Centre d�arbitrage et de m�diation de l�OMPI
D�CISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Lagardere SCA contre Monsieur Omer Karahan
Litige n� DTV2005-0004
1. Les parties
Le Requ�rant est Lagardere SCA, Paris, France, repr�sent� par Markplus�International, France.
Le D�fendeur est Monsieur Omer Karahan, Torcy, France.
2. Nom de domaine et unit� d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <lagardere-groupe.tv>.
L’unit� d’enregistrement aupr�s de laquelle le nom de domaine est enregistr� est .tv Corporation International.
3. Rappel de la proc�dure
Une plainte a �t� d�pos�e par Lagardere SCA aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le�“Centre”) en date du 5�d�cembre�2005.
En date du 6�d�cembre�2005, le Centre a adress� une requ�te � l’unit� d’enregistrement du nom de domaine litigieux, .tv Corporation International, aux fins de v�rification des �l�ments du litige, tels que communiqu�s par le Requ�rant. L’unit� d’enregistrement a confirm� l’ensemble des donn�es du litige en date du 7�d�cembre�2005.
Le Centre a v�rifi� que la plainte r�pond bien aux Principes directeurs r�gissant le R�glement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-apr�s d�nomm�s “Principes directeurs”), aux R�gles d’application des Principes directeurs (ci-apr�s�d�nomm�es les “R�gles d’application”), et aux R�gles suppl�mentaires de l’OMPI (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles suppl�mentaires”) pour l’application des Principes directeurs pr�cit�s.
Conform�ment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des R�gles d’application, le 20�d�cembre�2005, une notification de la plainte valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au D�fendeur. Conform�ment au paragraphe 5(a) des R�gles d’application, le dernier d�lai pour faire parvenir une r�ponse �tait le 9�janvier�2006. Le D�fendeur n’a fait parvenir aucune r�ponse. En date du 12�janvier�2006�le Centre notifiait le d�faut du D�fendeur.
En date du 23�janvier�2006, le Centre nommait dans le pr�sent litige comme expert unique Nathalie�Dreyfus. La Commission administrative constate qu’elle a �t� constitu�e conform�ment aux Principes directeurs et aux R�gles d’application. La Commission administrative a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment au paragraphe 7�des R�gles d’application.
4. Les faits
Le Requ�rant est le propri�taire de nombreuses marques LAGARDERE � travers le monde dont notamment�:
- enregistrement de marque communautaire LAGARDERE du 16�octobre�2000�N�1.905.371�en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42;
- enregistrement de marque communautaire semi figurative LAGARDERE du 13��janvier�2004�N�3.608.429 en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42;
- enregistrement de marque fran�aise LAGARDERE N�00/3.022.767 du 13�avril�2000�en classes 9, 16, 35, 38, 41;
- enregistrement de marque internationale LAGARDERE 97�679894 du 28�mai�1997�en classes 35, 36;
- enregistrement de marque internationale LAGARDERE N�751.186�du 18�octobre�2000�en classes 9, 16, 35, 38, 41�pour couvrir l’Autriche, le Benelux, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Portugal;
- enregistrement de marque am�ricaine LAGARDERE N�2.726.360�du 18�octobre�2000�en classes 9, 16, 35, 38, 41;
- enregistrement de marque am�ricaine semi figurative LAGARDERE N�2.376.420 du 30�octobre�1997�en classes 35 et 36;
Le d�fendeur a r�serv� le nom de domaine <lagardere-groupe.tv> en date de 22�f�vrier�2005.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rant
Le Requ�rant fonde sa plainte sur le fait que la marque LAGARDERE, dont il est titulaire, est reprise par le nom de domaine <largadere-groupe.tv>, l’ajout du terme “groupe” n’�tant pas de nature � �carter le risque de confusion.
Par ailleurs, l’extension “.tv” qui � l’origine correspond � l’extension des Iles Tuvalu ne permet pas de distinguer suffisamment les signes. Elle est de plus tr�s souvent pris�e dans le domaine de la communication et du multim�dia o� le Requ�rant est acteur important.
Le Requ�rant soutient �galement que le D�fendeur n’a aucun droit l�gitime sur la d�nomination Lagardere � quelque titre que ce soit, qu’il n’est pas connu sous cette d�nomination et qu’il ne l’a jamais utilis�e auparavant avec une offre de bonne foi. Enfin, il ne b�n�ficie pas d’une licence du Requ�rant sur cette marque.
Afin de d�montrer l’enregistrement et l’usage de mauvaise foi, le Requ�rant fonde son argumentation sur deux points�:
- Le nom de domaine a �t� enregistr� aux fins de le vendre dans la mesure o� le D�fendeur avait demand� une somme d’argent � plusieurs reprises.
- Le D�fendeur ne pouvait ignorer la notori�t� de la marque LAGARDERE et le fait de r�server le nom de domaine contest� emp�che le titulaire de la marque d’enregistrer ce nom de domaine.
B. D�fendeur
Le D�fendeur n’a pas pr�sent� d’observations dans le cadre de la pr�sente proc�dure. Il est en cons�quence d�faillant.
6. Discussion et conclusions
Selon le paragraphe�15(a) des R�gles d’application, “la Commission statue sur la plainte au vu des �critures et des pi�ces qui lui ont �t� soumises et conform�ment aux Principes directeurs, aux pr�sentes R�gles et � tout Principe ou R�gle de droit qu’elle juge applicable”.
Par ailleurs, le paragraphe�4(a) des Principes directeurs impose au Requ�rant de prouver cumulativement que :
(a) le nom de domaine du D�fendeur est identique ou semblable au point de pr�ter � confusion � une marque de produit ou de service sur laquelle le Requ�rant a des droits; et
(b) le D�fendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun int�r�t l�gitime qui s’y rattache; et
(c) le nom de domaine a �t� enregistr� et est utilis� de mauvaise foi.
En cons�quence, il convient de r�pondre � chacune des trois conditions pr�vues par le paragraphe�4(a) des Principes directeurs.
A titre pr�liminaire, la commission souhaite traiter la question de la langue de proc�dure�:
Il appara�t que le requ�rant a d�pos� la plainte en langue fran�aise.
Conform�ment aux dispositions du paragraphe 11�des r�gles d’application, sauf convention contraire, la langue de proc�dure est celle du contrat d’enregistrement du nom de domaine. Toutefois, la commission peut en d�cider autrement compte tenu des circonstances. Dans un tel cas, la commission doit faire son choix dans un esprit d’�quit� et de justice entre les parties (Easygroup IP Licensing Limited c. AHN, Litige OMPI No. D2005-0949), en prenant en consid�ration toutes les circonstances, notamment la connaissance linguistique des parties (voir Casio Co., Ltd c. Taizhou Kaixuan Entertainment Co., Ltd., Litige OMPI No. D2005-0870), le temps et le co�t d’une �ventuelle traduction (Auchan c. Oushang Chaoshi, Litige OMPI No.�D2005-0407).
En outre, la langue du site Internet vers lequel pointe le nom de domaine litigieux est un �l�ment important qui peut guider la commission dans sa d�cision, notamment, puisque cela signifie que le D�fendeur ma�trise a priori cette langue (Volvo Trademark Holding AB c. SooKwan Park, Litige OMPI No.�D2005-0448), (Easygroup IP Licensing Limited c. AHN, Litige OMPI No.�D2005-0949).
Le contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux �tant en anglais, la langue de proc�dure devrait �tre a priori l’anglais.
Cependant, il appara�t que le Requ�rant et le D�fendeur r�sident tous les deux en France, (voir Madame Agn�s Troubl� c. Monsieur Jacques Chene Litige OMPI No.�D2005-0194) et que les correspondances entre les deux parties ont �t� effectu�es en langue fran�aise.
En outre, le nom de domaine litigieux pointe vers un site Internet r�dig� en langue fran�aise. Par cons�quent, le D�fendeur poss�de vraisemblablement une connaissance suffisante de cette langue. D�s lors, la commission estime qu’il est inutile de demander au Requ�rant de traduire les documents r�dig�s en fran�ais dans la mesure o� cela peut impliquer des frais injustifi�s (Groupe Industriel Marcel Dassault et Dassault Aviation c. Mr. Minwoo Park Litige OMPI N��D2003-0989).
Selon le paragraphe 11�des r�gles d’application, compte tenu des circonstances pr�cit�es, et consid�rant que le D�fendeur n’a �mis aucune r�serve quant au choix de la langue, la commission d�signe la langue fran�aise comme langue de proc�dure.
A. Identit� ou similitude pr�tant � confusion
Il ressort des �l�ments communiqu�s � la commission que le Requ�rant est titulaire de la marque LAGARDERE ainsi que de plusieurs autres marques incluant le terme Lagardere.
Le nom de domaine litigieux est compos� de deux termes�: Lagardere et Groupe, “groupe” �tant un terme descriptif.
Or, il est admis que l’ajout d’un terme descriptif � une marque n’est pas suffisant pour �carter le risque de confusion (Auchan c. Oushang Chaoshi, Litige OMPI No. D2005-0407).
En outre, la soci�t� du Requ�rant poss�de de nombreuses filiales de par le monde, et souvent le terme Groupe Lagard�re est utilis� pour d�signer la soci�t� et ses filiales. Ceci peut donc accro�tre le risque de confusion avec le nom de domaine litigieux. D�s lors, l’ajout du terme descriptif “groupe” n’est pas de nature � �carter le risque de confusion pouvant exister entre les signes en pr�sence.
Par ailleurs, l’extension “.tv” qui correspond � l’origine aux �les Tuvalu est tr�s utilis�e dans le domaine des m�dia, domaine qui correspond � l’une des activit�s principales de la soci�t� Lagard�re.
En cons�quence, la Commission consid�re que le nom de domaine <lagardere-groupe.tv> est similaire � la marque LAGARDERE d�tenue et exploit�e par le Requ�rant, au point de pr�ter une confusion avec celle-ci au sens du paragraphe�4(a)(i) des Principes directeurs.
B. Droits ou l�gitimes int�r�ts
Dans la mesure o� le D�fendeur n’a pas r�pondu � la plainte form�e contre lui, il n’a donc apport� � la Commission aucun �l�ment qui d�montrerait ses droits o� son int�r�t l�gitime sur le nom de domaine litigieux (Sydney Airport Corporation Limited c. John Crilly, Litige OMPI No.�D2005-0989).
Conform�ment aux dispositions du paragraphe�14(a)(b) des R�gles d’Application, la Commission statue donc au vu des seuls �l�ments qui lui ont �t� transmis par le Requ�rant.
Il ressort des �l�ments communiqu�s � la commission que le D�fendeur n’a pas obtenu, ni m�me sollicit� une quelconque autorisation du Requ�rant pour exploiter, � titre de nom de domaine, la marque LAGARDERE, ce que le D�fendeur n’a pas contest�.
En cons�quence, la Commission consid�re que le D�fendeur n’a aucun droit ou int�r�t l�gitime sur le nom de domaine <lagardere-groupe.tv> au sens du paragraphe�4(a)(ii) des Principes directeurs.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le Requ�rant all�gue que le D�fendeur lui aurait demand� une somme d’argent � plusieurs reprises, ce qui d�montrerait la mauvaise foi du D�fendeur.
Il est admis que le fait de demander une somme d’argent peut ne pas �tre tout seul un �l�ment suffisant pour d�montrer la mauvaise foi du D�fendeur (Tvist Giyim Sanayi Pazarlama Ve Ticaret A.S. c. Machka Company C/O Yenid�nya,Yasin, Litige OMPI No. D2005-0957).
Cependant, il ressort des �l�ments du dossier que le D�fendeur avait propos� soit la vente, soit la location du nom de domaine litigieux. La proposition de location d�montre que le D�fendeur avait l’intention de tirer profit de la r�servation de ce nom de domaine et confirme en cons�quence sa mauvaise foi.
Par ailleurs, le D�fendeur a r�serv� un nom de domaine reproduisant quasiment � l’identique, la marque LAGARDERE, laquelle conna�t une grande notori�t�.
D�s lors, le D�fendeur ne pouvait ignorer que la d�nomination Lagard�re �tait enregistr�e en tant que marque ou qu’au moins cette d�nomination ne pouvait �tre librement utilis�e.
En outre, il ressort des correspondances effectu�es entre les parties que le D�fendeur avait m�me connaissance de l’activit� de la soci�t� Lagard�re�: “je n’avais pas l’intention de commercialiser ce site dans le domaine de vos activit� mais dans d’autre domaine commercial”.
Or, la r�servation d’un nom de domaine reprenant une marque dont le r�servataire ne pouvait ignorer qu’elle appartient � un tiers, constitue un enregistrement de mauvaise foi (Compagnie G�n�rale des Etablissements Michelin – Michelin et Cie c. Eurostatic Ltd., Litige OMPI N��DFR2005-0013) (ACCOR c. Eurolinked Sarl, Litige OMPI n��D2005-0861).�
Dans ces conditions, la Commission consid�re que le nom de domaine a �t� enregistr� de mauvaise foi.
La commission doit �galement examiner si le nom de domaine a �t� utilis� de mauvaise foi.
Il appara�t que le nom de domaine contest� pointe vers une page affichant les coordonn�es du D�fendeur.
Il est acquis que la marque LAGARDERE jouit d’une grande notori�t� sur le plan national et international. En se r�f�rant aux intentions du D�fendeur de commercialiser le site vers lequel pointe le nom de domaine litigieux, il r�sulte que le D�fendeur tentait de profiter de cette notori�t�. Il cr�ait en effet, une confusion dans l’esprit du public, qui pouvait penser que ce nom de domaine appartenait au Requ�rant�en les dirigeant vers la page contenant les coordonn�es du D�fendeur.
En outre, le fait de maintenir la r�servation du nom de domaine litigieux prive le titulaire de la marque LAGARDERE de son droit l�gitime d’enregistrer un nom de domaine correspondant � sa marque.
En cons�quence, au vu des �l�ments pr�cit�s, la Commission consid�re que le nom de domaine <lagardere-groupe.tv> a �t� enregistr� et utilis� de mauvaise foi au sens du paragraphe�4(a)(iii) des Principes directeurs.
7. D�cision
Conform�ment aux conditions pos�es par l’article�4(a) des Principes directeurs et 15�des R�gles d’application, la Commission Administrative d�cide en cons�quence le transfert du nom de domaine <lagardere-groupe.tv> au Requ�rant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 6�f�vrier�2006