Le Requérant est Groupement d’Intérêt Economique Humanis Fonctions Groupe de Malakoff, France, représenté par le cabinet STRATO-IP, France.
Le Défendeur est Thibaut Assogba de Paris, France.
Le nom de domaine litigieux <humanis-credit.com> est enregistré auprès d’Online SAS (ci-après désigné « l’Unité d’enregistrement »).
Une plainte a été déposée par Groupement d’Intérêt Economique Humanis Fonctions Groupe auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 23 février 2018. A cette même date, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 28 février 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d’application »), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 1er mars 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur, qui conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, avait un délai expirant le 21 mars 2018 pour faire parvenir une réponse. En date du 29 mars 2018, le Centre notifiait le défaut de réponse du Défendeur.
En date du 13 avril 2018, le Centre nommait Stéphane Lemarchand comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est un groupe paritaire et mutualiste de protection sociale constituée le 7 août 2012 sous la dénomination sociale « Groupement d’Intérêt Economique Humanis Fonctions Groupe ».
Le Requérant exploite le logo sur son site Internet accessible à l’adresse « www.humanis.com » en relation avec ses activités.
Le Requérant est titulaire d’une famille de marques composées notamment des marques françaises HUMANIS n° 4087262, verbale, et n° 4087265, semi-figurative, déposées le 28 avril 2014 en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42, 44 et 45 couvrant notamment les services d’assurances; réassurances; affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières; services de caisses de retraite; services d’assurance pour la protection sociale, la retraite; service de caisse de prévoyance; aide aux entreprises dans la gestion des fonds de prévoyance; consultation en matière d’assurance; conseils et informations des entreprises et des particuliers en matière d’assurance pour la protection sociale, la retraite, la santé, les caisses de prévoyance et les services d’épargne; constitution de capitaux; placement de fonds; services de consultation en matière de placements financiers; conseils en gestion de patrimoine; estimation financières (assurances, banques, immobilier); estimations et expertises fiscales; émission de chèque de voyage; courtage en assurances; courtage en biens immobiliers.
Le Défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <humanis-credit.com>, en son nom propre, le 27 avril 2017. Le nom de domaine est utilisé pour proposer des services qui sont similaires aux services du Requérant.
Le Requérant estime que:
(i) Le nom de domaine est fortement similaire au point de prêter à confusion aux marques sur lesquelles le Requérant a des droits;
(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;
(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant argue que le nom de domaine litigieux reproduit à l’identique la marque française HUMANIS n°4087262, et l’élément distinctif et dominant « HUMANIS » des marques n° 4087265 ainsi que les marques HUMANIS EPARGNE n°3715127, HUMANIS PREVOYANCE n°3715157, HUMANIS IMMOBILIER n°3715076 et HUMANIS COURTAGE n°3715086 dont il est titulaire et ainsi engendre un risque de confusion dans l’esprit du public pouvant croire, à tort, que le Requérant opère sur le site Internet frauduleux via le nom de domaine litigieux. Il allègue, en outre, que le nom de domaine litigieux, quand bien même il est composé de l’élément « crédit » qui est descriptif d’une prestation bancaire, n’est pas de nature à empêcher l’existence d’un risque de confusion, dans la mesure où ce terme relève de l’activité du Requérant et pourrait être perçue comme une déclinaison des marques susvisées dont il est titulaire. Il affirme également que l’extension « .com » n’est pas pertinente dans l’appréciation du risque de confusion s’agissant d’un élément purement technique non distinctif.
Le Requérant soutient en outre que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache dans la mesure où (i), à la connaissance du Requérant, le Défendeur n’est pas connu par le nom de domaine litigieux et n’est titulaire d’aucune marque de produits ou de services portant le signe HUMANIS, (ii) le Requérant n’a concédé au Défendeur aucune licence ni n’a consenti à l’utilisation de ses marques ou à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et (iii) le Défendeur ne dispose d’aucun intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Le Requérant allègue également que le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi dans la mesure où le Défendeur avait connaissance de l’existence du Requérant, de ses marques ainsi que de son activité puisqu’il y a reproduit le logo et la nature des services proposés sur le site Internet étaient similaires. Il ajoute enfin que le Défendeur a fait usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux puisque le risque de confusion en résultant entraine inévitablement un détournement du trafic Internet du site du Requérant vers celui du Défendeur, que le public était invité à s’inscrire sur le site frauduleux ce qui suggère donc la collecte frauduleuse de leurs données personnelles et qu’un serveur de messagerie était présent sur le site Internet.
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, le Requérant sollicite le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 27 avril 2017 et expirera donc le 27 avril 2018.
Le 1er mars 2018, le Centre a écrit à l’Unité d’enregistrement pour lui signaler l’expiration imminente du nom de domaine litigieux et demander à l’Unité d’enregistrement de confirmer sa conformité au paragraphe 3.7.5.7 de la Politique de l’ICANN de suppression de domaine qui donne au Requérant lors d’un litige en instance, la possibilité de renouveler ou de restaurer le nom de domaine dans les mêmes termes commerciaux que le Défendeur. En réponse, le 18 avril 2017, l’Unité d’enregistrement a confirmé que le nom de domaine litigieux resterait « bloqué » pendant la durée de la procédure administrative, et ce quand bien même, il ne serait pas renouvelé. Le 20 avril 2018, le Centre a écrit aux Parties et à l’Unité d’enregistrement afin de les alerter sur l’expiration du nom de domaine litigieux et les mettre en garde sur les risques que ce non renouvellement pourrait avoir sur la procédure administrative et sur la décision de transfert, le cas échéant.
L’expiration du nom de domaine litigieux n’étant pas encore intervenue à la date de rédaction de la présente décision, et le Requérant n’ayant pas encore répondu à la notification du Centre concernant sa décision de renouveler ou non le nom de domaine litigieux, la Commission administrative a décidé de poursuivre l’examen du dossier et de rendre une décision.
Le Requérant indique qu’une plainte pénale auprès des services du Procureur de Nanterre aurait été déposée par le Requérant préalablement au dépôt de la plainte UDRP.
Le paragraphe 18(a) des Règles d’application prévoit qu’en cas de procédures judiciaires commencées avant ou pendant une procédure administrative concernant un litige sur un nom de domaine faisant l’objet d’une plainte, la Commission administrative devra décider à sa discrétion s’il faut suspendre ou clore la procédure, ou bien s’il faut rendre une décision.
Dans la mesure où le Requérant ne fournit aucune pièce permettant de démontrer qu’une telle plainte a bien été déposée, où cette plainte pénale ne viserait qu’à sanctionner le Défendeur pour les actes frauduleux opérés à travers le nom de domaine et où son issue sera sans conséquence sur le statut du nom de domaine litigieux, la Commission administrative décide de ne pas suspendre la procédure et de rendre la présente décision.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que « la commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable. »
Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver contre le Défendeur cumulativement que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs.
Le Requérant est titulaire de nombreuses marques françaises dont les marques HUMANIS n°4087262, n°4087265 ainsi que les marques HUMANIS EPARGNE n°3715127, HUMANIS PREVOYANCE n°3715157, HUMANIS IMMOBILIER n°3715076 et HUMANIS COURTAGE n°3715086.
La Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux reprend à l’identique l’élément verbal HUMANIS des marques détenues par le Requérant. Conformément à la jurisprudence constante des commissions administratives, la reproduction d’une marque dans son intégralité est suffisante pour conclure à la similitude avec la marque antérieure (voir en ce sens Hoffmann-La Roche Inc., Roche Products Limited c. Vladimir Ulyanov, Litige OMPI No. D2011-1474; Hitachi, Ltd. v. Arthur Wrangle, supra. Oki Data Americas, Inc. c. ASD, Inc., Litige OMPI No. D2001-0903; Magnum Piering, Inc. c. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI No. D2000-1525; Eauto, L.L.C. c. Triple S. Auto Parts d/b/a Kung Fu Yea Enterprises, Inc., Litige OMPI No. D2000-0047; Bayerische Motoren Werke AG c.. bmwcar.com, Litige OMPI No. D2002-0615).
En outre, le terme « credit » ajouté à la marque HUMANIS dans le nom de domaine litigieux est descriptif d’une prestation bancaire, faisant ainsi une référence directe au domaine d’activités du Requérant et n’est par conséquent en aucun cas distinctif. Il résulte de précédentes décisions que l’ajout d’un élément générique à la reprise identique d’une marque n’altère pas la confusion que peut générer ce nom de domaine au sens des Principes directeurs (voir en ce sens Valero Energy Corporation and Valero Marketing and Supply Company c. Valero Energy, Litige OMPI No. D2017-0075; M/s Daiwik Hotels Pvt. Ltd c. Senthil Kumaran S, Daiwik Resorts, Litige OMPI No. D2015-1384; et ERGO Versicherungsgruppe AG c. Idealist, Litige OMPI No. D2008-0377).
Enfin, l’extension « .com » ne doit pas être prise en considération lors de l’examen de la similitude du nom de domaine litigieux dans la mesure où il s’agit d’un élément purement technique, non-distinctif, nécessaire dans le domaine des services rendus sur Internet (voir en ce sens Bet365 Group Limitedc. Edmunds Gaidis, Litige OMPI No. DFR2010-0020).
Cette forte similarité entre les marques détenues par le Requérant et le nom de domaine litigieux est de nature à générer un risque de confusion certain dans l’esprit du public qui pourra légitimement penser que le nom de domaine litigieux est opéré par le Requérant.
Par conséquent, la Commission administrative considère que la première condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant est tenu de démontrer prima facie que le Défendeur n’a pas de droits ou intérêts légitimes au regard du nom de domaine litigieux. Il appartient ainsi au Requérant d’établir que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. En revanche, si le Défendeur ne réagit pas ou ne parvient pas à apporter la preuve du contraire, le Requérant est présumé avoir fourni la preuve de l’absence de droits ou d’intérêt légitime.
Il résulte des éléments transmis par le Requérant que le Défendeur ne justifie d’aucun droit sur le nom de domaine litigieux dans la mesure où, le Défendeur n’est titulaire d’aucune marque de produits ou de services portant sur le signe HUMANIS et que le Requérant n’a concédé au Défendeur aucune licence ou autre autorisation d’usage des marques détenues par le Requérant ni de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
En conséquence, la Commission administrative considère que le Requérant a établi prima facie que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
En outre, en l’absence de réaction du Défendeur, la Commission administrative estime que le Requérant a satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs dispose qu’aux fins du paragraphe 4(a)(iii), la preuve que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, notamment, par les circonstances suivantes:
(i) l’enregistrement ou l’acquisition du nom de domaine litigieux a été réalisé dans le but de vendre, louer ou céder de toute autre manière l’enregistrement du nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque commerciale ou de la marque de service, ou à un concurrent du Requérant, à titre onéreux pour une contrepartie dépassant les frais que le Défendeur peut prouver avoir déboursé en lien directe avec ledit nom de domaine; ou
(ii) l’enregistrement du nom de domaine a été réalisé en vue d’empêcher le Requérant, propriétaire de la marque commerciale ou de la marque de service, de refléter la marque dans un nom de domaine correspondant, dans la mesure où le Défendeur a adopté un comportement de ce type; ou
(iii) l’enregistrement du nom de domaine a été effectué essentiellement pour interrompre l’activité du concurrent; ou
(iv) par l’usage du nom de domaine, le Défendeur a essayé intentionnellement d’attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du Requérant quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site web ou destination en ligne ou d’un produit ou d’un service offert sur celui-ci.
Cette liste n’est toutefois pas limitative et d’autres circonstances peuvent établir la mauvaise foi (Playboy Enterprises International Inc. c. SAND WebNames - For Sale, Litige OMPI No. D2001-0094; General Electric Company c. Fisher Zvieli, a/Wa Zvieli Fisher, Litige OMPI No. D2000-0377).
La reproduction du logo déposé à titre de marque du Réquérant sur le site Internet accessible via le nom de domaine litigieux ainsi que la similarité des services prétendument proposés par le biais du nom de domaine litigieux démontrent que le Défendeur avait connaissance de l’existence du Requérant, de ses marques et de ses activités. Il ressort ainsi de l’ensemble des informations fournies que l’enregistrement a été réalisé de mauvaise foi.
En outre, le nom de domaine litigieux est fortement similaire aux marques dont le Requérant est titulaire ce qui entraine un risque de confusion pour les utilisateurs Internet. Cela conduit inévitablement un détournement du trafic Internet du site du Requérant vers celui de Défendeur; circonstances révélatrices de l’usage de mauvaise foi du Défendeur (Crédit Mutuel Arkéa v. Fédération du Crédit Mutuel de Bretagne c. Louis Stephane, Litige OMPI No. D2017-2214).
Enfin, le fait que l’inscription/l’enregistrement des utilisateurs sur le site frauduleux était possibles aux fins vraisemblablement de collecter leurs données personnelles et qu’un serveur de messagerie relié au nom de domaine était présent sur ce même site démontrent un usage de mauvaise foi du Défendeur du nom de domaine litigieux.
Par conséquence, en application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs et au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <humanis-credit.com> soit transféré au Requérant.
Stéphane Lemarchand
Expert Unique
Le 26 avril 2018