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Cour suprême du Sénégal, Arrêt N°57 du 17 mai 2017

Cour Suprême du Sénégal

Arrêt N°57 du 17 mai 2017

SONATEL MOBILES S.A

c/

L’AGENCE TOUBA SENEGAL ET LE GROUPE GPS

La Cour,

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Kaolack 18 juin 2015, n°8) et le jugement qu’il confirme, que l’Agence Touba Sénégal a déclaré avoir mis au point un système de paiement de factures à distance dénommée « SENFACTURES », enregistré à l’Organisation africaine de la Propriété intellectuelle (OAPI) ; qu’estimant que la SONATEL MOBILES a utilisé la marque, à des fins commerciales, sans son consentement, l’Agence Touba Sénégal l’a assignée en responsabilité pour concurrence déloyale et en paiement ; que la SONATEL MOBILES a soutenu avoir utilisé la marque, non pas comme propriétaire et fournisseur de ce service de paiement, mais en tant que cliente du Groupement GPS qui, elle-même, est membre du GIE GAINDE 2000, propriétaire du nom de domaine « senfactures.sn », pour l’avoir fait enregistrer au Sénégal, depuis janvier 2005, antérieurement à son utilisation par l’Agence Touba Sénégal, et au dépôt qu’elle a effectué à l’OAPI ;

Sur les premier et huitième moyens réunis, tirés de la contrariété de motifs et de la violation de la loi :

Attendu que la SONATEL MOBILES fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande, aux motifs que d’une part, elle savait que l’Agence Touba Sénégal était détentrice de la marque « SENFACTURES » et que d’autre part, l’Agence Touba Sénégal lui avait adressé une lettre lui proposant d’exploiter la marque alors, selon le moyen :

1°/ qu’on ne peut établir le fait qu’elle ait eu connaissance de l’existence de la marque « SENFACTURES », à partir d’une correspondance qui aurait été adressée à la SONATEL, puisque cette dernière société a une personnalité juridique différente de la sienne ;

2°/ que la preuve de cette offre de collaboration ne résulte d’aucun écrit ou pièce du dossier ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de contradiction de motifs et de violation de la loi, le moyen tente de remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier la valeur probante des documents produits aux débats ;

D’où il suit qu’il est irrecevable ;

Sur les deuxième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens réunis, tirés du défaut de base légale, du défaut de réponse aux conclusions, de la violation des articles 2 de l’Annexe VIII et 7 paragraphes 1 et 2 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui, et 118 et 119 du Code des Obligations Civiles et Commerciales ;

Attendu que la SONATEL MOBILES fait encore grief à l’arrêt de la déclarer responsable, et de la condamner au paiement alors, selon le moyen :

1°/ que si, au regard de l’article 7 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui, c’est l’enregistrement qui confère le droit exclusif d’utiliser la marque enregistrée, chacun des enregistrements de « l’espèce » confère à son titulaire, ou à toute personne qu’il autorise, le droit exclusif d’utilisation de la marque enregistrée ;

2°/ que la motivation procède d’une insuffisance de motifs certaine, en ce qu’il est constant qu’une lettre adressée à la SONATEL ne peut établir que la SONATEL MOBILES ait eu connaissance d’une information que porterait ladite lettre, que s’il est établi, au préalable, que la SONATEL et la SONATEL MOBILES font une seule et même entité ;

3°/ que la cour d’appel n’a pas répondu à la prétention selon laquelle, la marque avait été enregistrée au profit du GIE GAINDE 2000 qui est un membre du Groupe GPS ;

4°/ que la concurrence déloyale ne peut être retenue à l’encontre d’un exploitant qui a acquis le bénéfice de l’antériorité sur des produits et services bien déterminés ; qu’en l’espèce, il a été dûment établi que le concept « SENFACTURES » a été officiellement utilisé et exploité par le groupe GPS, comme nom de domaine, et qui l’a mis en ligne à l’adresse « www.senfactures.sn » ;

5°/ qu’il ne peut y avoir de concurrence déloyale sans l’existence d’un acte ou d’une pratique de nature à créer la confusion avec l’entreprise d’autrui pour ses activités en particulier avec les produits ou services offerts par cette entreprise ; qu’en l’espèce, l’Agence Touba Sénégal n’a jamais invoqué une confusion avec son entreprise ;

6°/ que l’arrêt n’a pas pu établir la commission d’une faute résultant d’un quelconque manquement à une obligation préexistante ;

7°/ que la cour d’appel ne pouvait pas déclarer le Groupement GPS et la SONATEL MOBILES coupables de concurrence déloyale, dès lors que leur activité est exercée sur la base de l’enregistrement obtenu au profit du GIE GAINDE 2000, qui est membre du Groupement GPS ;

Mais attendu que selon les articles 7-1 et 2 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui, portant création de l’OAPI, l’enregistrement d’une marque confère, à son titulaire, le droit exclusif d’utiliser la marque ou d’empêcher son usage par des tiers, sans son consentement ;

Que selon les articles 1, 2 et 7 de l’Annexe VIII du même texte, la concurrence déloyale est tout acte contraire aux usages honnêtes, ou de nature à créer une confusion avec les produits et services offerts par une entreprise d’autrui ou à désorganiser son marché ;

Et attendu que l’arrêt constate d’abord qu’il résulte des pièces du dossier, notamment de l’engagement du 14 août 2002 de Sadaga SARR, promoteur du projet « SENFACTURES », et de l’arrêté d’enregistrement d’une marque du 30 janvier 2006, que l’agence Touba SENEGAL a mis au point la marque litigieuse et l’a fait enregistrer à l’OAPI ;

Qu’il relève ensuite qu’il n’est pas contesté que la SONATEL a reçu, par correspondance du 9 mars 2004, une offre commerciale de l’agence Touba SENEGAL, relative à l’usage de ladite marque, pour un système de paiement électronique des factures, sans suite favorable, antérieurement à sa collaboration avec le Groupement GPS ;

Que l’arrêt constate également, que postérieurement à leur connaissance de l’utilisation et de l’enregistrement de la marque « SENFACTURES », par l’agence Touba SENEGAL, la SONATEL et le Groupement GPS, dont elle est un des membres, ont continué à faire usage de ladite marque protégée ; que cette pratique frauduleuse, contraire aux usages honnêtes, est de nature à créer une confusion avec la marque de service légitimement et légalement détenue par l’agence Touba SENEGAL, et à perturber son marché ;

Qu’il retient enfin que dès lors, les appelants ne sont pas fondés à utiliser la marque contre la volonté de l’intimée, en invoquant un enregistrement fait auprès d’un organisme national, en lieu et place de l’OAPI, seule institution sous-régionale compétente en la matière ;

Que de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a pu, répondant aux conclusions prétendument délaissées sans être obligée de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, retenir la responsabilité de la SONATEL MOBILES pour concurrence déloyale ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen tiré de la dénaturation :

Attendu que la SONATEL MOBILES fait grief à l’arrêt, de retenir que la lettre que lui a envoyée l’Agence Touba Sénégal, le 9 mars 2004, était une offre commerciale alors, selon le moyen, que même un examen sommaire de cette correspondance permet de constater que la société SONATEL MOBILES n’a pas été visée comme destinataire ; que le document ne porte aucune mention relative à une offre commerciale quelconque ; qu’il ne porte même pas de mention permettant de constater qu’il émane de l’Agence Touba Sénégal ; que le document porte sur une offre de service de recouvrement ;

Mais attendu que la lettre du 9 mars 2004 arguée de dénaturation n’est pas produite ;

Qu’il s’ensuit que le moyen est irrecevable ;

Sur le neuvième moyen tiré de la violation de l’article 134 du COCC :

Attendu que la SONATEL MOBILES fait enfin grief à l’arrêt d’infirmer le jugement en allouant à l’Agence Touba Sénégal une somme supérieure à celle que lui avait octroyée le premier juge ;

Mais attendu que l’évaluation du montant des dommages et intérêts relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ;

D’où il suit que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne la SONATEL MOBILES aux dépens.