne le nom de domaine <hispress.info>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est eNom.
Une plainte a été déposée en français par MAROCADS.COM auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 26 janvier 2015.
En date du 26 janvier 2015, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, eNom, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 26 janvier 2015, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Le 30 janvier 2015 le Centre a envoyé un courrier électronique aux parties en expliquant que la plainte avait été déposée en français, mais que le contrat d’enregistrement était en anglais, invitant du même coup la Requérante à fournir soit la preuve suffisante d’un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, soit une plainte traduite en anglais ou une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure. La Requérante a déposé le 30 janvier 2015 une requête pour que le français soit la langue de la procédure, requête à laquelle le Défendeur n’a pas répondu. S’en est suivie une communication du Centre informant que l’anglais et le français seraient utilisés de concert pour communiquer avec les parties, que la réponse serait acceptée dans l’une ou l’autre de ces langues tout en les informant qu’il appartiendrait à la Commission administrative, une fois nommée, de décider de la langue de la procédure.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 11 février 2015, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 3 mars 2015. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 4 mars 2015, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 20 mars 2015, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Daniel Kraus. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La Requérante est une source centrale d’informations et de nouvelles au Maroc. La Requérante est titulaire de la marque marocaine combinée HESPRESS n° 143360, enregistrée le 8 mars 2012 en classes 35, 41, et 42 de la Classification de Nice. La Requérante est le mandataire de cet enregistrement. Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 12 décembre 2012.
Le Défendeur est une personne physique résidant au Maroc.
La Requérante allègue tout d’abord le fait que le nom de domaine litigieux constitue un délit flagrant de contrefaçon de sa marque HESPRESS, de parasitage et de concurrence déloyale, et constitue un cas typique de typosquatting.
La Requérante fait ensuite valoir le fait que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ni d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, n’ayant jamais été autorisé par la Requérante à exploiter sa marque.
La Requérante affirme enfin que le nom de domaine litigieux a été enregistré et qu’il est utilisé de mauvaise foi. Au vu de la notoriété de la marque HESPRESS, il semble évident que le Défendeur en avait connaissance lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux <hispress.info>. En enregistrant le nom de domaine litigieux, le Défendeur n’avait d’autre intention que de tromper les internautes et profiter ainsi de l’audience du site du Requérant de manière déloyale.
Le Défendeur n’a pas déposé de réponse dans le délai qui lui était imparti.
Dans sa requête, la Requérante a déclaré qu’à sa connaissance, la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est supposée être l’anglais, comme cela découle de l’extrait tiré de la base de données du Whois. Toutefois, au vu du fait que le nom de domaine litigieux dirige vers un journal électronique diffusé en arabe au Maroc, dont le français est une des langues officielles, la Requérante demande que la langue de la procédure soit le français. La Commission administrative est d’avis qu’il peut être fait droit à cette demande. En effet, la présente procédure fait suite à la procédure dans l’affaire Hassane EL GUENNOUNI contre Mr. Abderrahim El yaakobi, Litige OMPI No. D2014-0564, qui concernait le même état de fait mais dans laquelle la plainte avait été rejetée faute de qualité pour agir de la requérante. Or, dans cette affaire déjà, la commission administrative avait accepté le français comme langue de procédure. Il n’y a pas de raison valable de changer de langue en l’espèce. Compte tenu de ces circonstances, le français est accepté comme langue de la procédure.
La Commission administrative note que le nom de domaine litigieux avait fait l’objet d’une précédente procédure UDRP qui avait été rejetée (Hassane EL GUENNOUNI contre Mr. Abderrahim El yaakobi, mentionnée ci-dessus). La Commission administrative note que la présente plainte est déposée par la société Marocads.com, titulaire de la marque HESPRESS, et accepte par conséquent la présente plainte.
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir :
(i) si le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits; et
(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine; et
(iii) si le défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.
C’est à la Requérante de faire la preuve des trois éléments énoncés ci-dessus (paragraphe 4 in fine). Toutefois, le paragraphe 14(b) précise que, en l’absence de circonstances exceptionnelles, si une partie ne se conforme pas aux dispositions ou conditions des présentes règles ou à une instruction de la Commission, celle-ci peut en tirer les conclusions qu’elle juge appropriées.
Selon le paragraphe 4(a)(i), la Requérante doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.
En l’espèce, la Requérante a démontré qu’elle est titulaire de la marque HESPRESS enregistrée au Maroc et qu’elle l’utilise intensivement.
Par ailleurs, le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec la marque de la Requérante. Cette dernière est une marque combinée. L’élément verbal, “hespress”, voit son élément distinctif repris dans le nom de domaine litigieux <hispress.info>, à l’exception du “e” qui est remplacé par un “i”. La prononciation de la marque HESPRESS et du terme “hispress” est très proche et il ne peut pas être exclu que la différence soit encore plus difficile à faire pour le public marocain, dont l’arabe est la langue principale. De plus, l’élément figuratif de la marque de la Requérante est repris dans le layout du site internet auquel mène le nom de domaine litigieux, en particulier par les couleurs utilisées et le positionnement du terme “hispress.info”. Enfin, le simple fait que l’élément “.info” ait été ajouté ne suffit pas à lever le risque de confusion.
La Commission administrative estime donc que le nom de domaine litigieux est à tout le moins semblable au point de prêter à confusion, à la marque de la Requérante.
La condition prévue par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est donc remplie, raison pour laquelle la Commission administrative conclut en faveur de la Requérante sur ce premier point.
Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, le Défendeur peut faire la preuve de son droit ou intérêt légitime en particulier par l’une des circonstances ci-après :
(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, vous (le défendeur) avez utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;
(ii) vous (individu, entreprise ou autre organisation) (le défendeur) êtes connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
(iii) vous (le défendeur) faites un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.
La Requérante doit cependant apporter la preuve des éléments qui démontrent qu’à première vue (prima facie) le Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime. Une fois ces éléments déposés en preuve, il incombe au Défendeur de prouver son droit ou intérêt.
Dans la présente procédure, le Défendeur a fait défaut et a donc renoncé à invoquer un droit ou intérêt légitime à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Le dossier ne permet pas par ailleurs de découvrir un droit ou intérêt légitime à un tel emploi.
La Requérante ayant démontré prima facie que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux et le Défendeur, défaillant, ayant renoncé à faire la preuve de ses droits ou de ses intérêts légitimes, la Commission administrative considère que le Défendeur n’a pas démontré qu’il posséderait un droit ou un intérêt légitime.
Dans ces conditions, la Commission administrative considère que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
La condition prévue par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc remplie.
Selon le paragraphe 4(b) des Principe directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, notamment, par les circonstances suivantes:
(i) les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le Défendeur peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine litigieux,
(ii) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et le Défendeur est coutumier d’une telle pratique,
(iii) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber l’activité d’un concurrent, ou
(iv) en utilisant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins commerciales, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au Défendeur, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le parrainage, l’affiliation ou l’approbation du site Web ou destination en ligne d’un produit ou service offert sur celui-ci.
En l’espèce, le nom de domaine litigieux a clairement été utilisé aux fins d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au Défendeur, en créant une probabilité de confusion avec la marque de la Requérante.
Deux éléments accréditent en particulier cette thèse:
D’abord, la Requérante a enregistré le nom de domaine litigieux, lequel ne se différencie que très peu de la marque semble-t-il bien connue au Maroc de la Requérante. Le remplacement d’un “e” par un “i”, de même que l’adjonction de “info” après “hispress” relève du plus simple procédé de “cybersquattage”, le Défendeur espérant par-là profiter de l’inattention d’internautes qui ont fait des fautes de frappe, en les attirant vers son site Internet, qui relève également du domaine de l’information. Cette proximité n’est ainsi pas le fruit du hasard.
D’autre part, le site Internet auquel mène le nom de domaine litigieux <hispress.info> reprend le même layout que le site Internet de la Requérante, ajoutant au risque de confusion qui apparaît clairement comme n’étant pas le fruit du hasard mais bien d’un comportement délibéré relevant d’une utilisation de mauvaise foi.
La Commission administrative considère ainsi que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, et que par conséquent la condition énumérée au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative note que la diversité des sources de l’information ne peut qu’être saluée, et le lecteur doit pouvoir faire la différence entre les divers canaux d’information dont il bénéficie. L’adoption d’un autre nom de domaine qui ne serait pas similaire à la marque de la Requérante et d’un layout différent de son site Internet n’empêchera nullement le Défendeur de continuer à assurer son rôle journalistique.
Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <hispress.info> au profit de la Requérante.
Daniel Kraus
Expert Unique
Le 3 avril 2015