Les États membres de l'OMPI s'attaquent à la question de la protection des savoirs traditionnels et du folklore
Genève, 9 novembre 2004
Actualités UPD/2004/234
La semaine dernière, lors d'une session du Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (ci-après dénommé "comité intergouvernemental"), les États membres de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ont intensifié leurs travaux sur des points concrets relatifs à la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles (folklore). Cette session, qui a eu lieu à Genève du 1er au 5 novembre 2004, a permis d'examiner, pour la première fois, une série de projets de dispositions exposant des objectifs de politique générale et des principes fondamentaux pour la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles contre l'appropriation illicite et l'utilisation abusive. Des délégués de 104 États membres, 20 organisations intergouvernementales et 45 organisations non gouvernementales ont participé à cette session.
M. Francis Gurry, vice-directeur général de l'OMPI en charge de ces questions, a déclaré que "les propositions ont été élaborées à partir des vues exprimées par les États membres de l'OMPI et par un large éventail de communautés autochtones et locales, et sur la base d'une série de textes législatifs nationaux ou régionaux. Elles ont permis la tenue d'un débat ciblé sur le contenu approprié de la protection internationale des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles. Si les États membres doivent encore résoudre certaines questions importantes, les progrès accomplis la semaine dernière sont très prometteurs".
Les délégués ont examiné un éventail de questions de politique générale et de questions juridiques posées par ces premiers projets. L'un des points clés concerne le lien entre une protection particulière des savoirs traditionnels ou des expressions culturelles traditionnelles et le système actuel de la propriété intellectuelle, ainsi que les éventuelles réformes du système de propriété intellectuelle, visant par exemple à renforcer les exigences relatives à la divulgation d'informations en rapport avec les savoirs traditionnels et les ressources génétiques dans les demandes de brevet. Parmi les autres questions de fond soulevées, on peut citer la façon de déterminer les bénéficiaires de la protection, la nécessité de tenir compte des droits sous-jacents des peuples autochtones, la forme juridique de la protection, la délimitation entre les mesures juridiques internationales et les mesures juridiques nationales, et le lien de la protection avec d'autres systèmes juridiques et domaines de politique générale. Autre question fondamentale : comment un système qui protège les savoirs traditionnels contre une utilisation abusive peut-il s'appliquer rétrospectivement afin d'englober les utilisations passées? Une attention particulière a été accordée à la nécessité d'opter pour une approche holistique, qui comprendrait une coordination étroite avec d'autres systèmes et processus internationaux.
Le comité intergouvernemental a approuvé une procédure de travail qui consiste à solliciter des commentaires par écrit sur les projets de proposition actuels en vue de compléter les nombreuses observations et propositions de modification formulées au cours de la session du comité. La date limite pour la présentation de ces commentaires a été fixée au 25 février 2005. Les propositions mises à jour seront ensuite diffusées pour consultation ultérieure avant la tenue de la prochaine session du comité intergouvernemental, en juin 2005 (le texte des premières propositions figure dans l'annexe I des documents WIPO/GRTKF/IC/7/3 et WIPO/GRTKF/IC/7/5, qui peuvent être consultés à l'adresse suivante : https://www.wipo.int/tk/fr/).
Le comité intergouvernemental a aussi examiné de manière approfondie les mesures prises pour renforcer la place accordée, dans ses travaux, aux communautés autochtones et locales. Si le comité est de nature intergouvernementale, l'objet de ses travaux milite en faveur d'une large participation des représentants des détenteurs de savoirs traditionnels et des gardiens de cultures traditionnelles. Le nombre d'ONG spécialement accréditées auprès du comité intergouvernemental a dépassé la centaine à cette session. La plupart de ces observateurs représentent des communautés autochtones traditionnelles et locales.
Faisant fond sur les mesures prises par le passé pour améliorer la participation des communautés autochtones et locales et leur influence sur ses travaux, le comité intergouvernemental est convenu d'une série de mesures de procédure pour renforcer cette participation et donner aux représentants la possibilité de se faire davantage entendre dans le cadre des travaux du comité. Répondant à la nécessité de trouver des fonds pour financer cette participation accrue, il est aussi convenu d'élaborer des plans de financement volontaire pour faciliter la participation de ces communautés aux travaux du comité intergouvernemental et aux travaux connexes de l'OMPI. Une proposition détaillée sur cette question sera examinée à la prochaine session du comité intergouvernemental. En attendant, le comité a vivement encouragé les volontaires à financer la participation de ces communautés.
Le comité intergouvernemental a été informé de la procédure adoptée par l'Assemblée générale de l'OMPI pour répondre à l'invitation du secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (CDB) visant à examiner et traiter certaines questions spécifiques portant sur les exigences relatives à la divulgation d'informations sur les ressources génétiques et les savoirs traditionnels connexes dans les systèmes de propriété intellectuelle (voir le communiqué de presse n° 397/2004). L'Union européenne a annoncé qu'elle présenterait une proposition à ce sujet, et la Suisse a informé le comité de la proposition qu'elle avait soumise à cet égard dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT); le comité intergouvernemental n'a toutefois pris aucune décision sur ce sujet en vue de ses travaux futurs.
La prochaine session suivante du comité intergouvernemental aura lieu en juin 2005.
Historique :
Les travaux de l'OMPI sur les savoirs traditionnels remontent à 1998, c'est-à-dire peu de temps après que M. Idris eut pris en main les rênes de l'Organisation. Ils s'appuient sur plusieurs décennies de travaux menés par l'OMPI sur les expressions du folklore (aussi appelées "expressions culturelles traditionnelles"). Le programme de travail actuel tient compte du fait que les savoirs traditionnels, les expressions culturelles traditionnelles et les ressources génétiques connexes sont considérés comme un tout indivisible dans les traditions et les coutumes, tout en s'efforçant de mettre au point des instruments juridiques particuliers qui tiennent compte d'un environnement juridique plus vaste et du contexte politique dans lequel s'inscrit chaque élément de ce patrimoine traditionnel et de protéger cet important patrimoine communautaire contre toute utilisation abusive ou appropriation illicite. Ce programme comprend aussi des consultations étroites avec d'autres institutions des Nations Unies et organes internationaux dans le respect de leur mandat et de leurs activités.
La première étape des travaux de l'OMPI a consisté à consulter des détenteurs de savoirs traditionnels de nombreux pays en 1998 et 1999 afin qu'ils puissent exprimer directement leurs besoins et leurs attentes. Des communautés autochtones et locales, des organisations non gouvernementales (ONG), des fonctionnaires nationaux, des universitaires, des chercheurs et des représentants du secteur privé ont été consultés dans le cadre de ces missions d'enquête, qui ont été menées dans 28 pays de mai 1998 à novembre 1999. Les résultats de ces consultations figurent dans un rapport exhaustif, qui continue à servir de base à la plupart des travaux de l'OMPI. De cette manière, les points de vue d'un large éventail de détenteurs de savoirs traditionnels continuent à orienter les activités futures. Le rapport, publié par l'OMPI, est intitulé Besoins et attentes des détenteurs de savoirs traditionnels dans le domaine de la propriété intellectuelle : missions consacrées à la propriété intellectuelle et aux savoirs traditionnels (1998-1999) (https://www.wipo.int/tk/fr/tk/ffm/report/index.html).
L'établissement du comité intergouvernemental en tant qu'instance de discussion des politiques générales applicables à ces questions a marqué une autre étape importante. Les délibérations au sein du comité intergouvernemental ont été axées sur trois grands thèmes, à savoir l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages, la protection des savoirs traditionnels associés ou non à ces ressources et la protection des expressions du folklore.
Le comité intergouvernemental s'est réuni pour la première fois en mai 2001 et a tenu sept sessions depuis lors. La première phase des travaux du comité intergouvernemental, jusqu'en 2003, a consisté notamment en des débats de politique générale, des rapports sur des expériences nationales, des enquêtes empiriques, des échanges de données d'expérience des communautés autochtones et locales, des analyses des moyens juridiques et politiques de renforcer la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles, la mise au point d'instruments concrets, l'élaboration de recommandations en vue de la réforme du système international des brevets afin que celui-ci tienne compte des savoirs traditionnels, et un examen des initiatives visant à renforcer les capacités et à sensibiliser l'opinion publique.
Le comité intergouvernemental a achevé son premier mandat en 2003 et s'est vu confier par l'Assemblée générale de l'OMPI, en septembre 2003, un mandat renforcé et élargi pour l'exercice biennal en cours. Cette décision a marqué un tournant pour cet organe, en ce sens qu'il est devenu une tribune internationale clé pour les débats de politique générale, l'analyse des données d'expérience et la mise au point de nouvelles approches et de nouveaux mécanismes juridiques visant à tenir compte des préoccupations de propriété intellectuelle et des intérêts des communautés qui détiennent et perpétuent les savoirs traditionnels, les expressions culturelles traditionnelles et les ressources génétiques. Ses travaux ont aussi été marqués par une plus grande coopération avec d'autres organisations internationales et régionales ainsi qu'avec des administrations nationales et des communautés traditionnelles.
La deuxième phase des travaux du comité intergouvernemental a visé à parvenir à des résultats plus concrets et plus ciblés au niveau international. Cela signifie en particulier l'élaboration de deux séries complémentaires d'objectifs et de principes fondamentaux communs concernant respectivement la protection des expressions culturelles traditionnelles (ou folklore) et la protection des savoirs traditionnels. Ces éléments ont été complétés par l'élaboration, dans leurs grandes lignes, des orientations politiques et des mécanismes juridiques utilisés dans la pratique pour donner effet à ces objectifs et principes. De tels aboutissements peuvent constituer une base de travail commune pour la poursuite des activités internationales en ce qui concerne ces questions urgentes. Cela devrait permettre de dégager plus facilement un consensus sur le cadre et le fond de la protection au bénéfice des détenteurs des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles tout en favorisant la convergence de vues sur le ou les moyens appropriés pour exprimer et donner effet à ces principes.
Par ailleurs, l'OMPI poursuit ses travaux relatifs à d'autres éléments de ce programme en dehors du cadre du comité intergouvernemental, y compris la fourniture d'un appui technique et d'une contribution directive aux niveaux national et régional, l'accueil de nombreux forums visant à définir une vision commune de la meilleure façon d'élaborer et d'appliquer les principes du système de la propriété intellectuelle au service des intérêts définis par les détenteurs de savoirs traditionnels et d'expressions culturelles traditionnelles et la participation à de tels forums, ainsi que la commande d'études indépendantes. L'OMPI élabore aussi une grande quantité de publications et de ressources à but d'information pour les communautés et les décideurs, les fonctionnaires nationaux, les membres de la société civile et d'autres parties prenantes.
Pour plus de renseignements, on peut s'adresser à la Section des relations avec les médias et avec le public (OMPI) :
- Tél. : (+41 22) 338 81 61 ou 338 95 47
- Tlcp. : (+41 22) 338 88 10
- Mél. : publicinf@wipo.int