Le Requérant est Boursorama S.A. de Boulogne Billancourt, France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Eurl Heranval du Havre, France.
Le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> est enregistré auprès de 1&1 Internet SE (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Boursorama S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 30 janvier 2017. En date du 30 janvier 2017, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 1er février 2017, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 6 février 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 26 février 2017. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 27 février 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 14 mars 2017, le Centre nommait Emmanuelle Ragot comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
La société Boursorama s’est développée en France et en Europe avec l’émergence de l’économie digitale dans le secteur des services financiers.
Pionnier et leader dans trois coeurs de métier: le courtage en ligne, l’information financière sur Internet et la banque en ligne, le Requérant a fondé sa croissance sur l’innovation, l’engagement et la transparence.
En France, Boursorama compte plus de 505 000 clients à la fin 2013.
Le portail “www.boursorama.com” est parmi les premiers sites français d’information financière et économique.
Le Requérant possède plusieurs marques françaises et de l’Union européenne antérieures sur le terme BOURSORAMA, la plus ancienne de ces marques datant de 1998:
Marque BOURSORAMA 98723359, enregistrée en France le 13 mars 1998 ;
Marque BOURSORAMA 3676765, enregistrée en France le 16 septembre 2009 ; et
Marque BOURSORAMA 001758614, enregistrée dans l’Union Européenne le 19 octobre 2001.
Le Requérant est également titulaire de nombreux noms de domaine comprenant sa marque BOURSORAMA, comme par exemple:
<boursorama.com> enregistré le 1er mars 1998;
<boursorama.fr> enregistré le 3 juin 2005;
<boursorama.eu> enregistré le 24 juillet 2006;
<boursorama-banque.com> enregistré le 26 mai 2005;
<boursorama-banque.fr> enregistré le 27 mai 2005;
<banqueboursorama.com> enregistré le 26 mai 2005; et
<banque-boursorama.com> enregistré le 26 mai 2005.
Le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> a été enregistré le 28 janvier 2017 par Eurl Heranval. Il n’y a aucun site actif au nom de domaine litigieux, sauf une page parking de l’Unité d’enregistrement.
Le Requérant indique que le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> est semblable au point de prêter à confusion avec les marques BOURSORAMA et noms de domaine associés du Requérant.
Le Requérant utilise par ailleurs, à destination de ses clients souhaitant se connecter à leur compte bancaire en ligne, le sous domaine <clients.boursorama.com> (annexe 3).
Ce sous domaine est particulièrement similaire au nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com>.
Le Requérant fait valoir que l’addition des mots “clients” et “id” séparés de tirets avant la marque BOURSORAMA dans le nom de domaine litigieux, ainsi que l’utilisation de l’extension générique de premier niveau (“gTLD”) “.com” ne sont pas des éléments suffisants pour échapper à la conclusion que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion avec les marques du Requérant.
Le nom de domaine litigieux ne permet pas de modifier l’impression d’ensemble selon laquelle le nom de domaine litigieux est lié à la marque du Requérant.
En effet, les termes “clients” et “id” (en référence à identifiant), réfèrent directement à l’espace de connexion à la banque en ligne proposée par le Requérant à ses clients.
De nombreuses décisions UDRP ont reconnu que l’addition de termes génériques associés à une marque ne créent pas un droit nouveau ou différent sur la marque, ni ne diminuent la confusion avec la marque:
- LEGO Juris A/S c. Viktor Tkachev, Lego Town, Litige OMPI No. D2016-0239 (<lego-town.com>)
En outre, l’expression “boursorama” est fantaisiste et connue seulement en rapport avec le Requérant. Elle n’a pas de traduction, ni en anglais, ni en français, ni dans aucune autre langue.
Une recherche sur Google de la dénomination “boursorama” affiche plusieurs résultats, tous étant en rapport avec le Requérant.
Enfin, de nombreuses décisions UDRP ont confirmé les droits du Requérant, tels que:
- Boursorama S.A. c. Pharpentier Gildas, Litige OMPI No. D2016-2248 (<bousorama.info>);
- Boursorama S.A. c. Name Redacted, Litige OMPI No. D2016-2224 (<idboursoramatrack. com>);
- Boursorama S.A. c. Françoise Munter, Litige OMPI No. D2016-2469 (<clients-boursorama.com>);
- Boursorama S.A. c. Iannis Bokias, Litige OMPI No. D2015-2252 (<boursorama.name>); et
- Boursorama S.A. c. Osaki Kyle, Litige OMPI No. D2014-1522 (<serviceboursorama. com>, <boursorama-msg.com>).
Le Requérant avère que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, n’étant pas un affilié du Requérant, n’ayant pas de droits de marques sur le nom Boursorama.
Le Requérant constate que le nom de domaine litigieux <clients-idboursorama.com> a été enregistré et utilisé de mauvaise foi, notant qu’il n’y a aucun site actif au nom de domaine litigieux et qu’il est semblable aux marques du Requérant.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Son défaut de réponse lui a été notifié en date du 27 février 2017.
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principex directeurs aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.”
Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver cumulativement que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Aussi, il y a lieu de s’attacher à examiner chacune de ces trois conditions.
La Commission administrative constate que le Requérant justifie être titulaire de plusieurs marques BOURSORAMA verbales, semi-figuratives déposées en France, mais aussi au niveau de l’Union Européenne et à l’international.
Dans le cas d’espèce, le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> reproduit la marque BOURSORAMA à l’identique, accompagnée d’un ajout “clients” suivi d’un tiret “id”.
La Commission administrative considère que l’ajout de “clients” suivi d’un tiret “id” n’atténue pas la similitude entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques invoquées par le Requérant au point de prêter à confusion avec celles-ci.
Il est admis qu’il appartient au Défendeur de faire état dans sa réponse de droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, une fois que le Requérant a rétabli la preuve prima facie que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur celui-ci (voir Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Les éditions Neressis c. Corail Jeans David Bitton, Litige OMPI No. D2009-0423; Société Air France c. Constantinvest - Duarte Pierre, Litige OMPI No. D2008-0507).
En l’espèce, le Défendeur n’est lié d’aucune façon au Requérant et n’a pas été autorisé par celui-ci à utiliser la marque BOURSORAMA.
Surabondamment, le nom de domaine litigieux n’est pas un terme générique dont aurait pu s’inspirer le Défendeur pour enregistrer le nom de domaine litigieux et aucune information n’a été donnée de l’existence d’un droit ou d’un intérêt légitime, ces faits sont autant d’éléments qui démontrent l’absence de droits ou d’intérêts légitimes du Défendeur.
Le Défendeur est identifié comme étant Eurl Heranval, domicilié en France.
Le site Internet en relation avec le nom de domaine litigieux <clients-idboursorama.com> affiche la page parking de l’Unité d’enregistrement.
La Commission administrative estime que le Requérant a établi la preuve prima facie que le Défendeur ne détenait aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com>, ce qui n’a pas été contesté par le Défendeur.
Par conséquent, la Commission administrative estime que le second critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est satisfait.
Le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> reproduit quasi à l’identique les marques BOURSORAMA du Requérant; l’ajout des termes “clients” et “id” ne limitant pas le risque de confusion, mais se contentant d’insister sur un prétendu lien avec le Requérant.
Le Défendeur ne pouvait ignorer les produits et services de la marque BOURSORAMA et les activités du Requérant.
La marque BOURSORAMA dispose d’un caractère fortement distinctif et d’une présence dans le pays où réside le Défendeur (voir Boursorama S.A. v. Pharpentier Gildas, supra: la marque BOURSORAMA est exploitée “de manière notoire en France et à l’étranger en relation avec des services financiers en ligne” et est à ce titre “largement connue”).
De plus le mot “boursorama” n’étant pas un mot du dictionnaire, le nom de domaine litigieux se réfère uniquement aux marques du Requérant.
La Commission administrative considère que le Défendeur avait connaissance de la marque du Requérant au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux, et que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux pour sa valeur à titre de marque enregistrée.
De plus, le site Internet lié au nom de domaine est en page parking depuis sa date d’enregistrement ce qui présume une absence d’utilisation de bonne foi en lien au nom de domaine litigieux. En effet, le site n’affiche aucune information concernant une utilisation future du nom de domaine litigieux.
De précédents Litiges UDRP de l’OMPI ont conclu que l’incorporation d’une marque célèbre dans un nom de domaine, couplé avec un site inactif, peut être considéré comme la preuve d’un enregistrement et d’une utilisation de mauvaise foi (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003 et CBS Broadcasting, Inc. c. Dennis Toeppen, Litige OMPI No. D2000-0400).
En application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant doit non seulement démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré, mais aussi utilisé de mauvaise foi.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs fournit une liste non-exhaustive de circonstances constituant un enregistrement et un usage de mauvaise foi d’un nom de domaine.
Le site au nom de domaine litigieux étant essentiellement inactif, la Commission administrative ne peut envisager aucune utilisation future du nom de domaine litigieux qui n’empièterait pas sur les droits du Requérant dans la marque BOURSORAMA. En l’espèce, la Commission administrative note que le nom de domaine litigieux risque d’être utilisé de manière frauduleuse pour attirer ou tenter d’attirer les internautes en créant une probabilité de confusion avec une adresse email liée au nom de domaine litigieux et la marque, le nom de domaine, et la dénomination sociale du Requérant.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> a été enregistré et utilisé de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <clients-id-boursorama.com> soit transféré au Requérant.
Emmanuelle Ragot
Expert Unique
Le 26 mars 2017