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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

M. Emmanuel Forsans et Chips Interactive (dont le nom commercial est “Agence Française pour le Jeu Vidéo” ou “AFJV”) contre M. Julien Villedieu, agissant au nom et pour le compte du Syndicat National du Jeu Vidéo (“SNJV”)

Litige No. D2019-1856

1. Les parties

Les Requérants sont M. Emmanuel Forsans et Chips Interactive (dont le nom commercial est “Agence Française pour le Jeu Vidéo” ou “AFJV”), France, représentés par le cabinet Selarl Colbert Paris, France.

Le Défendeur est M. Julien Villedieu, agissant au nom et pour le compte du Syndicat National du Jeu Vidéo (“SNJV”), représenté par le cabinet DBK, France.

2. Noms de domaine et unité d’enregistrement

Les noms de domaine litigieux <academie-jeuvideo.com>, <academiejeuvideo.com>, <academiejeuvideo.org>, <academie-jeuxvideo.com> et <academie-jeuxvideo.org> sont enregistrés auprès de 1&1 IONOS Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par les Requérants M. Emmanuel Forsans et Chips Interactive (dont le nom commercial est “Agence Française pour le Jeu Vidéo” ou “AFJV”) auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 2 août 2019. En date du 2 août 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par les Requérants. Le 5 août 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 7 août 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Requérants avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et demandant aux Requérants de soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Les Requérants ont déposé une plainte amendée le 8 août 2019.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 13 août 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 septembre 2019. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 3 septembre 2019.

Le 9 septembre 2019, les Requérants ont transmis au Centre une “déclaration supplémentaire” (c’est-à-dire des observations additionnelles à leur plainte).

Le 11 septembre 2019, le Défendeur a adressé au Centre une “déclaration supplémentaire” (c’est-à-dire des observations additionnelles à sa réponse).

En date du 13 septembre 2019, le Centre nommait Fabrice Bircker comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Les Requérants sont notamment actifs dans l’organisation de cérémonies de remises de prix décernés à des acteurs du domaine des jeux vidéo. Ainsi, depuis 2013, ils organisent la cérémonie des Ping Awards.

M. Forsans détient la marque française ACADEMIE DU JEU VIDEO, déposée le 14 avril 2016, enregistrée sous le n° 4264819 pour identifier des services des classes 35, 38, 41 et 42.

En classe 41, cette marque désigne notamment les services : “divertissement; activités culturelles; organisation de concours (divertissement)”.

Le Défendeur, M. Villedieu, est le délégué général du Syndicat National du Jeu Vidéo et indique expressément agir au nom et pour le compte dudit syndicat.

Le Syndicat National du Jeu Vidéo a pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts des professionnels de l’industrie du jeu vidéo.

Les noms de domaine litigieux ont été réservés respectivement aux dates suivantes :

- <academie-jeuvideo.com> : le 18 juin 2018
- <academie-jeuxvideo.com> : le 18 juin 2018
- <academie-jeuxvideo.org> : le 18 juin 2018
- <academiejeuvideo.com> : le 13 mai 2019
- <academiejeuvideo.org> : le 13 mai 2019

Ils dirigent vers un site Internet dénommé Académie des arts et techniques du jeu vidéo, lequel présente les activités de ladite académie.

Parmi ses activités figure l’organisation d’une cérémonie de remise de prix dénommés les Pégase et récompensant des acteurs des jeux vidéo.

5. Argumentation des parties

Les arguments des parties sont extrêmement nombreux, riches et variés. Il s’agit en substance des suivants :

A. Requérants

Langue de la procédure

Les Requérants demandent que la procédure doit être conduite en français, notamment en raison de la nationalité des parties.

Identité ou similitude prêtant à confusion

Les Requérants font valoir que les noms de domaine litigieux sont identiques ou à tout le moins similaires à la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO dès lors que leurs radicaux ne diffèrent de cette expression que par des éléments de détails ne pouvant suffire à rendre les signes différents (à savoir, la suppression de la préposition “du” et des accents ainsi que, pour certains, la présence de tirets et/ou la forme plurielle).

Ils avancent également que les extensions génériques de premier niveau (“gTLD”) “.org” et “.com” ne permettent pas non plus de rendre les noms de domaine litigieux différents de la marque invoquée.

Les Requérants estiment que l’utilisation de l’intégralité du signe de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO par le Défendeur au sein des noms de domaine litigieux constitue une violation des droits de M. Forsans et crée un risque de confusion dans l’esprit des internautes et des professionnels du secteur du jeu vidéo en France.

A cet égard, ils soutiennent qu’une requête portant sur “Académie du Jeu Vidéo” effectuée sur un moteur de recherche génère des résultats où l’académie du Défendeur apparait avant leur académie.

Les Requérants concluent que l’acquisition et l’utilisation des noms de domaine litigieux par le Défendeur portent également atteinte aux intérêts et aux droits de l’AFJV.

Absence de droit ou d’intérêt légitime

Les Requérants commencent par indiquer que les Ping Awards et leur Académie du Jeu Vidéo remportent tous les ans un très large succès.

Ils font également valoir que le président du SNJV a lui-même participé aux interviews diffusées lors de la cérémonie.

Ils mentionnent que jusqu’au dépôt des noms de domaine litigieux, le Défendeur n’a pas, à leur connaissance, mis en place de cérémonie incluant le terme “Académie”.

Ils indiquent également que le Défendeur n’a pas non plus contacté les Requérants en vue de participer à sa cérémonie de remise des prix et n’a en aucune circonstance sollicité l’autorisation d’utiliser la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO.

Par ailleurs, les Requérants effectuent des développements sur les points suivants :

- Sur l’absence de lien entre les noms de domaine litigieux et le nom du Défendeur

Les Requérants font valoir que le Défendeur a annoncé en juin 2019 la création d’une cérémonie de remise de prix dédiés aux jeux vidéo et la création d’une Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo chargée d’attribuer ces nouvelles récompenses.

Selon les Requérants, cette situation participe à véhiculer l’idée que seule la cérémonie des Pégase est organisée par une “Académie”, et ce d’autant plus que le site Internet présentant la cérémonie organisée par les Défendeurs est accessible via des noms de domaine identiques ou à tout le moins similaires à la marque de M. Forsans.

Les Requérants s’étonnent également du fait que le site Internet du Défendeur soit accessible via des noms de domaine identiques ou à tout le moins similaires à la marque de M. Forsans, alors que le nom de son académie est Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo.

Les Requérants soutiennent également que le Défendeur n’est pas connu sous le nom Académie du Jeu Vidéo.

Selon les Requérants, il aurait été légitime que les noms de domaine renvoyant au site Internet du Défendeur comprenne certains des éléments de son nom, notamment les termes “Arts et Techniques”.

- Sur l’absence d’utilisation antérieure et de bonne foi, par le Défendeur, des noms de domaine en relation avec une offre de services :

Les Requérants soutiennent que l’absence de droits ou intérêts légitimes du Défendeur relativement à l’utilisation des noms de domaine litigieux découle de ce qui suit :

- le Défendeur avait connaissance des projets de création de l’Académie par les Requérants,
- le Défendeur n’a pas été autorisé par les Requérants à utiliser les noms de domaine litigieux, alors qu’ils copient à l’identique ou très similairement la marque et la cérémonie,
- le Défendeur n’avait pas créé l’Académie, ou une cérémonie de remise de prix, sous le nom d’Académie du Jeu Vidéo, avant l’enregistrement des noms de domaine litigieux,
- le Défendeur n’avait pas entamé de travaux ni de recherches relatifs à une telle création, avant l’enregistrement des noms de domaine litigieux.

Enfin, les Requérants font valoir que le Défendeur se prévaudra sans doute du fait que la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO serait descriptive.

A cet égard, les Requérants répliquent par anticipation que cette marque a été acceptée à l’enregistrement par l’Institut National de la Propriété Industrielle, notamment en classe 41 pour les services “divertissement; activités sportives et culturelles; informations en matière de divertissement; organisation de concours (divertissement); organisation d’expositions à buts culturels; réservation de places de spectacles”.

Ils font également valoir qu’au regard de la définition du terme “académie”, la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO appliquée à un service d’organisation d’une compétition entre éditeurs de jeux vidéo, ne constitue pas la désignation nécessaire, générique ou usuelled’un tel service, et doit être considérée comme distinctive.

Les Requérants se prévalent également de décisions de l’INPI, rendues dans le cadre de procédures d’oppositions, ayant reconnu qu’il existait un risque de confusion entre des marques dont les signes partagent le terme “académie / academy”.

Enregistrement et usage de mauvaise foi :

Les Requérants commencent par rappeler que le Défendeur avait connaissance de l’existence de l’Académie du Jeu Vidéo, de sorte qu’il ne peut prétendre avoir réservé de bonne foi les noms de domaine litigieux.

Puis, les Requérants font valoir que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés pour interrompre l’activité d’un concurrent.

A cet égard, les Requérants arguent que la création des Pégase fait du Défendeur un de leurs concurrents directs, au regard de l’organisation d’une cérémonie de remise de prix aux acteurs de l’industrie du jeu vidéo français.

Les Requérants soutiennent que l’utilisation des noms de domaine litigieux n’a pas pour objectif de valoriser une cérémonie alternative de remise des prix dans le secteur du jeu vidéo Français, mais a pour seul objectif de détourner le public de leur site Internet au profit de celui du Défendeur.

Ensuite, les Requérants avancent que l’utilisation des noms de domaine litigieux est faite intentionnellement afin d’attirer à des fins commerciales, des utilisateurs d’internet sur le site web du Défendeur en créant un risque de confusion avec la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO.

A cet égard, les Requérants indiquent que le Défendeur ne leur est pas affilié et qu’il ne détient aucun droit légitime eu égard à l’utilisation des noms de domaine litigieux.

Les Requérants font valoir que compte tenu de la proximité entre les noms de domaine litigieux et la marque invoquée, l’utilisation desdits noms de domaine litigieux constitue un détournement de trafic Internet vers le site du Défendeur, et à ce leur détriment.

Ils avancent également que la proximité entre les droits en conflit crée un risque de confusion pour les usagers d’Internet, ces derniers étant susceptibles d’associer les noms de domaines litigieux à des sites affiliés aux Requérants.

A cet égard, les Requérants indiquent que l’internaute qui accède au site Internet accessible via les noms de domaine litigieux ne se rendra pas compte qu’il n’est pas sur le site des Requérants. En effet, selon les Requérants, si le site accessible via les noms de domaine litigieux mentionne le nom complet Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo, un observateur d’attention moyenne considérera que l’Académie des Arts et techniques du Jeu Vidéo constitue l’appellation exacte de l’Académie du Jeu Vidéo, et qu’il s’agit d’un même évènement. Les Requérants ajoutent que si les mentions “Arts et Techniques” apparaissent dans le sous-titre des annonces du Syndicat sur la page Internet, elles sont reproduites en caractères réduits, empêchant un observateur d’attention moyenne de réaliser que le site référencé n’est pas le leur, mais celui du Défendeur.

Ainsi, les Requérants réitèrent qu’une telle pratique crée un risque de confusion entre les deux Académies et détourne au profit du Défendeur le trafic Internet qui leur est normalement destiné.

Les Requérants poursuivent en faisant valoir que la similarité des deux événements crée un risque accru de confusion et de détournement, au profit du Défendeur, des professionnels du secteur et des institutions susceptibles de les subventionner.

Les Requérants soutiennent également que l’usage des noms de domaine litigieux accroit le risque que la cérémonie organisée par le Défendeur soit substituée à celle, plus ancienne, qu’eux-mêmes organisent. Ils insistent sur le fait que cet usage permet également d’attirer l’attention des institutions susceptibles de subventionner les cérémonies de remise de prix en laissant penser qu’il s’agit du prix représentant le mieux le secteur du jeu vidéo français.

En dernier lieu, les Requérants anticipent sur le fait que le Défendeur pourrait leur opposer que son utilisation des termes “Académie du Jeu Vidéo” est dénuée de tout intérêt économique, commercial ou financier, dès lors que cet usage émane d’un syndicat.

Sur ce point, les Requérants font valoir que le lancement de l’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo du Défendeur a donné lieu à une vaste campagne de promotion dans les journaux et que la page Internet de l’académie du Défendeur bénéficie d’un excellent référencement dans les moteurs de recherche en raison de l’utilisation des noms de domaine litigieux.

Selon les Requérants, cette situation laisse penser aux acteurs du secteur du jeu vidéo français que le Défendeur organise le principal événement relatif aux jeux vidéo en France.

Ainsi, les Requérants estiment que cette première place présente des avantages évidents pour le Défendeur, notamment en lui permettant de se prévaloir d’une notoriété qui n’est pas la sienne et à laquelle le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée pourrait être sensible lorsqu’il attribue des subventions, et ce alors qu’à ce jour ce sont eux qui bénéficient de ses subventions.

Les Requérants ajoutent que la publicité médiatique orchestrée autour du lancement des Pégase est une occasion pour le Défendeur d’accroitre le nombre de ses membres et donc le montant des souscriptions reçues.

En conclusion, les Requérants estiment que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés de mauvaise foi par le Défendeur et que cet enregistrement lui permet de détourner les acteurs du secteur de la cérémonie des Ping Awards et de capter la notoriété et l’antériorité des cérémonies qu’ils organisent.

Ainsi, les Requérants demandent le transfert à leur profit des noms de domaine litigieux.

B. Défendeur

De manière liminaire, le Défendeur indique que s’il est identifié dans la base de données WhoIs sous le nom Julien Villedieu, cette personne agit néanmoins au nom et pour le compte du SNJV.

Identité ou similitude prêtant à confusion

En premier lieu, le Défendeur fait valoir que l’un des Requérants, à savoir Chips Interactive, ne démontre pas avoir de droits sur une marque.

Ainsi, le Défendeur soutient que la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO, qui sert de base à la plainte des Requérants, appartient à M. Forsans. Or, selon le Défendeur, Chips Interactive ne démontre pas être titulaire ou licenciée de la marque invoquée, et les circonstances de l’affaire ne permettent pas de le déduire, faute notamment de tout usage des termes “académie du jeu vidéo” par cette société.

En conséquence, le Défendeur estime que, faute pour Chips Interactive de disposer d’un droit sur la marque, son action est irrecevable.

En second lieu, le Défendeur soutient que la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO est descriptive et ne peut être prise en compte.

A cet égard, le Défendeur commence par avancer que certaines commissions administratives ont jugé qu’elles peuvent ne pas tenir compte d’une marque enregistrée si elle est descriptive.

Or, en l’espèce, le Défendeur argue que l’enregistrement de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO a été partiellement rejeté par l’INPI en raison de son caractère descriptif.

S’agissant des services pour laquelle marque a été enregistrée, le Défendeur se prévaut du fait que l’enregistrement de la marque par l’INPI ne vaut ni validation définitive de son caractère distinctif, ni impossibilité pour le Défendeur d’en obtenir la nullité devant les tribunaux.

Ainsi, selon le Défendeur, l’organisation de concours entre les membres d’une académie et/ou entre les membres de la spécialité dans laquelle elle intervient est une activité traditionnelle des académies. Le Défendeur indique également que c’est pour cette raison que des marques désignant des académies ont été refusées par l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle notamment pour des services d’éducation et de planification de réceptions.

En conclusion, le Défendeur soutient que la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO est descriptive des services d’organisation de concours dans l’industrie du jeu vidéo et ne doit donc pas être prise en compte au regard du paragraphe 4(a)(i) des Principes Directeurs, de sorte que la plainte doit être rejetée sur cette base.

Absence de droit ou d’intérêt légitime

Dans un premier temps, le Défendeur indique qu’avant d’avoir eu connaissance du litige, il a utilisé les noms de domaine litigieux et l’expression correspondante en relation avec une offre de bonne foi de services.

Ainsi, après avoir indiqué qu’il a été informé de la situation litigieuse des noms de domaine visés par la présente procédure par la réception le 2 juillet 2019 d’une lettre recommandée émanant du conseil des Requérants, le Défendeur fait valoir qu’il a entamé des travaux préparatoires à l’utilisation des noms de domaine et du nom correspondant en 2012 et qu’il les utilise de bonne foi depuis le 8 juin 2019 pour présenter son académie du jeu vidéo.

A cet égard, le Défendeur se prévaut de la chronologie des événements suivante :

- 2012, naissance au sein du SNJV de l’idée de créer une académie du jeu vidéo sur le modèle de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, qui décerne les César,
- fin 2014, le projet d’académie du jeu vidéo a été présenté par le SNJV aux institutionnels du secteur,
- à partir de l’année 2015, le SNJV a échangé avec les membres de l’Académie du cinéma sur le projet de création d’une académie du jeu vidéo remettant des prix, sur le modèle de l’Académie du cinéma,
- en mars 2016, le SNJV a tenu un conseil d’administration dont l’ordre du jour comportait la “Présentation de la démarche sur l’Académie des arts et techniques du Jeu Vidéo”,
- le 30 mars 2016, le SNJV a rencontré M. Forsans, afin de lui présenter les détails du projet d’académie du jeu vidéo et ce dernier, selon le Défendeur, n’a pas donné une suite favorable à cette proposition,
- le 14 avril 2016, M. Forsans a déposé la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO. Le Défendeur soutient avoir découvert l’existence de cette marque à l’occasion de la présente procédure,
- Le Défendeur indique avoir poursuivi son travail pour aboutir le 18 juin 2018 à l’annonce aux professionnels de la création de son académie du jeu vidéo,
- également en date du 18 juin 2018, et sur les conseils de son agence de relations publiques, le Défendeur indique avoir fait réserver certains des noms de domaine litigieux pour faire le parallèle avec le cinéma car l’Académie des arts et technique du cinéma, qui décerne les César, dispose d’un site accessible via le nom de domaine <academiecinema.org>,
- le 5 juin 2019, le Défendeur a annoncé au grand public le lancement de l’académie du jeu vidéo et l’organisation d’une cérémonie de remise de prix intitulés les Pégase pour 2020,
- depuis le 8 juin 2019, le site de l’académie du jeu vidéo est accessible par les noms de domaine litigieux et est exploité par le Défendeur pour présenter l’académie du jeu vidéo, ses missions et le prix qu’elle décerne.

Dans ces conditions, le Défendeur estime utiliser les noms de domaine litigieux et le nom correspondant en relation avec une offre de bonne foi de services et avoir fait des préparatifs sérieux à cet effet, et ce avant d’avoir eu connaissance du litige.

Dans un deuxième temps, le Défendeur se prévaut de ce qu’il fait un usage non commercial légitime des noms de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ou de ternir la marque invoquée par les Requérants.

A cet égard, le Défendeur commence par avancer que son utilisation des noms de domaine litigieux est légitime et non commerciale car le site y accessible est exclusivement dédié à la présentation de l’académie du jeu vidéo et de la cérémonie de remise des prix des Pégase.

En outre, le Défendeur fait valoir que le fait de pouvoir prétendre à une subvention du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée n’est pas le signe nécessaire d’une utilisation commerciale des noms de domaine litigieux car ces derniers ne sont pas utilisés à titre principal à des fins lucratives.

Le Défendeur soutient également que son utilisation des noms de domaine litigieux ne vise pas à détourner indûment les consommateurs.

A cet égard, le Défendeur réfute les prétentions des Requérants selon lesquelles l’utilisation des noms de domaines litigieux n’a pas pour but de valoriser une cérémonie alternative de remise des prix dans le secteur du jeu vidéo français, mais a pour seul objectif de détourner le public de leur site Internet vers celui du Défendeur, en usurpant une notoriété qui n’est pas la sienne.

Selon le Défendeur, seule l’action de M. Forsans est recevable et ce dernier n’édite pas de site Internet, de sorte qu’aucun détournement n’est possible.

Le Défendeur ajoute qu’en tout état de cause, même en incluant Chips Interactive, les Requérants n’ont jamais utilisé les termes “académie du jeu vidéo” à titre de marque, de sorte que ladite marque ne possède aucune notoriété et qu’aucun détournement n’est donc possible.

En outre, le Défendeur prétend notamment que les Requérants ont modifié le site Internet accessible à l’adresse “www.ping-awards.com”, après l’annonce par le Défendeur de la création de son académie du jeu vidéo et l’enregistrement des premiers noms de domaine litigieux en juin 2018, pour faire croire que le communiqué de 2016 comportait ab initio le titre “Création de l’Académie du Jeu Vidéo”.

Le Défendeur avance également que les deux seules occurrences de l’usage des termes “académie du jeu vidéo” fait par les Requérants ne sont apparues qu’en réaction à l’annonce par le SNJV de la création de son académie du jeu vidéo et en vue de faire barrage à leur usage légitime par le SNJV.

Ainsi, le Défendeur soutient que la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO n’a pas été utilisée avant l’enregistrement des premiers noms de domaine litigieux en juin 2018, et qu’elle a été utilisée deux fois de manière illégitime en juillet 2018 en réaction aux annonces du SNJV, de sorte qu’elle ne possède aucune notoriété.

Dans ces circonstances, le Défendeur estime qu’il est exclu qu’un internaute puisse rechercher des informations sur les Requérants ou les Ping Awards en tapant les mots “académie du jeu vidéo” dans un moteur de recherche, et qu’il est tout aussi exclu que le consommateur puisse considérer que l’Académie des Arts et techniques du Jeu Vidéo constitue l’appellation exacte de l’Académie du Jeu Vidéo, et qu’il s’agit d’un même évènement.

En définitive, pour le Défendeur aucun détournement du public n’est donc possible.

Par ailleurs, le Défendeur fait valoir que l’utilisation des noms de domaine litigieux ne vise pas à ternir la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO et qu’aucune preuve n’est apportée à cet égard par les Requérants.

Dans un troisième temps, le Défendeur fait valoir qu’il a enregistré et qu’il utilise véritablement les noms de domaine litigieux en lien avec leur signification du dictionnaire, et non pour porter atteinte à la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO.

A cet égard, le Défendeur se prévaut du fait que les noms de domaine litigieux sont composés des termes du dictionnaire “académie jeu vidéo” et qu’il les utilise véritablement en relation avec cette signification.

Le Défendeur ajoute que faute de tout usage par les Requérants de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO celle-ci ne peut disposer de quelque goodwill (notion qu’il définit comme la valeur de la marque issue de sa reconnaissance sur le marché) que ce soit, de sorte que le Défendeur ne peut vouloir tirer parti d’un quelconque goodwill.

En conclusion, le Défendeur sollicite le rejet de la plainte.

Enregistrement et usage de mauvaise foi

En substance, le Défendeur sollicite le rejet de la plainte car les conditions d’enregistrement et d’usage des noms de domaine litigieux ne sont pas remplies.

Dans un premier temps, le Défendeur fait valoir que le site web accessible via les noms de domaine litigieux contenait avant l’introduction de la plainte un contenu crédible correspondant à la signification dans le dictionnaire des termes constitutifs desdits noms de domaine. Il poursuit en indiquant que, corrélativement, rien ne démontre que son exploitation des noms de domaine litigieux visait la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO.

Dans un deuxième temps, le Défendeur avance qu’il n’avait pas, au jour de l’enregistrement des noms de domaine litigieux, connaissance de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO, qui n’est qu’un ensemble de termes génériques non associés aux Requérants.

A cet égard, le Défendeur fait valoir qu’au moment de l’enregistrement des premiers noms de domaine litigieux (le 18 juin 2018), la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO était certes enregistrée mais n’avait jamais été utilisée par les Requérants.

Le Défendeur ajoute que ce n’est qu’après qu’il ait annoncé la création de son académie du jeu vidéo que les Requérants ont utilisé deux fois, en juillet 2018, les termes “académie du jeu vidéo”.

Ainsi, selon le Défendeur, rien ne permet de conclure qu’il connaissait la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO, en l’absence de tout usage de celle-ci avant l’enregistrement des premiers noms de domaine litigieux réservés le 18 juin 2018 et en raison d’un usage illégitime avant l’enregistrement des autres noms de domaine litigieux réservés le 13 mai 2019.

Le Défendeur indique également que les noms de domaine litigieux ayant une signification générique / du dictionnaire en français, il est facilement concevable qu’il n’était pas au courant de leur association alternative avec la marque invoquée par les Requérants.

Le Défendeur fait également valoir que les termes “académie du jeu vidéo” ne sont pas associés distinctement aux Requérants.

Le Défendeur rappelle que faute de tout usage de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO, il est mensonger d’affirmer, comme cela apparait dans la plainte, que “le Défendeur avait connaissance de l’existence de l’Académie du Jeu Vidéo avant sa création, puis lors de ses premiers événements”.

En conclusion, le Défendeur estime que les Requérants ne rapportent pas la preuve d’un enregistrement et d’un usage de mauvaise foi des noms de domaine litigieux, de sorte que la plainte doit être rejetée.

Dans un troisième temps, le Défendeur fait valoir qu’il est fantaisiste de considérer que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés essentiellement pour interrompre l’activité d’un concurrent.

Ainsi, le Défendeur indique qu’en raison de sa qualité de syndicat professionnel, sans but non lucratif, il n’est pas en concurrence avec les Requérants.

Le Défendeur indique également que rien ne prouve que les noms de domaine litigieux aient été enregistrés essentiellement dans le but de perturber l’activité des Requérants.

A cet égard, le Défendeur prétend que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés pour présenter au public son académie du jeu vidéo, concrétisant ainsi plusieurs années de réflexion sur le sujet.

Enfin, le Défendeur fait valoir que l’utilisation des noms de domaine litigieux n’est pas faite intentionnellement afin d’attirer à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet sur le site web en créant un risque de confusion avec la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO.

En effet, selon le Défendeur, faute de tout usage des termes “académie du jeu vidéo” par les Requérants, qui ne sont connus de l’industrie que pour leur activité sous le nom commercial AFJV et pour la cérémonie des Ping Awards qu’ils organisent, aucun détournement du public n’est possible.

Le Défendeur rajoute qu’aucune confusion n’est en particulier possible pour les professionnels du secteur, qui sont parfaitement conscients de la distinction entre le SNJV et Chips Interactive, qui interviennent tous deux de longue date dans l’industrie.

Abus de la procédure (Reverse Domain Name Hijacking)

Le Défendeur estime qu’eu égard à la chronologie des faits, il est clair que les Requérants savaient que leur plainte ne pourrait aboutir.

Le Défendeur rappelle que sa démarche en vue de la création de son académie du jeu vidéo a été présentée formellement aux Requérants dès le mois de mars 2016, avec notamment la remise dès le 12 avril 2016 d’une note détaillée intitulée “Académie du Jeu Vidéo – AJV”.

Le Défendeur rajoute qu’il a informé en toute transparence les Requérants de l’annonce auprès des professionnels du lancement de son académie du jeu vidéo au Game Camp du 18 juin 2018, puis auprès du grand public en juin 2019.

Le Défendeur estime que dans ces conditions sa bonne foi et son intérêt légitime étaient manifestement incontestables, ce que les Requérants savaient parfaitement, ce qui suffit à aboutir à la conclusion que la plainte a été déposée de mauvaise foi.

Le Défendeur fait également valoir que les Requérants n’ont eu de cesse d’induire en erreur la Commission administrative, en fournissant notamment des preuves matérielles incomplètes ou fausses.

A cet égard, le Défendeur estime notamment que la communication en Annexe 22 (des écritures des Requérants) d’un communiqué de presse présenté comme le communiqué de presse d’origine, alors même que ce communiqué a été modifié a posteriori en juillet 2018 afin de faire croire à l’usage des termes “académie du jeu vidéo” par les Requérants depuis 2016, est inacceptable.

En conclusion, le Défendeur demande que la Commission administrative déclare dans sa décision que la plainte a été déposée de mauvaise foi et qu’elle constitue un abus de la procédure administrative par les Requérants en vertu du paragraphe 15(e) des Règles d’application.

C. Observations additionnelles des Requérants

Les Requérants estiment inexacte la déclaration du Défendeur selon laquelle il a réservé les noms de domaine litigieux au nom et pour le compte du SNJV, puisque le SNJV indique lui-même avoir déposé les noms de domaine litigieux pour le compte d’une société commerciale, la SAS SNJV Événements, créée le 30 juillet 2019.

Les Requérants concluent de ces faits nouveaux que M. Villedieu et le SNJV ont sciemment dissimulé au Centre l’existence de la SAS SNJV Événements, ainsi que le fait que les noms de domaine litigieux appartiennent à cette société.

Les Requérants estiment que le Défendeur a volontairement choisi de dissimuler des éléments essentiels de l’affaire dans sa réponse à la plainte.

Selon les Requérants, ni M. Villedieu, ni le SNJV n’ont d’intérêt à agir en l’espèce.

En conséquence, les Requérants demandent au Centre de se prononcer sur la poursuite de la plainte contre le nouveau défendeur identifié en lieu et place de M. Villedieu et du SNJV, à savoir SAS SNJV Evénements.

Les Requérants estiment être fondés à déposer des écritures additionnelles car ils ont appris fortuitement la constitution de la société commerciale SNJV Evénements enregistrée le 30 juillet 2019, chargée de gérer l’académie du SNJV.

Les Requérant considèrent que cette situation vient contredire sans aucune ambigüité l’affirmation du Défendeur selon laquelle le SNJV et les Requérants ne seraient pas en concurrence.

Par ailleurs, les Requérants font valoir que les annexes communiquées par le Défendeur révèlent l’obsession du SNJV à l’égard des actions menées par M. Forsans et l’AFJV, ainsi que sa profonde hostilité à leur égard.

Les Requérants indiquent qu’il ressort des annexes communiquées par le Défendeur que M Villedieu et le SNJV ne peuvent prétendre ne pas avoir pris en compte la remise de prix organisée par les Requérants lors du choix des noms de domaine litigieux, alors que les échanges entre les parties démontrent que le SNJV porte une attention toute particulière aux initiatives mises en place par M. Forsans et l’AFJV.

Les Requérants avancent également que les annexes à la réponse du Défendeur ne permettent pas d’établir la réalité de l’utilisation des noms de domaine litigieux dans le cadre de travaux préparatoires en relation avec une offre de bonne foi de biens et services.

Ainsi, selon les Requérants, les noms de domaines litigieux, sous la forme de la marque ACADEMIE DU JEU VIDEO, n’apparaissent qu’à deux reprises au sein des annexes du Défendeur : dans un email et sa pièce jointe en date du 12 avril 2016 (Annexe 14 du Défendeur).

Les Requérants considèrent que le contenu de cette annexe permet tout au plus au Défendeur et au SNJV d’indiquer qu’ils contestent à M. Forsans la paternité de l’Académie du Jeu Vidéo. Elle n’en rapporte cependant pas la preuve, d’autant que M. Forsans estime précisément être à l’origine de l’idée d’Académie.

Ainsi, les Requérants arguent que la mention ponctuelle et vague des noms de domaine litigieux à deux reprises en sept ans ne peut être considérée comme répondant aux critères définissant un travail préparatoire en relation avec une offre de bonne foi de biens et services.

Les Requérants en concluent que le Défendeur et le SNJV ne justifient dès lors ni d’un droit, ni d’un intérêt légitime à l’utilisation des noms de domaine litigieux.

Par ailleurs, les Requérants souhaitent également souligner qu’ils ne pouvaient en aucun cas anticiper que la défense de la marque invoquée serait présentée comme une procédure abusive par le Défendeur, au motif qu’il a produit des copies d’écran actualisées du site Internet de l’AFJV.

Ainsi, les Requérant estiment que s’ils avaient souhaité induire en erreur la Commission administrative, ils auraient modifié la durée de cinq ans mentionnée sur la page produite, afin précisément de masquer le fait que la page avait été actualisée pour tenir compte de la durée écoulée depuis le lancement de l’Académie.

Les Requérants ajoutent que le communiqué de presse initial continue à être en libre accès sur le site de l’AFJV, sans aucune modification.

Les Requérants précisent également que le fait que le titre de la rubrique ait été modifié en 2018, ne peut être présenté comme une manœuvre visant à s’opposer à l’utilisation de noms de domaine associés à un site Internet dont l’exploitation a débuté en juin 2019.

Ensuite, les Requérants font valoir que le SNJV exploite une société commerciale pour promouvoir et exploiter son Académie.

Selon les Requérants, cette situation montre que le SNJV a clairement cherché à tromper la Commission administrative en affirmant que les noms de domaine litigieux n’étaient pas associés à une société commerciale, alors que dans le même temps, il procédait à la création d’une telle société.

D. Observations additionnelles du Défendeur

Dans un premier temps, le Défendeur indique que la circonstance nouvelle identifiée par les Requérants afin de légitimer la prise en compte de leurs observations additionnelles par la Commission administrative, n’existe pas.

Ainsi, le Défendeur soutient que les statuts de la société SNJV Événements n’indiquent aucunement que le SNJV aurait enregistré les noms de domaine litigieux pour le compte de ladite société.

Le Défendeur ajoute que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés le 18 juin 2018 (pour 3 d’entre eux) et le 13 mai 2019 (pour 2 d’entre eux).

Dans ce contexte, le Défendeur indique que pour déterminer le point de départ de la période de formation d’une société en droit français, il faut tenir compte de la volonté des fondateurs et des actes qu’ils accomplissent : les actes passés doivent avoir force obligatoire et traduire la volonté univoque de leur(s) auteur(s) de créer une société.

Ainsi, le Défendeur estime qu’en l’espèce, les statuts ont été déposés le 17 juillet 2019 et, même si le projet de création d’une société était discuté de longue date au sein du SNJV, c’est lors du conseil d’administration du SNJV du 20 juin 2019 que la décision de la créer a été prise.

Sur cette base, le Défendeur considère que le point de départ de la formation de la société SNJV Evènements est, au plus tôt, le 20 juin 2019.

Ainsi, selon le Défendeur, les noms de domaine litigieux ont été enregistrés respectivement un an et un mois avant le point de départ de la formation de la société SNJV Evènements, à des dates où cette dernière n’était pas en formation.

Le Défendeur conclut que les noms de domaine litigieux n’ont pas pu être enregistrés pour le compte de cette société.

Le Défendeur précise que la seule mention relative à des noms de domaine figurant dans les statuts de la société SNJV Événements figure dans la partie consacrée aux reprises d’actes réalisés pour le compte de la société en formation, et précise que, parmi les actes réalisés par le SNJV pour le compte de la société en formation figure l’enregistrement de noms de domainepour un total de 50 EUR, auprès de l’unité d’enregistrement 1&1. Le Défendeur indique que cette mention correspond en fait au montant que le SNJV avait prévu pour un budget noms de domaine de la société SNJV Evènements et qu’elle a été reportée automatiquement dans les statuts. Le Défendeur ajoute que la dépense n’a cependant pas encore été réalisée, faute d’avoir choisi en temps utile ce ou ces noms de domaine pour la société, et que les statuts seront rectifiés pour en tenir compte. Le Défendeur relève également que la mention dans les statuts d’une dépense de 50 EUR pour des noms de domaine ne peut pas correspondre à la réservation des noms de domaine de l’académie du jeu vidéo, qui représente quant à elle une charge de 163.82 EUR pour le SNJV, dont environ 85 EUR depuis le 20 juin 2019.

Le Défendeur ajoute que la société SNJV Événements est appelée à gérer le Game Camp, la cérémonie des Pégase de l’Académie du jeu vidéo pour le compte du SNJV, et tous les autres événements organisés à l’initiative du SNJV.

Dans ces conditions, les Défendeurs font valoir que la société SNJV Événements n’est pas l’Académie du jeu vidéo du SNJV, contrairement à ce que laissent entendre les Requérants.

Le Défendeur indique que cette société apporte au SNJV son soutien administratif et opérationnel dans le cadre de ce projet et de la remise de prix correspondante, et qu’elle se destine à porter d’autres projets commerciaux sans lien avec l’Académie du jeu vidéo et la cérémonie des Pégase.

Le Défendeur ajoute que l’Académie du jeu vidéo est, depuis l’origine et jusqu’à ce jour, un projet du SNJV, et non d’une quelconque structure commerciale.

Le Défendeur fait également valoir que le site Internet accessible depuis les noms de domaine litigieux est identifié dans les mentions légales comme étant édité par le SNJV, et non par la société SNJV Événements.

Le Défendeur conclut que le bénéficiaire des noms de domaine litigieux est le SNJV, de sorte qu’il n’y a aucune circonstance nouvelle.

Pour le Défendeur, il résulte de cette situation qu’il est normal que le Centre et l’hébergeur n’aient pas été informés d’un non-évènement.

En outre, le Défendeur estime que les Requérants ont travesti les faits en lui faisant tenir, ainsi qu’au SNJV des propos qui ne sont pas les leurs et en donnant à leurs actes une interprétation volontairement erronée.

Par ailleurs, le Défendeur fait valoir que les Requérants pouvaient anticiper la création de la société SNJV Événements car le SNJV ne dispose pas des capacités pour porter la gestion administrative et opérationnelle d’un évènement tel que la cérémonie des Pégase (qui suppose des compétences spécifiques pour l’accueil et la sécurité des invités, l’accueil et la gestion des médias, le développement et la fabrication des supports de communication, l’organisation des votes, l’organisation et la mise en scène de la soirée, la gestion des droits audiovisuels, etc.).

De plus, selon le Défendeur, la structure associative sans but lucratif du SNJV est fiscalement inadaptée à ce projet (l’impossibilité de déduire la TVA restreignant très fortement ses possibilités de dépenses et ses capacités à recourir à des prestataires extérieurs).

Ainsi, le Défendeur avance que c’est de manière classique et évidente, et sur le modèle de l’Académie du Cinéma (qui délègue la gestion administrative et opérationnelle des César à une société commerciale filialisée), que le SNJV a proposé à son conseil d’administration en juin 2019 de créer une société commerciale filiale à 100% en vue de lui déléguer la gestion opérationnelle et administrative de la remise de prix de l’Académie.

Le Défendeur poursuit en indiquant que les Requérants, informés en toute transparence des initiatives du SNJV, pouvaient donc raisonnablement anticiper la création d’une société commerciale destinée à porter la gestion opérationnelle et administrative de la remise des prix de l’Académie.

Le Défendeur considère qu’aucune dissimulation ne saurait lui être reprochée, pas plus qu’au SNJV, la question des modalités techniques de la gestion des évènements du SNJV étant sans pertinence pour le cas d’espèce.

Au regard de ce qui précède, le Défendeur estime que les observations additionnelles des Requérants sont infondées et doivent être rejetées.

Le Défendeur fait valoir de manière subsidiaire que si la Commission administrative décidait de retenir les observations additionnelles des Requérants, il entend souligner les éléments suivants :

- le fait que le Défendeur et le SNJV aient contribué à créer le 17 juillet 2019 une société destinée, notamment, à porter la gestion opérationnelle et administrative de la remise des prix de l’Académie ne modifie en rien ses conclusions et le fait que la plainte ne peut qu’être rejetée et son caractère abusif caractérisé,

- sur les arguments développés par les Requérants en réplique aux écritures du Défendeur, il est exact d’indiquer que “les échanges entre les Parties démontrent que le SNJV porte une attention toute particulière aux initiatives mises en place par M. Forsans et l’AFJV”. En créant leur Académie du jeu vidéo, le Défendeur et le SNJV ont effectivement souhaité se démarquer distinctement des Ping Awards des Requérants, devenus Académie des Ping Awards le 15 avril 2016, trois jours après avoir reçu la note du SNJV sur l’Académie du jeu vidéo, cérémonie jugée non représentative et peu visible,

- l’Annexe 14 du Défendeur est constituée d’un email adressé par le SNJV à Monsieur Forsans lui transmettant “la proposition (..) concernant l’Académie du Jeu Vidéo indépendante” et comprend en pièce jointe la note fondatrice du SNJV intitulée “Académie du Jeu Vidéo”, présentant dès son premier paragraphe “l’Académie du Jeu Vidéo”. Cet email, ainsi que les autres échanges depuis 2012 communiqués à la procédure, prouvent très largement le bien‐fondé de la position du Défendeur,

- il est faux de dire que “Le requérant (…) ne pouvait en aucun cas anticiper que la défense de sa marque serait présentée comme une procédure abusive par le défendeur, au motif qu’il a produit des copies d’écran actualisées de son site Internet (…) le fait que le titre de la rubrique ait été modifié en 2018, ne peut être présenté comme une manœuvre visant à s’opposer à l’utilisation de noms de domaine associés à un site internet dont l’exploitation a débuté en juin 2019”. Le communiqué de presse auquel il est fait référence ici n’a pas été “actualisé”, faute pour les Ping Awards de s’être jamais appelés “Académie du Jeu Vidéo”. Le Défendeur considère que le communiqué de presse a en revanche été modifié en juillet 2018, quelques jours après l’annonce aux professionnels par le SNJV du lancement de son académie du jeu vidéo. Selon le Défendeur, la démarche est volontaire et vise à entraver les initiatives indépendantes et de bonne foi du défendeur et du SNJV.

6. Discussion et conclusions

A. Sur la langue de procédure

Les Requérants ont déclaré qu’à leur connaissance la langue du contrat d’enregistrement des noms de domaine litigieux est le français, tout en indiquant que si la Commission administrative devait retenir une autre langue pour ce contrat, alors ils demandaient à ce que la procédure soit conduite en français.

Il résulte du dossier que l’Unité d’enregistrement a fait savoir que la langue du contrat d’enregistrement des noms de domaine litigieux est bien le français.

En conséquence, il n’y a donc pas lieu de statuer sur la requête des Requérants visant à ce que le français soit la langue de la procédure.

La décision est donc rédigée en français, en accord avec le paragraphe 11 des Règles d’application.

B. Sur les communications additionnelles

Le paragraphe 12 des Règles d’application prévoit que la Commission administrative peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, demander des informations ou documents supplémentaires à chacune des parties dans le cadre de la procédure.

Ainsi, il n’y a pas de dispositions dans les Règles d’application prévoyant la possibilité pour les parties de soumettre des communications non sollicitées par la Commission administrative.

Parallèlement, le paragraphe 10 des Règles d’application dispose : “Pouvoirs généraux de la commission

(a) La commission conduit la procédure administrative de la manière qu’elle estime appropriée conformément aux principes directeurs et aux présentes règles.

(b) Dans tous les cas, la commission veille à ce que les parties soient traitées de façon égale et à ce que chacune ait une possibilité équitable de faire valoir ses arguments.

(c) La commission veille au bon déroulement de la procédure administrative. Elle peut exceptionnellement, à la demande d’une des parties ou d’office, prolonger un délai fixé par ces règles ou par elle-même.

(d) La commission détermine la recevabilité, la pertinence, la matérialité et le poids des preuves.

(e) La commission statue conformément aux principes directeurs et aux présentes règles sur toute demande d’une partie de consolider plusieurs litiges portant sur des noms de domaine.”

Et, aux termes du paragraphe 15(a) des Règles d’application “la commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable”.

Dans ces conditions, il appartient à la Commission administrative, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, de déterminer l’admissibilité des écritures additionnelles des parties.

En l’espèce, la Commission administrative relève que la présente affaire se caractérise par une particulière complexité (tant au regard des faits relatés par chacune des parties qu’au regard de la nature, du grand nombre et de la diversité des arguments juridiques dont elles se prévalent).

Dans ces circonstances très spécifiques et afin de respecter le principe du contradictoire, la Commission administrative décide, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, d’accepter les communications additionnelles versées par les deux parties.

C. Sur l’incidence de la procédure judiciaire introduite par les Requérants

Il résulte du dossier qu’une assignation en référé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, sur les fondements de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, a été signifiée au Syndicat National du Jeu Vidéo en date du 9 août 2019.

La Commission administrative relève que dans cette assignation les Requérants sollicitent, notamment, le transfert, outre des noms de domaine litigieux, des noms de domaine suivants : <academiejeuvideo.fr>, <academie-jeuxvideo.fr>, <academiejeuxvideo.com>, <academiejeuxvideo.org>, <academiejeuxvideo.fr>, <academie-jeuxvideo.com>, <academie-jeuxvideo.org> et <academie-jeuxvideo.fr>.

Parallèlement, la Commission administrative relève que cette assignation a été délivrée au Syndicat National du Jeu Vidéo, et qu’elle ne vise pas M. Villedieu.

Toutefois, dans les écritures versées dans la présente procédure, le Défendeur est expressément identifié comme étant “Monsieur Julien Villedieu, agissant au nom et pour le compte du Syndicat National du Jeu Vidéo (ci-après “SNJV”) en sa qualité de délégué général”. De plus, les observations en défense contiennent également des développements appuyant cette situation en indiquant spécifiquement que “Monsieur Julien VILLEDIEU (ci-après, le “défendeur”) est délégué général du SNJV (…). C’est à ce titre et en cette qualité qu’il a, au nom et pour le compte du SNJV, enregistré les noms de domaine en cause dans le seul intérêt des activités du SNJV, qui les exploite effectivement en relation avec la présentation au public de son académie du jeu vidéo. L’ensemble des actions du défendeur est réputé réalisé pour cette raison au nom et pour le compte du SNJV, entité disposant seule de l’intérêt substantiel dans les noms de domaine”.

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, la Commission administrative estime que l’objet de la procédure judiciaire engagée par les Requérants relativement aux noms de domaine litigieux interfère directement avec la présente procédure UDRP.

Ceci étant, le paragraphe 18 des Règles d’application envisage spécifiquement le rapport entre les procédures judiciaires et les procédures UDRP.

Ainsi, son paragraphe (a) prévoit : “Lorsqu’une procédure judiciaire a été engagée avant ou pendant la procédure administrative concernant le litige sur un nom de domaine faisant l’objet de la plainte, il appartient à la commission de décider à sa discrétion de suspendre ou de clore la procédure administrative, ou de la poursuivre et prendre une décision.”

Parallèlement, le paragraphe 10(a) des Règles d’application dispose que “La commission conduit la procédure administrative de la manière qu’elle estime appropriée conformément aux principes directeurs et aux présentes règles”.

En l’espèce, la Commission administrative est d’avis que tout milite en faveur d’un règlement judiciaire du litige qui oppose les parties.

Ainsi, s’il est vrai que la procédure UDRP se caractérise par sa rapidité, la Commission administrative note que la procédure judiciaire introduite par les Requérants prend la forme d’un référé, circonstance participant, elle aussi, à un règlement rapide du litige.

Certes, d’éventuelles contestations sérieuses pourraient faire échec à un référé et ralentir le règlement de l’affaire par les juridictions judiciaires.

Mais alors, précisément si de telles contestations sérieuses existaient, cela constituerait assurément la preuve que le litige qui oppose les parties est impropre à être tranché par application des Principes directeurs, les procédures UDRP n’ayant pas vocation à connaître de tous les contentieux impliquant des noms de domaine.

Surtout, la Commission administrative est d’autant plus convaincue qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le fond, que l’assignation vise à la fois les noms de domaine litigieux et d’autres très proches, et que les prétentions de chacune des parties dépassent de loin la seule question de savoir si les conditions du paragraphe 4(a) des principes directeurs sont remplies et si les cinq (5) noms de domaine litigieux doivent ou non être transférés. Autrement dit, cette affaire ne constitue pas un cas de “cybersquatting” et ne relève pas du cadre limité des Principes directeurs (Voir en ce sens Jetfly Aviation S.A. contre Paol S.A., Litige OMPI No. D2011-1576).

Ainsi, la Commission administrative est d’avis qu’il va d’une bonne administration de la Justice (en particulier pour éviter tout risque de contrariété de décisions) que le juge judiciaire statue globalement sur le sort de tous les noms de domaine litigieux, et ce d’autant plus qu’il pourra connaître pleinement de l’intégralité du litige qui oppose les parties, et se prononcer sur toutes leurs prétentions et tous les points de droits qu’elles soulèvent (ce que ne peut faire une commission administrative dans le cadre d’une procédure UDRP).

En définitive, dans le cadre strict de l’application des Principes directeurs, la Commission administrative estime qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le fond de cette affaire de manière à ne pas interférer avec la procédure judiciaire en cours.

En conséquence, la Commission administrative considère qu’il apparaît approprié de rejeter la plainte, tout comme la demande visant à considérer ladite plainte comme abusive, mais sans préjudice de la position de chacune des parties dans le cadre d’une procédure judiciaire.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs, ainsi que 10, 15 et 18(a) des Règles d’application, la Commission administrative rejette la plainte.

Fabrice Bircker
Expert Unique
Le 24 septembre 2019