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Cour suprême du Cameroun, Arrêt N°04/COM du 06 décembre 2018

Cour Suprême du Cameroun

Arrêt N°04/COM du 06 Décembre 2018

SOCIETE SINOCAM SARL

c/

SOCIETE AFCOTT CAMEROUN SARL

La Cour,

Sur le moyen de cassation préalable pris de la violation de la loi, violation de l’article 7 de la loi N°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire de l’article 35 alinéa b et c de la loi N°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, ensemble l’article 48 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui ;

Attendu que l’article 7 de la loi N°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dispose ;

« Toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit ;

L’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public de la décision » ;

Attendu que l’article 35 alinéa b et c de la loi N°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement de la Cour suprême énumère parmi les cas d’ouverture à cassation « la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure ainsi que le défaut, la contradiction ou l’insuffisance de motifs » ;

Que l’article 48 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui quant à lui dispose, s’agissant de la preuve et de l’action en contrefaçon ;

1) Le propriétaire d’une marque ou le titulaire d’un droit exclusif d’usage peut faire procéder, par tout Huissier ou Officier public ou ministériel y compris les douaniers avec, s’il y a lieu, l’assistance d’un expert, à la description détaillée, avec ou sans saisie, des produits ou services qu’il prétend marqués, livrés ou fournis à son préjudice en violation des dispositions de la présente Annexe en vertu d’une ordonnance du Président du Tribunal civil dans la ressort duquel les opérations doivent être effectuées, y compris à la frontière ;

2) L’ordonnance est rendue sur simple requête et sur justification de l’enregistrement de la marque et production de la preuve de non-radiation et non déchéance ;

3) Lorsque la saisie est requise, le juge peut exiger du requérant un cautionnement qu’il est tenu de consigner avant de faire procéder à la saisie. Le cautionnement est toujours imposé à l’étranger qui requiert la saisie ;

4) Il est laissé copies, aux détenteurs des objets décrits ou saisis, de l’ordonnance et de l’acte constatant le dépôt du cautionnement le cas échéant, le tout sous peine de nullité et de dommages-intérêts contre l’Huissier ou l’Officier public ou ministériel, y compris le douanier ;

En ce que la Cour d’appel du Littoral pour conforter sa décision énonce au verso du 31e rôle, 5e paragraphe de l’arrêt attaqué « considérant au demeurant que le Décret N°2005/0772/PM du 06 Avril 2005 fixant les conditions d’homologation et de contrôle des produits phytosanitaires auquel s’est conformée la société AFCOTT veille au respect des droits éventuels des concurrents au moment de l’homologation du produit concerné par la commission compétente » ;

Que le respect par toutes les parties de la procédure obligatoire d’homologation de produits phytosanitaires, ne valide pas une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, institué justement pour la protection des concurrents ;

Que le droit des marques et singulièrement l’article 7 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui fait défense, à toute autre partie que le titulaire de la marque déposée sur produit phytosanitaire homologué, d’utiliser ou d’imiter la marque de commerce de sa concurrente dûment déposée à l’OAPI ;

Qu’il échet ainsi de rappeler que l’homologation est un processus au terme duquel l’autorité compétente approuve l’utilisation d’un produit phytosanitaire, après examen des données scientifiques complètes montrant que le produit est efficace pour les usages prévus et ne présente pas de risque pour la santé humaine, animale et pour l’environnement, dans tels conditions d’emploi recommandées ;

Que par contre l’enregistrement d’une marque est un acte pris par l’organisation officiel, en l’occurrence l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) après vérification de la disponibilité du signe par l’examen d’antériorité, pour protéger son utilisation et conférer la propriété exclusive à son titulaire ;

Que la marque est donc ce signe distinctif qui permet à son titulaire de distinguer ses produits de ceux de la concurrence, lorsqu’ils se rapportent à un même usage ou destination ;

Que c’est donc en fraude aux droits de SINOCAM Sarl que AFCOTT Cameroun a, vu le succès par elle engrangée, imité et copié sa marque déposée, pour dénommer son produit phytosanitaire LAMIDA COT 90 EC avec ce risque de tromperie des agriculteurs camerounais et de l’espace OAPI, habitué à LAMIDA GOLD 90 EC de l’intimée ;

Que AFCOTT Cameroun, pour éviter cette confusion, aurait dû appeler son produit différemment, ce qu’elle n’a pas jugé nécessaire de faire avec l’intention manifestement frauduleuse de s’accaparer les clients du LAMIDA GOLD 90 EC dont le confort intellectuel n’aurait jamais permis de distinguer les deux signes sans les avoir vu à l’œil nu ou entendu à l’oreille en des temps rapprochés ;

Que c’est à tort que la Cour d’Appel du Littoral a introduit dans une action en contrefaçon assise sur les dispositions pertinentes d’un texte supra légal, l’Accord de Bangui en son Annexe III régissant les marques en l’occurrence, le fait simplement réglementaire d’une homologation obligatoire pour tous les produits phytosanitaires alors qu’il était question d’une imitation de la marque de commerce d’autrui ;

Qu’en omettant l’examen du procès-verbal de saisie-contrefaçon, preuve matérielle de la contrefaçon prévue par l’article 48 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui, pour s’appesantir sur le texte traitant de l’homologation des produits phytosanitaires, la Cour d’Appel du Littoral a dénaturé les documents et les faits de la cause, strictement encadrés par les textes visés au moyen ;

Attendu qu’à ce sujet de la Cour suprême du Cameroun rappelle : « Les juges qui ne peuvent modifier d’office ni l’objet ni la cause de la demande sont tenu de statuer dans les limites fixées par les demandes ou conclusions des parties et il appartient à la Cour suprême de vérifier les termes du litige d’après les demandes et de restituer à celles-ci leur véritable portée si les juges du fond les ont dénaturées : C.S. arrêt N°39 du 21 juin 1960 Bull N°1 pp.23-223 du 6 juin 1961 ; Bull N°4 p. 154, Code Minos procédure civile et commerciale p. 27 ;

Qu’ainsi, en tentant de trouver dans la procédure d’homologation obligatoire pour tous les produits phytosanitaires, un fait justificatif d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle conféré à une marque déposée, la Cour d’appel du Littoral a violé les textes visés au moyen en contournant l’objet du différend, procédant ainsi à une dénaturation des faits et documents (Procès-verbal de saisie-contrefaçon) sanctionnée par l’article 35 alinéa B et C de la loi N°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, toutes actions équivalentes à une absence de motivation sanctionnée par l’article 7 de la loi N°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire »

Attendu qu’il résulte de l’article 7 de la loi 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire que doit comporter en elle-même des éléments propres à la justifier, la dénaturation des faits et des pièces de la procédure et d’insuffisance des motifs équivalant au défaut de motifs d’une part ;

Et que le juge d’appel qui infirme un jugement doit apporter les motifs propres à anéantir ceux du premier juge d’autre part ;

Attendu en l’espèce, pour débouter la société SINOCAM de son action en contrefaçon, l’arrêt attaqué se borne à énoncer ;

 « Considérant qu’en l’analyse des textes visés au moyen et à la comparaison des deux produits concurrents, il n’appert aucune imitation de la part de la société AFCOOT ;

Que dans le cadre de la recherche et de la mise sur le marché des produits pharmaceutiques ou phytosanitaires, les prometteurs ont le droit d’utiliser les formules se rattachant aux germes à combattre sans que cela porte atteinte aux droits de celui qui a obtenu un brevet, dès lors que l’intonation de l’appellation litigieux est différente ;

Qu’en l’espèce, les deux appellations ne suscitent aucune confusion ;

Considérant au demeurant que le décret N°2005/0772/P du 06 avril 2005 fixant les conditions d’homologation et de contrôle des produits phytosanitaires auquel s’est conformée la société AFCOTT veille au respect des droits des éventuels concurrents au moment de l’homologation du produit concerné ;

Que la commission susvisée s’assure également de l’identification précise de l’organisme nuisible, vise son origine présumée et son importance ainsi que la caractérisation suffisante du produit soumis à l’homologation afin de l’identifier sans ambiguïté ;

Attendu qu’en se contentant de ces affirmations fondées sur la procédure d’homologation, sans aucune allusion à l’enregistrement d’une marque et ses effets à l’égard du titulaire de celle-ci et des tiers, sans tenir compte des pièces du dossier tel que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé conformément à l’article 3 de l’Accord de Bangui, la Cour d’appel a à la fois dénaturé les faits de contrefaçon reprochés à la société AFCOTT-CAM, et les pièces du dossier, et n’a pas suffisamment motivé sa décision ;

Que ce faisant, elle a violé les textes visés au moyen ;

D’où il suit que celui-ci est fondé et que l’arrêt encourt la cassation ;

SUR L’ÉVOCATION :

Attendu qu’aux termes de l’article 67(2) de la loi N°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême ;

 « Lorsque la Chambre casse et annule la décision qui lui est déférée, elle évoque et statue si l’affaire est en état d’être jugée au fond. L’affaire est reconnue en état d’être jugée au fond lorsque les faits, souverainement constatés et appréciés par les juges du fond permettent d’appliquer la règle de droit appropriée » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 39 du Code de procédure civile et commerciale ;

 « Les Jugements contiendront en outre les noms, professions, domicile des parties, l’acte introductif d’instance et le dispositif des conclusions, les motifs et le dispositif » ;

Qu’il s’agit là d’une formalité substantielle qui permet à la Cour suprême d’exercer son contrôle sur la régularité de la décision déférée, concernant l’étendue de la chose jugée, et qui est par ailleurs liée à l’obligation faite aux juges de motiver leurs décisions ;

Attendu en l’espèce qu’il ressort des qualités du jugement entrepris que seul le dispositif de l’exploit d’assignation a été reproduit en violation des prescriptions légales sus-énoncées ;

Que ledit jugement étant nul, l’on ne saurait affirmer que les juges du fond on souverainement apprécié les faits au sens de l’article 67(2) de la loi 2006/016 du 29 décembre 2019 susvisé ;

Que dès lors il n’y a pas lieu à évocation ;

PAR CES MOTIFS

Et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, casse et annule N°040/COM rendu le 06 novembre 2016 par la Cour d’Appel du Littoral ;

Remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ladite décision ;

Et pour être fait droit, renvoie devant la Cour d’Appel du Sud ;

Réserve aux dépens ;

Ordonne qu’à la diligence du Greffier en Chef de la Chambre Judiciaire une expédition du présent arrêt sera transmise au Procureur Général près la Cour d’Appel du Littoral et une autre au Greffier en Chef de ladite Cour d’Appel pour mention sur les registres respectifs.