Le Requérant est Kaufman & Broad Europe, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Marie Poirier, Marie-Odile Poirier, France.
Le nom de domaine litigieux <kaufmanbroad-concession.com> est enregistré auprès de Register SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Kaufman & Broad Europe auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 juin 2020. En date du 18 juin 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 22 juin 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 23 juin 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 23 juin 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 8 juillet 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 juillet 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 29 juillet 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 5 août 2020, le Centre nommait Louis-Bernard Buchman comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une société fondée en 1968, active dans le domaine de la promotion et de la construction immobilières. Le Requérant, qui conçoit en urbaniste de nouveaux quartiers de ville et de grands projets urbains, est l’un des premiers développeurs-constructeurs français.
Le Requérant est titulaire de différentes marques incluant les termes “kaufman broad”, notamment la marque française 1486007 enregistrée le 31 août 1988, la marque française 99816493 enregistrée le 8 octobre 1999, la marque de l’Union européenne 001505916 enregistrée le 23 mai 2001 et la marque internationale 736440 enregistrée le 24 mars 2000 (ci-après ensemble désignées : “la Marque”).
En outre, le Requérant est titulaire de plusieurs noms de domaine incorporant la Marque, dont <kaufmanbroad.com> enregistré le 19 mars 2014.
Le Défendeur est Marie Poirier, Marie-Odile Poirier, dont l’adresse renseignée est située en France.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <kaufmanbroad-concession.com> en date du 11 avril 2020.
Au moment du dépôt de la plainte, le nom de domaine litigieux renvoyait les Internautes vers une page parking. A la date à laquelle la présente décision est rendue, le nom de domaine litigieux est inactif.
(i) Le Requérant dispose d’un droit sur la Marque.
(ii) Le nom de domaine litigieux contient la Marque.
(iii) Le nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits dont est titulaire le Requérant, en ce qu’il imite la Marque, et est susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit des internautes en laissant croire que le nom de domaine litigieux est lié au Requérant.
(iv) Le Défendeur n’a jamais été affilié au Requérant ni autorisé par lui à utiliser la Marque à quelque titre que ce soit. Le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
(v) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux et l’utilise de mauvaise foi.
(vi) Le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Il est rappelé que la Commission administrative est tenue d’appliquer le paragraphe 15(a) des Règles d’application qui prévoit que : “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Le paragraphe 10(a) des Règles d’application donne à la Commission administrative un large pouvoir de conduire la procédure administrative de la manière qu’elle juge appropriée, conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application, et elle doit aussi veiller à ce que la procédure soit conduite avec célérité (paragraphe 10(c) des Règles d’application).
En conséquence, la Commission administrative s’est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et si le Défendeur pouvait justifier de droits sur ce nom de domaine.
Selon le paragraphe 14(b) des Règles d’application, la Commission administrative a le pouvoir de tirer du défaut du Défendeur toutes conclusions qu’elle juge appropriées.
Au cas présent, la Commission administrative constate que le Défendeur n’a réfuté aucun des faits allégués par le Requérant.
En particulier, le Défendeur, par son défaut, n’a fourni à la Commission administrative aucun des éléments prévus par les paragraphes 4(b) et (c) des Principes directeurs qui lui aurait permis de conclure que le Défendeur jouit de droits ou justifie d’intérêts légitimes concernant le nom de domaine litigieux, ou qu’il a agi de bonne foi en enregistrant et utilisant le nom de domaine litigieux.
Dans le cadre de l’analyse de la première condition du paragraphe 4(a), la Commission administrative doit se contenter de constater si le droit de marque du Requérant existe ou non.
Au vu des pièces versées au dossier, la Commission administrative constate que le Requérant justifie de droits exclusifs sur la dénomination “kaufmanbroad”, à titre de marque enregistrée.
Demeure alors la question de la comparaison entre la Marque d’une part et le nom de domaine litigieux d’autre part. Or, en ce qui concerne l’identité ou la similitude de la Marque par rapport au nom de domaine litigieux, ce dernier reproduit la Marque dans son intégralité, la seule différence consistant en l’ajout d’un tiret suivi du terme “concession”.
Cette différence ne saurait aux yeux de la Commission administrative conférer un autre sens au nom de domaine litigieux ni permettre de le distinguer de la Marque.
Il est établi par ailleurs que les extensions de nom de domaine (telles que “.com”), nécessaires pour leur enregistrement, sont généralement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, les extensions pouvant donc ne pas être prises en considération pour examiner la similarité entre la Marque du Requérant et le nom de domaine litigieux, conformément à nombre de décisions UDRP déjà rendues (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Accor c. Accors, Litige OMPI No. D2004-0998).
La Commission administrative estime que le public en général et les Internautes en particulier pourraient penser que le nom de domaine litigieux renvoie au Requérant, ce nom de domaine litigieux étant similaire à la Marque sur laquelle le Requérant a des droits, au point de prêter à confusion (voir Citibank Privatkunden AG & Co. KGaA c. PrivacyProtect.org / N/A, indishi india mr.ugala, Litige OMPI No. D2010-1147; Credit Industriel et Commercial S.A., Banque Fédérative du Crédit Mutuel c. Headwaters MB, Litige OMPI No. D2008-1892; Banque Saudi Fransi c. ABCIB, Litige OMPI No. D2003-0656; Islamic Bank of Britain Plc c. Ifena Consulting, Charles Shrimpton, Litige OMPI No. D2010-0509; BPCE c. PrivacyProtect.org / Maksym Pastukhov, Litige OMPI No. D2010-1666).
Dans ces conditions, la Commission administrative constate que l’exigence du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est satisfaite.
Il est admis que, s’agissant de la preuve d’un fait négatif, une commission administrative ne saurait se montrer trop exigeante vis-à-vis d’un requérant. Lorsqu’un requérant a allégué le fait que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine, il incombe au défendeur d’établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire. S’il n’y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes (Eli Lilly and Company c. Xigris Internet Services, Litige OMPI No. D2001-1086; Do The Hustle, LLC c. Tropic Web, Litige OMPI No. D2000-0624).
Aucun élément du dossier ne révèle qu’avant la naissance du litige, le Défendeur ait utilisé le nom de domaine litigieux, ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux, en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou qu’il ait fait des préparatifs sérieux à cet effet.
Le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la Marque ou à procéder à l’enregistrement d’un nom de domaine incluant la Marque.
Par ailleurs, le mutisme conservé par le Défendeur, qui a choisi de ne pas répondre à la plainte dans la présente procédure, ne permet pas de penser qu’il ferait un usage légitime et non commercial du nom de domaine litigieux.
Dans ces conditions, la Commission administrative est d’avis que le Défendeur n’ayant pas de droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, l’exigence du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfaite.
La mauvaise foi doit être prouvée dans l’enregistrement comme dans l’usage.
En ce qui concerne l’enregistrement de mauvaise foi, la bonne foi du Défendeur lors de l’enregistrement ne ressort d’aucun document soumis au dossier.
La Commission administrative estime que le choix comme nom de domaine d’une marque dont le caractère distinctif a déjà été reconnu par une décision rendue sous les Principes UDRP (voir Kaufman & Broad Europe c. hakim razouane, bakeemys, Litige OMPI No. D2014-1268), en la faisant suivre d’un tiret et de l’élément “concession” (qui ne saurait conférer un sens différent à la dénomination “kaufmanbroad”, ni permettre de le distinguer de la Marque), ne peut être le fruit d’une simple coïncidence.
De surcroît, le Défendeur a déjà fait l’objet d’une procédure UDRP pour avoir enregistré le nom de domaine <kaufmanbroad.site> (voir Kaufman & Broad Europe c. Maie Poirier, Litige CAC No. 103025).
Dans ces circonstances de récidive, la Commission administrative estime impossible qu’au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux, le Défendeur ait pu ne pas avoir connaissance de la Marque.
Par ailleurs, la simple immobilisation d’un nom de domaine, sans raison, peut être constitutive d’une utilisation de mauvaise foi.
Il est établi que le nom de domaine litigieux dirigeait vers une page parking. Des décisions administratives UDRP ont déjà et à plusieurs reprises pu retenir que la détention d’un nom de domaine sans qu’un site actif y corresponde pouvait, dans certains cas, être considérée comme une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, supra; Christian Dior Couture SA c. Liage International Inc., Litige OMPI No. D2000-0098; ACCOR c. S1A, Litige OMPI No. D2004-0053et Westdev Limited c. Private Data, Litige OMPI No. D2007-1903).
En outre, l’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur peut aussi résulter, en certaines circonstances, du fait que son usage de bonne foi ne soit d’aucune façon plausible (voir Audi AG c. Hans Wolf, Litige OMPI No. D2001-0148), compte tenu de la spécificité de l’activité du Requérant.
Enfin, certaines commissions administratives ont même estimé que dans certaines circonstances, les personnes qui réservent des noms de domaine ont l’obligation de s’abstenir d’enregistrer et d’utiliser un nom de domaine qui soit identique ou similaire à une marque détenue par d’autres, et qu’enfreindre notamment les dispositions du paragraphe 2 des Principes UDRP, qui dispose que : “En demandant l’enregistrement d’un nom de domaine ou le maintien en vigueur ou le renouvellement d’un enregistrement de nom de domaine, vous affirmez et nous garantissez que … b) à votre connaissance, l’enregistrement du nom de domaine ne portera en aucune manière atteinte aux droits d’une quelconque tierce partie …”, peut être constitutif de mauvaise foi.
La Commission administrative conclut qu’en détenant et utilisant le nom de domaine litigieux à des fins pouvant porter atteinte à la Marque et en ne se manifestant pas dans la présente procédure administrative, le Défendeur a procédé à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
Il en résulte que les trois éléments prévus au paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <kaufmanbroad-concession.com> soit transféré au Requérant.
Louis-Bernard Buchman
Expert Unique
Le 17 août 2020