Maryanne Diamond attend une révolution.
Depuis que Mme Diamond est née en Australie dans les années 50, les progrès techniques ont révolutionné les moyens utilisés par la plupart d’entre nous pour créer et diffuser l’information, ainsi que pour y accéder.
Cependant, pour Mme Diamond, dont les parents ont découvert qu’elle était aveugle six semaines après sa naissance, la révolution de l’information restera incomplète tant qu’elle n’aura pas transformé les conditions de vie des centaines de millions de déficients visuels que compte le monde, notamment dans les régions pauvres. Elle espère que le changement est en marche.
En décembre 2014, elle a pris la parole à Genève pour appeler à la ratification du récent Traité de Marrakech, qui vise à faciliter l’accès des déficients visuels aux livres. Devant des centaines de personnes venues assister à une conférence TEDx au Palais des Nations, siège historique des Nations Unies en Europe, Mme Diamond avait un message à faire passer.
“L’information, c’est le pouvoir. C’est elle qui nous permet de faire des choix et de prendre des décisions. Nous autres, aveugles et personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés, attendons avec impatience une transformation de nos conditions de vie”, a t elle déclaré. “J’exhorte tous les pays à ratifier et à mettre en œuvre de toute urgence le Traité de Marrakech.”
Au départ, les livres n’étaient pas une priorité pour Mme Diamond, mathématicienne de formation. Les livres en braille étaient lourds, et rares sur les étagères des bibliothèques. De nos jours encore, seule une très petite partie des textes imprimés est disponible dans des formats accessibles aux déficients visuels. Les militants de la cause des aveugles parlent de “pénurie de livres”.;
Tout au long de sa carrière bien remplie, dont une bonne partie à l’étranger avec des enfants en bas âge, la situation était toujours la même : un manque récurrent de manuels, de livres de voyage et de guides. “Je devais compter sur les autres pour avoir des informations”, dit elle.
C’est ce qui a incité Mme Diamond à se lancer dans le militantisme. Son parcours l’a menée jusqu’à la tête de l’Union mondiale des aveugles, organisation basée au Canada qui défend les intérêts des déficients visuels.
L’Union mondiale des aveugles, et Mme Diamond en personne, ont joué un rôle clé dans l’élaboration, la promotion et l’adoption du Traité de Marrakech, que certains appellent “traité sur les livres pour les aveugles”.
Après plusieurs années d’efforts, les États membres de l’OMPI ont massivement adopté le Traité en juin 2013, à l’issue d’une conférence diplomatique de haut niveau organisée au Royaume du Maroc, à Marrakech. Éprouvés par des années de pourparlers, les participants ont conclu les négociations par une session marathon de 10 jours, et ont fêté leur succès jusque tard dans la nuit du désert, en dansant au son de la légende musicale Stevie Wonder, venu se produire exceptionnellement au Maroc, comme il l’avait promis en cas d’adoption du Traité.
Ce traité vise à faciliter la création et la diffusion transfrontière de textes spécialement adaptés aux besoins des déficients visuels. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, il existe plus de 285 millions de déficients visuels dans le monde, dont 90% dans les pays en développement.
Le Traité de Marrakech portera réellement ses fruits une fois qu’il aura été ratifié par 20 pays. Seuls quelques uns l’ont fait à ce jour, à commencer par l’Inde à la mi 2014.
Déjà, les efforts destinés à favoriser la mise en œuvre du Traité s’accélèrent. Mme Diamond a cité l’exemple du Consortium pour des livres accessibles (ABC), qui lance des initiatives concrètes visant à améliorer la disponibilité des livres dans des formats accessibles. L’ABC mène des activités de renforcement des capacités, soutient l’élaboration de technologies et de normes de publication permettant de créer des contenus accessibles en format “natif” et administre une base de données internationale destinée à faciliter la recherche de textes dans des formats accessibles.
Malgré des années d’engagement, le combat de Mme Diamond ne fait donc que commencer. “L’adoption du Traité ne marque pas la fin de nos efforts, mais seulement la fin de la première étape. Il nous reste une énorme tâche à accomplir avant de pouvoir dire que nous avons mis fin à ce qu’on appelle la pénurie de livres”, a t elle déclaré au public de la conférence TEDx.