Le Requérant est Boursorama S.A., France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Contact Privacy Inc. Customer 1248805588, Canada / Saval, France.
Le nom de domaine litigieux <boursoramaclient.com> est enregistré auprès de Google LLC (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée en anglais par Boursorama S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 4 décembre 2020. En date du 4 décembre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 4 décembre 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, ainsi que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux, différentes du nom du Défendeur, des coordonnées, et de la langue désignés et utilisés dans la plainte. Le 8 décembre 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux et la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une plainte amendée. Le Requérant a déposé une plainte amendée rédigée en français le 9 décembre 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée rédigée en français soient conformes aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 17 décembre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 janvier 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 8 janvier 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 26 janvier 2021, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques européennes et françaises antérieures pour le signe BOURSORAMA:
-La marque française BOURSORAMA No. 98723359 datée du 13 mars 1998, enregistrée en classe 9, 16, 35, 36, 38 et 42, et dûment renouvelée;
-La marque de l’Union Européenne BOURSORAMA No. 1758614, datée du 19 octobre 2001, enregistrée en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42 et dûment renouvelée;
-La marque française semi-figurative BOURSORAMA No. 3676765, datée du 16 septembre 2009, enregistrée en classes 35, 36 et 38, et dûment renouvelée.
Le Requérant est également titulaire de nombreux noms de domaine reprenant cette marque :
-<boursorama.com> enregistré le 01/03/1998;
-<boursorama.fr> enregistré le 03/06/2005.
Le nom de domaine litigieux <boursoramaclient.com> a été enregistré le 2 décembre 2020 auprès de l’unité d’enregistrement Google LLC.
Le nom de domaine litigieux pointe vers un site inactif.
Le Requérant est Boursorama S.A., France, société fournissant des services de courtage en ligne, d’information financière sur Internet et de banque en ligne, sous la marque BOURSORAMA.
Tout d’abord, le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux est similaire à ses marques BOURSORAMA et est donc de nature à entraîner un risque de confusion avec ces dernières. L’ajout du terme “client” ne suffit pas à écarter cette similarité et le risque de confusion. Au contraire, l’utilisation de ce terme évoque l’accès client officiel du Requérant. Il est par ailleurs établi que les extensions génériques de premier de niveau (“gTLDs”) sont généralement ignorés lors de l’analyse d’identité ou de similitude entre la marque antérieure et le nom de domaine litigieux.
Le Requérant avance ensuite que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux, il n’est pas non plus affilié à la société du Requérant, ni autorisé par ce dernier à utiliser les marques BOURSORAMA. En outre, le nom de domaine litigieux est inactif. Or, il est par principe considéré que le défendeur n’a pas d’intérêt légitime à enregistrer et à utiliser le nom de domaine en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine en lien avec une offre de produits ou de services de bonne foi.
Enfin, le Requérant considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi. Le Requérant met en avant la notoriété de sa marque en France et à l’étranger, en lien avec des services financiers en ligne. De plus, le terme “boursorama” est connu uniquement en lien avec la société Requérante et est donc fortement distinctif au regard des produits et services visés. Par ailleurs, une simple recherche Google sur le terme “boursorama” fait directement référence au Requérant. Enfin, le Défendeur était également titulaire d’un nom de domaine <boursorama-clients.net>, utilisé pour tromper le public pertinent en faisant référence à l’espace client officiel. Il est donc démontré que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de la marque du Requérant au moment d’enregistrer le nom de domaine litigieux de sorte que la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement est caractérisée.
Le Requérant ajoute finalement que le nom de domaine litigieux est inactif et que le Défendeur ne démontre donc aucune activité relative au nom de domaine litigieux, et qu’il est impossible de concevoir un usage du nom de domaine litigieux qui ne serait pas illégal. La mauvaise foi est donc également caractérisée s’agissant de l’usage du nom de domaine litigieux.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs énumère trois conditions, que le Requérant doit justifier pour obtenir une décision établissant que le nom de domaine litigieux enregistré par le Défendeur soit supprimé ou transféré au Requérant:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le requérant a des droits; et
(ii) le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le nom de domaine litigieux soit identique ou semblable au point de prêter confusion avec une marque sur laquelle le Requérant détient des droits.
Les droits de la société Requérante sur le signe BOURSORAMA sont établis. Le Requérant est titulaire de plusieurs marques européennes et françaises antérieures pour le signe BOURSORAMA. La société détient par ailleurs des noms de domaine reproduisant ces marques.
Le Requérant affirme tout d’abord que le nom de domaine litigieux est similaire à ses marques BOURSORAMA au point de prêter à confusion avec ces dernières. Le nom de domaine litigieux reproduit la marque du Requérant dans son intégralité. L’ajout du terme “client” fait référence à l’espace client officiel du Requérant et ne suffit pas à écarter le risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.
En effet, la jurisprudence UDRP constante considère que “le fait de reprendre à l’identique une marque dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce dernier nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la Requérante a des droits” (voir Etablissements Darty et Fils contre Eric Château, NEXTCENTER, Litige OMPI No. D2020-0037).
De la même façon l’ajout d’un terme descriptif n’est pas considéré par la jurisprudence UDRP comme étant de nature à neutraliser le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque antérieure (voir Boursorama S.A. contre Malotru Discount,
Litige OMPI No. D2017-1658 (“La Commission administrative considère que les noms de domaine litigieux qui incluent la marque BOURSORAMA, reprise à l’identique en association avec des termes génériques tels que “client”, “espace client”, “particulier”, ne peuvent qu’être sources de confusion. En effet, ces termes, outre leur caractère générique, sont utilisés de manière usuelle sur les sites de banques en ligne pour faciliter la navigation de leurs clients.”)). Bien au contraire, comme le soutient le Requérant, l’utilisation de ce terme fait référence à l’espace client officiel fourni par le Requérant et est donc de nature à tromper le public pertinent. Cela a été admis dans des décisions antérieures des commissions (voir Boursorama S.A. contre Contact Privacy Inc. Customer 1248801814 / Saval,
Litige OMPI No. D2020-3259 (“L’adjonction du mot “clients”, suggère l’offre d’un service spécial à destination des clients. L’observation est d’autant plus justifiée que le Requérant propose à ses clients un espace client à l’adresse
[<]www.clients.boursorama.com[>].”)).
Enfin, la jurisprudence UDRP considère de façon constante que les gTLDs ne sont pas pris en compte dans l’analyse de l’identité ou de la similarité (voir Boursorama S.A. contre Plumier Alain, Litige OMPI No. D2020-1265 (“il est constant que la présence de l’extension de premier niveau “.com” constitue un élément technique nécessaire à l’enregistrement d’un nom de domaine, de sorte qu’elle est normalement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, et qu’elle peut donc être ignorée pour examiner la similarité entre la marque du Requérant et les noms de domaine litigieux (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003 ou Synthèse de l’OMPI des avis des Commissions administratives sur certaines questions UDRP, version 3.0, (« Synthèse de l’OMPI, version 3.0 », section 1.11)).”)).
La Commission administrative considère donc que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques BOURSORAMA. Le nom de domaine litigieux est de nature à entraîner un risque de confusion avec les marques antérieures du Requérant dans l’esprit du public pertinent.
Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
La jurisprudence UDRP constante établit qu’“il suffit pour le Requérant de démontrer qu’à première vue (“prima facie”) le Défendeur n’a ni de droits ni d’intérêts légitimes dans le nom de domaine pour mettre la charge de la preuve chez le Défendeur (voir Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; et Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. D2004-0110)” (voir La Société nationale des télécommunications: Tunisie Telecom contre Skander Smaoui, Litige OMPI No. D2010-1613).
Le Requérant soutient à cet égard que le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux, qu’il n’est pas non plus affilié à la société Requérante, ni autorisé par cette dernière à utiliser les marques BOURSORAMA ou à enregistrer le nom de domaine litigieux. Ces éléments peuvent suffire à démontrer à première vue l’absence de droits ou d’intérêts légitimes du Défendeur sur le nom de domaine litigieux, comme l’a établi la jurisprudence antérieure (voir Bouygues contre Kaka Fresh, Litige OMPI No. D2020-0484 (“Il n’existe aucune indication au dossier suggérant que le Défendeur aurait des droits ou des intérêts légitimes l’autorisant à utiliser le nom de domaine litigieux, ou qu’il serait connu sous le nom de domaine litigieux.”)).
Le Requérant ajoute également que le nom de domaine litigieux est inactif. Or, il est généralement établi que le Défendeur n’a pas d’intérêt légitime à utiliser le nom de domaine en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine en lien avec une offre de produits ou de services de bonne foi (voir Spie Batignolles contre Contact Privacy Inc. Customer 1247608742 / Patrick Zulan, Contact Privacy Inc. Customer 1247608605 / Patrick Zulan, Contact Privacy Inc. Customer 1247610341 / Patrick Zulian, Litige OMPI No. D2020-2044 (“Le Défendeur n’a donc pas d’intérêt légitime en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine litigieux en lien avec une offre de bonne foi de produits ou de services. Bolloré contre Assiom SITTI – NEWTEK, Litige OMPI No. D2016-2489, (“il est acquis qu’un titulaire de noms de domaine n’a pas d’intérêt légitime en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine en lien avec une offre de bonne foi de produits ou services”)”)).
Le Défendeur n’ayant donné aucune réponse à la Plainte déposée par le Requérant, il apparaît que celui-ci n’a pas tenté de faire valoir de potentiels droits ou intérêts légitimes.
Pour les raisons précédemment citées, la Commission administrative conclut que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs exige que le Requérant démontre que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant met en avant la notoriété de sa marque en France et à l’étranger pour établir que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de celle-ci au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux. La démonstration de la notoriété de la marque permet en effet, selon la jurisprudence UDRP établie, d’établir la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement (voir Boursorama S.A. contre Roci Stephane, Litige OMPI No. D2020-3414 (“les marques BOURSORAMA sont des marques bien connues, comme cela a d’ailleurs été jugé ainsi que le relève le Requérant, Boursorama S.A. contre Pharpentier Gildas, supra. Ainsi est-il hors de doute que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en toute connaissance de cause et en méconnaissance des droits du Requérant. L’observation vaut d’autant plus que le terme BOURSORAMA est un terme “de fantaisie” créé de toutes pièces par le Requérant, qui n’a pas de sens en lui-même.”)).
En outre, une simple recherche sur le terme “boursorama” sur Google fait directement référence au Requérant. La Commission administrative considère alors que le Défendeur ne saurait avoir ignoré l’existence des marques du Requérant au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
La Commission considère donc la mauvaise foi du Défendeur au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux est caractérisée.
Le Requérant ajoute par ailleurs que le Défendeur ne démontre aucune activité relative au nom de domaine litigieux, et qu’il est impossible de concevoir un usage du nom de domaine litigieux qui ne serait pas illégal.
Cet argument est corroboré par la jurisprudence UDRP constante permettant d’établir l’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux (voir Bouygues contre Rohr Jeanne, Litige OMPI No. D2019-2105 (“La Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux est inactif. L’utilisation passive d’un nom de domaine n’empêche pas de conclure à une utilisation de mauvaise foi, notamment lorsque la marque du Requérant est notoire, que le Défendeur n’a pas soumis de réponse et qu’il a dissimulé son identité via un service de privacy (voir Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).”)).
La Commission considère donc également que la mauvaise foi du Défendeur dans l’usage du nom de domaine litigieux est caractérisée.
Pour l’ensemble des raisons ci-avant exposées, la Commission administrative considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi et donc que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, telle qu’éclairée par le paragraphe 4(b), est remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <boursoramaclient.com> soit transféré au Requérant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 9 février 2021