Rapport du Directeur général aux assemblées de l’OMPI – 9 – 17 juilet 2024

[Tel que prononcé]

Monsieur l’Ambassadeur Alfredo Suescum, président de l’Assemblée générale de l’OMPI,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,

Chères et chers amis, chères et chers collègues,

Bonjour et bienvenue à la soixante-cinquième série de réunions des assemblées des États membres de l’OMPI.  Il s’agit de la plus grande série de réunions des assemblées jamais organisée, puisqu’elle rassemble plus de 1400 délégués, dont 900 en présentiel et 500 en ligne.  Je suis très heureux de vous accueillir à nouveau toutes et tous à l’OMPI, y compris un nombre record de ministres.

Qu’il me soit permis tout d’abord d’exprimer la solidarité de la communauté de l’OMPI, à toutes celles et tous ceux qui, dans les Caraïbes et aux États-Unis d’Amérique, ont été touchés par l’ouragan Beryl, dont plusieurs membres de la communauté de la propriété intellectuelle qui, de ce fait, ne peuvent pas assister à l’Assemblée générale.  Nous avons vu les scènes de destruction que cet ouragan, l’un des plus violents jamais observés, a laissées dans son sillage et tous nos souhaits vous accompagnent dans vos efforts de reconstruction et de rétablissement des zones et communautés touchées.

Vidéo: Le Directeur général de l'OMPI, Daren Tang, s'adresse aux Assemblées de l'OMPI

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Cette année, au lieu de vous parler uniquement de statistiques et de stratégie, je souhaite commencer par partager avec vous les histoires de deux femmes – Soňa Stančíková et Mariama Sarge.  Soňa et Mariama vivent à des milliers de kilomètres l’une de l’autre, pourtant elles ont un point commun : elles utilisent toutes deux la propriété intellectuelle pour créer des possibilités nouvelles pour elles-mêmes et pour leurs communautés.

Soňa est originaire de la région de Detva, en Slovaquie, et représente la quatrième génération d’une famille qui a su préserver l’art et les vêtements folkloriques traditionnels.  Sa région est renommée pour un type particulier de broderie, depuis longtemps protégé par une indication géographique.  Mais, comme nombre de créateurs de la nouvelle génération, Soňa ajoute sa propre touche aux pratiques traditionnelles.

L’année dernière, elle a été l’une des 21 femmes issues des communautés locales de 15 pays à participer au Programme de formation, de mentorat et de mise en relation à l’intention des entrepreneuses que nous avons organisé dans les pays d’Europe centrale et les États baltes sur une durée de 11 mois.

Elle a reçu une formation spécialisée sur la manière de tirer parti de la propriété intellectuelle pour protéger ses compositions, développer l’image de sa marque et commercialiser ses produits.  Avec notre aide, elle a réussi l’an dernier à protéger ses motifs au moyen de dessins et modèles, préservant ainsi ses créations et s’ouvrant de nouveaux marchés.

Mariama Sarge vit en Gambie.  Propriétaire d’une petite entreprise, elle ne savait pas vraiment ce qu’était la propriété intellectuelle jusqu’à ce qu’elle entende parler d’un atelier local organisé par l’OMPI.  Intriguée, elle a rapidement fait partie des 50 propriétaires de petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié d’un programme complet de formation et de mentorat sur la propriété intellectuelle dans le cadre d’un projet de six mois mis en œuvre conjointement avec des partenaires locaux.

Plusieurs participants ont profité de la formation pour enregistrer leur marque.  D’autres, pour affiner leur stratégie commerciale.  Mariama, quant à elle, a inventé un chariot multifonctionnel alimenté à l’énergie solaire, une solution originale plus propre et plus verte pour les vendeurs ambulants.

Grâce à notre aide, elle est devenue la première inventrice à enregistrer un modèle d’utilité en Gambie.  “La propriété intellectuelle libère ma créativité, m’ouvre l’esprit et m’offre de nouvelles perspectives… Je veux faire partie des innovateurs de l’Afrique”, nous a-t-elle dit.

Soňa et Mariama ne sont pas les seules.

Partout sur la planète, des millions de personnes comme elles rêvent de changer le monde et d’enrichir nos vies grâce à leurs innovations et à leur créativité.

Notre devoir est de les soutenir et c’est pourquoi notre mission consiste à bâtir un écosystème mondial de la propriété intellectuelle équilibré et efficace qui aide les innovateurs et les créateurs partout dans le monde.

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Pour comprendre le contexte dans lequel évoluent aujourd’hui les innovateurs et les créateurs, il faut se pencher sur la situation de la propriété intellectuelle dans le monde.  Plusieurs grandes tendances se dessinent à cet égard.

Premièrement, l’activité en matière de propriété intellectuelle continue de s’intensifier régulièrement malgré l’incertitude économique, et ses centres se mondialisent.

Plus de 23 millions de demandes de titres de propriété intellectuelle ont été déposées en 2022, soit plus de 40 chaque minute, et presque le triple d’il y a 15 ans.  Soixante-dix pour cent de ces dépôts proviennent aujourd’hui d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.

Nous observons la même explosion de l’activité en matière de propriété intellectuelle dans le domaine du droit d’auteur.  Par exemple, les recettes tirées des enregistrements musicaux en Afrique subsaharienne ont augmenté de près de 25% l’année dernière, ce qui représente le taux de croissance le plus élevé au monde.  Les recherches de l’OMPI montrent également que la production cinématographique mondiale a repris après la pandémie, y compris dans des pays à revenu intermédiaire tels que l’Argentine, le Brésil et les Philippines.

Ces tendances vont dans le sens d’un déplacement invisible mais inévitable de la création de valeur, qui passe des actifs corporels aux actifs incorporels, lesquels valent aujourd’hui plus de 60 000 milliards de dollars É.-U., soit plus que la valeur combinée des principales économies mondiales.

Il y a deux semaines, l’OMPI a publié un rapport important dont il ressort que, ces 15 dernières années, les investissements dans les actifs incorporels ont augmenté trois fois plus vite que ceux dans les actifs corporels atteignant près de 7000 milliards de dollars É.-U. en 2023.

Si les économies avancées comme la Suède, les États-Unis d’Amérique et la France sont celles qui enregistrent le plus fort taux d’actifs incorporels, la croissance ne se limite pas aux pays à revenu élevé.  Ainsi, entre 2011 et 2020, l’Inde a connu la croissance la plus rapide en matière d’investissements dans les actifs incorporels, à mesure qu’elle s’oriente vers un développement fondé sur l’innovation.

Ces conclusions concordent avec celles de l’Indice mondial de l’innovation de l’OMPI, qui utilise des données au niveau des entreprises et révèle que la Türkiye, l’Indonésie et le Mexique figurent parmi les 20 premières économies au regard de l’intensité des actifs incorporels.  Ces derniers transforment donc non seulement les économies avancées, mais aussi les économies émergentes et en développement.

Deuxièmement, les schémas mêmes de l’innovation évoluent et changent, l’innovation numérique gagnant en importance et fusionnant avec l’innovation industrielle.  La frontière entre le matériel et les logiciels s’estompe, et même la voiture, symbole classique de l’ère industrielle, devient progressivement un centre de logiciels, de données et de divertissement sur quatre roues.  Près d’un tiers des demandes de brevet déposées à l’heure actuelle concerne les technologies numériques et, avec l’explosion des brevets liés à l’intelligence artificielle générative, cette tendance est appelée à se poursuivre.

Aussi, nous ne pouvons plus nous permettre d’aborder la propriété intellectuelle uniquement comme un ensemble d’éléments juridiques isolés et distincts, mais devons plutôt l’envisager comme un portefeuille d’actifs incorporels utilisés par les entreprises pour croître et par les pays pour se développer.  À l’avenir, l’élaboration des politiques de propriété intellectuelle devra être plus coordonnée et globale, et considérer la propriété intellectuelle comme un élément horizontal plutôt que vertical.

Troisièmement, tous ces changements dans l’innovation, la technologie et la créativité se produisent dans un monde plus divisé que jamais sur le plan géopolitique.  Il est devenu difficile de se mettre d’accord et notre capacité d’établir des normes mondiales s’est considérablement amoindrie.

Toutefois, si le consensus est devenu difficile à trouver, il n’a pas disparu pour autant.

Il y a deux mois, en mai, l’ensemble de la communauté de l’OMPI s’est entendue pour conclure un nouveau traité historique après 25 ans de négociations.  Le Traité de l’OMPI sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels associés, le vingt-septième administré par l’Organisation, a envoyé un signal fort: même dans des domaines difficiles caractérisés par de vives émotions et d’importantes divergences de vues, il est possible pour la communauté mondiale de parvenir à un consensus si nous abordons les négociations dans un esprit de collaboration, de pragmatisme, de transparence et d’inclusivité, comme nous l’avons fait au mois de mai.  L’issue de ces négociations n’est pas seulement une victoire pour les peuples autochtones et les communautés locales et un écosystème de propriété intellectuelle plus inclusif, mais aussi pour le multilatéralisme.

J’invite instamment les États membres à continuer de travailler dans cet esprit d’unité, non seulement à l’approche des négociations en vue d’un nouveau traité sur le droit des dessins et modèles en novembre, mais aussi dans le cadre de la tâche essentielle qui consiste à renforcer l’action de l’OMPI à travers le monde.

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Chères et chers collègues, chères amies, chers amis,

Cela fait maintenant trois ans que nous avons lancé le Plan stratégique à moyen terme pour 2022 – 2026.

Le PSMT a défini une nouvelle vision de la propriété intellectuelle, qui n’est plus considérée comme une simple question technique n’intéressant qu’une poignée d’experts et de spécialistes du domaine, mais comme un puissant moteur en matière d’emploi, d’investissement, de croissance des entreprises et de développement économique, et comme un moyen de répondre aux défis communs à l’échelle mondiale.  En approuvant cette stratégie, vous nous avez permis d’unir nos efforts pour donner vie à cette vision.

Comme il est d’usage lors des assemblées, je souhaite saisir cette occasion pour rendre compte du travail accompli depuis ma dernière allocution devant les États membres.

Pour ce faire, je vais évoquer les quatre piliers et la fondation du PSMT.

Au titre du premier pilier, notre objectif est de présenter la propriété intellectuelle en des termes simples afin de la rendre plus compréhensible, plus accessible et plus visible, non seulement pour les initiés et les spécialistes de la propriété intellectuelle, mais aussi pour le grand public.

Pour y parvenir, nous créons un contenu unique qui explique la manière dont la propriété intellectuelle change des vies dans le monde entier.  Nous avons produit plus de 270 vidéos au cours des 12 derniers mois, notamment des reportages sur la création d’une marque dans l’industrie du cuir au Bangladesh, l’exemple d’une artisane dans l’Espagne rurale ou encore l’industrie omanaise de l’encens.

Ces initiatives nous permettent d’atteindre de nouveaux publics dans le monde entier.  Cela passe notamment par les réseaux sociaux, le nombre de personnes qui nous suivent ayant augmenté de plus de 30% l’an dernier, pour dépasser la barre du demi-million d’abonnés.  Les nouvelles plateformes comme Instagram et TikTok ont été particulièrement efficaces pour toucher un public plus jeune.

Notre nouvelle manière de communiquer s’étend à notre site Web, qui a récemment été désigné par le World Trademark Review comme le site Web d’office de propriété intellectuelle le plus accessible au monde.  La campagne pour la Journée mondiale de la propriété intellectuelle ne cesse elle aussi de prendre de l’ampleur.  Le thème de cette année, “Propriété intellectuelle et objectifs de développement durable”, a donné lieu à plus de 300 manifestations dans le monde, générant quelque 60 millions d’impressions numériques, soit une augmentation de près de 50% par rapport à 2023, et suscitant un engagement réel et mondial sur une question vitale à un moment critique.  J’ai le plaisir de vous annoncer que le thème de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle de l’année prochaine sera la propriété intellectuelle et la musique, un sujet qui me tient à cœur, tout comme à beaucoup d’entre vous.

Nous assistons également à une transformation de la manière dont les offices de propriété intellectuelle communiquent avec leur public, et nous espérons que vous serez plus nombreux à suivre leur exemple, car nous devons absolument pouvoir montrer au monde ce que nous faisons, contrer les idées fausses et erronées sur la propriété intellectuelle, et être convaincus, en tant que membres de la communauté de la propriété intellectuelle, que celle-ci peut faire une différence positive dans le monde.

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Le deuxième pilier ne concerne plus la communication avec l’extérieur, mais le rôle joué par l’OMPI en tant qu’instance mondiale pour l’examen et l’établissement de normes et de règles en matière de propriété intellectuelle, ainsi que pour la réflexion sur des questions de pointe dans ce domaine.

Après le succès de notre conférence diplomatique en mai, tous les regards se tournent vers la conférence diplomatique pour l’adoption d’un traité sur le droit des dessins et modèles qui se tiendra à Riyad en novembre.  Les préparatifs de cette conférence sont déjà bien engagés et nous collaborons étroitement avec le Royaume d’Arabie saoudite, qui accueillera la conférence, afin de mettre en place les meilleures solutions logistiques, administratives et en matière de négociation, pour en garantir le succès.

Au-delà de ces conférences diplomatiques organisées de manière ponctuelle, nos nombreux comités et groupes de travail continuent de travailler sans relâche.  Ils favorisent l’échange de bonnes pratiques et le règlement de questions et éléments techniques qui ne font certes pas les gros titres, mais contribuent au bon fonctionnement des offices de propriété intellectuelle.  Le Comité du développement et de la propriété intellectuelle continue d’encourager de nombreux programmes intéressants au sein de l’OMPI, notamment en intégrant le Plan d’action pour le développement dans les activités de l’Organisation.

Outre ces instances formelles et bien établies, l’OMPI souhaite jouer un rôle de premier plan dans l’examen des questions de pointe en matière de propriété intellectuelle.

Nos dialogues sur la propriété intellectuelle et les technologies de pointe sont en plein essor, avec un total de 9000 participants à ce jour.  Ces échanges enrichissants nous ont permis de créer un Instrument relatif aux politiques de propriété intellectuelle dans le domaine de l’intelligence artificielle à l’intention des offices de propriété intellectuelle et des organismes de régulation, ainsi qu’un guide pratique sur l’intelligence artificielle générative et la propriété intellectuelle à l’intention des entreprises.

Nous avons également organisé notre deuxième dialogue mondial sur le financement adossé à la propriété intellectuelle, qui a porté sur le thème important de l’évaluation de la propriété intellectuelle, de la mise en garantie et du financement adossé aux droits, et qui a réuni les acteurs de l’innovation et du monde de la finance – dont les rencontres sont rares – pour examiner l’utilisation de la propriété intellectuelle en tant qu’actif financier. Là encore, ce dialogue s’accompagne de diverses autres activités, notamment de nombreuses études de cas, la création d’un groupe d’experts sur l’évaluation de la propriété intellectuelle et le lancement de la formation à l’évaluation de la propriété intellectuelle dans les pays de l’ASEAN.

Un nouveau projet concernant l’avenir de la propriété intellectuelle a également été lancé afin d’appliquer les techniques de la prospective et de la planification aux activités de l’OMPI.  Notre première initiative dans ce domaine est WIPO Pulse, une enquête mondiale visant à connaître la perception de la propriété intellectuelle par le grand public, et son évolution au fil du temps.  D’autres initiatives seront annoncées en temps utile.

Ce pilier englobe également les efforts que nous déployons pour promouvoir le respect de la propriété intellectuelle, élément fondamental d’un écosystème d’innovation sain.

WIPO Alert – notre base de données mondiale sur les sites Web portant atteinte au droit d’auteur – s’est étoffée;  elle compte désormais plus de 8000 sites “actifs” et va inclure un nouveau module appelé WIPO Alert Pay, qui s’attaquera au financement des auteurs d’actes de piratage en ligne.  Nous progressons également dans la mise en place du CRIS, un système d’enregistrement et d’information douaniers à l’intention des États membres.  Dans l’ensemble, les pays en développement manifestent un intérêt accru pour la formation dans le domaine de l’application des droits de propriété intellectuelle et nous intensifions donc ce type de formation à l’intention des juges, des procureurs, des autorités de régulation et des spécialistes.

Les partenariats gagnent également en importance à mesure que l’OMPI s’efforce de renforcer ses activités et d’en accroître les résultats.

Notre collaboration avec des ONG telles que le MPP, la FICPI, l’IFLA, l’INTA, la LESI, l’AUTM et l’ASIPI, pour n’en citer que quelques-unes, a donné lieu à toute une série de projets pour différentes parties prenantes, nous permettant ainsi de bénéficier de leurs connaissances et compétences spécialisées et de nouer des relations avec des acteurs qui, autrement, ne collaboreraient pas avec l’OMPI.

En ce qui concerne les organisations intergouvernementales régionales, les activités se multiplient avec plusieurs partenaires, dont l’ASEAN, l’OECO et le Forum du Pacifique.  L’un de nos grands projets est AfricDeezayn, une nouvelle application mobile destinée à faire connaître la protection des dessins et modèles en Afrique de l’Ouest, avec la CEDEAO comme partenaire principal.

Au-delà des plateformes régionales, notre action au sein des institutions du système des Nations Unies continue également de s’étendre.  Notre coopération trilatérale avec l’Organisation mondiale de la Santé et l’Organisation mondiale du commerce renoue avec des origines plus larges, grâce à de récents colloques sur le changement climatique et la santé humaine, ainsi que sur la propriété intellectuelle et le droit et la politique en matière de concurrence.  Nous continuons de collaborer avec l’ITC et la CNUCED pour soutenir les femmes et les jeunes entrepreneurs, ainsi qu’avec l’UIT pour utiliser l’intelligence artificielle et la technologie au service du bien social et nous venons de signer un accord de coopération avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime pour lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle.

Je suis également heureux de constater que nous participons toujours plus aux initiatives plus vastes des Nations Unies, comme le Pacte numérique mondial et notre Programme commun.  Notre mission consiste à aider les utilisateurs de la propriété intellectuelle à tirer parti du potentiel de l’innovation, de la créativité et de la technologie afin de redonner de l’élan aux objectifs de développement durable et de construire un avenir meilleur pour tous.  Il en résulte une collaboration accrue avec des organismes des Nations Unies comme l’ECOSOC et d’autres institutions des Nations Unies comme l’UIT, dont nous pouvons prendre acte lors d’événements tels que le Sommet de l’avenir et la Conférence des parties (COP).

Nous sommes convaincus que les partenariats sont des éléments clés de la réussite et du développement, et nous continuerons d’examiner ces modes de collaboration.

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Le troisième pilier concerne les services et données de propriété intellectuelle.  En tant que seule institution des Nations Unies à fournir des services directement aux entreprises, il est essentiel que nos services mondiaux d’enregistrement soient gérés de manière efficace et qu’ils apportent une valeur ajoutée à nos utilisateurs.  Notre programme de transformation de l’expérience client vise à placer le client au centre de ces services et connaît une belle réussite, en répondant aux besoins évolutifs de notre large éventail d’utilisateurs.  Au cours de l’exercice biennal 2022-2023, notre indice de satisfaction des clients s’est élevé à 85%.

Pour maintenir ce niveau, nous continuons d’investir dans nos systèmes et notre technologie.  Parmi les nouvelles mesures figurent le lancement de la recherche universelle de l’OMPI, qui améliore l’efficacité de la navigation sur notre site Web et dans les bases de données mondiales, ainsi que les efforts visant à moderniser les fonctions tournées vers l’extérieur du Service d’enregistrement de La Haye et d’autres améliorations apportées à nos systèmes de dépôt électronique.

Le Centre d’arbitrage et de médiation est celui de nos services qui connaît la plus forte croissance.  En 2023, le Centre a traité près de 700 litiges relatifs à l’innovation et à la technologie, soit une augmentation de 24%, la médiation et les litiges relatifs aux noms de domaine enregistrant une très forte croissance.  Afin de répondre aux nouvelles demandes, des services sur mesure ont été mis en place pour les secteurs en pleine expansion tels que les jeux vidéo, les sports électroniques et les technologies vertes.

Tout en renforçant nos propres services, nous continuons d’aider les offices nationaux de propriété intellectuelle à améliorer leurs systèmes et leur infrastructure, ainsi qu’à se numériser.   Plus de 90 offices de propriété intellectuelle utilisent les systèmes de l’OMPI destinés aux offices de propriété intellectuelle et, l’an dernier, le Botswana est devenu le premier office de propriété intellectuelle d’Afrique à être entièrement numérisé dans le cadre du projet d’office type de l’OMPI.

L’OMPI propose également un répertoire mondial de données et d’informations en matière de propriété intellectuelle, que nous exploitons pour mieux comprendre l’écosystème de l’innovation.  Nous sommes fiers d’être l’une des principales sources de recherche sur les tendances en matière de propriété intellectuelle et d’innovation et nous avons notamment publié récemment un nouveau Rapport sur la propriété intellectuelle dans le monde consacré à l’innovation et au développement, ainsi qu’un document d’analyse économique sur l’intelligence artificielle et la propriété intellectuelle.  Notre travail d’analyse en matière de brevets, qui s’appuie notamment sur des données de brevets pour recueillir des informations sur les technologies, prend également de l’ampleur, avec des cartographies de brevets sur la propriété intellectuelle et les objectifs de développement durable, ainsi que l’intelligence artificielle générative, établies cette année.

Notre publication phare reste bien sûr l’Indice mondial de l’innovation, qui mesure les performances de plus de 130 membres en matière d’innovation et constitue une référence de plus en plus importante en matière d’innovation pour les pays, les décideurs politiques, les chercheurs et les autres parties prenantes.  La dernière édition de l’Indice mondial de l’innovation sera lancée à la fin du mois de septembre de cette année.

Ce pilier englobe également les “services” non payants, comme WIPO Green.  Avec une base de données mondiale de presque 130 000 technologies provenant de plus de 140 pays, WIPO Green est la plus grande plateforme de technologies vertes des Nations Unies et a été reconnue comme une solution numérique révolutionnaire lors du Sommet sur les objectifs de développement durable des Nations Unies l’année dernière.  Aujourd’hui, nos efforts visent tout particulièrement le déploiement des technologies vertes sur le terrain, grâce à de nouveaux projets d’accélération, à des ateliers sur la gestion de la propriété intellectuelle et à deux éditions du Livre sur les technologies vertes.

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Excellences,

Pour que la propriété intellectuelle transforme réellement des vies et accompagne les personnes dans leur parcours, nous devons rendre ce qui est intangible plus concret, ce qui est technique compréhensible et ce qui est abstrait visible.

C’est tout l’objet du pilier n° 4, et des efforts déployés pour nous assurer que la propriété intellectuelle est utilisée au service de la croissance et du développement partout dans le monde.  Notre action dans ce domaine a connu des évolutions majeures du fait de notre volonté sans faille de maximiser notre impact.

On peut mentionner à ce titre le rôle joué par l’Académie de l’OMPI, qui a formé près de 500 000 personnes au cours des quatre dernières années, devenant ainsi le plus grand centre au monde en matière d’enseignement, de formation et de renforcement des compétences dans le domaine de la propriété intellectuelle.

Depuis le lancement du PSMT, nous avons réimaginé notre catalogue de cours en allant au-delà du simple transfert de connaissances techniques, pour inclure également l’acquisition de compétences pratiques en matière de propriété intellectuelle.

Au cours de ces assemblées, nous allons lancer le nouveau service IP EdTech, conçu pour adapter davantage les cours d’enseignement à distance sur la propriété intellectuelle proposés par l’Académie aux économies et publics nationaux.  Dans l’ensemble, les cours de l’Académie ont profité à 230 000 personnes au cours de l’exercice biennal, dont 70% avaient moins de 35 ans et plus de 80% provenaient de pays en développement.

Outre les activités générales de formation, l’enseignement spécialisé et les actions d’accompagnement se poursuivent à un rythme soutenu.  Huit nouvelles institutions de formation en matière de propriété intellectuelle ont été créées l’année dernière, portant à 19 le nombre d’institutions de ce type dans le monde.  Et nous avons l’intention de passer à 35 dans les années à venir.

D’autres services offrent également un appui spécialisé à certaines parties prenantes, à l’instar de l’Institut judiciaire de l’OMPI, qui a ouvert son programme de formation aux juges spécialisés en propriété intellectuelle du monde entier, a créé dans WIPO Lex une base de données en constante évolution sur la jurisprudence et organise chaque année une réunion à l’intention des juges spécialisés en propriété intellectuelle.

En ce qui concerne nos activités d’assistance législative et de politique générale, la demande reste également constante : 36 pays ont bénéficié de nos conseils au cours de l’année écoulée et 25 stratégies nationales en matière de propriété intellectuelle et d’innovation ont été élaborées.

Parallèlement à ces structures bien établies, l’Organisation innove dans le domaine de l’aide au développement, en proposant de nouvelles mesures et de nouveaux projets.

Concernant les mesures prises, nous continuons de remanier nos axes de travail afin de répondre aux besoins des membres qui sont à différents stades de développement.  On peut notamment citer les objectifs relevant de l’OMPI pour les PMA et les mesures d’appui de l’OMPI au reclassement des PMA, actuellement en vigueur en Angola, au Laos et à Sao Tomé-et-Principe.  Nous disposons également d’un nouveau volet d’assistance pour les petits États insulaires en développement et les pays en développement sans littoral.

Concernant les projets, nous continuons de transformer notre approche en matière d’aide au développement.  Là où l’OMPI organisait auparavant un séminaire ou un atelier ponctuel, nous proposons aujourd’hui des programmes intensifs de formation et de mentorat qui s’étalent sur plusieurs mois, sensibilisent le grand public à la propriété intellectuelle et accompagnent les innovateurs et les créateurs tout au long de leur parcours.  Avec 82 projets achevés ou en cours d’exécution, permettez-moi de partager avec vous quelques résultats obtenus au cours de l’année écoulée.

Tout d’abord, près de 4000 entrepreneuses ont bénéficié des projets de l’OMPI en 2023.  Une part importante de ce travail concernait des secteurs ou des communautés spécifiques.  Par exemple, notre projet à l’intention des femmes à la tête de PME dans le secteur de l’agro-industrie a permis de soutenir une trentaine de PME dans 25 pays d’Afrique, tandis que notre projet pour les entrepreneuses des communautés autochtones et locales a profité à plus d’une centaine de femmes dans plus d’une soixantaine de pays.

Des progrès importants ont également été réalisés dans le cadre de notre Plan d’action en matière de propriété intellectuelle et d’égalité des sexes.  Nous disposons désormais d’un réseau de plus de 70 offices de propriété intellectuelle traitant des questions de propriété intellectuelle et d’égalité des sexes, ce qui nous a permis de constituer une nouvelle base de données contenant quelque 200 politiques et initiatives fondées sur l’égalité des sexes dans le monde.  En 2023, plus de 100 000 femmes se sont inscrites aux programmes de l’Académie de l’OMPI.

Ensuite, nous venons de lancer IP-YES!, la toute première stratégie de l’OMPI pour l’autonomisation des jeunes.  Cette stratégie vise à fournir un cadre clair et cohérent qui suscite l’enthousiasme et permette aux jeunes générations, dans toutes les régions du monde, d’acquérir des connaissances et des compétences et de saisir les opportunités qui s’offrent à elles.

Permettez-moi de vous donner un exemple du type d’activité que nous souhaitons privilégier.  En Tunisie, nous collaborons avec le Ministère de la jeunesse pour former des responsables locaux à l’enseignement de la propriété intellectuelle afin qu’ils acquièrent les compétences et la confiance nécessaires pour favoriser une culture de l’innovation et de la créativité, de sorte que les maisons de jeunes deviennent également des centres d’innovation.

Au total, plus de 150 000 jeunes ont bénéficié des formations dispensées par l’Académie de l’OMPI ces deux dernières années.  Parallèlement à cela, notre service IP4Youth&Teachers a également permis à 2000 éducateurs d’acquérir les connaissances nécessaires pour donner des cours axés sur la propriété intellectuelle.  IP YES! va renforcer encore ces efforts à l’échelle mondiale.

Enfin, les PME de plus de 80 pays bénéficient des projets et des initiatives de l’OMPI.   À ce titre, un nombre record d’ateliers sur la gestion de la propriété intellectuelle ont été organisés, dont plus d’une vingtaine sont prévus dans une trentaine de pays cette année.

Au Nigéria, notre nouveau projet IP Labs est le premier programme d’accélération à l’intention des jeunes entreprises fondé sur la propriété intellectuelle.  Au cours de la première phase, nous avons accompagné 56 entreprises, dont 21 bénéficient désormais d’un appui supplémentaire par l’intermédiaire d’un atelier local sur la gestion de la propriété intellectuelle.

Au-delà de la formation, nous proposons des outils aux PME du monde entier.   Notre service gratuit de diagnostic de la propriété intellectuelle a été utilisé près de 40 000 fois, 20 versions différentes ayant été adaptées aux besoins locaux, y compris un outil conçu sur mesure pour l’OAPI et des versions dans différentes langues indiennes, à savoir le hindi, le bengali, l’ourdou et le tamoul.

Quatrièmement, notre appui à la commercialisation de la recherche-développement et aux universités continue de s’intensifier.  Notre réseau mondial de centres d’appui à l’innovation et à la technologie (CATI) s’est étendu à près de 1600 centres dans plus de 90 pays, qui ont traité près de 2 millions de demandes l’année dernière.  Nous avons également aidé 600 universités à élaborer leurs politiques en matière de propriété intellectuelle, l’OMPI dispensant une formation directe au personnel d’universités et d’instituts de recherche dans des pays tels que le Sénégal et le Zimbabwe.  En début d’année, nous avons contribué à la création et à la mise en relation de réseaux de transfert de technologie dans les États baltes.

Cinquièmement, nous soutenons les communautés et les produits traditionnels.  Nous accompagnons une centaine d’entreprises traditionnelles spécialisées dans la soie et la fabrication de tapis au Laos et au Bangladesh, et avons lancé une nouvelle phase de notre projet destiné aux spécialistes de la médecine traditionnelle, en l’étendant de l’Éthiopie à neuf autres pays africains.

Des projets d’appui au patrimoine local ont également été mis en œuvre au Chili, en Géorgie, au Ghana, au Kazakhstan et à Tonga.  Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons célébré l’enregistrement du Madd de Casamance en tant que première indication géographique du Sénégal.

Et, sixièmement, pour les créateurs et l’économie de la création, nous avons lancé CLIP, notre plateforme en ligne gratuite dont l’objectif est d’aider les musiciens à tirer efficacement parti de la propriété intellectuelle pour gagner leur vie.  La semaine dernière, le vaste contenu de la plateforme CLIP a été mis à disposition dans les six langues de l’ONU et attire près de 30 000 utilisateurs par mois.

Nous intensifions aussi nos travaux visant à aider les États membres à comprendre et à évaluer leur économie de la création, un projet pilote étant actuellement en cours aux Philippines.  Seize organisations de gestion collective supplémentaires, dont neuf issues de PMA, ont également adopté WIPO Connect pour en faire leur solution informatique de gestion du droit d’auteur et des droits connexes.  J’ai en outre le plaisir d’annoncer que le Service mondial d’échanges de livres, géré par notre Consortium pour des livres accessibles, compte désormais plus d’un million de titres disponibles pour l’échange transfrontières dans le cadre du Traité de Marrakech.  Ces livres font une énorme différence pour les aveugles et les personnes souffrant d’une déficience visuelle dans le monde entier, faisant du Traité de Marrakech un puissant moteur de l’égalité des chances.

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Ces efforts s’appuient sur ce qui constitue notre socle, à savoir la santé financière et institutionnelle de l’OMPI.  Lors de la réunion du Comité du programme et budget tenue le mois dernier, nous avons indiqué que 73% des objectifs ont été pleinement atteints au cours de l’exercice biennal, avec des recettes s’élevant à 972,2 millions de francs suisses et un excédent de 121,5 millions de francs suisses.  Nous continuerons d’utiliser un système de gestion axée sur les résultats qui garantit une utilisation des ressources conforme aux résultats et aux priorités de l’Organisation, et nous continuerons de mettre l’accent sur l’efficacité et une gestion financière prudente pour préserver la santé financière de l’OMPI.

En ce qui concerne les dépôts de demandes de titres de propriété intellectuelle, les incertitudes économiques, associées à des taux d’intérêt élevés, ont entraîné, comme pour un grand nombre d’offices de propriété intellectuelle, une dégradation du climat des affaires et un léger recul des demandes de titres de propriété intellectuelle déposées l’année dernière selon le PCT et le système de Madrid, respectivement de 1,8% et de 7%.  Cela étant, le nombre de demandes déposées en vertu du système de La Haye a augmenté de 1%.

Si nous sommes convaincus que ces ralentissements sont temporaires et que la croissance reviendra au deuxième semestre de cette année, nous suivons la situation de près et les États membres peuvent être assurés que nous agirons de manière prévoyante pour faire face à cette situation.

Les efforts que nous déployons pour transformer l’écosystème mondial de la propriété intellectuelle resteront sans effet si nous ne nous engageons pas également dans une transformation de notre culture du travail.  Nous sommes déterminés à créer un environnement de travail dynamique, proactif, ouvert et transparent, à accorder à la bonne gouvernance l’importance qu’elle mérite et à créer une main-d’œuvre plus diversifiée sur le plan géographique et en termes de parité hommes-femmes.

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Tout ce qui précède ne constitue qu’un aperçu de nos activités, mais comme vous pouvez le constater, celles-ci sont déjà incroyablement riches et étendues.

Je tiens à saisir cette occasion pour remercier mes vice-directeurs et sous-directeurs généraux, ainsi que mes nombreux collègues à travers toute l’Organisation, qui travaillent dur et avec passion pour vous apporter tous ces résultats, et pour exprimer notre gratitude collective à votre égard, dans votre rôle de membres, pour vos conseils, vos orientations, votre collaboration et votre soutien.

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Chères et chers collègues, chères amies, chers amis,

En conclusion, le travail de transformation de l’écosystème mondial de la propriété intellectuelle commence à produire des résultats, non seulement en façonnant des normes mondiales de propriété intellectuelle et en attirant l’attention des dirigeants politiques et communautaires, mais aussi en allant plus loin sur le terrain et en touchant plus de vies que jamais.

Mais ce travail est loin d’être achevé.  Pour chaque Sona ou Mariama que nous avons pu aider, il y en a des millions d’autres qui ne sont toujours pas en mesure de commercialiser leurs idées et qui ont soif d’utiliser le pouvoir de la propriété intellectuelle pour changer leur vie et le monde.

Continuons donc, en tant que communauté de l’OMPI, à mettre en place les bonnes pratiques, normes, politiques et projets, afin que la propriété intellectuelle fasse partie du parcours de chaque innovateur et créateur, et qu’elle devienne un moteur de la croissance et du développement pour toutes les régions du monde.

Une fois encore, je vous remercie de votre soutien, de vos conseils et de l’orientation que vous donnez à notre action en tant que membres, je vous assure de l’appui sans réserve de mes collègues du Secrétariat dans les discussions à venir et vous souhaite le meilleur pour une soixante-cinquième série de réunions des assemblées fructueuse et réussie.

Je vous remercie.

Documents de référence

  • Rapport sur la performance de l’OMPI en 2022-2023 PDF, Annual Financial Report and Financial Statements
  • Rapport financier annuel et états financiers PDF, WIPO Performance Report 2022
  • Programme de travail et budget pour l’exercice biennal 2024-2025 PDF, Program of Work and Budget for 2024-25