Le Requérant est Bouygues, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Rapp Catherine, France.
Le nom de domaine litigieux <bouyguesconstruction-tp.com> est enregistré auprès de Ligne Web Services SARL (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Bouygues auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 16 mars 2021. En date du 16 mars 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 17 mars 2021, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 19 mars 2021, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 19 mars 2021.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 24 mars 2021, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 13 avril 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 14 avril 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 21 avril 2021, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est un groupe industriel diversifié français fondé en 1952 par Francis Bouygues, et structuré autour de la construction, les télécommunications et les médias.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques BOUYGUES CONSTRUCTION, dont une marque internationale BOUYGUES CONSTRUCTION n°732339 enregistrée le 13 avril 2000. Sa filiale Bouygues Construction est également titulaire de nombreux noms de domaine reprenant la marque BOUYGUES CONSTRUCTION.
Le nom de domaine litigieux <bouyguesconstruction-tp.com> a été enregistré le 24 novembre 2020. Le nom de domaine litigieux pointe vers une page parking.
Visant les décisions des Commissions administratives en vertu des Principes directeurs, le Requérant met en avant qu’« un nom de domaine qui incorpore une marque enregistrée du Requérant dans son intégralité peut être suffisant pour établir une forte similarité » et ajoute “que l’ajout de l’abréviation “tp” (signifiant “travaux publics”) et du tiret ne sont pas suffisants pour échapper à la conclusion que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec [sa] marque BOUYGUES CONSTRUCTION”, l’adjonction des lettres “tp” faisant au contraire clairement référence à la Société Bouygues Travaux Publics du groupe Bouygues. Il conclut de cela que “le nom de domaine litigieux est semblable à la marque BOUYGUES CONSTRUCTION du Requérant au point de prêter à confusion”.
Le Requérant fait ensuite observer que le Défendeur n’est pas identifié dans le WhoIs sous la dénomination litigieuse (malgré un lapsus auquel il ne convient pas de s’arrêter), ce qui a été plusieurs fois jugé comme établissant que le Défendeur n’était pas connu sous le nom de domaine litigieux. Il affirme par ailleurs que le Défendeur n’est pas affilié à sa société, ni autorisé par lui-même de quelque manière que ce soit à utiliser la dénomination litigieuse. Enfin il fait valoir que le nom de domaine litigieux pointe vers une page parking, ce qui démontre l’absence d’intérêt légitime du Défendeur à user du nom de domaine litigieux. En conséquence, le Requérant considère que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Enfin, le Requérant soutient que sa marque est dotée d’une notoriété importante, comme l’ont reconnu plusieurs décisions des Commissions administratives en vertu des Principes directeurs, d’où il résulte que le Défendeur connaissait la marque lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux. Il relève en outre que le nom de domaine litigieux pointe vers une page parking et que “des services de messagerie sont configurés”, et qu’ainsi “il est impossible de concevoir un usage actif réel ou envisagé du nom de domaine par le Défendeur qui ne serait pas illégal”. Pour cela, le Requérant estime que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi le nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Comme il a été indiqué plus haut, le Requérant est titulaire de plusieurs marques BOUYGUES CONSTRUCTION.
Le nom de domaine litigieux <bouyguesconstruction-tp.com> reprend donc dans son entièreté les marques du Requérant. Aussi, l’observation pertinente du Requérant selon laquelle l’adjonction des lettres “tp” suggère un lien particulier avec la Société Bouygues Travaux Publics, du groupe Bouygues, n’est-elle pas nécessaire pour juger le nom de domaine litigieux semblable à la marque ou aux marques reprises, dès lors que la reprise d’une marque dans son entièreté est jugée par les Commissions administratives de l’OMPI comme la manifestation forte d’une pratique de cybersquatting (voir la Synthèse des avis des commissions de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition“Synthèse de l’OMPI, version 3.0”, sections 1.7 et 1.8).
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est semblable aux marques du Requérant au point de prêter à confusion, au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Rien ne permet de rattacher le Défendeur à la dénomination “Bouygues” qui ne correspond qu’aux marques, et spécialement aux marques BOUYGUES CONSTRUCTION, du Requérant.
Par ailleurs, on peut effectivement suivre l’argumentation du Requérant quand il avance que le fait que le Défendeur ne soit pas identifié dans le WhoIs sous la dénomination “Bouygues construction” établit qu’il n’est pas connu sous ce nom ou du moins constitue un fort indice de cela.
En outre, quand le Requérant affirme que le Défendeur ne lui est pas affilié et qu’il n’a reçu aucune autorisation de sa part, à défaut de démonstration contraire par le Défendeur, ses affirmations doivent être retenues comme exactes comme cela a déjà été jugé (ainsi Croatia Airlines d.d. v. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; ou Boursorama S.A. v. Pharpentier Gildas, Litige OMPI No. D2016-2248).
Enfin, le fait que le nom de domaine litigieux pointe vers un site parking ne plaide pas en faveur de l’existence d’intérêts légitimes du Défendeur sur le nom de domaine litigieux.
La Commission administrative observe en outre que, si le Défendeur avait effectivement des droits ou intérêts légitimes à faire valoir, il aurait été bien simple pour lui de ne pas faire défaut et de produire ses arguments.
Aussi la Commission administrative estime-t-elle que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le Requérant fait justement valoir que sa marque est dotée d’une “notoriété importante”, comme l’ont reconnu plusieurs décisions des Commissions administratives en vertu des Principes directeurs (par exemple Bouygues v. Laurent Bertrand, Litige OMPI No. D2016-1683; ou Bouygues S.A. v. Domain Administrator, Registrant of constructions-bouygues.com (apiname com) v. Lepot Charlotte, Litige OMPI No. D2019-1329). La dénomination “Bouygues” est effectivement connue dans de nombreux pays et notamment en France où le Défendeur est réputé se situer. Ainsi est-il hors de doute que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en toute connaissance de cause et donc en méconnaissance des droits du Requérant.
Par ailleurs, le nom de domaine litigieux pointe vers une page parking. Il s’agit donc d’un “usage passif”, pratique toujours condamnée, spécialement quand est incluse dans le nom de domaine litigieux une marque connue sans but légitime apparent (cf. par exemple Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; ou Confédération Nationale du Crédit Mutuel v. Balley Arthur, Touvet-Gestion, Litige OMPI No. D2015-2221; ou encore Boursorama S.A. v. Roci Stephane, Litige OMPI No. D2020-3414).
Ainsi la Commission administrative juge caractérisés l’enregistrement comme l’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <bouyguesconstruction-tp.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 5 mai 2021