Les Requérantes sont Rexel Développement SAS et Rexel France de Paris, France, représentées par Ab Initio, France.
Le Défendeur est Laurent Sammin de Paris, France.
Le litige concerne le nom de domaine <rexel-france.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est OVH.
Une plainte a été déposée par Rexel Développement SAS et Rexel France auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 15 avril 2016. En date du 15 avril 2016, le Centre a adressé une requête à OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 18 avril 2016, OVH a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 26 avril 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 16 mai 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 mai 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 14 juin 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Emmanuelle Ragot. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Groupe Rexel, coté en bourse, est un distributeur mondial de matériel électrique, d’outillage, d’équipements de sécurité, et un fournisseur de services en matière de solutions énergétiques.
Ses services sont repris sur son site Internet “www.rexel.fr”.
Le Groupe Rexel fournit des solutions et équipements électriques innovants pour améliorer le confort, la performance et l’efficacité énergétique pour les grands comptes industriels et les fabricants d’équipement.
Le Groupe Rexel est présent dans 35 pays et emploie 28,000 employés partout dans le monde (Annexe 9).
Les marques REXEL sont détenues par la société Rexel Développement SAS (Annexe 10).
La société Rexel Développement SAS (détentrice des marques REXEL du Groupe) est la filiale directe de la société de tête (cotée en bourse), Rexel.
La société Rexel France est quant à elle une filiale du Groupe, en France (le Groupe étant composé de filiales par zone géographique).
Les Requérantes ont en commun l’identité de leur nom (leurs dénominations sociales contiennent le terme “Rexel”) et d’adresse (même siège).
La société Rexel France a conclu avec la société Rexel Développement SAS une licence d’utilisation des marques REXEL, dûment inscrite pour les marques de l’Union Européenne REXEL No. 005404876 enregistrée le 10 juin 2009, No. 005404918 enregistrée le 16 juin 2009, et No. 005404934 enregistrée le 12 juin 2009 (Annexe 5).
Les deux Requérantes appartiennent au même Groupe Rexel (Annexe 1) et eu égard au lien économique existant des Requérantes, elles ont un intérêt commun dans la protection de leurs actifs immatériels sur le nom “Rexel”.
Le litige porte sur le nom de domaine litigieux <rexel-france.com> enregistré le 26 décembre 2015. Le site reproduit à l’identique le contenu du site Internet de la Requérante Rexel France.
Le Défendeur dans cette procédure administrative est Laurent Sammin de Paris, France.
Les Requérantes indiquent que le nom de domaine litigieux <rexel-france.com> reproduit à l’identique les marques REXEL détenues par la société Rexel Développement SAS (Annexe 6). Elles soulignent aussi que le nom de domaine litigieux est source de confusion avec les marques REXEL dont le Groupe Rexel est titulaire, les noms de domaine du Groupe, ainsi qu’avec la dénomination sociale de la société Rexel France.
Les Requérantes avèrent que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, n’étant pas un affilié des Requérantes, n’ayant pas de droits de marques sur le nom “Rexel”.
Les Requérantes constatent que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, en notant que le site au nom de domaine litigieux reproduit à l’identique le contenu du site Internet de la Requérante Rexel France.
Le Défendeur n’a pas soumis de réponse dans les délais prescrits du paragraphe 5(a) des Règles d’application. Son défaut de réponse lui a été notifié en date du 17 mai 2016 par le Centre.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principes directeurs aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose aux Requérantes de prouver cumulativement que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle les Requérantes ont des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Aussi, il y a lieu de s’attacher à examiner chacune de ces trois conditions.
La Commission administrative constate que les Requérantes justifient être titulaires de plusieurs marques REXEL déposées au niveau mondial, au nom de Rexel Développement SAS (Annexe 10-1 et 10-2) pour lesquelles la société Rexel France détient une licence dûment enregistrée (Annexe 5-1) :
- Marque de l’Union Européenne REXEL No. 005404876 enregistrée le 10 juin 2009 en classes 9, 11, 35, 36, 37 et 42 au nom de Rexel Développement SAS, et donnée en licence à la société Rexel France le 16 septembre 2014 (Annexe 5-2);
- Marque de l’Union Européenne REXEL (logotype) No. 005404918 enregistrée le 16 juin 2009 en classes 9, 11, 35, 36, 37 et 42 au nom de Rexel Développement SAS, et donnée en licence à la société Rexel France le 16 septembre 2014 (Annexe 5-3);
- Marque de l’Union Européenne REXEL (logotype) No. 005404934 enregistrée le 12 juin 2009 en classes 9, 11, 35, 36, 37 et 42 au nom de Rexel Développement SAS, et donnée en licence à la société Rexel France le 16 septembre 2014 (Annexe 5-4).
Dans le cas d’espèce, le nom de domaine litigieux <rexel-france.com> reproduit la marque REXEL à l’identique, accompagnée du terme géographique “France” séparé par un tiret.
L’ajout du terme “France” dans le nom de domaine litigieux <rexel-france.com> ne fait que décrire la zone géographique concernée et ne limite pas le risque de confusion, le terme central et distinctif restant “Rexel”.
En outre, la Commission administrative considère que l’ajout d’un tiret n’atténue pas la similitude entre le nom de domaine litigieux et les marques des Requérantes.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques invoquées par les Requérantes au point de créer un risque de confusion avec celles-ci.
Il est admis qu’il appartient au Défendeur de faire état dans sa réponse de droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, une fois que les Requérantes ont établi la preuve prima facie que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur celui-ci (Les Editions Neressis c. Corail Jeans David Bitton, Litige OMPI No. D2009-0423; Société Air France c. Constantinvest – Duarte Pierre, Litige OMPI No. D2008-0507).
En l’espèce, le Défendeur n’est lié d’aucune façon au Groupe Rexel et n’a pas été autorisé par celui-ci à utiliser la marque REXEL.
Le Défendeur ne détient aucun droit de marque sur le terme “rexel” ou sur une expression contenant le terme “rexel” et que son nom commercial et son enseigne ne contiennent pas le terme “rexel”.
Les Requérantes notent que le site du Défendeur, vers lequel pointe le nom de domaine litigieux est visuellement similaire au site Internet “www.rexel.com” des Requérantes.
La consultation dudit site laisse à penser aux internautes que le Défendeur fait partie du Groupe Rexel ou qu’il est distributeur Rexel, cet usage ne correspondant pas davantage à une offre de bonne foi de produits ou services.
Enfin, le nom de domaine litigieux n’est pas un terme générique dont aurait pu s’inspirer le Défendeur pour enregistrer le nom de domaine litigieux et aucune information n’a été donnée de l’existence d’un droit ou d’un intérêt légitime, ces faits sont autant d’éléments qui démontrent l’absence de droits ou d’intérêts légitimes du Défendeur.
La Commission administrative estime que les Requérantes ont établi la preuve prima facie que le Défendeur ne détenait aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, ce qui n’a pas été contesté par le Défendeur.
Par conséquent, la Commission administrative estime que le second critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfait.
Le nom de domaine litigieux reproduit quasi à l’identique la marque REXEL des Requérantes, l’ajout du terme “France” ne limitant pas le risque de confusion, mais se contentant d’insister sur un prétendu lien avec la filiale du Groupe Rexel et la Requérante Rexel France.
L’usage du terme “rexel”, qui plus est associé à la localisation “France”, laisse penser qu’il s’agit du site Internet des Requérantes, ce qui est d’ailleurs renforcé par le fait que le Défendeur a – sans autorisation et de mauvaise foi – effectué une duplication du contenu du site Internet de Rexel France, “www.rexel.fr” (copies d’écran des sites Internet “www.rexelfrance.com” et “www.rexel.fr” Annexe 12).
Le Défendeur de mauvaise foi par le “framing” trompe la clientèle du Groupe Rexel en utilisant le nom de domaine litigieux pour des adresses email qui apparaissent sur le site.
La technique du “framing” est une preuve évidente de mauvaise foi du Défendeur qui n’utilise pas le nom de domaine litigieux pour ses propres activités, mais pour détourner les activités d’une société existante en reproduisant le contenu de son site Internet et en se faisant passer pour un membre de cette société.
La preuve en est que le Défendeur duplique à dessein et à l’identique le contenu du site Internet de Rexel France (Annexe 12) de manière parasitaire utilisant la technique du “framing”.
Le Défendeur ne pouvait ignorer les produits et services de la marque REXEL et les activités du Groupe Rexel.
Le Défendeur a donc enregistré le nom de domaine litigieux en vue de perturber les opérations commerciales des Requérants et est donc de mauvaise foi.
En application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, les Requérantes doivent non seulement démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré, mais aussi utilisé de mauvaise foi.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs fournit une liste non-exhaustive de circonstances constituant un enregistrement et un usage de mauvaise foi d’un nom de domaine.
Les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine litigieux et l’utilise essentiellement aux fins d’un comportement parasitaire pour attirer ou tenter d’attirer les internautes sur le site contesté en créant une probabilité de confusion avec la marque, le nom de domaine et la dénomination sociale des Requérants, au sens du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.
Au vu des pièces versées au dossier, il semble que la marque REXEL soit connue des professionnels pour son activité dans le domaine des solutions électriques, du génie climatique et des énergies renouvelables. Le Défendeur, se trouvant vraisemblablement dans le même secteur d’activité que les Requérantes, ne pouvait raisonnablement ignorer son existence lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <rexel-france.com> a été enregistré et utilisé de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les motifs exposés ci-dessus et en application des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <rexel-france.com> au profit de la Requérante Rexel Développement SAS.
Emmanuelle Ragot
Expert Unique
Le 28 Juin 2016