Courrier des lecteurs
EBay n’est pas responsable de contrefaçon
Vos lecteurs seront peut-être heureux d’apprendre que, après plusieurs ajournements, le tribunal de première instance de Paris a finalement rendu le 13 mai sa décision depuis longtemps attendue dans l’affaire opposant EBay à L’Oréal. L’affaire a été mentionnée dans la conclusion de l’article paru dans le Magazine 3/2009 de l’OMPI : “Nouvelles perspectives juridiques en matière d’enchères en ligne”. Contrairement à la principale affaire examinée dans cet article et dans d’autres dont il fait mention, le tribunal a décidé que la responsabilité d’eBay - un hébergeur Internet - ne pouvait être appliquée que dans les cas où il savait qu’il violait le contenu et ne prenait aucune mesure pour y remédier.
Le procès intenté en 2007 par L’Oréal invoquait une contrefaçon de marque et la violation par des compagnies d’eBay de réseaux de distribution. L’Oréal soutenait que eBay était reconnu comme un éditeur de sites Web se livrant à des activités de courtage, ce qui, en vertu de la législation française, rendait eBay pleinement responsable du contenu de son site Internet. Et d’ajouter que le site réservé aux enchères prenait une part active à la promotion de produits de beauté et de parfum et que les ventes lui rapportaient de l’argent. L’Oréal réclamait des dommages et intérêts à hauteur de 3,5 millions d’euros.
EBay s’est opposée à la position du plaignant, revendiquant son rôle d’intermédiaire qui offrait uniquement des services d’hébergement et n’avait aucun contrôle sur les utilisateurs et le contenu de leurs annonces publicitaires. Les programmes “Power seller”, les magasins eBay ou la protection Paypal étaient présentés comme ayant pour unique but d’accroître les enchères des vendeurs. En tant que compagnie d’hébergement, eBay n’est pas tenue par une obligation générale de contrôler le contenu de son site Web.
Le tribunal a fait siens les arguments avancés par eBay et décidé que eBay avait agi de bonne foi en prenant des mesures vigoureuses pour combattre la contrefaçon. Compte tenu de cette différence de position entre les tribunaux de première instance, une décision de la Cour d’appel serait maintenant accueillie avec satisfaction.
Toutefois, cette nouvelle décision est conforme à la décision du Tribunal de première instance des États-Unis d’Amérique (District du Sud de New York, 14 juillet 2008) selon laquelle le fait que eBay soit au courant que quelques-uns des produits vendus aux enchères sont des produits de contrefaçon n’est pas une preuve suffisante pour considérer eBay comme responsable d’atteinte à une marque. En août 2008, un tribunal belge s’est lui aussi prononcé en faveur du site des enchères contre L’Oréal, décidant que eBay n’avait pas l’obligation de contrôler systématiquement les produits mis en vente. Un tribunal au Royaume-Uni a adopté la même position le 22 mai 2009 (en attendant que le Cour européenne de justice soit saisie de cette affaire). La seule victoire de l’Oréal l’a été auprès des tribunaux allemands. Les tribunaux espagnols doivent quant à eux encore prendre une décision.
Franck Soutoul et Jean-Philippe Bresson, Inlex IP Expertise
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