Les Requérants sont Vente-Privee.com de La Plaine Saint Denis, France et Vente-Privee.com IP S.à.r.l. de Luxembourg, Luxembourg, représentées par le Cabinet Degret, France.
Le Défendeur est Soldes Privees de Casablanca, Maroc.
Le litige concerne le nom de domaine <vente-privee.ma> enregistré le 14 juin 2013.
Le prestataire Internet est IAM et l’ANRT est l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ci-après “ANRT”)
Une demande a été déposée par Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP S.à.r.l. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 25 octobre 2013, par courrier électronique et le 29 octobre 2013 par courrier postal.
En date du 25 octobre 2013, le Centre a adressé une requête à l’ANRT aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations. Le 25 octobre 2013, l’ANRT a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du .ma (ci-après le “Règlement”) adopté le 1er août 2007 en conformité avec à la Charte de nommage du .ma adoptée par l’ANRT.
Conformément à l’article 15(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 18 novembre 2013. Conformément à l’article 16(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 décembre 2013. Le Défendeur n’a pas fait parvenir de réponse. Le Centre a donc transmis au Défendeur une Notification d’un défaut du Défendeur le 9 décembre 2013.
En date du 7 janvier 2014, le Centre nommait Brahim Chentouf comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 5 du Règlement.
Les Requérants sont la société Vente-Privee.com, à conseil d’administration, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny, France, sous le No. 434 317 293, depuis le 30 janvier 2001, et ayant son siège social à La Plaine Saint Denis, France, et la société Vente-privee.com IP Sarl, société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, Luxembourg, sous le No. B 159 292, depuis le 8 mars 2011, et ayant son siège social au Luxembourg. Les Requérants, qui appartiennent au même groupe de sociétés, exploitent les marques du groupe ainsi qu’un site très connu de ventes en ligne sur Internet. Les Requérants exercent une activité de vente en ligne dont l’objet consiste à vendre, de façon évènementielle et à ses seuls membres, des produits de grandes marques à des prix nettement inférieurs à ceux pratiqués en boutique.
A ce titre, ils sont titulaires de plusieurs marques constituées de dénomination “vente-privee” et “vente-privee.com”, notamment:
- la marque mixte française VENTE PRIVEE.COM No. 3.318.310 du 14 octobre 2004;
- la marque mixte communautaire VENTE-PRIVEE.COM, déposée le 24 octobre 2006 et enregistrée sous le No. 5.413.018;
- la marque française VENTE-PRIVEE.COM déposée le 16 janvier 2009 et enregistrée sous le No. 3.623.085;
- la marque américaine mixte VENTE-PRIVEE déposée le 2 septembre 2011 et enregistrée sous le No. 4.263.242;
- la marque internationale mixte VENTE-PRIVEE enregistrée le 23 février 2012 sous le No. 1.116.436 et couvrant notamment l’Australie, la Suisse, la Chine, l’Algérie, l’Egypte, le Maroc, le Japon, la République de Corée et la Turquie.
Le site Internet des Requérants “www.vente-privee.com” est également accessible via les noms de domaine suivants: <vente-privee.fr>, <venteprivee.com>, <venteprivee.fr> ou encore <ventesprivees.fr>.
Les Requérants ont découvert que le nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> dirige vers un site dénommé “vente-privee.ma”, édité par la société “Vente privée Maroc”, et exploité en relation avec une activité de “vente événementielle sur Internet d’offres promotionnelles à tarifs préférentiels”. Pour tenter de régler cette affaire amiablement, les Requérants ont adressé des emails et des lettres de réclamation au titulaire du nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> et à l’éditeur du site, mais ces démarches n’ont eu d’autre réponse que le silence.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur le 14 juin 2013.
Dans ces conditions, les Requérants ont introduit la présente procédure, afin de solliciter le transfert du nom de domaine litigieux.
Les Requérants soutiennent que le nom de domaine litigieux reproduit pour l’essentiel leur marque prise dans son élément verbal, et que la substitution de l’extention “.com” avec le code de pays (“ccTLD”) “.ma” ne suffit pas à distinguer le nom de domaine litigieux de la marque des Requérants, et d’écarter tout risque de confusion.
Les Requérants indiquent que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime s’y rapportant, en précisant que le Défendeur n’est ni affilié aux Requérants ni autorisé par les Requérants à enregistrer ou à utiliser la marque VENTE-PRIVEE.COM ou encore à demander l’enregistrement de tout nom de domaine incorporant cette marque.
Les Requérants soutiennent enfin que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur. En effet, les Requérants considèrent que la marque VENTE-PRIVEE.COM est une marque notoire, et la connaissance de cette marque, au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, est considérée comme un indice de mauvaise foi, et affirment que plusieurs instances ont déjà reconnu officiellement la notoriété de la marque VENTE-PRIVEE.COM, parmi eux des experts selon le Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique et les Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, qui ont décidé que les droits de la société Vente-privee.com sont notoirement connus (VENTE-PRIVEE.COM c. SWITCH, Litige OMPI No. DFR2007-0029; VENTE-PRIVEE.COM c. F.M., Litige OMPI No. DFR2010-0006; Vente-privée.com c. F.M., Litige OMPI No. DFR2010-0009; Vente-Privee.com c. Daniel Fuehrer, Litige OMPI No. DFR2010-0038; ou encore Vente-Privee.Com et Vente-Privee.Com IP S.à.r.l. c. Above.com Domain Privacy / Transure Enterprise Ltd, Host Master, Litige OMPI No. D2012-2328).
Les Requérants sollicitent, par conséquent, le transfert du nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> à leur profit.
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.
En vertu de l’article 21(c) du Règlement, il appartient à l’Expert d’examiner la réunion et la pertinence des critères cumulatifs visés à l’article 2(a), (b) et (c) du même Règlement en vue de juger la recevabilité de la demande de transfert du nom de domaine litigieux formulée par les Requérants.
(i) Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de fabrique, de commerce ou de service sur laquelle le requérant a des droits protégés au Maroc
L’Expert constate que les Requérants ont démontrés être titulaire de la marque internationale VENTE-PRIVEE No. 1.116.436 déposée le 23 février 2012, revendiquant une date de priorité remontant au 25 août 2011, enregistrée en classe 35 et produisant effet au Maroc.
L’Expert constate aussi que les Requérants détiennent une marque notoire protégée par l’article 8 de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle (“CUP”), et que la jurisprudence marocaine admet que la protection d’une marque notoire n’est pas soumise au principe de la territorialité.
Par conséquent, l’Expert est satisfait que les Requérants ont une marque sur laquelle ils ont des droits protégés au Maroc.
Ces droits sont antérieurs au 14 juin 2013, date de réservation du nom de domaine litigieux.
L’Expert constate que le nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> reproduit à l’identique l’élément verbal des marques des Requérants, reproduit même le tiret séparant les termes “vente” et “privee”. L’Expert constate également que le nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> est composé des mêmes lettres, placées dans le même ordre que la marque VENTE-PRIVEE.COM, la seule différence consistant en la substitution de l’extension “.com” par “.ma” qui n’altère en rien le risque de confusion engendré à raison de l’imitation de la marque des Requérants.
L’Expert considère que la première condition de l’article 2(a) du Règlement est remplie.
(ii) Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache
L’Expert constate que le Défendeur n’a produit aucune licence d’exploitation ni autorisation délivrée par les Requérants qui disposent du droit exclusif sur la marque VENTE-PRIVEE.COM, que le Défendeur qui n’a pas déposé de réponse, n’a ni droits ni intérêts légitimes pour utiliser le nom de domaine litigieux pour une quelconque offre commerciale de bonne foi, et que le Défendeur ne fait pas un usage non-commercial légitime du nom de domaine litigieux.
L’Expert considère que la condition posée à l’article 2(a)(ii) du Règlement est remplie.
(iii) Le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi
L’Expert rappelle que selon l’article 2(b)(iv) du Règlement, la preuve de la mauvaise foi de la part du Défendeur est établie notamment lorsqu’il est prouvé que ce dernier a “sciemment tenté d’attirer à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation du site du défendeur ou espace web ou d’un produit ou d’un service qui y est proposé”.
En enregistrant le nom de domaine litigieux <vente-privee.ma> qui ressemble beaucoup à la marque VENTE-PRIVEE.COM, tant en ce qui concerne la typographie que la prononciation, l’Expert considère que le Défendeur comptait bien tromper les clients des Requérants en les redirigeant vers son site commercial.
L’Expert considère que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de la marque VENTE-PRIVEE.COM, au vu de la notoriété internationale de cette dernière.
De plus, le site Internet offre des services qui sont similaires er concurrents de ceux des Requérants. Cette offre de service s’apparente à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
L’Expert considère aussi que l’attitude du Défendeur, de ne pas rèspecter l’obligation pesant sur tout réservataire de nom de domaine de compléter correctement la base de données WhoIset de donner des informations inexactes et contradictoiresdans les documents officiels le concernantillustre également de sa mauvaise foi.
Enfin, l’Expert constate que le Défendeur n’a soumis aucune réponse pouvant expliquer pourquoi il avait enregistré le nom de domaine litigieux.
En conséquence de quoi, l’Expert estime que le critère posé à l’article 2(a)(iii) du Règlement est rempli.
Concernant, la communication de l’ANRT au Centre du 25 novembre 2013, indiquant que la marque VENTE-PRIVEE est enregistrée auprès de l’OMPIC au nom du titulaire “TNC-The Next Clic” qui ne correspond pas au nom des Requérants, et les observations supplémentaires que les Requérants ont, postérieurement à leur requête, adressées au Centre, l’Expert constate que le Défendeur titulaire du nom de domaine litigieux est “Soldes Privées”, et pas “TNC-The Next Clic” ou “vente-privee.com Maroc”, ces derniers sont par conséquent des tiers dans la présente procédure.
Concernant l’enregistrement de marques par ces tiers en fraude des droits des Requérants, l’Expert estime qu’il n’a aucune compétence pour décider de la validité de ces enregistrements auprès de l’OMPIC, ce type de différends entre dans la compétence des tribunaux marocaines conformément aux dispositions du code de la propriété industrielle marocain.
Vu les motifs ci-dessus exposés, l’Expert décide que le nom de domaine <vente-privee.ma> enregistré par le Défendeur le 14 juin 2013 est identique au point de prêter à confusion avec la marque VENTE-PRIVEE.COM des Requérants, que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime et aucun droit sur le nom de domaine litigieux et que le nom de domaine litigieux a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Conformément aux articles 21(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant Vente-Privee.com du nom de domaine litigieux <vente-privee.ma>.
Brahim Chentouf
Expert
Le 20 janvier 2014