Les Requérants sont VENTE-PRIVÉE.COM de La Plaine Saint Denis, France et VENTE-PRIVÉE.COM IP S.à.r.l. de Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg, représentés par le Cabinet Degret, France.
Le Défendeur est Privacy Inc. Customer 0150839799 de Toronto, Canada / Milen Radumilo de Bucarest, Roumanie.
Le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> est enregistré auprès de Tucows Inc. (ci-après désigné « l’Unité d’enregistrement »).
Une plainte a été déposée par VENTE-PRIVÉE.COM et VENTE-PRIVÉE.COM IP S.à.r.l. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 1er août 2018. En date du 2 août 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 2 août 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. L’Unité d’enregistrement a également divulgué la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux, qui est l’anglais. Le 7 août 2018, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte/une plainte amendée. La plainte ayant été déposée en français, le Centre a invité le Requérant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les parties pour que la procédure se déroule en français, ou une plainte traduite en anglais ou encore une demande motivée pour que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 8 août 2018, modifiant les données relatives au titulaire du nom de domaine et comprenant une requête motivée pour que le français soit la langue de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d’application »), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 13 août 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 2 septembre 2018. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 3 septembre 2018, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 11 septembre 2018, le Centre nommait Christian Pirker comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Les Requérants, VENTE-PRIVÉE.COM et VENTE-PRIVÉE.COM IP S.à.r.l. appartiennent au même groupe de société qui se spécialise dans le commerce en ligne. Depuis plus d’une dizaine d’année, les Requérants déploient des activités dans l’achat et la vente de produits et services en ligne, en particulier sur le site Internet « www.vente-privee.com » sur lequel sont organisées des ventes évènementielles de produits et de services à prix réduits. La plateforme des Requérants figure parmi les sites de commerce en ligne les plus visités en France et connaît un succès important à l’international, en particulier en Europe. Son chiffre d’affaires annuel est estimé à plus de 3 milliard d’euros. La plateforme des Requérants est accessible via le nom de domaine <vente-privee.com> depuis 2001.
Les Requérants sont également titulaires de diverses marques reprenant les dénominations « vente-privee » et « vente-privee.com » en France, dans l’Union Européenne et au niveau international. Le premier enregistrement de la marque parmi les documents soumis à la Commission administrative remonte au 14 octobre 2004 (enregistrée en France sous le No. 3318310).
Le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> a été enregistré par le Défendeur le 28 février 2018. Le nom de domaine <fr-venteprivee.com> opère une redirection vers une page Internet comportant des liens publicitaires lesquels redirigent l’internaute vers des sites web français d’entreprises concurrentes des Requérants.
(1) Les Requérants font valoir en premier lieu que le nom de domaine litigieux est semblable, au point de prêter à confusion, avec les marques des Requérants, lesquelles par ailleurs sont notoires. Le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> reprend presque à l’identique l’élément verbal des marques des Requérants, reprenant en particulier la partie essentielle et dominante. En outre, l’adjonction de l’élément « .com » qui est l’extension gTLD, tout comme l’adjonction de l’élément « fr », lequel est l’abréviation usuelle de la France, pays d’un des Requérants, accentue ce risque de confusion. En outre, le nom de domaine litigieux s’apparente au nom de domaine <vente-privee.fr> des Requérants.
(2) Les Requérants allèguent que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache (paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs; paragraphe 3(b)(ix)(2) des Règles d’application).
(3) Pour conclure, les Requérants font grief au Défendeur que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi (paragraphes 4(a)(iii) et 4(b) des Principes directeurs; paragraphe 3(b)(ix)(3) des Règles d’application). Par ailleurs, les Requérants précisent que le Défendeur fait un usage commercial non légitime du nom de domaine litigieux d’une part en l’exploitant exclusivement à des fins publicitaires, en attrayant les internautes vers des sites de concurrents, tout en créant un risque de confusion avec les marques des Requérants et d’autre part en cherchant à le vendre au plus offrant. Le Défendeur dissimule de plus son identité derrière un service d’anonymisation lors de l’enregistrement, élément qui atteste de la mauvaise foi du Défendeur.
En conclusion, les Requérants requiert que le nom de domaine litigieux soit transféré à l’un des Requérants, à savoir VENTE-PRIVÉE.COM de France.
Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.
Selon le paragraphe 11(a) des Règles d’application, « sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative. »
S’agissant de la langue de la procédure, la Commission administrative est saisie d’une requête pour que la langue de la présente procédure soit le français plutôt que l’anglais, langue du contrat d’enregistrement des noms de domaine litigieux.
A l’appui de leur requête, les Requérants allèguent être établis dans des pays francophones, que le nom de domaine litigieux est constitué de l’association des termes français « vente » et « privée », que l’adjonction du suffixe « fr » dans le nom de domaine litigieux sous-entend la langue française, que le nom de domaine litigieux redirige vers une page comportant des liens publicitaires promouvant des sites web français d’entreprises concurrentes des Requérants, lesquels sont pour la plupart des sociétés françaises. L’ensemble de ces éléments permettent de constater que la langue française est familière tant au Requérant qu’au Défendeur. En outre, le Défendeur ne s’est pas opposé à ce que la procédure se déroule en français et n’a pas déposé de réponse.
D’autres commissions administratives ont par ailleurs admis le français comme langue de la procédure dans des circonstances similaires de celles du cas d’espèce (voir Vente-Privee.Com et Vente-Privee.Com IP S.à.r.l. c. Above.com Domain Privacy / Transure Enterprise Ltd, Host Master, Litige OMPI No. D2012-2328; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c. Contact Privacy Inc. Customer 0145729438 / Milen Radumilo, Litige OMPI No. D2017-1918; Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP Sàrl c. Lin Yanxiao, Litige OMPI No. D2015-0104; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP Sàrl c. Whois Privacy Services Pty Ltd/Dzone Inc., Yeonju Hong, Litige OMPI No. D2013-0691).
Compte tenu des développements ci-dessus, la Commission administrative admet dès lors la requête des Requérants et déclare la langue française comme celle régissant la présente procédure.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :
(i) le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits; et
(ii) le défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.
Le nom de domaine litigieux est composé de trois éléments : a) l’élément verbal des marques des Requérants b) le suffixe « fr » et c) le gTLD « .com. »
Comme indiqué de nombreuses décisions UDRP préalables, il a déjà été admis que les marques des Requérants sont de deux sortes : combinées et verbales (voir Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c Contact Privacy Inc. Customer 0145729438 / Milen Radumilo, Litige OMPI No. D2017-1918; Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP Sàrl c. Lin Yanxiao, Litige OMPI No. D2015-0104; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP Sàrl c. Whois Privacy Services Pty Ltd/Dzone Inc., Yeonju Hong, Litige OMPI No. D2013-0691). Comme détaillé dans la décision Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c. XL Liu, Litige OMPI No. D2015-2166, la marque verbale est VENTE-PRIVEE, dont l’élément distinctif est repris dans le nom de domaine litigieux. Cet élément est ce qui fait l’originalité de la marque, et c’est à cet élément que s’attache la notoriété provenant de l’usage très intensif de ces marques dans les affaires. L’élément figuratif est ici indifférent, car sans pertinence dans le cas d’espèce. Nonobstant l’éventuel caractère descriptif de l’élément verbal à l’origine, l’important succès rencontré par les Requérants en l’espace d’une quinzaine d’années sur des marchés internationaux avec un chiffre d’affaires dépassant les 3 milliards d’euros en font aujourd’hui, comme cela a été relevé dans d’autres décisions UDRP, une marque notoirement connue au sens de l’article 6bis de la Convention de l’Union de Paris (voir Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP Sàrl c. Lin Yanxiao, Litige OMPI No. D2015-0104; Vente-Privee.Com et Vente-Privee.Com IP Sàrl c. Above.com Domain Privacy et Transure Entreprise Ltd, Host Master, Litige OMPI No. D2012-2328; Vente-Privee.Com et Vente-Privee.Com IP Sàrl c. WHOIS Privacy Services Ltd, DZone, Inc., Yeonju Hong, Litige OMPI No. D2013-0691).
L’adjonction du gTLD est dépourvu d’importance en ce sens qu’il est insuffisant pour apporter une distinction suffisante (voir, par exemple PepsiCo, Inc. v. PEPSI, SRL (a/k/a P.E.P.S.I.) and EMS Computer Industry (a/k/a EMS), Litige OMPI No. D2003-0696).
Par ailleurs, l’adjonction d’un suffixe générique et non-distinctif (tel que « fr ») à un nom de domaine incluant une marque dans son intégralité ne permet pas d’éviter la qualification de similarité (voir Birkenstock Orthopädie GmbH & Co. KG c. Chen Yanbing, Litige OMPI No. D2010-0746; Chanel Inc. c. Dong Jiancai, Litige OMPI No. D2010-0144; Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, section 1.7). Il en va de même de la suppression d’un espace ou d’un tiret (voir Red Bull GmbH v. Emory Virgil, Litige OMPI No. D2005-0381).
En l’espèce, le suffixe « fr- » dans le nom de domaine litigieux laisse entendre qu’il s’agit de la version française du site. La présence ou l’absence du trait d’union n’altère en rien la lisibilité du nom de domaine et sa similarité avec les marques des Requérants.
En tout état, comme la marque VENTE-PRIVEE est incluse en totalité dans le nom de domaine litigieux d’une part et que les suffixes et gTLDs n’ont peu voire pas de caractère distinctif, il faudra constater que les similarités sont largement plus importantes que les différences (voir Nintendo of America, Inc. c. Gray West International, Litige OMPI No. D2000-1219).
La Commission administrative estime donc que le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion aux marques des Requérants.
La condition prévue par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est donc remplie.
Les Requérants allèguent que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache (paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs; paragraphe 3(b)(ix)(2) des Règles d’application).
Aucun élément du dossier ne permet d’indiquer que le Défendeur disposerait des droits l’autorisant à utiliser le nom de domaine litigieux. En tout état, et comme mentionné dans le Litige OMPI No. D2015-2166, supra, l’exploitation réalisée par le Défendeur du nom de domaine litigieux, soit un site renvoyant à des sites de compétiteurs des Requérants, ne peut pas être considéré comme une offre de bonne foi de produits et services (voir MasterCard International Incorporated c. Eric Hochberger, Litige OMPI No. D2006-1050; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c. XL Liu, Litige OMPI No. D2015-2166).
Il est ensuite constaté que le Défendeur a fait défaut dans la présente procédure.
Aux termes du paragraphe 14(b) des Règles d’application, la Commission administrative peut tirer les conséquences qu’elle juge appropriées du défaut du Défendeur. La Commission administrative considère que les Requérants ont démontré prima facie que le Défendeur n’avait aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux et le Défendeur, défaillant, ayant renoncé à faire la preuve de son droit ou de son intérêt légitime ne bénéficie pas de la présomption d’un droit ou d’un intérêt légitime.
Par conséquent, la Commission administrative retient que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
La condition prévue par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc réalisée.
La dernière condition à devoir être remplie pour faire droit aux conclusions des Requérants est que le nom de domaine soit enregistré et utilisé de mauvaise foi.
De nombreux éléments accréditent l’idée que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi le nom de domaine litigieux.
Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> en 2018 alors que les marques des Requérants étaient déjà notoirement connues en France et à l’international comme rappelé ci-dessus. L’adjonction de l’élément « fr » devant « venteprivee.com » et l’absence de trait d’union entre les termes « vente » et « privee » ne sauraient être le fruit du hasard, bien au contraire comme l’indique les sites concurrents auxquels renvoie le site litigieux. Par ailleurs, l’usage de l’anonymat pour enregistrer le nom de domaine allié au nombre considérable de noms de domaine du Défendeur, tout comme le nombre de décision de précédentes Commissions dans lesquelles il est impliqué, démontre au-delà du doute que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Par ailleurs, comme indiqué dans plusieurs décisions préalables similaires, le nom de domaine litigieux vise à détourner les internautes vers le site du Défendeur qui lui-même renvoie à des sociétés concurrentes des Requérants. Une telle attitude tendant à tirer profit de la notoriété des marques des Requérants, en détournant le trafic Internet généré par ces dernières par le biais d’annonces et de liens renvoyant à des sites de sociétés concurrentes des Requérants constitue un usage de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs (voir Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP Sàrl c. Lin Yanxiao, Litige OMPI No. D2015-0104; MasterCard International Incorporated c. Keyword Marketing Inc., Litige OMPI No. D2007-1138, Nintendo of America, Inc. v. Gray West International, WIPO Case No. D2000-1219; Birkenstock Orthopädie GmbH & Co. KG v. Chen Yanbing, WIPO Case No. D2010-0746; Conair Corp. c. Pan Pin, Hong Kong Shunda International Co. Limited, Litige OMPI No. D2014-1564). Par ailleurs, le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> a été mis en vente sur le site « www.sedo.com. »
Par conséquent, la Commission administrative considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <fr-venteprivee.com> soit transféré à VENTE-PRIVÉE.COM de France.
Christian Pirker
Expert Unique
Le 25 septembre 2018