Le Requérant est Colas SA de Boulogne-Billancourt, France, représenté par UGGC Avocats, France.
Le Défendeur est Colas France de Boulogne Billancourt, Val-d’Oise, France.
Le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> est enregistré auprès de Register.IT SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte en anglais a été déposée par Colas SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 5 août 2016. En date du 5 août 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 8 août 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige. Suite à une notification du Centre concernant la langue de la procédure, le Requérant a déposé une plainte traduite en français le 10 août 2016.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 août 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 septembre 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 5 septembre 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 14 septembre 2016, le Centre nommait Emmanuelle Ragot comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Groupe international Colas est leader dans le secteur de la construction et la maintenance des infrastructures de transports routiers, aériens, et maritimes, des projets de développement urbain et des installations de loisirs.
Le Requérant a totalisé en 2015 un chiffre d’affaires de EUR 11.96 milliards et le résultat net dégagé par le groupe était de EUR 234 millions. (Annexe 4).
Ses services sont repris sur son site Internet “www.colasfrance.com”.
Le Groupe COLAS fournit des solutions et équipements pour les activités de construction et d’ingénierie civile des routes et complémentaires à ce secteur.
Le Groupe COLAS est présent dans 50 pays et emploie 61,000 employés partout dans le monde.
Les marques COLAS sont détenues par la société COLAS SA (Annexes 5.1 à 5.6), y compris:
- Marque française semi-figurative COLAS, N° 1318758, enregistrée le 30 juillet 1985 en classes 1 et 19 (Annexe 5-1);
- Marque française verbale COLAS, N° 1536207, enregistrée le 13 juin 1989 en classes 19 (Annexe 5-2);
- Marque française semi-figurative dans un losange jaune COLAS, No. 98738081, enregistrée le 19 juin 1988 en classes 1 et 19, 37 et 42 (Annexe 5-3);
- Marque française verbale COLAS, N° 3051318, enregistrée le 13 septembre 2000 en classes 1, 19 et 37 (Annexe 5.4);
- Marque verbale internationale COLAS, N° 753190, enregistrée le 16 février 2001 en classes 1, 19 et 37 désignant la Turquie, l’Australie, l’Algérie, la Chine (Annexe 5.5);
- Marque de l’Union européenne COLAS, N° 10799559, enregistrée le 11 janvier 2013 en classes 1, 19 et 37 (Annexe 5.6).
Le litige porte sur le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> enregistré le 15 janvier 2016.
Le site au nom de domaine litigieux n’est pas actif. Selon le Requérant, le nom de domaine litigieux a été utilisé pour créer une fausse adresse email correspondant à un emploi existant chez le Requérant, cet adresse ayant été utilisée pour envoyer des emails frauduleux aux contacts professionnels et aux fournisseurs du Requérant.
Le Requérant indique que le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> reproduit à l’identique le terme distinctif enregistré et mentionné dans les marques verbales et semi figuratives détenues par le Requérant (Annexe 5.1 à 5.6). Le Requérant souligne aussi que le nom de domaine litigieux est source de confusion avec les marques COLAS dont le Requérant est titulaire, et avec les noms de domaine du Requérant.
Le Requérant avère que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, n’étant pas un affilié du Requérant, n’ayant pas de droits de marques sur le nom “Colas”.
Le Requérant constate que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, en notant qu’il n’y a aucun site actif au nom de domaine litigieux, et que le nom de domaine litigieux a été utilisé pour créer une fausse adresse email dans le but d’envoyer des emails frauduleux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Son défaut de réponse lui a été notifié en date du 5 septembre 2016 par le Centre.
La plainte a été initialement déposée en anglais le 5 août 2016.
Suite à une notification du 8 août 2016 concernant la langue de la procédure, le Requérant a déposé une plainte traduite en français le 10 août 2016. Le français étant la langue du contrat d’enregistrement pour le nom de domaine litigieux, la Commission administrative détermine que la langue de la procédure est le français.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principes directeurs aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver cumulativement que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Aussi, il y a lieu de s’attacher à examiner chacune de ces trois conditions.
La Commission administrative constate que le Requérant justifie être titulaire de plusieurs marques COLAS verbales et semi-figuratives déposées en France, mais aussi au niveau de l’Union européenne et a l’international.
Dans le cas d’espèce, le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> reproduit la marque COLAS à l’identique, accompagnée du terme géographique “France” non séparé par un tiret.
En outre, la Commission administrative considère que l’ajout de “France” sans tiret n’atténue pas la similitude entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques invoquées par le Requérant au point de créer un risque de confusion avec celles-ci.
Il est admis qu’il appartient au Défendeur de faire état dans sa réponse de droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, une fois que le Requérant a établi la preuve prima facie que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur celui-ci (Les Editions Neressis c. Corail Jeans David Bitton, Litige OMPI No. D2009-0423; Société Air France c. Constantinvest – Duarte Pierre, Litige OMPI No. D2008-0507).
En l’espèce, le Défendeur n’est lié d’aucune façon au Requérant et n’a pas été autorisé par celui-ci à utiliser la marque COLAS.
Le Défendeur ne détient aucun droit de marque sur le terme “COLAS” ou sur une expression contenant le terme “COLAS” et ne détient aucun nom commercial ou son enseigne contenant le terme “COLAS”.
Le Requérant note que le Défendeur, en enregistrant le nom de domaine litigieux “colasfrance.com” a donné le nom de l’adresse du siège social du Requérant comme adresse du titulaire du nom de domaine (Annexe 1 et 2).
L’adresse électronique d’enregistrement indiquée dans les extraits du Whois fait référence à un prétendu site Internet lequel conduit au site Internet d’une association caritative “Care France” (Annexe 10).
Surabondamment, la supposée “Colas France” n’existe pas dans le Registre Français du commerce et des sociétés et le contact administratif n’a aucun lien de droit avec le Requérant.
Le Requérant n’a pu à ce jour identifier le Défendeur eu égard à toutes les manœuvres de mauvaise foi mises en place et ayant justifié le dépôt d’une plainte pénale auprès du Procureur Général du Tribunal de Pontoise en date du 5 août 2016.
Enfin, le nom de domaine litigieux n’est pas un terme générique dont aurait pu s’inspirer le Défendeur pour enregistrer le nom de domaine litigieux et aucune information n’a été donnée de l’existence d’un droit ou d’un intérêt légitime, ces faits sont autant d’éléments qui démontrent l’absence de droits ou d’intérêts légitimes du Défendeur.
La Commission administrative estime que le Requérant a établi la preuve prima facie que le Défendeur ne détenait aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, ce qui n’a pas été contesté par le Défendeur.
Par conséquent, la Commission administrative estime que le second critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfait.
Le nom de domaine litigieux enregistré en janvier 2016 reproduit quasi à l’identique la marque COLAS du Requérant, l’ajout du terme “France” ne limitant pas le risque de confusion, mais se contentant d’insister sur un prétendu lien avec la filiale française du Groupe COLAS.
L’usage du terme “colas”, qui plus est associé à la localisation “France”, laisse penser qu’il s’agit du site Internet du Requérant.
Le Défendeur ne pouvait ignorer les produits et services de la marque COLAS et les activités du Requérant.
Le Requérant fait état de faits graves d’usage frauduleux d’une adresse mail afin de contacter au nom du Requérant ses contacts professionnels et ses fournisseurs, dans le but d’initier des relations commerciales mais aussi de l’ouverture d’un compte bancaire au nom du Requérant auprès de la Société Générale.
Le Défendeur a donc enregistré le nom de domaine litigieux en vue de passer des commandes au nom du Requérant et de se livrer à des actes manifestement frauduleux (Annexe 15).
Les agissements délibérés du Défendeur dans le but de dissimuler sa véritable identité ainsi que le fait de fournir des informations fausses et erronées en connexion avec l’enregistrement du nom de domaine, établissent indubitablement la mauvaise foi de l’enregistrement du nom de domaine litigieux (voir Lincoln Property Company c. LPC, Litige OMPI No. D2001-0238).
En application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant doit non seulement démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré, mais aussi utilisé de mauvaise foi.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs fournit une liste non-exhaustive de circonstances constituant un enregistrement et un usage de mauvaise foi d’un nom de domaine.
Les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine litigieux et l’utilise essentiellement aux fins d’un comportement frauduleux pour attirer ou tenter d’attirer les internautes en créant une probabilité de confusion avec une adresse email liée au nom de domaine litigieux et la marque, le nom de domaine et la dénomination sociale du Requérant, au sens du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> a été enregistré et utilisé de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <colasfrance.com> soit transféré au Requérant.
Emmanuelle Ragot
Expert Unique
Le 28 Septembre 2016